Je retiens ma respiration. J'entends des bruits de pas, des chuchotements, des ricanements. Je m'ordonne de ne plus esquisser un geste. J'ai chaud, j'ai mal, j'ai peur. Lorsque le calme semble être revenu, je me redresse. J'attends. Plus rien. Ils sont partis. J'ouvre le plus délicatement du monde le placard à balais. J'en sors, regarde à ma gauche, à ma droite. Je suis seule dans le couloir. Je lisse d'un coup de main rapide mon uniforme froissé. J'essuie grâce à ma manche mon front humide, je passe une main dans mes cheveux en pagaille. Je respire enfin librement, même si je peux encore sentir mon coeur s'emballer dans ma poitrine. J'ai du mal à reprendre mes esprits, si bien que je reste planté au milieu du couloir, à observer le vide comme si il savait m'apporter le réconfort dont j'ai besoin. Lorsque mes jambes acceptent enfin de me porter n'importe où, mais ailleurs, je tente de réfléchir. Aujourd'hui encore, on m'a insulté car mon sang n'est pas pur. Aujourd'hui encore, je me suis senti suivi. Aujourd'hui encore, on m'a couru après pour me faire peur. Et depuis quelques temps, je ne me sens plus en sécurité entre les murs de Poudlard. A vrai dire, je ne me suis jamais senti vraiment à l'aise dans cette école. Je suis l'unique fautif. Je n'ai pas le sentiment d'y avoir ma place. Je suis issue d'une famille constituée exclusivement de moldus, je ne connais rien de ce monde qui tous les jours me semble un peu plus dangereux. Mes sortilèges ne réussissent que très rarement, je suis bien incapable de tenir sur un balais, mes potions n'ont jamais les mêmes couleurs que celles de mes camarades. Alors non, je ne me suis jamais senti dans mon élément. Continuer ma scolarité dans un établissement moldu malgré ma différence et malgré les risques que cela entraînerait ne m'aurait pas attristé le moins du monde. Je me sens comme un moldu égaré dans le monde des sorciers. Il m'en fallait peu, vraiment peu, pour que je finisse par croire que je suis inférieur à d'autres parce que mes parents ne sont pas sorciers. Et ce peu, certains élèves me l'ont bien vite donné. Je suis quelqu'un de faible, tout le monde le sait, et lorsqu'on me répète à longueur de journée que je ne mérite pas ma place ici, je finis par le croire. J'envie ces fortes têtes qui résistent et qui ne s'avouent pas vaincu, j'aimerais faire parti de ces gens là. On me rirait au nez si je me mettais à tenir tête à mes bourreaux. Mes parents ne sont pas au courant de ce que j'endure au quotidien. Ils sont moldus, ils pensent que nous apprenons des sorts toute la journée dans la joie et dans la bonne humeur, en buvant du jus de citrouille, et que nous chantons et que nous dansons sur les tables à l'heure du dîner. Je tente de ne rien laisser paraître, je ne veux pas qu'ils s'inquiètent. De plus, avec toute cette histoire, j'ai perdu un bon nombre de mes amis. J'ai toujours été très entouré lorsque tout allait bien, je suis quelqu'un d'amical, de sympathique, d'un peu timide, mais de drôle avec qui on ne s'ennuie jamais. J'avais ma petite notoriété. Mes amis au sang pur ont vite déchanté en voyant la tendance qui s'abattait sur Poudlard. Mon attitude a changé quelque peu contre mon gré lorsque le vent a tourné. J'ai voulu passer entre les mailles du filet, me faire le plus petit possible, et je me suis éloigné de mes amis nés moldus, dans le seul but de sauver ma peau. Aujourd'hui, je me sens bien seul face à tout ceci.
J'arrive comme par magie dans la salle commune des Serdaigles, où mes jambes m'ont instinctivement mené. Je me sens regardé. Je tourne la tête, découvre assise sur le canapé une de mes anciennes amies qui m'a bien lâchement tourné le dos à cause de mon sang. Je soupire et ne m'attarde pas, préférant monter directement dans mon dortoir vide. Arrivé en haut, j'envoie valser mes chaussures qui se retrouvent sous mon lit. J'attrape ma baguette magique posée sur ma table de chevet. Je la regarde, effleure les détails qu'on peut y trouver, je serre les dents. Je n'ai jamais souhaité être un sorcier. De toutes mes forces, je balance ma baguette à travers la pièce. Je ne la regarde plus, j'entends seulement un bruit sec alors qu'elle roule sur le sol. Elle aurait très bien pu être brisé en des milliards de morceaux, et c'est bien le cadet de mes soucis. Je me glisse dans mon lit défait, enfonce ma tête dans mon oreiller qui devient vite humide alors que mes larmes ne cessent de couler sur mes joues pour ensuite venir s'écraser sur le tissu blanc. Je décide d'attendre que le temps passe.

J'ignore comment tout ceci va évoluer, mais en attendant j'ai peur. J'ai peur des sangs purs, j'ai peur des Mangemorts, j'ai peur de celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, j'ai peur de l'avenir, de ce qu'il nous réserve, j'ai peur lorsque je me rends en cours chaque matin, j'ai peur de ce que je vais découvrir lorsque je tire les rideaux alors que le soleil se lève, j'ai peur de la solitude et de ce qu'elle peut me pousser à faire.