Des rires d'enfants résonnaient en cette magnifique journée d'Automne. Il y avait déjà bien plusieurs minutes que les jumelles Blackstone avaient faussé compagnie à leur précepteur pour se faufiler à travers la maison jusqu'à la porte arrière qui donnait sur la petite cour. Et derrière, le bois qui fascinait tant les deux fillettes. Violet aimait à imaginer les différentes créatures qui le peuplaient. Des féroces acromentules aux innocentes licornes, tout défilait dans l'imagination fertile de la brunette qui ne cessait de raconter des contes fabuleux à son aînée qui ne semblait pas partager son enthousiasme à l'idée de faire pareilles rencontres. Parfois leur cousine Lexie venait chez elles, et elle s'amusait à les effrayer toutes les deux avec ses histoires de monstres.

Lexie était une petite fille de leur âge, qu'elles aimaient beaucoup. Bien sûr, elles jouaient sans arrêt des tours à celle-ci, mais elle ne s'en offusquait pas. Elles étaient une famille et s'aimaient profondément. Leur éducation était la même, pourtant les cousines étaient très différentes. Lexie était différente. Elle n'aimait pas le bois, alors que les jumelles étaient toujours inlassablement et irrémédiablement attirées par cette forêt sombre où chaque murmure du vent devenait une incantation et où les ombres se mouvaient au gré des créatures merveilleuses qu'elles suivaient.

Dans la maison, on pouvait entendre les ronflements légers s'élever d'une fenêtre à l'étage et à ce seul son les voisins savaient qu'elles s'étaient encore soustraites à la surveillance de l'enseignant. Pas longtemps, juste le temps de fouiller l'armoire à potion de leur père afin de trouver de quoi l'endormir avant d'en verser quelques gouttes dans un chocolat chaud qu'elles avaient ensuite innocemment proposé à l'adulte. Il ne s'était pas méfié, ils ne le faisaient jamais, pourtant les grands devraient savoir depuis le temps... L'avantage avec ce petit tour, c'est qu'il ne perdrait pas son temps à les chercher dans la maison comme il le faisait habituellement. En aucun cas les fillettes ne s'éclipseraient de leurs leçons pour vagabonder à l'intérieur, pas avec les derniers jours de beau temps qui se faisaient si rares. Pas avec le bois qui les appelait toujours. Violet se tourna vers sa sœur et, tout en lui tapotant légèrement l'épaule s'exclama:

''C'est toi l'attrapeuse!''

Les deux sorcières se mirent alors à courir entre les arbres avec l'agilité que seuls les enfants possèdent et cette insouciance qui leur était propre. La famille Blackstone vivait en campagne, dans un comté uniquement sorcier. Bien sûr ils ne sortaient pas en balai volant ni ne promenaient avec leurs elfes de maison par pure obligation légale, mais l'on avait toujours enseigné aux jumelles de ne se soucier de rien. On avait leur avait enseigné bien des choses en vérité, toutes dans la même ligne de conduite que Salazar Serpentard lui-même. Tant qu'elles étaient chez elles, elles étaient en sécurité. Cette région était chez elles, ce bois était chez elles, plus que ne l'était leur demeure. Elles avaient huit ans, elles avaient mieux à faire qu'à s'inquiéter toujours des conséquences. Les conséquences c'était pour les grands, les conséquences c'était pour ceux qui faisaient des erreurs. Quelles seraient-elles, ces conséquences, si elles quittaient la maison quelques heures ?

Maxine courait après Violet, et puis Violet après Maxine. Elles riaient et criaient en même temps, ramassaient des champignons, faisaient fuir les chats et s'envoler les hiboux. La nuit était tombée sans qu'aucune d'elle ne s'en rendre véritablement compte, trop occupées qu'elles étaient à préparer des potions à la terre et aux branches. Elles étaient les reines de leur domaine, leur forêt. Leurs robes assorties différenciées uniquement par la couleur de leur nœud, elles étaient 'une', deux personnes pour une seule âme. Un seul regard, elles se comprenaient. Le bois avait revêtu ses couleurs nocturnes, les bruits de la journée qu'elles connaissaient si bien avaient disparus au profit de ceux, inconnus, de la nuit. Violet regardait le ciel. Depuis combien de temps étaient-elles là ? Elles n'avaient pas peur. C'était un monde si familier et pourtant tellement différent. Étrange, comme si elles rêvaient.

Maxine ne tenait pas en place. Vio le voyait bien : sa jumelle avait froid et peur, elle-même commençait à trembler. Elle s'assit à côté de sa sœur et la prit dans ses bras, partageant un peu de sa chaleur. Lorsqu'elles se séparèrent, un coup d’œil leur suffit et elles se levèrent dans un même mouvement. Les fillettes commencèrent à ramasser ce qui pourrait leur être utile, et près d'une heure plus tard elles se trouvaient au centre de ce qui ressemblait vaguement à une cabane. Cet abri de fortune offrait la pleine Lune à leurs yeux brillants, et Violet se tourna vers sa sœur avec un sourire moqueur pour lui parler des créatures qui seraient susceptibles de les attaquer, mais un regard vers Max lui suffit pour deviner que ce n'était pas le moment pour ça. A la place elle lui prit la main.

Cela faisait un petit moment déjà qu'elles se trouvaient dans le froid. Leur père avait déjà dû arriver chez eux après son dernier conseil avec le Magenmagot pour trouver leur mère épuisée de sa journée à la Gazette. Et tout deux avaient sans doute trouvé le précepteur de leurs filles, endormi, dans la salle d'étude. Alors où étaient-ils ? La merveilleuse aventure commençait à prendre des airs de problèmes. Des problèmes avec des conséquences. Des bruits se firent entendre non loin de leur cachette et Violet leva la tête cependant que Maxine ouvrait les yeux. Elles se dirigèrent de concert, main dans la main, vers l'extérieur, prêtes à sauter dans les bras de leurs parents en leur promettant une nouvelle fois de ne plus s'échapper de la maison pendant leurs leçons. Comme à chaque fois. Pas de conséquences...

Mais ce n'était pas Silas et Blythe Blackstone dehors. Les deux enfants s'immobilisèrent lorsqu'elles aperçurent l'origine des sons. Devant elles, à quelques mètres seulement, se trouvait un loup. Mais pas un loup normal, celui-ci était bien trop grand et ses membres étaient trop décharnés. Il aurait pu sembler humain, mais sa peau recouverte d'une fourrure grisâtre et son visage carnassier le trahissaient. Maxine, sans doute sous le coup de la peur, lui demanda tout bas si elle le voyait elle aussi et attira sur elles le regard du monstre. Leurs petites mains se crispèrent et elles reculèrent lentement vers leur abri. Alors qu'elles se trouvaient acculées, la créature attaqua. Tout se passa avec une telle rapidité que Violet n'eut que le temps de voir le loup se jeter sur elle. Elle ferma les yeux, attendant la douleur des crocs se planter dans sa chair et la lui arracher pour s'en repaître, mais elle ne vint jamais.

Maxine hurla. La brunette ouvrit alors les yeux pour regarder son aînée qui s'était interposée. Qu'avait-elle fait ? Du sang coulait, mais le loup avait percuté l'arbre derrière lui. Des lumières vives s'approchaient, tressautant à chaque pas et Violet tenait sa sœur dans ses bras alors qu'elles étaient au sol. Silas et plusieurs de leurs voisins se débarrassaient du monstre tandis que Blythe se précipita vers ses filles mais lorsqu'elle vit la plaie béante de Max, son regard se durcit aussitôt. Les jumelles se regardèrent, elles pleuraient. Leurs belles robes étaient tâchées de terre et de rouge, et leurs cheveux emmêlés tombaient lamentablement sur leurs épaules. Elles n'étaient plus les reines de ce domaine, la forêt n'était plus magique. Et les fillettes Blackstone ne seraient jamais plus aussi heureuses que ce qu'elles l'avaient été seulement quelques heures auparavant. Désormais, il n'y aurait plus que des conséquences.

La forêt se brouilla et le décor sembla onduler quelques instant sous ses yeux. Et puis aussi vite qu'il avait commencé, le phénomène cessa et elle pu à nouveau apercevoir avec précision chaque contour de chaque objet autour d'elle.

''Okay, une chocogrenouille, trois dragées surprises et une carte de Merlin si tu fais exploser le chaudron de... Ford !''

Maxine regarda autour d'elles et aperçut le jeune homme que sa sœur avait choisi pour victime. Le pauvre était penché sur son chaudron, s'occupant de ses affaires. Le Poufsouffle n'avait rien fait à Violet, mais il apparaissait comme un bon défi puisqu'il se trouvait de l'autre côté de la classe. L'aînée des jumelles considéra les ingrédients devant elle, en prit un et se concentra sur le chaudron visé. Au moment où elle s'apprêtait à lancer le projectile, Vio arrêta son bras et toutes deux firent semblant d'être absorbées par le contenu du chaudron devant elles. Le professeur passa derrière elles, jeta un coup à leur potion et reprit sa marche à travers la pièce. Max remercia sa cadette d'un regard et jeta enfin l'ingrédient qu'elle avait dans la main. Celui-ci fit un arc de cercle au-dessus des bureaux et de leur enseignant pour atteindre finalement sa cible. Il y eut un quart de seconde de silence et le chaudron du binôme de Ford explosa, répandant son contenu sur les robes de sorcier des élèves autour.

Les jumelles Blackstone riaient encore en repensant à l'air surpris des Poufsouffle alors qu'elles se rendaient dans le bureau de leur directeur de maison. Après le carnage du cours de potion, il leur avait donné une retenue pour le soir même, tout en sachant pertinemment que cela ne changerait rien à leur comportement. Depuis leur première année elles s'étaient faites connaître pour leurs mauvais tours, notamment grâce à leur lâché de lutin de Cornouailles dans la Tour Nord où elles soupçonnaient que se trouvait l'entrée de la maison Gryffondor. Si Violet se rappelait bien, il avait fallut plusieurs jours pour récupérer jusqu'à la dernière créature. Leur punition avait été exemplaire, mais les deux jeunes filles n'en avaient cure : cela faisait déjà bien longtemps qu'elles n'attendaient plus l'approbation de qui que ce soit.

En vérité cela datait de leur excursion dans la forêt ce fameux jour d'Automne. Lorsque leur mère avait aperçu la marque de morsure sur le poignet de son aînée, elle s'était jetée sur Violet pour vérifier si elle n'était pas blessée elle aussi. A l'époque elle n'avait pas compris le regard froid et dur que ses parents réservaient à sa jumelle. Ils leur avaient expliqué ce qu'impliquait cette marque au dessus du poignet de Max, ses conséquences. Dans ses histoires, les monstres de Violet étaient effrayants, redoutables et assoiffés de sang. Ce n'étaient pas des petites filles innocentes. Alors elle avait décidé que sa sœur n'était pas un monstre, et continua à la traiter de la même façon. Elles étaient 'une' pour toujours.

Mais Silas et Blythe ne le voyaient pas ainsi. Pour eux leur fille était morte cette nuit-là. Violet s'était vite vue devenir l'enfant prodige, celle qui faisait la fierté du couple et fut élevée au rang de fille parfaite à son grand désespoir. Elle aimait sa sœur, et la voir rejetée lui causait une immense douleur surtout lorsqu'elle pensait que c'était elle que le loup visait. Même si Max ne voulait pas l'avouer à l'époque, elle savait que son aînée avait longtemps cherché à regagner l'affection de leurs parents. Elle sentait encore son cœur se briser chaque fois un peu plus. Pour chaque remarque, chaque regard et chaque geste, elle haïssait davantage ses parents. Bien sûr ils devaient faire bonne figure face au monde, faire comme si rien n'avait changé. Personne ne savait pour la morsure de Maxine, ni les voisins ni la famille et c'était bien ainsi. Pas même Lexie.

Elles vivaient dans leur bulle depuis. Un monde à part, rien que pour elles. Plus le temps avait passé, plus elles avaient exclu les autres de leur vie. Seule Lexie restait. Enfin, l'enfance avait laissé place à l'adolescence et Max arrêta de vouloir redevenir la fille de leurs parents et laissa pleinement sortir la violence qu'elle avait en elle depuis l'attaque et Violet n'avait plus à se sentir mal d'avoir des sentiments aussi féroces envers le monde. Elle n'était plus seule à détester les autres. Leur lettre de Poudlard était venue, le jour de leur départ aussi. Elles avaient été envoyées à Serpentard bien sûr, comment aurait-il pu en être autrement ? La surprise avait été Lexie qui avait terminé à Poufsouffle. Mais si elle aimait sa cousine, Violet ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle n'était une vraie Blackstone. Elle était trop gentille pour cela.

Chacun des habitants du château avait vite appris à connaître les jumelles. D'abord pour leur créativité en matière de mauvais tour, et pour leur attitude ensuite. Si leurs facéties avaient pu donner l'illusion qu'elles n'étaient que deux adolescentes joueuses, les deux brunettes s'étaient empressées de dissiper tout malentendu. Leurs idées sur les nés moldus et ceux qu'elles voyaient comme des traîtres à leur sang faisaient d'elles des dangers potentiels. Elles n'étaient qu'en deuxième année, et pourtant elles faisaient déjà partie des personnes aux idéaux les plus virulents, et tout était prétexte à maltraiter un sang-de-bourbe. En plus des valeurs qu'on leur avait inculquées, elles avaient décidé que c'était le moyen de donner à Maxine une vie qu'on lui avait toujours refusé depuis sa morsure et Violet, elle, voulait sa part du nouvel ordre.

Elles arrivèrent à destination. Elles frappèrent et entendirent que leur directeur de maison sorte afin de les mener à leur retenue respective. Depuis leur première année, les professeurs avaient non seulement appris que les punitions ne les calmaient en rien mais surtout aussi qu'elles avaient tendance à les passer en imaginant de nouveaux tours alors à défaut de les remettre sur le droit chemin ils pouvaient au moins en profiter pour les séparer l'espace de quelques heures. Il mena d'abord Maxine à destination, ouvrit la porte et la fit entrer. Violet eut seulement le temps d'apercevoir une Gryffondor – Daw-quelque-chose – avant qu'il ne referme la porte et ne la mène jusqu'à la salle des trophées où il la laissa seule avec ses pensées.

Elle se rappela le paquet qu'elle avait reçu le matin même et qu'elle s'était empressée de cacher dans l'une des poches de sa robe de sorcière avant que Maxine ne s'effondre littéralement sur le banc à côté d'elle. Si elle avait aperçu le hibou grand duc qui s'était envolé, elle n'en avait rien dit, sans doute se disant qu'il s'agissait de la Gazette que Violet se faisait envoyer pour rester au courant. Elle ignora le chiffon qui se trouvait en face d'elle et sortit le colis qui ne l'avait pas quittée de la journée. Une lettre y était attachée. L'adolescente ouvrit celle-ci en premier, lisant sans vraiment les voir les phrases vides de sens. Elle ne reconnaissait même pas l'écriture de ses parents, ce qui la porta à croire qu'ils ne l'avaient pas rédigée eux-mêmes. Dans le petit paquet, elle trouva un miroir étrange, offrant à son regard des ombres vaguement humanoïdes. Une glace à l'ennemi miniature.

Un reniflement méprisant se fit entendre. Ils ne changeraient donc jamais. En lui offrant cette babiole ils espéraient lui faire comprendre que Max était son ennemie, qu'elle ne pouvait pas lui faire confiance. Elle s'apprêta à jeter l'objet à travers la pièce mais se ravisa. Si elle le faisait il lui faudrait nettoyer. Et puis elle se dit que babiole ou non, elle pouvait toujours être utile, alors elle glissa précautionneusement la glace dans sa boîte qui reprit sa place dans sa poche. La jeune Blackstone réalisa qu'elle tenait toujours la lettre de ses parents dans sa main et la froissa d'un geste rageur avant de la jeter dans la corbeille. Entre les pliages on pouvait encore lire les mots ''Joyeux Anniversaire''. Violet passa les deux heures suivantes à récurer de fond en comble la salle des trophées.

A nouveau les contours de la pièce se liquéfièrent, et le monde sembla onduler autour d'elle. Elle se sentit vaguement malade et ferma les yeux, attendant que ça passe. Elle prit une grande inspiration et ouvrit un œil pour vérifier que les formes et les couleurs avaient bien reprit leurs places.

Violet sortit du château et accéléra le pas vers les grilles. Le parc était déjà presque vide à l'exception des quelques retardataires dont elle faisait partie. Elle resserra sa cape sur sa robe couleur nuit alors qu'un vent froid souffla sur elle, dernier vestige d'un hiver trop long. Ses longs cheveux bruns flottaient derrière elle alors qu'elle se dépêcha d'atteindre les lourdes grilles. Les joues rosies par le froid, légèrement essoufflée de s'être pressée jusque là, la jeune fille planta son regard dans celui, glacial, du concierge. Apparemment il ne lui avait toujours pas pardonné le fait de l'avoir enfermé dans les toilettes de Mimi Geignarde quelques années auparavant... Elle déclara:

''J'avais oublié quelque chose.''

Elle secoua la bourse qui contenait son argent qu'elle avait à la main pour le prouver et s'apprêta à passer le portail lorsque l'homme l'arrêta. Elle vit qu'il avait les yeux rivés sur son poignet.

''Je ne vous ai pas vue rentrer pourtant.''
''Dans ce cas il serait temps pour vous d'envisager une retraite anticipée, vous ne croyez pas ?''

Après avoir rendu son regard glacial à son interlocuteur, Violet le dépassa et reprit sa route vers le village sorcier. Elle rangea son argent dans son sac et resserra à nouveau sa cape pendant que ses cheveux lui fouettaient le visage. Le vent se calma et elle marcha un peu plus vite pour rallier Pré-Au-Lard au plus vite. Au moins dans les rues étroites, le vent serait moins fort. Elle marchait depuis plusieurs minutes lorsqu'un sort la frappa, un maléfice du saucisson. Se sentant tomber, la jeune Blackstone se prépara à la douleur qui la frapperait lorsqu'elle toucherait le sol mais pourtant rien ne vint. A la place, ce fut la sensation d'atterrir sur un matelas qui l'envahit. Un rire s'éleva et Vio aperçut du coin de l’œil sa jumelle sortir de sa cachette, arborant les mêmes vêtements, sac et coiffure qu'elle.

Elle s'avança vers sa cadette toujours en riant et leva l'enchantement. Aussitôt Violet riposta avec un sortilège de chauve-furie avant de se relever. Plusieurs élèves les dépassèrent en baissant les yeux, trop effrayés de s'attirer les foudres des jumelles. Des premières ou deuxièmes années qu'elle se souvenait avoir maltraité quelques semaines auparavant. Leur jeu prit fin dans les rires, et elles reprirent leur route vers le village non sans surveiller les allées et venues des membres du personnel du château. Dès qu'un professeur risquait de les voir, l'une des deux sœurs se cachait aussitôt afin que leur supercherie n'échoue pas. Elles ne s'inquiétaient pas de leurs camarades cependant : trop peu auraient risqué les foudres des jumelles Blackstone. Comme quoi il y avait du bon à être craintes dans cette école...

Mais bien que l'expérience soit amusante, Violet haïssait ses parents de la leur imposer. Car la seule raison pour laquelle elles devaient piéger le personnel de Poudlard pour participer à la sortie en ville était que Maxine n'avait pas eu l'autorisation signée de Blythe et Silas Blackstone. Elle était trop dangereuse, trop instable. Sa place était dans le château, enfermée et surveillée. Ils avaient été intransigeants, même lorsque Violet leur avait elle-même demandé de signer le bout de parchemin. Alors elles avaient trouvé un autre moyen. Ainsi, régulièrement les deux sorcières se faisaient passer pour la plus jeune des jumelles afin de pouvoir toutes les deux franchir les grilles de l'école.

A chaque sortie, il leur fallait redoubler d'imagination afin que leurs ruses passent inaperçues. Bien sûr, il leur était autrement plus aisé de passer par l'un des multiples passages secrets menant à Pré-Au-Lard qu'elles employaient habituellement pour sortir en dehors des après-midis autorisées, mais le jeu perdait ainsi son plus grand attrait. Elles étaient intelligentes et arrivaient toujours à trouver une astuce, après tout Violet était l'une des meilleures étudiantes de leur promotion. Un jour elles seraient de grandes sorcières, connues et redoutées de tous. Et pour cela elles avaient déjà un plan tout prêt, n'attendant que d'être exécuté.

Durant leurs quatre années passées à Poudlard, les jumelles étaient devenues des sorcières puissantes aux opinions radicales. Si au début cela avait été plus par habitude, des automatismes laissés par l'éducation qu'elles avaient reçue, Max et Vio avaient bien vite compris qu'elles avaient tout intérêt à devenir celles que l'on craignait. Elles, qui n'avaient rêvé que d'un monde où elles pourraient afficher fièrement leurs idéaux et la lycanthropie de l'aînée, avaient enfin trouvé un moyen de le faire. Elles partageaient les idées de Salazar Serpentard sur la pureté du sang et sur les créatures dites dangereuses et feraient tout pour devenir les dignes héritières du Fondateur. Si elles n'étaient pas elles-mêmes des sang-pur, les sorcières savaient que leur famille était en passe d'être purifiée. Malgré cela, elles travaillèrent plus fort que les autres à conserver leur réputation. Elles avaient entendu qu'un nouvel ordre était sur le point de naître, un sorcier cherchait des fidèles pour répandre la parole de Serpentard lui-même et débarrasser le monde des moldus et de leur progéniture, et Violet plus que tout voulait en être.

Maxine était bestiale. Son côté loup la rendait dangereuse et impulsive et elle n'avait aucun scrupule à montrer les crocs s'il fallait. Violet elle, était d'une froideur glaciale, et misait particulièrement sur son intellect. Si elle n'avait pas à souffrir de lycanthropie, elle devait pourtant en faire plus que sa sœur pour avoir le même statut qu'elle. Elle le savait, et l'acceptait. Max se moquait parfois d'elle et de son sérieux en cours, elle ne comprenait pas. Mais la cadette lui pardonnait, c'était elle après tout qui était supposée avoir une vie dorée. Elles croisèrent Lexie qu'elles saluèrent d'un hochement de tête et arrivèrent chez Zonko où elles entrèrent de concert dans ce qui était leur boutique fétiche.

Quelques uns de leurs camarades de Serpentard étaient présent et leur adressèrent un sourire de conspirateur lorsqu'ils virent les deux sœurs. Des Poufsouffles dans un coin semblaient essayer de disparaître et pas un seul Serdaigle à l'horizon. Deux Gryffondors se trouvaient non loin d'elles, absorbés par un bac plein de bonbons. Violet reconnut les cousins Dawkins – ou Dorkins comme elle aimait les appeler – dont la sorcière qui était devenue officiellement la binôme de retenue de Max. Les jumelles firent un tour dans le magasin et prirent plusieurs articles dans les rayons en imaginant de nouvelles blagues à faire au château. C'était une manière comme une autre d'aiguiser leurs esprits. En attendant bien sûr de devenir les grandes figures de la sorcellerie qu'elles étaient destinées à devenir. Ensemble, toujours, car elles étaient 'une'.

Elles payèrent et se dirigèrent vers la sortie. En croisant les Gryffondors, Violet les ignora royalement, ce qu'elle considéra être mieux pour les cousins. Mais Maxine, elle, suivait la jeune fille du regard. Elle ne la quittait pas des yeux et, lorsqu'elles arrivèrent à leur hauteur, lui adressa un léger sourire et hochement de tête si bref que Vio douta un instant qu'il ne soit arrivé. La Gryffondor en fit de même et c'était fini. L'échange dura un quart de seconde, mais elle n'en avait pas perdu une miette. Elle aurait préféré.

Sa sœur, sa jumelle était-elle plus proche de la rouge et or qu'elle ne le laissait entendre ? Non elle ne pouvait pas, c'était impossible. Maxine était une Serpentard, une Blackstone, une future Mangemorte qui ferait les pires ravages aux côtés de sa cadette. Sûrement Violet s'était-elle trompée, elle avait imaginé cette complicité qu'elle avait cru deviner. C'était un rêve, un cauchemar. ''Nous sommes une'' se répétait-elle inlassablement, encore et encore, ''Nous sommes une''. Elles passèrent le reste de leur après-midi à faire comme si de rien n'était, à faire semblant. Plus tard ce jour-là, Violet se coucha mais ne dormit pas.

Elle se sentit tirée en arrière et un instant plus tard elle était de retour dans sa chambre chez ses parents. Sa pensine était posée devant elle sur le lit, des volutes de lumière mi-gazeuse mi-liquide ondulant en son sein. D'après les bruits qui filtraient à travers les murs, Violet ne pouvait qu'imaginer le chaos qui devait régner dans l'entrée. Maxine devait déjà être en bas, pressée de quitter le domicile pour se rendre à la gare de King's Cross. Sans doute ne pouvait-elle plus supporter la présence de leurs parents, pas même une seule seconde de plus après les interminables vacances d'été. Ou peut-être était-elle pressée de retrouver sa chère amie Gryffondor.

La brunette avait mis peu de temps à découvrir la nature de leur relation après cet épisode chez Zonko en quatrième année. Max n'avait pas jugé bon de lui parler de leur amitié avant mais elle n'avait pas non plus tenté de lui cacher. Vio avait tenté à l'époque de lui faire comprendre qu'elle ne devait pas continuer ainsi, pourquoi elles ne pouvaient pas être amies. Sa sœur n'avait jamais entendu raison. Le reste de l'école ignorait leur rapprochement, alors l'aînée ne voyait pas en quoi cela pouvait lui porter préjudice. Elle ne comprenait pas. Violet aimait sa sœur plus que tout au monde, alors elle arrêta de lui en parler et fit la seule chose qu'elle pouvait : elle se défoula sur Leeven Dawkins.

La jeune Gryffondor était devenu sa Némésis officielle, même si cela ne l'empêchait pas de malmener des sang-de-bourbes et des traîtres à leur sang. Tout était prétexte à se battre, et à tout moment un duel pouvait éclater, qu'importe le lieu où elles se trouvaient. Si Maxine en souffrait, elle ne disait rien ou presque. De temps en temps elle tentait bien de calmer Violet, mais elle savait au fond qu'elle n'y arriverait pas. Personne ne le pouvait. La cadette était une furie lorsqu'il s'agissait de sa sœur. Sa jumelle ne le voyait pas, ou bien le refusait-elle ? Elles avaient toujours étaient là l'une pour l'autre. Elles étaient 'une'. Qu'arriverait-il le jour où Dorkins apprendrait la lycanthropie de Max ? C'était une Gryffondor, une bonne à rien et elle ferait souffrir sa jumelle comme leurs parents l'avaient fait.

Elle entendit qu'on l'appelait en bas. Elle vérifia une dernière fois le contenu de sa malle, en particulier ses livres. La sorcière avait choisi de suivre huit cours cette année-là au lieu des cinq requis en sixième année : botanique, défense, histoire de la magie, métamorphose, potion, sortilège, arithmancie et soin aux créatures magiques. Sa sœur avait eu cette drôle de tête à mi-chemin entre la moquerie et l'exaspération lorsqu'elle le lui avait dit mais n'avait fait aucun commentaire. Une fois sa valise fermée, Violet récupéra sa baguette, identique à celle de Maxine, et la fit léviter vers la porte. Avant de sortir, elle rangea sa pensine dans son armoire qu'elle verrouilla avant de reprendre son chemin.

Sa chatte se trouvait au milieu des escaliers et bloquait le passage. Les poils hérissés, elle crachait sur le crapaud de sa sœur qui se trouvait un peu plus bas. Elle cria alors:

''Max, si tu n'enlèves pas ta bestiole de là je la change en sac à main !''

Sa jumelle s'empressa de venir et de ramasser cette chose immonde qu'elle appelait Monroe en pestant contre le peu de patience de sa sœur. Elles étaient toujours 'une', si proches. Et pourtant. Elles étaient comme une image et son reflet dans le miroir : identiques mais opposées. Violet s'en rendait compte désormais. Leur complicité était la même qu'avant, mais elle n'arrivait pas à pardonner Max de son écart de conduite avec Dorkins. Elle avait tout les atouts, toutes les cartes en main pour devenir l'une des plus grande sorcière sous le règne du Seigneur des Ténèbres et voilà qu'elle se compromettait pour une vulgaire rouge et or. Baissant les yeux, elle aperçut son animal se frotter contre ses jambes.

''Allez vient Tisiphone. On rentre à la maison.''