Emmitouflée dans son blouson bomber d’une magnifique couleur rose poney, Phèdre avançait dans les couloirs en tâtonnant, la main contre les murs froids du château. Autour du coup, son écharpe aux couleurs de sa maison lui tenait chaud et elle se demandait bien par quel miracle son jean trop grand pour elle tenait sur ses hanches. Avec l’humidité ambiante, ses cheveux frisottaient légèrement, ce qui lui donnait un charmant air de chien mouillé. En ce samedi après-midi pluvieux, les couloirs étaient pratiquement désertés par les élèves, qui cherchaient chaleur et réconfort auprès d’un bon feu. Pour sa part, Phèdre avait passé sa matinée à la bibliothèque et elle avait décidé de profiter de son après-midi de libre pour pratiquer ses petites expériences personnelle. Au détour d’un couloir, elle aperçut deux silhouettes floues mais étonnement proches. La Serdaigle plissa les yeux pour mieux voir ce qu’ils étaient en train de faire, tout en s’approchant discrètement. Etait-elle témoin d’une agression ? Si oui, elle n’hésiterait pas à prévenir un professeur ! Mais plus elle approchait, moins elle se sentait à l’aise en entendant des bruits de succion provenir des deux silhouettes. Lorsqu’elle se rendit compte que c’était en réalité un couple qui s’embrassait fiévreusement, Phèdre sentit le rouge lui monter aux joues et elle fit promptement demi-tour, se cognant violemment contre un massif candélabre en pierre avant de s’enfuir le plus rapidement possible. Elle en avait plus qu’assez de ces jeunes exhibitionnistes qui se polissaient les molaires dans chaque recoin du château. La chasteté, ils ne connaissaient pas ?
Tellement concentrée dans sa fuite, Phèdre ne remarqua pas qu’une des portes qui donnait sur une salle de classe était grande ouverte et se la mangea en plein dans le front. La blonde chancela un instant avant de se masser le front en grommelant. Les étages de Poudlard étaient vraiment truffés de piège, entre les armures et les colonnes de pierre qui surgissaient de nulle part ! Prudente, elle contourna la porte ouverte et jeta un coup d’œil l’intérieur de la salle. Elle semblait vide mais à cause de sa vision de taupe, Phèdre n’en était pas certaine. Elle s’aventura dans la pièce, les cheveux devant les yeux (ce qui n’était pas pour arranger les choses). Elle n’entendait aucun bruit qui pourrait confirmer la présence de quelqu’un, et hormis les chaises et tables disposées n’importe comment, la Serdaigle ne remarquait rien d’anormal. Satisfaite, Phèdre referma avec empressement la porte dans laquelle elle s’était cognée sans pour autant la fermer à clé. Elle savait qu’une porte verrouillée éveillerait la curiosité de certains petits fouineurs. Pour garder néanmoins une certaine intimité, Phèdre décida de construire un « abri » pour se préserver des regards extérieurs. Farfouillant dans son sac qui devait bien faire trois fois son poids à cause de tous les livres dedans, elle extirpa non sans difficulté ses lunettes à grosses montures noires et aux verres épais. Elle jeta un coup d’œil suspicieux autour d’elle pour s’assurer qu’elle était seule puis ses lunettes sur son nez. Elle y voyait à présent nettement mieux, même si ses verres étaient constellés de tâches et autres traces de doigts. Elle ne prenait absolument pas soin de ses lunettes, les fourrant toujours à la hâte dans le fond de son sac le matin, par habitude. Ce qui fait qu’à présent, la monture était légèrement tordue, ce qui lui donnait encore plus un air débile lorsqu’elle les portait, du moins selon elle.
Elle posa son sac dans un coin sombre de la pièce et sortit sa baguette. D’un sortilège, elle déplaça quelques tables pour les coller les unes contre les autres, le dessus tourné vers le mur de sorte à créer un rempart qui la cacherait si quelqu’un venait à pénétrer dans la pièce. Avec un petit hochement de tête ravi, elle enjamba son mur de tables et s’assit sur le sol froid en se frottant les mains pour les réchauffer. De la poche intérieure de son blouson, elle sortit délicatement son baladeur-cassette soigneusement enveloppé dans un torchon à carreaux provenant de chez ses parents. A cause de ces satanées ondes magiques, l’appareil ne fonctionnait pas mais Phèdre comptait bien y remédier. Il n’y avait pas de télévision et elle ne pouvait donc plus regarder Doctor Who – ce qui était un des plus grands drames de sa vie. Mais elle ne comptait pas passer le reste de l’année sans les Rolling Stones, c’était impossible ! Posant son baladeur sur ses genoux, elle saisit sa baguette magique et posa le bout sur l’appareil, tout en réfléchissant. Elle avait essayé des tonnes de sortilèges pour arriver à ses fins mais les seuls résultats obtenus ont été catastrophiques. Cette fois-ci, ça devait marcher ! Après plusieurs tentatives infructueuses, la blonde commença à s’énerver franchement et lança un sortilège plus puissant qu’elle ne l’aurait voulu. Une vilaine odeur de brûlé émana de l’objet et Phèdre comprit qu’elle venait de le bousiller.
Elle était à deux doigts de pleurer comme une fillette mais elle se retint courageusement, et déposa l’objet près d’elle. Maintenant qu’il était fichu, elle pourrait le démonter à loisir pour en extraire tous les composants et les examiner. Peut-être même en enverrait-elle à son père ? Dépitée, elle ouvrit de nouveau son sac pour en sortir cette fois-ci un Rubik’s Cube. Elle l’avait presque fini et elle n’en était pas peu fière ! Bon, ça faisait juste 6 mois qu’elle était dessus mais c’était véritablement diabolique comme truc ! Elle tourna une des bagues de couleur vers la droite, sa langue pointant entre ses lèvres, signe de sa concentration. D’un geste, elle remonta ses lunettes qui étaient en train de glisser sur son nez. Prise d’une soudaine panique, elle releva la tête pour regarder dans la pièce, et fut soulager de constater qu’elle était encore seule. Retournant à son casse-tête, elle ne prêta pas attention à ses doigts sommairement bleuis par le froid ambiant. Deux coups à droite, hop au-dessus, le rouge était presque complet. Les mouvements de Phèdre se firent plus pressants à mesure qu’elle comprenait qu’elle allait enfin venir à bout de cette torture neuronale.
- Victooooooire pour le peuuuple !
La Serdaigle brandissait son cube où l’on pouvait désormais voir les couleurs uniformément sur chaque face. Phèdre s’autorisa même une petite danse de la victoire. Bon, elle avait la grâce et l’élégance d’un Botruc constipé mais comme elle était seule, elle s’en fichait pas mal. Tellement, qu’elle n’entendit même pas la porte s’ouvrir doucement pendant qu’elle se donnait en spectacle.
J'étais parfois las des cours. La magie m'intéressait, mais il était compliqué pour moi de rester assis pendant des heures, sans bouger, à écouter quelqu'un diffuser son savoir de manière la plus plate et la plus ennuyeuse qui soit. Chaque semaine, j'attendais donc le week-end avec impatience, pour pouvoir me lever à l'heure que je souhaitais et vaquer à mes nombreuses occupations.
Le principal était en tout cas d'en être convaincu. En réalité, je n'avais pas grand chose à faire. J'étais quelqu'un de solitaire, malgré moi. Il est vrai que je ne donnais sans doute pas l'image de quelqu'un de sociable et d'expansif. Peut-être attendais-je simplement que les gens cherchent à regarder au-delà des apparences. Entre ce que je souhaitais et ce qui se produisait, il y avait un monde. Les adolescents que je croisais assouvissaient leur curiosité en discutant entre eux à mon sujet plutôt qu'en venant me parler directement. Je devais me faire à cette idée.
Ce jour-là, je m'étais levé aux alentours de onze heures trente, comme j'en avais l'habitude lorsque je n'avais pas cours de la journée. J'avais alors passé la seule demi-heure qu'il me restait avant de déjeuner à me doucher et m'habiller. Ces trente minutes étaient le minimum syndical dont j'avais besoin chaque matin pour être présentable, et mes camarades de dortoir avaient parfois du mal à le comprendre. Je m'en fichais éperdument, je n'avais de toute manière aucun compte à leur rendre.
J'étais alors descendu à l'heure du déjeuner, un peu en retard. Cela ne me dérangea pas. Je n'avais pas tellement faim. Et pourtant, mon appétit n'avait pas toujours été si limité. J'étais, à la base, quelqu'un qui mangeait beaucoup, en toutes circonstances. Finalement, cela me pesait, dans tous les sens du terme. Je ne supportais plus ces excès, ils me rendaient malade. J'étais alors devenu presque écœuré par la nourriture, et avais alors pris l'habitude de ne plus manger ; si bien que mon appétit semblait avoir atteint son minimum. Je me contentai alors de grignoter, il ne restait plus grand chose au fond du plat et tant mieux, cela m'empêcherait et de grossir et d'avoir la nausée. Une pâtisserie pour le dessert, et mon repas était pris. Le dernier à être arrivé à table, le premier à en être sorti. Sans dire un mot. J'avais ressenti ce regard étrange posé sur moi de la part de mes voisins de table. Ils m'agaçaient tant que je n'avais aucune envie de leur parler, ne serait-ce que pour échanger des banalités. Je savais parfois être hypocrite, mais je n'en avais même pas l'envie à l'heure actuelle. Je n'étais définitivement pas quelqu'un de matinal. En quittant la Grande Salle, je me promis de faire un effort la prochaine fois.
Les heures s'écoulaient. Je me réveillais peu à peu, à mon rythme, devenant un peu moins sauvage, désagréable. Je me surprenais même à croiser le regard de certains de mes camarades sans les dévisager. J'arpentais les couloirs du château pour me rendre à la bibliothèque. Je devais rendre un manuel que j'avais emprunté pour travailler sur l'un de mes devoirs de métamorphose. J'avais par ailleurs du travail à faire, mais pas assez de motivation pour m'y atteler. Et puis après tout pourquoi pas, je n'avais rien d'autre à faire.
C'est ainsi que j'empruntai les escaliers mouvants pour me rendre au quatrième étage. La bibliothèque se trouvait au bout du large couloir. Il me fallait donc le traverser, dans le plus grand des silences, pour ne pas déranger les élèves qui travaillaient quelques mètres plus loin. C'est d'ailleurs en cela que la bibliothèque m'avait toujours ennuyé. Ne pas pouvoir faire le moindre bruit sans être dévisagé était rapidement devenu lassant.
C'est alors que j'entendis une voix s'écrier « Victooooooire pour le peuuuple ! » Je reconnaissais cette voix, c'était celle de Phèdre. A vrai dire, j'aurais pu reconnaitre le ton sur lequel elle s'était exclamée entre mille. La jeune femme appartenait, comme moi, à la maison Serdaigle. On la connaissait généralement, il est vrai, pour sa personnalité atypique. Sa maladresse et sa naïveté provoquaient la risée de bien des adolescents. Pour ma part, elles m'avaient attendri. Si bien qu'un jour, après l'avoir vue se faire embêter, j'étais allé la rassurer. L'acharnement était quelque chose qui me dégoûtait au plus haut point, et je m'arrangeais toujours pour apporter mon soutien aux personnes qui en étaient victimes. J'étais conscient qu'un appui, aussi modeste soit-il, pouvait beaucoup aider dans ces cas-là.
Je souris en entendant la jeune fille qui, de toute évidence, était très enthousiaste. Contrairement à moi, elle n'avait pas cherché à être discrète. Sa voix semblait provenir d'une salle de cours désaffectée, dont la porte était pourtant fermée. J'osais donc imaginer l'intensité de celle-ci, et cela me fit sourire de plus belle. Phèdre était très spontanée.
J'hésitai un instant, avant de me décider finalement à ouvrir la porte, et aller ainsi à la rencontre de la jeune fille. Heureusement, je n'eus pas besoin de faire l'usage d'un sort pour entrer, la porte n'était pas fermée à clé. J'entrai alors dans la pièce, assez discrètement pour ne pas déranger la jeune fille qui se trouvait à l'intérieur. J'avais vu juste, il s'agissait de Phèdre, et le spectacle qui s'offrait à moi me fit sourire. La jeune femme était en train de danser, effectivement euphorique. Il y avait quelques affaires autour d'elle, et elle tenait dans ses mains un objet, comme si elle s'était essayée à quelques expériences qui visiblement, furent un succès. La jeune fille semblait en outre avoir placé quelques tables devant elle en direction du mur, comme pour se protéger de toute présence extérieure. J'espérais ne pas l'importuner par ma présence. « J'espère ne pas te déranger... Tu as parlé tellement fort ! Je t'ai entendue crier alors que je marchais dans le couloir. », lui dis-je à la fois gêné et amusé, en accompagnant mes paroles d'un discret rire.
Je lui souris alors pour la mettre à l'aise. Je ne voulais en rien la gêner. Constatant qu'elle ne semblait pas particulièrement réfractaire à ma présence, je passai au-dessus des remparts ainsi formés pour m'installer près d'elle. Le sol était froid, je grimaçai un instant, avant de porter à nouveau mon regard vers mon amie. C'est alors que j'identifiai ce qu'elle tenait dans ses mains, il s'agissait d'un objeu moldu. C'était un cube formé lui même de vingt-sept cubes aux faces de six couleurs différentes. Le but du jeu était de constituer une face du grand cube d'une seule couleur en faisant tourner les faces des cubes les unes après les autres. J'avais déjà tenté ce jeu, sans jamais y venir à bout. Cela demandait beaucoup de réflexion, il y avait sans doute des techniques pour y parvenir, mais je n'avais jamais pris le temps de les rechercher. Je m'étais vite découragé, je devais bien l'avouer. Phèdre semblait néanmoins plus persévérante que moi. Elle avait, de toute évidence, réussi là où j'avais échoué ; puisque chacune des faces du grand cube était composée d'une seule couleur. Je lui souris à nouveau, avant de la féliciter. « Je suis admiratif. Je ne suis, pour ma part, jamais venu à bout de ce casse-tête. » Phèdre savait que j'étais issu d'une famille de moldus. Quant à elle, elle avait grandi chez les sorciers mais s'intéressait beaucoup aux moldus et à leurs objets, ce qui expliquait sans nul doute qu'elle se soit intéressée à ce jeu pourtant méconnu de la plupart des sorciers.
Ce qui m'avait tout de suite marqué lors de mon entrée dans ma pièce, c'était le fait que Phèdre porte ses lunettes. La myopie de la jolie blonde n'était un secret pour personne. Mais elle refusait catégoriquement de porter ses lunettes d'habitude, si bien que ses problèmes de vue lui jouaient souvent des tours, ce qui était un prétexte de plus à la moquerie. Je n'approuvais pas ce choix de la part de la jeune fille, même si je comprenais que le fait de porter des lunettes puisse la gêner. Je savais, pour en avoir moi-même, qu'un complexe était quelque chose de très personnel, et que les autres n'étaient pas toujours à même de le comprendre. C'est la raison pour laquelle je n'avais, jusqu'à maintenant, jamais osé lui en parler. Les lunettes de Phèdre étaient très sales, un peu tordues également, ce qui me fit sourire discrètement. Néanmoins, hormis ces quelques détails, elles ne lui allaient pas si mal que cela. Et puis, les lunettes pouvaient très bien être un accessoire de mode, une touche d'originalité qui donnait du style. « C'est dommage que tu ne portes pas tes lunettes plus souvent, elles te vont plutôt bien. En revanche, tu ferais mieux d'en prendre soin... » Je lui adressai alors un sourire amusé, bienveillant tout de même. Me vint alors une idée. Je sortis ainsi ma baguette magique, alors rangée dans ma poche. Une incantation me permettrait sans doute de remédier à ce manque de soin de la part de la jeune fille envers ses lunettes qu'elle détestait tant. « Occulus Reparo ! » prononçai-je alors en pointant ma baguette vers l'accessoire.
Je me mordis la lèvre un instant. Il ne s'agissait pas d'un sortilège que j'utilisais tous les jours, ne souffrant pas moi-même de problèmes de vue. Fort heureusement, après une courte seconde, nous observions l'effet escompté. En effet, la monture se redressa. Quant aux verres, les traces de doigts qui les salissaient jusqu'alors disparurent, laissant place à des verres beaucoup plus propres, presque éclatants. Satisfait, je souris de nouveau. Puis, je rangeai alors ma baguette, avant d'ajouter à l'attention de la jolie blonde « Elles te vont même très bien. » J'avais effectivement vu juste. L'accessoire tant détesté de la jeune fille était pourtant très esthétique une fois propre et réparé.
C’était sans doute le plus beau jour de toute sa jeune vie. Après des mois de galère à s’arracher les cheveux tous les soirs dans son lit ou bien aux toilettes pendant qu’elle avait la gastro (bah quoi ça arrive !), Phèdre était enfin venue à bout de cet instrument du Malin. Dansant telle Beyoncé (avec une déficience mentale), elle savourait sa victoire, il fallait bien le dire. Elle n’avait même pas encore remarqué Shawn qui venait juste d’entrer, et qui devait ma foi bien se marrer ! Finissant sa danse, la voix du jeune garçon parvint jusqu’à ses oreilles et elle se statufia en une demie seconde.
- BWAH ! Oh euh pardon, je n’avais pas vu que tu étais là…
Son Rubik’s Cube serré contre sa poitrine, le cœur battant, elle resta planté comme un piquet tandis que Shawn s’approchait de sa cabane (bon, ce n’était pas vraiment une cabane et puis, n’était-ce pas les enfants de 6 ans qui construisaient des cabanes ?). A vrai dire, la présence du garçon ne la gênait pas, mais bon quand même, il aurait pu frapper avant de rentrer ! (comment ça il faisait ce qu’il voulait ?). Phèdre examina à la dérobée la silhouette du jeune homme. La blonde avait tendance à materner un peu tous les Serdaigles, après tout, il fallait bien que quelqu’un veille sur ces petits piou piou parfois égarés ! Alors parfois, elle se comportait en mère poule un peu trop envahissante. Elle savait que Shawn avait une façon de s’alimenter très particulière, ne mangeant que très peu par moment. Phèdre ne le jugeait pas, ce n’était pas son rôle, mais elle s’inquiétait un peu pour lui et souhaitait seulement s’assurer qu’il ne manquait de rien. C’était aussi ça, être une préfète-en-chef, veiller sur les autres et leur apporter son aide ! La Serdaigle n’était pas ce genre de fille proche des garçons. Elle avait tendance à les éviter même. Mais son camarade était un gentil garçon, qui prenait sa défense lorsqu’il voyait que la jeune fille se faisait taquiner, parfois au-delà de la bonne camaraderie. Elle lui en était extrêmement reconnaissante, et c’est pour ça qu’elle se sentait à l’aise en sa présence.
Oubliant qu’elle avait encore ses lunettes sur son nez (d’ordinaire, elle les aurait jetées à terre sans autre forme de procès, pour éviter qu’on la voit avec), elle s’approcha de Shawn en plissant les yeux.
- Tu manges bien en ce moment Shawn j’espère ! Je ne veux pas que tu sois malade ! Elle appuya délicatement sur ses joues (un contact avec un être du sexe opposé, mais que se passait-il ??!) pour s’assurer qu’elles soient assez rebondies, signe de bonne santé selon Phèdre (l’école de médecine, c’était pas pour tout de suite). Oh mais j’en oublie mes bonnes manières ! Comment vas-tu ? Oui oui, mes lun… MES LUNETTES !
Soudaine réalisation pour Phèdre qui portait ses deux mains à son visage, se saisissant des branches des lunettes dans le but de les enlever, la bouche grande ouverte sous l’effet de la surprise et de l’horreur. Mais elle n’eut pas le temps de le faire, le compliment de Shawn la bloqua complètement. Ce n’était pas souvent qu’on lui faisait des compliments – surtout de ceux dont elle comprenait la teneur. La pauvre enfant se mis à rougir comme une tomate, la température au niveau de ses joues frôlant bien les 40 degrés. Elle rougissait aussi un peu de gêne. Il avait raison, elle n’en prenait pas tellement soin de ses lunettes et parfois sa mère piquait une crise pour ça. Mais elle les détestait tellement ! Elle faillit pousser un cri lorsque son camarade pointa sa baguette entre ses deux yeux. Un petit craquement annonça la réussite du sortilège et Phèdre cligna rapidement des yeux. Les vilaines traces de doigts en moins, on y voyait vachement plus clair, ce qui n’était pas désagréable.
- Je… merci, c’est gentil. Phèdre replaça une mèche de cheveux derrière son oreille en rougissant. Tu n’étais pas obligée de faire ça mais tu es bien le premier à me dire que mes lunettes me vont bien. A part ma mère bien sûr.
Elle adressa un grand sourire au Serdaigle. Elle n’avait pas osé lui dire qu’elle ne les porterait quand même pas en public et le jeune homme devait bien se douter qu’elle ne le ferait pas. Mais la blonde n’avait pas envie de contrarier son ami, alors elle tint sa langue. Tournant machinalement le Rubik’s Cube dans ses mains, elle fut ravie de voir que Shawn connaissait. Il était né-moldu après tout, c’était bien normal ! C’était d’ailleurs la plus grande raison pour laquelle Phèdre lui collait au train, le harcelant parfois un peu trop sur sa vie dans le monde moldu.
- Oui, tu as vu, j’ai réussi ! En brandissant avec un peu trop d’enthousiasme l’objet, elle frappa de plein fouet le pauvre garçon en plein dans le nez. OH NON ! Oh, quelle nouille, je suis désolée, ça va ? Tu saignes ? Ohala, il faut t’emmener à l’infirmerie, je t’ai cassé le nez hein ?
Non Phèdre, ta force de mouche ne va pas jusque-là, mais le garçon devait se demander pourquoi il se trouvait en compagnie d’une telle gourde. Toute affolée, Phèdre brassait de l’air en agitant les bras à la façon d’une poule en poussant des petits cris aigu de panique. Examinant de plus près le visage de Shawn, elle se rendit compte qu’il y avait finalement eu plus de peur que de mal.
- C’est pas si inoffensif que ça ce truc, dit-elle en balançant l’objet derrière elle, qui atterrit mollement sur son sac. Je suis désolée, je suis si maladroite ! Je comprends pourquoi on se moque de moi de temps en temps.
Phèdre fit un petit rire pour détendre l’atmosphère mais elle se sentait tout de même un peu triste. En plus de se payer tous les murs des couloirs simplement pour ne pas porter de lunettes, elle était d’une maladresse infinie. Du genre à renverser du chocolat bien bouillant sur votre dernier pantalon propre ou bien vous rendre borgne simplement en vous tendant une plume de secours. Elle avait appris à vivre avec mais on la raillait souvent sur ça et même si elle riait avec les autres parfois, ce n’était pas toujours sincère. Se retenant d’écarter les narines de son camarade pour voir s’il n’y avait pas de trace de sang, elle se calme, rassurée.
- Tu en as vu d’autres je suppose, mais j’espère que tu ne te sens pas défiguré ! Viens, assieds-toi !lança-t-elle en lui tapotant doucement l’épaule en dernier signe d’excuse.