Can I get you a drink ?

A l’opposé d’une journée de cours, un dimanche n’est jamais un jour ordinaire, banal et chiant. C’est mon jour préféré de la semaine. Même quand j’ai du boulot, j’arrive toujours à m’amuser. C’est un peu le cas d’aujourd’hui. Ce matin j’ai dû passer à la bibliothèque pour finir mon devoir d’Histoire de la magie, à rendre dès demain matin. C’est d’ailleurs là-bas que j’ai rencontré Emily, toujours derrière ses bouquins, sans doute en train de lire ceux qu’elle n’a pas encore lu ou de finir son travail pour la semaine et celle d’après. J’ai trouvé ça limite inquiétant pour une fille de son âge. Au même âge, ça fait tout de suite vieille tourné comme ça, je sortais dès que j’avais une minute et c’est toujours le cas. De gré et de force, j’ai fini par la convaincre que sortir une heure cette après-midi ne lui ferait pas de mal et que les livres n’agoniseraient pas sans sa présence, que personne ne déchirerait les pages de ses précieux trésors. Si elle m’a avoué il y a déjà quelques temps qu’elle n’avait jamais touché à une seule goutte d’alcool, je peux vous dire que j’étais plus que choquée, outrée et tous les autres mots pouvant exprimer l’étonnement, pour ma part je ne lui avais pas dit qu’on irait boire une bonne bière au beurre. L’idée d’y aller m’enchantait totalement, j’étais excitée de pouvoir lui faire découvrir quelque chose à mon tour. Les Trois Balais, c’est un peu comme Poudlard, je m’y sens plus chez moi que mon vrai chez moi. C’est exactement ce que je veux qu’elle ressente en y entrant, la chaleur humaine et la convivialité que ce lieu et ses gérants dégagent. Ils font très attention à leurs clients et connaissent même ma commande habituelle, servi toujours à la même table, celle près de l’immense cheminée.

C’est donc ravie à l’idée d’aller à ce rendez-vous entre copine à l’extérieur de la gigantesque bibliothèque du château, que je me prépare. Je me change et fais une légère retouche make up, on ne sait jamais le prince charmant est peut-être sur mon chemin alors qu’il n’y avait aucune chance qu’il se trouve à la bibliothèque ce matin et voit mon affreux jogging. Évidemment sur mon passage je croise Lorenzo, en train de rire avec deux demoiselles qui bavassent devant son nez. Et évidement il fait comme si je n’existais pas, de quoi entamer ma bonne humeur. Et pourtant j’oublie vite tout ça, imaginant Emily buvant sa première bière devant mes yeux, ce qui me fait immédiatement sourire. Sur mon chemin, j’évite encore un mec bien lourd de première année qui essaie de me draguer comme le ferais un petit de primaire, et encore pour un écolier c’est mignon, et évite de peu de me prendre une ou deux filles prétentieuses de Serpentard, qui ne font bien entendu pas attention où elles marchent ou pensant que la foule doit s’écarter devant eux. Mais comme pour l’événement précédent, je continue de sourire, garde ma pêche et ma bonne humeur. Après avoir longé le sentier qui mène au pré-au-lard, aperçu la frissonnante et cabane hurlante et rencontré un ou deux jaune au passage, je finis enfin par pousser la porte de la taverne les Trois Balais. Je salue d’un mouvement de tête les deux serveurs placés derrière leur bar et qui sont aussi les propriétaires des lieux. Puis je vais m’installer près de la cheminée qui n’est pas allumée aujourd’hui car à l’extérieur le soleil tape et ses rayons viennent réchauffer les peaux blanches des quelques sorciers qui viennent profiter de la rare chaleur écossaise. Il ne me reste plus qu’à attendre mon amie, qui ne devrait plus tarder l’heure que pointe les aiguilles de ma montre ancienne, offerte par ma grand-mère à Noël. Alors, en attendant, je m’amuse simplement à observer les gens autour de moi, chercher le moindre détail qui me ferait deviner leur identité, sauf pour ceux portant une écharpe aux couleurs de l’une des quatre maisons, la tâche semble bien trop facile. Alors, je cherche plus compliqué, mais là je me rends compte que je suis nulle et que je ne pourrais jamais devenir journaliste et là c’est la désillusion, ou pas. Mes yeux finissent par se poser sur la porte qui finit par s’ouvrir sur mon amie. Je souris, lève le bras pour qu’elle me remarque et attends sagement qu’elle arrive à moi.

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