Karis n'aime pas rester enfermée trop longtemps. Elle a toujours été habituée à vivre au grand air et d'ailleurs la mer lui manque. Bien sûr le décor de Poudlard a quelque chose d'enchanteur dont elle ne se lasse pas. C'est tout de même bien différent de l'air marin chargé d'embruns, d'une côte escarpée balayée par les éléments déchaînés ou même une petite crique paisible et préservée. Profitant de la fin des cours, la jeune sorcière décide donc de se rendre au bord du lac. Elle longe un moment la rive, songeuse. Le temps est morose ce qui ne semble pas avoir particulièrement d'influence sur son humeur. La demoiselle a de toute façon presque tout le temps un air mélancolique, surtout lorsqu'elle est seule. Elle finit par s'asseoir sur un gros rocher et sort de la poche de sa robe une lettre. Ses yeux la parcourent pour la seconde fois et un sourire vient fleurir sur son visage. Enfin des nouvelles de tante Sybell. Elle va mieux même si elle est très fatiguée et que le traitement prescrit par les médicomages est trelativement lourd. Le souci est de savoir comment lui répondre. Peut-être que si elle envoie un parchemin à son tour il lui sera remis à présent qu'elle a repris conscience. Il ne coûte rien d'essayer. La musicienne décide de s'en charger en rentrant.
Après être restée un moment à fredonner gaiement près de la rive, elle se remet debout et suit le chemin qui conduit au château. En passant près du terrain de quidditch, elle constate qu'une équipe est en plein entraînement. Ses pas ralentissent légèrement tandis que son regard scrute les couleurs de la maison affairée. Ce sont des serpentards et Karis tourne aussitôt la tête vers leur gardien. Helios est bien là avec ses coéquipiers. Depuis qu'elle a pris un piège à sa place quelques jours plus tôt, il la salue toujours et ils ont même échangé quelques mots. Aussi l'élève décide-t-elle de s'installer près des gradins pour l'observer un peu. Comme toujours elle se trouve bien maladroite en voyant l'aisance avec laquelle les autres parviennent à naviguer sur leurs balais. Il y a forcément quelque chose qu'elle fait mal, parce qu'elle est bien incapable d'avancer sur ces maudits engins. La poufsouffle se fait discrète, elle n'a pas très envie qu'on vienne lui chercher des histoires parce qu'elle espionne une autre équipe ou dieu sait quoi... A peine dix minutes plus tard, les joueurs se posent sur le terrain. Ils échangent quelques mots dont là où elle se trouve elle n'entend pas grands choses. Ils rangent leur matériel et récupèrent leurs affaires avant de s'éloigner. Le gardien est un des derniers à partir. Sans y réfléchir, la jeune fille se dirige vers lui. Probablement qu'il encouragerait ce soudain élan qui la pousse à mettre pour une fois sa timidité de côté. Après tout, ne lui a-t-il pas conseillé d'oser plus sans se soucier des autres ?
« Bonjour Helios. Je passais dans le coin et je t'ai vu t’entraîner.
Bien sûr elle a à peine prononcé ces paroles qu'elle se sent déjà un peu potiche. Elle rougit légèrement, se disant qu'elle va avoir l'air d'une de ces filles d'apparence superficielle qui fantasme sur les joueurs de quidditch. Pour le coup ce n'est pas vraiment son cas.
- Ça s'est bien passé ?
Question stupide et inutile, on dirait presque qu'elle se donne du mal pour passer pour une idiote. Il faut dire qu'elle va rarement au devant des autres et qu'elle n'est visiblement pas très douée pour les relations sociales. Ce n'est pourtant pas l'envie qui lui manque.
- Je ne sais pas pourquoi tu dis que tu n'es pas très à l'aise sur un balai, tu t'en sors bien mieux que moi ! D'ailleurs je me demandais... Ça t'ennuierait de m'aider à m'améliorer ?
Son regard clair croise celui du jeune homme. L'idée ne sonne pas aussi ridicule dite à voix haute que dans sa tête. Et puis, quel mal y a-t-il à demander de l'aide ? Surtout qu'il l'a assuré vouloir lui donner un coup de main un jour si l'occasion se présentait, ou quelque chose comme ça. D'un autre côté, elle n'a pas envie qu'il se force parce qu'il se sent redevable envers elle. Peut-être qu'à la place elle aurait dû lui demander de lui apprendre comment se faire aimer des autres. Cela lui paraît plus impossible encore que de se tenir sur un balai volant sans se vautrer lamentablement au sol.
- Tu as peut être du travail à faire ou bien tes amis t'attendent ?
C'est tout Karis ça, craignant de s'imposer elle lui offre elle-même une porte de sortie. Comme s'il n'était pas capable de trouver une excuse tout seul pour lui fausser compagnie. La sorcière redoute toujours l'image que ses camarades peuvent avoir d'elle. Non en vérité, cela lui devient de plus en plus indifférent du moins pour la majorité des élèves ici. Par contre, cela reste vrai pour ceux qui se montrent gentils envers elle ou qui ont gagné son respect d'une manière ou d'une autre. A sa grande surprise, l'échange qu'ils ont eu l'autre fois (furoncles et démangeaisons mis à part) avait été très agréable. Avec un peu de chance cela a été aussi le cas pour lui et il n'aura rien contre réitérer l'expérience. Même si apprendre le vol sur balai à quelqu'un d'aussi empoté qu'elle a sans doute tout d'une corvée.
Hélios avait toujours été un lève tôt, car comme le disait l'adage, l'avenir appartient justement à cette catégorie là.
Ainsi aux aurores, il était déjà en train de s'échauffer par une série de tractions et d'étirements, prenant à cœur sa préparation d'avant entraînement. Après les cours, entraînement de Quidditch. Si le cérébral allait être mis à rude épreuve pendant la journée, une bonne condition physique dès le matin permettait de mieux tenir, et de ne pas se décourager la journée déclinante en allant braver le froid mordant sur un balai. Ce n'était pas la meilleure saison en Écosse pour pratiquer ce sport.
Si gardien lui permettait de participer activement sous les couleurs des Serpentard tout en évitant l'esprit collectif du match, ce poste avait l'inconvénient d'être assez immobile, et le froid s'immisçait bien plus vite quand l'effort ne compensait pas.
En attendant, il prit une rapide douche et se concentra avant tout sur ses cours. Le Quidditch était secondaire pour lui, un passe temps utile. Il ne recherchait ni la gloire, ni la reconnaissance de ses pairs. "Faire son boulot" aurait-il dit tout au mieux. Il était toujours perfectionniste dans ce à quoi il s'engageait, mais Hélios savait le sens de ses priorités. Et le Quidditch n'en faisait pas vraiment partie.
Hélios déposa ses livres sur sa table de chevet, et enfila sa tenue de sport. Il se saisit de son balai, des plus classiques, et se dirigea avec le reste de l'équipe juste qu'au terrain. La plupart s'entendaient très bien, Hélios n'avait jamais trop réussi à s'intégrer. Il n'arrivait jamais à plaisanter avec simplicité, ou se moquer inutilement des autres maisons. Dans le recrutement, il n'avait pas été demandé d'être gardien et drôle de toute façon.
L'entraînement du jour était une piqûre de rappel sur les formations de jeu, lors du dernier match, plusieurs erreurs avaient coûté des points précieux. Dans un premier temps, ils se mirent en formation serrée, et volèrent en V tout autour du terrain, prenant des virages de plus en plus serrés.
S'ensuivit un jeu de passes avec le souaffle, tandis que les poursuiveurs tapaient dans le cognard avec modération pour gêner les échanges.
Hélios eut droit enfin à son entraînement particulier où il devait garder ses buts inviolés le plus longtemps possible. Il réussit assez bien à dévier les tirs à distance, moins à protéger ses buts lors d'escarmouches au corps à corps. Il allait devoir s'entraîner physiquement pour pallier la rapidité de son balai premier prix. Et du sport quotidiennement, ça ne faisait jamais de mal !
Le soleil commençait à rejoindre l'horizon, et la visibilité s'en ressentait. Aussi l'entraînement prit fin, et chacun descendit vers le sol pour se poser. Des derniers conseils, et techniques furent lancés dans la discussion, mais Hélios était peu concerné par tout cela. Il avait en revanche capté un mouvement du coin d'oeil, et aperçut une silhouette féminine dans les gradins.
Si le stade était souvent comble lors des matchs, les entraînements étaient quant à eux plongés dans le silence le plus absolu. Il faut dire qu'il n'y avait rien de bien intéressant à regarder. Hélios ne masqua pas son étonnement en reconnaissant la Poufsouffle, Karis, s'approcher vers lui. Que faisait-elle ici ? Avait-elle eu de nouveau des problèmes avec d'autres élèves, et le meilleur moyen d'en discuter avec lui était après l'entraînement, là où il n'y avait quasiment aucun élève ? Il était inutile de s'égarer en conjectures, il le saurait bien assez tôt.
Les autres élèves toisèrent l'arrivante, d'une autre maison de surcroît, mais Hélios n'en avait cure. Avec Dawn et Nika comme batteurs, il savait qu'il aurait son lot de fiel craché dans son dos s'il montrait un quelconque intérêt, aussi fit-il comme s'ils n'existaient pas.
Tenant son balai à la verticale, à quelques centimètres le long du corps, il regarda d'un air neutre Karis qui prit la parole.
- Salut Karis, tu t'es bien éloignée du château pour arriver ici. Je pensais que le Quidditch ne t'intéressait pas plus que cela non ?
Comme entrée en matière, il aurait faire plus amical, mais Hélios et les entrées en matière, il y avait du boulot.
- Oui, ça s'est bien passé, chacun fait son travail, on me fiche relativement la paix à mon poste, je n'ai pas trop à me plaindre. Et toi, qu'est ce qui a poussé tes pas à arriver jusqu'au sanctuaire du Vif d'Or ? Une éclaireuse pour donner des astuces à ton équipe ?
Hélios souriait en disant cela, qu'elle le fasse ou non, peu lui importait. Par contre, même si le rôle de gardien n'était pas le plus éprouvant, la séance de tirs au but l'avait fatigué, et la combinaison entre sueur et fraîcheur de la soirée le refroidissait de plus en plus. Il s'épongea le front d'un revers de manche, alors que la buée de ses dernières paroles finissaient de disparaître.
- Marchons un peu, je ne suis pas très présentable et trempé comme je suis, je risque en plus d'attraper la crève. Allons au moins nous abriter dans le préau en tissu d'où les joueurs arrivent en temps normal lors d'un match.
Alors qu'ils se dirigeaient à pas lents vers l'entrée des joueurs, Karis lui demanda s'il voulait bien l'entraîner à voler. Hélios tourna la tête vers Karis, haussant un sourcil, surpris. Pourquoi lui demandait-elle ça, à lui ? Les Poufsouffle avaient aussi une équipe de Quidditch, et demander à une maison adverse lui semblait étrange à l'oreille. Puis il se souvint de leur première discussion, à l'infirmerie. Karis était au dessus de cette adversité inter-maisons, elle accordait plus d'importance à l'individu qu'aux couleurs qu'il portait. Visiblement, elle avait dû tirer la conclusion qu'il était la personne la plus qualifiée pour l'aider dans ce domaine là.
- Il y a bien plus doué que moi pour voler crois moi, et même chez les Poufsouffle. Mais si tu veux que je te donne quelques conseils pour voler, ça ne me dérange pas non. Tu n'as pas ton balai par contre, et le mien n'est pas de première fraîcheur pour un premier entraînement sans risque. Quand veux-tu t'entraîner, maintenant, ou une autre fois ?
Il se planta au milieu du sas, et fixa Karis dans l'attente de sa réponse. Il y avait encore assez de luminosité pour un entraînement court, encore fallait-il qu'elle le veuille, et qu'elle aille chercher son balai.
- Si tu te sens d'humeur à affronter ce petit froid mordant qui nous fait nous sentir vivant en hauteur, tu peux aller chercher ton balai, pendant que je prends une douche rapide et change de tenue, le temps de l'aller-retour, je devrai être de retour ici et je te donnerai quelques conseils. Ca te va, ou tu préfères un autre programme ?
Hélios savait qu'il n'y avait pas d'urgence à faire dans l'immédiat cet entraînement au balai, mais si elle avait pris la peine de faire un détour jusqu'au terrain de Quidditch, et eut le courage de lui poser la question, peut-être y prêtait-il plus d'importance qu'il ne le pensait. Aussi lui faire savoir qu'il n'était pas opposé à passer du temps maintenant avec elle pour l'aider lui semblait une bonne chose.
- Et pour répondre à ta question, non, je n'ai pas d'amis, encore moins qui m'attendent. Je n'entretiens pas forcément de bonnes relations, qui plus est avec les 2 batteurs de mon équipe, pour des raisons que tu peux logiquement imaginer. Donc je suis disponible. Alors Mademoiselle Steadworthy, quel est le programme que vous me proposez ? Il afficha un dernier sourire, dans l'attente de sa réponse.
Dernière édition par Hélios Oldwood le Lun 8 Déc - 17:41, édité 3 fois
La jeune fille regarde le serpentard. Il n'a pas l'air plus ravi que cela de la voir l'aborder. Peut-être que cela l'ennuie qu'elle le fasse devant ses camarades. Toujours cette fichue manie de séparer les gens par maison. Plus que toutes les autres, celle-ci tient autant à sa pureté de sang qu'à la ségrégation. Aurait-elle mieux fait de s'abstenir dans ce cas ? C'est pourtant Hélios qui l'a incité à affirmer qui elle était et c'est exactement ce qu'elle fait en cet instant : elle se fout comme d'une guigne qu'il n'appartienne pas à Poufsouffle comme elle. Il aurait probablement préféré qu'elle reste auprès des siens. Karis prend un air consterné en l'entendant émettre l'hypothèse qu'elle vienne espionner pour le compte de son équipe. - Non jamais je ne ferai une telle chose ! Si on doit gagner ce sera honorablement, et je ne savais même pas que vous vous entraîniez. J'aime bien me promener dans le parc, je suis passée près du terrain et c'est là que je vous ai vu. Le sorcier se plain d'être trempé et du froid. Les traits de la demoiselle s'adoucissent un peu et en essayant de ne pas s'occuper des regards des autres joueurs pesants sur elle, tire sa baguette de la manche de sa robe. Pointant la tenue de son camarade, elle jette un sortilège sur ce qu'il porte.
- Impervius ! Oui, je sais c'est un peu tard... Ses joues rosissent en réalisant qu'elle a agi sans réfléchir. Ils seront bientôt à l'abri. Au moins cela part d'une bonne intention. Le Serpentard fait montre d'une certaine humilité lorsqu'elle lui demande s'il veut bien l'aider. Un prétexte pour ne pas avoir à la former ou une vraie sincérité de sa part ? A moins de lire dans son esprit, ce qu'elle ne fera pas, difficile de le déterminer.
- Tu es assez bon pour faire partie de l'équipe de ta maison, ceux pour qui la compétition n'est pas un vain mot. Alors à mon avis tu es plus que qualifié pour me faire progresser. Et pour ce qui est de demander à quelqu'un d'autre... La jeune fille soupira en dégageant la toile pour qu'ils puissent entrer en même temps.
- Je ne me livre pas facilement, et j'aime encore moins importuner les autres. Pourquoi te déranger toi ? Vas-tu certainement me demander. Je ne sais pas... Parce que tu es un des rares à m'avoir encouragé à être moi-même, à ne pas me cacher derrière mes peurs ? Karis est bien consciente que ses phrases peuvent sonner à double tranchant même si son intention n'est absolument pas de convaincre son camarade de l'aider contre son gré. S'il y a bien quelqu'un qui déteste imposer aux autres quoi que ce soit, à commencer par sa propre présence, c'est bien elle ! Elle s'est juste montrée sincère face à ses remarques.
- Je ne tiens vraiment pas à t'obliger à quoi que ce soit. Si tu as du temps, on peut faire ça maintenant mais si tu préfères on peut tout aussi bien repousser à un jour où le ciel sera plus clément.
Une nouvelle échappatoire offerte, elle se sent ainsi soulagée. S'il reste dans l'idée d'un petit entraînement au vol sur balai c'est qu'il en aura envie. Sa réponse la désarçonne quelque peu. La musicienne a souvent tendance à croire qu'elle est la seule à être incapable de se faire des amis. Le fait qu'Hélios prétende ne pas en avoir non plus l'intrigue. A moins qu'elle ait juste mal compris ? Il est sans doute trop tôt pour creuser la question, plus tard elle essaiera de le glisser si la conversation s'y prête. Elle sourit gentiment au sorcier et propose d'un air mal assuré :
- Cela dépend beaucoup de toi. Si tu ne te sens pas trop fatigué, le mauvais temps ne me dérange pas et je n'aime pas trop remettre au lendemain ce que je peux faire aujourd'hui. Sinon, on pourrait aller se prendre un thé ou un chocolat à l'intérieur pour te réchauffer, au cas où tu en aies envie.
Selon l'option qu'il retiendra, Karis fera venir à elle son balai à l'aide du sortilège d'attraction d'objets ou bien elle l'attendra sagement le temps qu'il se change avant de regagner le château en sa compagnie. En patientant, elle ne peut s'empêcher de fredonner une chanson moldue en regardant la pluie fine tomber doucement sur le parc par l'ouverture de la tente. Comme à son habitude, elle se perd dans ses pensées et la voix du garçon derrière elle la fait sursauter lorsqu'il revient. Elle se tourne vers lui.
- Pardon, tu disais ?
Tandis qu'il finit de ranger ses affaires dans son sac avant de partir, elle l’observe en évitant de poser sur lui des regards trop insistants. Leurs différences semblent si flagrantes malgré les similitudes dans leurs histoires respectives. Il y a bien des questions qu'elle voudrait pouvoir lui poser. Elle ouvre la bouche pour le faire et se ravise au moment où il lève le nez vers elle. Prise sur le fait, il va bien falloir dire quelque chose.
- Alors, ça se passe mieux avec tes cours optionnels ? J'aime toujours autant celui sur les créatures magiques, en plus j'ai un nouveau professeur qui est très gentil et très intéressant.
Hélios avait visiblement encore quelques réglages à faire pour être plus démonstratif quand il tentait un trait d'humour. Il se doutait bien, du peu qu'il connaissait Karis, qu'elle n'irait pas fureter ses entraînements pour aller révéler ensuite ce qu'elle avait vu à l'équipe de sa maison. Et ce pour plusieurs raisons. Elle n'avait pas cherché à être discrète, prenant même l'initiative d'aller vers lui, mais Hélios la voyait mal de base à tremper dans ce genre de pratiques. Trop foncièrement honnête et fragile pour se voir confier pareille mission.
Aussi haussa-t-il les épaules en signe de retraite.
- Ce n'était qu'une plaisanterie Karis, même si découvrir les techniques des autres équipes est aussi populaire que le match en soi, je ne te crois pas capable de faire pareille chose.
Alors qu'elle lançait le sort d'Impervius sur lui, Hélios sourit. Il ne se l'était pas lancé avant l'entraînement, car le temps était froid, mais sec. La bruine transperçante de fin de match avait cependant vite détrempée sa tenue. Sans sa baguette de toute façon, il n'aurait pas pu faire grand chose. Quoiqu'il en soit, si sa tenue était désormais imperméable pour quelque temps, il n'en restait pas moins trempé.
- Si un seau d'eau venait à me tomber dessus, je suis au moins protégé ! Merci Karis.
Il espéra cette fois que son trait d'humour était un peu plus évident que la première fois, aussi guetta-t-il discrètement sa réaction, alors qu'ils se dirigeaient à présent vers l'abri. Tout en marchant sur le sol qui progressivement devenait boueux, le sujet initial du vol en balai fut évoqué. Karis les complimenta, lui et son équipe, et expliqua les raisons qui l'avaient poussée à requérir l'aide d'Hélios plutôt qu'un autre.
- J'ai le poste le moins technique au Quidditch, mais je serai ravi de t'aider à t'améliorer à voler en balai. Sauter le pas et vouloir progresser est quelque chose que je ne réfrénerai jamais.
Hélios était un ambitieux, et il ne l'avait jamais caché. Il était prêt à tout pour cela, mais si plusieurs solutions étaient proposées pour progresser, il prendrait celle qui nuirait le moins possible. Autant pour s'éviter un retour de bâton, que parce qu'au fond de lui, il n'avait pas un mauvais fond. Il ne le savait pas lui-même, mais il était surtout un incompris, et faisant tout inconsciemment pour ne pas l'être.
- Tu as bien fait de venir me voir pour me demander de l'aide. Quant au temps, le moins qu'on puisse dire est que les conditions ne sont pas idéales. Mais comme tu me sembles poussée par un élan intrépide, je ne vais pas gâcher cela. Laisse moi le temps de me changer avant de finir en glaçon vert-argenté.
Hélios s'éloigna pour aller se changer, laissant le soin à Karis d'aller chercher d'une façon ou d'une autre son balai. Un sort d'Accio serait le plus efficace selon lui. Il repensa aux dernières paroles de Karis, alors qu'il enlevait un à un ses habits d'entraînement. Un peu comme lui, personne ne l'avait jamais encouragé. Leur point de départ avait beaucoup de similitudes, même si le chemin emprunté était diamétralement opposé. Ce handicap l'avait endurci et développé un sentiment d'autarcie où il ne pouvait compter sur lui-même pour obtenir ce qu'il voulait. Karis s'était plutôt renfermée sur elle-même, à se faire la plus discrète possible, pour qu'on l'oublie, s'enfermant dans les rêves plutôt que dans la dure réalité des choses. Pour autant, Hélios avait réussi à la toucher avec ses conseils, lors de leur première conversation à l'infirmerie. S'il pouvait l'endurcir sans changer sa nature, ce serait une bonne chose pour elle.
Il savoura de se sentir de nouveau au sec, de la tête aux chaussettes. Il s'essuya une dernière fois les cheveux, les rendant encore plus ébouriffés qu'ils ne l'étaient déjà. Il devrait prendre le temps d'aller chez le coiffeur à l'occasion.
Une autre fois ....
Hélios retrouva Karis regardant à l'extérieur, chantonnant des paroles qu'il ne connaissait a priori pas. Elle ne l'entendit pas arriver, aussi resta-il quelques instants à l'écouter fredonner, les bras croisés, le balai serré à la verticale sous son aisselle.
Pensant la chanson finie, il se hasarda à lui demander d'où provenait cette chanson, réalisant trop tard qu'il ne s'agissait que d'une pause entre deux couplets. Ce qui coupa Karis en pleine interprétation.
- Désolé, je pensais que tu avais terminé de chanter. Je te demandais le titre de cette chanson, elle ne me dit rien. En tout cas, tu as une très belle voix. Quand tu seras médicomage, tu pourras envoûter tes patients comme une Vélane. Ils te supplieront de leur faire des piqûres tu verras !!
Hélios laissa échapper un léger rire, avant de se saisir de son balai. Il avisa celui de Karis, aussi prit-il les choses en main.
- Bien, avant le réconfort, l'effort, et si tu veux avoir l'insigne honneur de boire un chocolat chaud, il va falloir le mériter ! En piste !
Sans même attendre une objection de Karis, il se dirigea de nouveau vers le terrain, le soleil ayant déjà perdu le quart de sa superbe par l'horizon. A la fine bruine se succédait un crachin un peu plus persistant, et cette fois, Hélios se lança sur sa nouvelle tenue un sort d'Impervius. Il n'avait plus d'habits de rechange à disposition.
- Bien, dis moi déjà ce que tu sais bien faire, à peu près faire, et pas du tout faire. Ca me donnera une idée de ton niveau global. Histoire que je sache si on se contente de faire des tours de terrain, ou si on tente un quadruple looping autour des buts. Ca n'a aucun intérêt soit dit en passant, mais ça peut faire son effet lors d'une soirée !!
Esquissant un sourire, Hélios enjamba son balai, et regarda Karis faire. Il observa ses gestes, la tenue de son balai, son assurance à grimper dessus. La comparaison avait beau être hasardeuse, il avait considéré monter un balai comme une attitude vis à vis d'un chien. Si le chien ressentait la peur de l'humain, et affirmerait sa position de dominant, le balai tout inerte soit-il ne saurait jamais bien être manié par celui qui le craignait.
- Il faut bien que tu te dises que seul, le balai est inutile. Il ne saurait même pas bien dépoussiérer une pièce. Entre tes mains, il doit devenir le prolongement de ton esprit, de tes réflexes. Tu ne dois pas te dire : "Je dois mettre mon balai comme ça pour aller là", mais "je veux aller là, point." Théoriser l'apprentissage du vol en balai est pour moi la pire façon pour bien voler. Tu dois certes connaître les bases d'orientation, mais tu dois te contraindre ensuite à sentir le balai, et non rationnaliser tes déplacements. Je ne sais pas si je suis très clair. On va essayer un tour de terrain, je reste un peu en retrait pour voir comment tu te débrouilles. Toujours partante ?
D'une impulsion, Hélios se détacha du sol et prit vite de la hauteur, regardant en contrebas Karis. Sa robe flottait au gré du vent qui soufflait aléatoirement.
- Tu es venue balayer le terrain, ou tu veux voler ? Qu'est ce que tu attends, envole toi et montre moi ce dont tu es capable !
Une petite pointe d'invective, un soupçon de motivation, la recette à laquelle Hélios s'était nourri toute son enfance allait maintenant être servie à Karis.
Visiblement le garçon se plaît à la taquiner. Voilà bien une chose dont elle n'a pas l'habitude et qui la désarçonne quelque peu, au point qu'elle a bien du mal à savoir quand il est sérieux et quand il plaisante. Après les premiers instants laborieux où elle s'en voudrait presque d'avoir fait cette démarche, Hélios lui montre qu'elle a eu raison en acceptant de bon cœur (du moins l'espère-t-elle) de l'aider. Cela la surprend en tous cas de l'entendre dévaloriser son rôle dans l'équipe. L'analyse de la musicienne est bien différente.
- Je ne suis pas d'accord avec toi. Je ne crois pas qu'il soit moins technique de devoir rester en vol quasi stationnaire devant ses buts.
Reste à savoir si son analyse est pertinente. Elle est loin de maîtriser ce genre de compétences, c'est peut-être pourquoi rester immobile sur son balai dans les airs lui semble encore plus compliqué que de filer dans une direction. Même si dans les deux cas, elle finit généralement par chuter. Tandis qu'il est parti se changer, elle récupère le fameux instrument de torture avec lequel elle espère parvenir à se réconcilier. Le modèle date de deux ans et il n'a servi que durant ses cours et ses piètres tentatives solitaires consacrées à dompter la bête. A cause de ses échecs, il a perdu un peu de son apparence neuve. Il reste malgré tout dans un très bon état. C'est un bon balai, sa tante le lui a offert pour son anniversaire à l'époque. Comme à son habitude, elle oublie rapidement l'objet capricieux et s'évade par la musique. Sans se douter qu'elle a un spectateur jusqu'à ce que sa voix vienne interrompre sa rêverie. Elle lui sourit en secouant gentiment la tête lorsqu'il s'excuse de l'avoir interrompu. Rougissant lorsqu'il la compare avec une Vélane.
- C'est une chanson de Phil Ochs ça s'appelle When I'm gone. C''est un chanteur que j'aime beaucoup.
Karis se garde de dire pourquoi, elle n'a pas envie d'ennuyer son camarade avec sa passion, surtout s'il ne la partage pas. La plupart des jeunes de leur âge apprécient la musique actuelle et pas tout ce qui est rétro comme elle. De toute façon, il ne lui offre pas beaucoup de temps pour échanger sur le sujet. Alors elle lui emboîte le pas, se lançant sur elle même le sortilège pour repousser l'eau en chemin. Ils s'arrêtent sur le terrain de Quidditch où elle a le sentiment d'être tout sauf à sa place. La musicienne espère donc qu'aucune équipe ne compte venir s’entraîner. Le temps devrait les dissuader de le faire, mais sait-on jamais. Le Serpentard l'interroge sur son niveau. Le pauvre, il ne va sûrement pas être déçu du voyage.
- Heummm... Je sais décoller, à peu près. J'ai plus de mal à voler ensuite, enfin surtout prendre les virages et je ne te parle pas de mes atterrissages pour le moins chaotiques.
La jeune fille écoute sagement ses conseils qui sonnent bien différemment de sa perception de cette activité. Elle hoche la tête pour signifier que oui elle est toujours d'attaque. Ce sera certainement moins le cas quand elle se sera vautrée sur le terrain détrempé et par la même occasion ridiculisée. Ce n'est pas pour autant qu'elle n'enfourche pas son balai sur le champ. Miss Steadworthy est volontaire et donc bien décidé à faire tout son possible pour progresser. Avant de donner l'impulsion nécessaire à son envol, elle se repasse mentalement les conseils du sorcier. Pleine de détermination, son décollage est presque un sans faute, seulement une fois dans les airs, elle perd toute son assurance et se crispe rapidement sur le manche de bois. On sent bien qu'elle n'est pas à l'aise, qu'elle redoute la chute avant même d'avoir volé. La Poufsouffle poursuit malgré tout, avançant tant bien que mal en essayant de ne faire qu'un avec son instrument. Seulement si son cerveau veut bien coopérer, son subconscient n'a pas l'air en accord. Elle se cramponne si fermement que ses paumes en deviennent toute blanche. Elle poursuit sa course, frôlant d'un peu trop près les obstacles au point que lors d'un nouveau virage négocié de manière parfaitement brutale, elle finit par atterrir contre le bois des gradins puis par ricochet sur le sol. Par chance, la chute n'a pas été trop violente et à part une ou deux égratignures, elle ne ressent aucune douleur. Sa robe est un peu boueuse sur le côté. Soupirant de se voir si mauvaise, elle récupère son balai au moment où Hélios se pose tout près d'elle. - Tu vois je ne t'avais pas menti. Je suis aussi empotée qu'un troll. Et encore, peut-être qu'ils se débrouilleraient mieux que moi.
La jeune fille n'ose pas encore regarder son camarade. Il doit être atterré en voyant son niveau. Pour toutes les autres matières, elle n'a aucune difficulté. Il suffit d'apprendre, de comprendre et de retenir. Mais pour le vol sur balai, on a beau potasser tous les livres qui en parlent, la chose est bien plus complexe, du moins pour ce qui la concerne.
- Heureusement je me débrouille mieux en transplanage, j'aurais toujours ce moyen de locomotion.
Encore piteuse, elle replace une mèche de ses cheveux derrière son oreille, se mettant un peu de boue sur la joue au passage.
- Tu crois que mon cas est désespéré ?
Karis lui sourit, relevant enfin les yeux vers lui. Elle essaie de plaisanter à son tour pour détendre l'atmosphère parce que là elle a juste envie de brûler ce maudit balai, de rentrer se doucher et pourquoi pas de sauter le dîner pour profiter de sa chambre et jouer de la guitare. Seulement, cela ne résoudrait rien et elle le sait. La musicienne n'est pas du genre à baisser si facilement les bras lorsqu'elle a décidé quelque chose. A moins peut-être qu'Hélios lui dise qu'elle ne progressera jamais...
Karis ne semblait pas partager son point de vue concernant le poste qu'il occupait, aussi estima-t-il devoir affiner son explication. Non qu'il avait grand plaisir à démontrer par a+b qu'il ne servait à rien, mais il n'appréciait pas non plus recevoir des éloges qu'il ne méritait pas. Il n'était finalement pas prêt à tout par ambition. Voler le mérite de quelqu'un d'autre ne lui viendrait pas à l'esprit.
- Ce que je veux dire Karis, c'est que le gardien n'a pas un rôle déterminant. Je peux me prendre 200 buts à la chaîne - enfin quand même pas mais bon - si l'attrapeur de mon équipe se saisit du vif d'or, il est quasi impossible de perdre la partie vu le nombre de points que ça donne. Un gardien peut-être bon comme capitaine, car il a une vision d'ensemble du jeu, mais je ne serai pas bon dans ce rôle. Un peu trop individualiste je pense ...
Une fois lui changé, elle appairée de son balai, l'heure de l'entraînement avait sonné. Seule la chanson qu'elle fredonnait, se pensant seule, avait retardé cette échéance. Sa voix cristalline l'avait comme figé, et il n'avait pas hésité à la comparer à une Vélane. Sa voix avait ce quelque chose d'envoûtant, un pouvoir similaire à un transplanage de l'esprit, vers un cocon protecteur. Alors même que la chanson en question lui était totalement inconnue. Que serait-ce si elle avait chanté une mélodie qui lui était chère ?....
- Phil Ochs ?... Un chanteur moldu ? Peu importe qu'il soit moldu ou pas pour le coup .... Je vais essayer de me dégoter ses chansons pour écouter tout cela. Je ne pense pas que tu sois disponible à toute heure de la nuit pour me les chanter n'est ce pas ?
Si Hélios afficha un sourire à la fin de sa petite tirade, aucune joie ne transparaissait sur ses traits. Un sourire de circonstance, de façade, d'agrément. Ce genre de réflexe musculaire qu'on ne contrôle pas vraiment, un peu comme le "oui" automatique à la question "ça va ?!" quand bien même on serait au plus profond du trou noir que creuse notre dépression.
L'entraînement fait office d'excellent échappatoire et Hélios donne sa vision des choses quant à voler en balai. Il est bien incapable de dire si cette méthode fonctionnera aussi avec Karis. A l'entendre, son niveau paraissait médiocre. Savoir décoller et voler en ligne droite, n'importe quel première année, deuxième au pire devait dépasser ce niveau. Pour autant, Hélios ne prit pas pour argent comptant ce que Karis lui disait, car il avait remarqué qu'elle avait la fâcheuse tendance à se sous-estimer. Aussi décolla-t-il à la quasi verticale, et prit de la hauteur en attendant qu'elle en fasse de même, l'exhortant de qu'il pensait être quelques encouragements.
Pour le décollage, elle n'avait pas menti. Elle prit de la hauteur sans trop de difficultés, arrivant à sa hauteur avec facilité. Il remarqua que les choses se compliquèrent alors qu'elle restait en suspens dans les airs, prises entre les rafales traîtresses. Elle n'attendit pas une quelconque directive d'Hélios pour démarrer comme prévu son tour de terrain. La vitesse est relative, le maniement du balai encore plus. Les gestes sont hésitants, et tout montre dans l'attitude de Karis qu'elle n'a absolument pas envie d'être là où elle se trouve actuellement. La terre ferme a bien plus d'attraits qu'un bout de bois qui vole !! Hélios reste à distance raisonnable, continuant de jauger son niveau réel, et il dut reconnaître effectivement, qu'il n'était pas fameux. Le virage de l'aile ouest du terrain gagna le combat, et il vit avec stupéfaction Karis se prendre les gradins et dégringoler au sol.
Penchant son balai vers l'avant, Hélios fila à toute vitesse là où Karis était à moitié étendue sur le sol. Stoppant à quelques centimètres du sol, il passa sa jambe au dessus du balai pour se diriger vers Karis.
- Oh là !! Ça va ?! Laisse ton balai où il est, et dis moi où tu as mal.
Heureusement, elle était plus tombée sur les fesses, mais on pouvait se casser tout et n'importe quoi au Quidditch, et ce n'est pas une victime d'un cognard qui dirait le contraire. Hélios se surprit de se sentir d'être inquiet pour l'état de santé de Karis, alors même qu'elle n'était ni tombée inconsciente, ni hurlait de douleur. La seule chose qui vint à l'esprit de Karis, fut de jauger le regard que lui avait à l'égard de sa prestation. C'était si secondaire en cet instant ...
- Je n'ai jamais vu de troll sur un balai, je ne me risquerai pas à comparer les deux prestations. Cela dit, un troll fait plus voler les autres que lui-même à mon humble avis.
Il n'était pas très doué pour détendre une atmosphère tendue, mais c'était tout ce qui lui était venu à l'esprit sur l'instant.
- Tu as percuté les gradins, tu ne peux pas vérifier si tu ne saignes pas quelque part ?... Tu es en robe, et je ne vois pas si tu es blessée. Je me retourne bien sûr, à moins que tu veuilles rentrer dans le sas des joueurs.
Le sang et la boue ne faisaient jamais bon ménage, et il était inutile de reprendre un entraînement blessée quand elle était si stressée "en parfait état". Karis enchaîna en évoquant le transplanage et le jugement qu'elle portait sur sa prestation.
- Je suis d'accord sur le fait que le transplanage soit bien utile que le vol en balai. Mais crois-moi, il ne te donnera jamais les mêmes sensations une fois que tu sens le vent fouetter ton visage au dessus du lac. Tu n'arriveras pas à cesser d'avoir ce sourire un peu niais sur le visage, crois moi. Et ne dis jamais plus que ton cas est désespéré. Il ne le sera que si tu baisses les bras au premier obstacle rencontré. Aussi ne me déçois pas en étant ce genre de personnes qui comptent abandonner.
Hélios en avait tellement côtoyé, des élèves, des moldus du temps de sa jeunesse, qui, sous couvert d'une difficulté, préféraient la contourner sans même la combattre. Il n'était pas question d'attaquer de front, mais avec ses armes. La force, l'intelligence, la patience, la ruse, le soutien, l'analyse, tout le monde avait au moins une qualité, aussi minime était-elle, pour se confronter au problème rencontré. Et peu importe si cette personne échouait, elle avait essayé.
- Je t'offre plusieurs choix Karis, prends quelques secondes pour réfléchir avant de me donner ta réponse. Tu peux reprendre ton balai, et faire une nouvelle tentative, et je resterai plus près de toi pour te rattraper si te vient encore l'idée d'aller jouer la spectatrice dans les gradins. Tu peux aussi estimer avoir eu ta dose pour la journée, on rentre à Poudlard autour d'un chocolat chaud, et me demander de t'entraîner une autre fois, et nous prendrons le temps qu'il faudra pour que les trolls te craignent dans les airs. Enfin, tu peux en avoir ta claque du balai, et tu ne souhaites qu'une chose, c'est de rentrer et qu'on te foute la paix avec ce sport. Dans ce cas, on rentre, et ne me demande plus jamais mon aide, pour quoi que ce soit.
Hélios pensait chacun de ses mots, et s'il avait bien une préférence pour les deux premières hypothèses, il se tiendrait à la réponse de Karis, et aux répercussions que cela engendrerait entre eux. Si elle décidait de tout arrêter, alors elle ne mériterait plus qu'il s'intéresse à elle, et perde du temps avec une perdante née. Seuls les battants, peu importait leur niveau, méritait son attention, et il ne s'en était jamais caché.
En voyant la trace de boue sur la joue de Karis, cela lui donna une idée aussi débile qu'amusante intérieurement. Hélios s'approcha d'elle, prit un peu de boue sur la chevelure de la demoiselle, et la posa d'un geste rapide sur l'autre joue.
- Te voilà comme les amazones du temps passé désormais. Vas-tu fuir le combat, y faire face de suite, ou opérer un repli stratégique pour mieux vaincre l'ennemi "vol" qui se dresse contre toi ?
Karis se met à rougir pour changer lorsqu'il lui semble que les mots du Serpentard lui adressent une sorte de compliment. Tout ce qui a trait à sa musique la touche bien d'avantage que lorsque l'on vante ses prouesses scolaires ou même ses qualités. Cela tient probablement à l'énorme place que cette passion occupe dans son histoire et dans sa vie. Elle commence en tous cas à saisir en partie les taquineries du garçon. En espérant d'ailleurs que ses mots ne soient pas une tentative détournée pour se moquer d'elle. Elle choisit donc d'y répondre avec légèreté, en renvoyant l'attention sur le compositeur original.
- Je ne pense pas qu'une Poufsouffle armée d'une guitare ferait fureur en chantant des balades en pleine nuit dans ton dortoir. Enfin pour revenir à Phil Ochs, c'est un artiste qui écrit et chante des textes engagés. Il a eu une fin assez triste.
Inutile probablement de lui faire tout un speech sur son histoire ou ses textes, Helios en demandera d'avantage si le sujet l'intéresse selon elle doute. De toute façon il est temps de se mettre au travail, après tout elle ne monopolise pas son temps pour lui rabattre les oreilles avec la musique, le pauvre. Malheureusement comme il fallait s'y attendre, sa démonstration de vol sur balai n'est brillante que si l'on considère qu'elle a pour but de mettre en relief la médiocrité de la demoiselle dans ce domaine. De ce point de vue-là, sa chute illustre plutôt bien l'ampleur du problème qui l'a amené à solliciter son aide. Le batteur l'interroge sur une éventuelle blessure, la demoiselle secoue la tête d'un air rassurant. Elle souffre légèrement, rien d'insurmontable toutefois. On ne risque pas de l'entendre se plaindre, probablement parce qu'on l'a élevé ainsi. Chez les Steadworthy, on serre les dents et on souffre en silence. Son grand père n'aimait déjà pas l'entendre pleurer lorsqu'elle était toute petite.
- Ça ira, ne t'en fais pas. C'est loin d'être ma première.
Pour lui faire plaisir, elle remonte malgré tout ses manches puis le bas de sa robe de sorcier et de la jupe qu'elle porte dessous. C'est ainsi qu'elle constate une écorchure au niveau de son genou gauche, le même qui justement la lance, ceci explique cela... Karis lâche le pan du vêtement qui retombe cacher ses jambes, elle hausse les épaules d'un air de dire que c'est bénin.
- Tu vois ce n'est pas grave.
Aux mots du jeune homme, ses yeux plongent dans les siens. Il est rare qu'elle soutienne le regard de quiconque. Qu'il ne sache pas vraiment qui elle est n'est pas surprenant, après tout il y a quelques jours il ne se souvenait même pas de son nom. Sans compter que la Poufsouffle est bien consciente d'avoir l'air d'une petite chose fragile prête à renoncer au premier obstacle, et sans doute d'ailleurs qu'elle-même s'en croit capable. En vérité, la première à ignorer ce dont elle est capable, c'est elle-même. Et pourtant, sous cette apparente faiblesse se cache quelqu'un d'assez fort pour revenir jour après jour affronter ses bourreaux dans un collège ou même à Poudlard, assez forte pour grandir sans ses parents et pour réussir ses études magiques sans l'aide de personne. Ce n'était pas un vulgaire balai ou quelques chutes qui risquaient de la décourager. Elle s'apprête d'ailleurs à enfourcher de nouveau ce maudit objet lorsqu'un geste de Hélios la coupe dans son élan. La musicienne reste un moment surprise par ce qu'il vient de faire. Finalement elle se ressaisit et esquisse un petit sourire en coin avant de prendre appui sur ses pieds pour mieux s'élancer dans les airs. Après s'être élevée de quelques mètres, elle se retourne.
- N'es-tu pas censé voler à mes côtés ? Ohhooh
Mauvaise idée de regarder vers l'arrière quand on a déjà du mal à voler droit, son balai fait une embardée, par chance elle parvient de justesse à se rétablir. Au prix de toute sa concentration cette fois, elle se donne du mal pour avancer, toujours aussi cramponnée au long manche. Elle vole d'ailleurs sans doute un peu trop vite pour quelqu'un d'aussi maladroit sur ce genre d'engin.
- Je dois être à mi-chemin entre le troll et l'amazone, non ? Amatroll ou trollazone ?
Ne pas se focaliser sur sa peur de la chute, ne pas penser non plus qu'elle ne peut pas y arriver car au contraire elle a envie de réussir. Karis est parfois sa pire ennemie, elle qui se pense si incapable de bon nombre de choses. Elle s'est forgée seule au milieu des doutes, des moqueries et loin du moindre encouragement extérieur. Pas facile dans ces cas-là d'avoir confiance en soi, quoique... Le Serpentard n'est-il pas le parfait exemple du cheminement inverse ? Les virages sont toujours aussi brusques, d'ailleurs elle manque de buter contre le jeune homme à un moment. Ses mains sont serrées sur son balai, elle est toute tendue bien qu'elle essaie de paraître décontractée en plaisantant elle aussi.
Se massant le menton, Hélios considéra l'éventualité de voir Karis dans le dortoir des Serpentard. Éventualité vite balayée, vu qu'aucun non-Serpentard n'était entré dans le dortoir de sa maison depuis des décennies, et il ne tenait pas à briser cette fierté, aussi douée était la chanteuse amatrice.
- Effectivement, je ne pense pas que tu y serais bien accueillie. Je me contenterai du chanteur original malheureusement. Que lui est-il arrivé d'ailleurs pour que tu considères sa fin "triste" ?
Hélios imaginait trois hypothèses : assassiné, accident de voiture, ou tombé dans le plus sombre anonymat. Souvent drogue et alcool jalonnaient la route de l'étoile devenue filante. l'Art comme la musique ou le chant, était une sorte de magie très puissante, mais terriblement dépendante du regard des autres. Un artiste pouvait être talentueux, s'il n'était pas né à la bonne époque, ou ne faisait pas écouter son don aux bonnes personnes, la magie qui bouillonnait en lui risquait de s'étioler sans jamais avoir réussi à germer. Il fixa un instant Karis, alors qu'elle répondait à son interrogation. Elle ne devait pas être du genre à faire profiter les autres de son talent. Elle devait vivre la musique comme un échappatoire plus qu'une occasion de briller. D'une certaine manière, Hélios considérait cela comme un gâchis. Elle chantait bien, elle a ce don inné du rythme et de l'intonation juste. Nul besoin de beugler pour prouver que l'on avait de la voix, Karis maîtrisait sa voix, dans son registre, et la magie opérait. Aussi bien humblement Hélios voulut lui forcer le destin.
- Avant que nous ne décollions, ça me ferait plaisir que tu puisses me chanter d'autres chansons ? Tu en as peut-être composé toi-même ? Autour d'un chocolat chaud, préparé par moi-même !! Impossible de refuser.
Hélios se nota mentalement d'apprendre très rapidement comment préparer un bon chocolat chaud, vu qu'en général, les elfes de Poudlard s'en occupaient.
L'entraînement personnalisée débuta, et se solda par une chute de l'élève. Apparemment rien de cassé, mais en relevant son bas de robe, son genou a dû absorber une bonne partie de la cascade improvisée. Affichant une moue dubitative, Hélios regarda un court instant Karis sourire aux lèvres.
- Ne va pas te casser la jambe, pour finir avec une jambe de bois au final. Encore que, avec un peu de magie, tu pourrais t'en servir comme balai ! Hmm, à méditer tiens ... Enfin, si la future médicomage pense que ce n'est rien, qui suis-je pour la contredire !!
Hélios est d'autant plus ravi qu'après lui avoir donné le choix de continuer, de reporter ou d'abandonner, Karis se saisisse de nouveau de son balai et ne l'attend même pas pour s'élancer dans les airs. A peine eut-il le temps de lever la tête, qu'une petite pointe de sarcasme amusante succède une "presque nouvelle" chute de la demoiselle. Donnant une impulsion souple et puissante, Hélios arrive rapidement à la hauteur de cette dernière.
- Au lieu de faire ta maligne, focalise toi sur ton balai. Tu pourras te moquer autant que tu veux après. Regarde tes doigts, puis les miens. Tes phalanges sont blanchies tellement tu t'accroches désespérément à ton balai. Les miennes serrent juste ce qu'il faut. C'est un peu comme le guidon d'un vélo pour reprendre une invention moldue. Si tu le tiens trop fort, tu le manies moins bien que si tes poignets sont souples.
La théorie est une chose, la mise en pratique une autre, et en voyant Karis reprendre une allure de croisière, il y a encore bien du boulot. Même si elle salue son effort à vouloir paraître plus à l'aise qu'elle ne l'est vraiment, Hélios n'est pas dupe. Il la sait peu à l'aise dans cet exercice, mais elle a le mérite de persévérer, ce qui n'aurait pas été le cas de tout le monde. Hélios, pour éviter la même mésaventure que le premier essai, volait plus proche de Karis cette fois. Légèrement en retrait, un peu comme la barre d'un "V", il était là au cas où elle voulait inconsciemment dire bonjour à la boue, sans géner son champ de vision.
Les lignes droites étaient déjà mieux amorcées, mais les virages restaient le gros problème. Après plusieurs tours, Hélios crut comprendre qu'elle ne savait pas doser son inclinaison pour bien prendre le virage en fonction de la vitesse. Le souci résidait tant dans l'impossibilité de s'entraîner au sol - car retranscrire les sensations et les mouvements sans bouger n'était qu'une perte de temps - mais qu'il fallait justement une certaine vitesse pour prendre un virage convenablement en balai. Le système était similaire à une voiture, au plus la vitesse était faible, au plus il fallait tourner le volant pour tourner.
- Relâche un peu ta prise sur ton balai, et penche toi un peu plus sur celui-ci. Tu auras une meilleure prise au vent, et donc tu seras moins sujette aux bourrasques et turbulences. Pour ....
Karis fit une embardée qui faillit le percuter. Hélios remercia ses réflexes alors qu'il lâchait son balai d'un main pour attraper l'épaule de Karis, et rétablir le précaire équilibre qu'elle avait sur son balai. Une fois remise plus ou moins droite, il la lâcha.
- Je disais donc, avant que tu ne décides de m'inviter à danser dans une valse à deux balais, pour que tu prennes mieux tes virages, relâche ta prise et rend tes poignets plus souples. Ensuite, tu dois accompagner ton balai sur le côté où tu veux tourner. Comme une moto dans un virage. Et tu ensuites tu vires, et tu tourneras toute seule tu verras.
Il n'attendait pas qu'elle devienne une pro des virages serrés, mais savoir tourner sans avoir la crainte qu'un cognard vous attend justement au tournant, ce ne serait déjà pas mal. Et puis, il devait bien le reconnaître, cette petite "balade" était bien plus agréable pour lui que l'entraînement juste avant. Lui pourtant si focalisé sur l'intérêt d'une chose pour ce qu'elle peut lui apporter, souffler un peu était loin d'être désagréable finalement.
- Faisons encore un ou deux tours, et on arrête l'entraînement pour aujourd'hui. Le jour commence à tomber très vite là, et on ne va pas faire ton baptême du feu en pleine nuit. Surtout que tu vas devoir soigner ton pied bot, et que le chocolat chaud nous attend, tu l'as bien mérité pour une première.
Une fois les tours accomplis, Hélios et Karis se posèrent. Hélios attrapa négligemment son balai et le porta d'une main.
- Karis Amatroll, hmmm .... A-ma-troll, ça ne ferait pas un peu déclaration d'amour d'un jouvenceau transis sous le balcon d'une troll non ? Je comprends pourquoi tu aimes la musique ! Il faut que ton troll chante aussi bien que toi c'est ça ?!
Hélios rit de sa propre blague, imaginant brièvement la scène de deux trolls se faisant la cour, l'un en pantalon moulant coloré, l'autre sur son balcon à répondre en poussant la chansonnette.
- Désolé, je m'égare, il est assez rare chez les Serpentard qu'une fille ait assez de recul sur elle-même pour s'autoproclamer amazone troll. C'est assez rafraîchissant je dois dire, même s'il faut reconnaître que tu ne tiens pas beaucoup de ton ascendance troll. Il fallait plus manger quand tu étais jeune ma chère Karis !
Hélios récupéra ses affaires laissés dans la tente où il s'était donné rendez-vous juste avant l'entraînement. Il s'épongea le front, histoire de ne pas attraper une crève carabinée alors que son organisme allait se mettre à refroidir.
- Je suppose qu'on transplane chacun de notre côté ? Je dois aller ranger mes affaires, mais on peut se retrouver à la salle commune ensuite. Enfin, une fois que tu auras soigné, ou tu te seras faite soigner ce genou. Il y aura inspection donc pas d'entourloupe ! Je tiens à conserver ma troll préférée en pleine forme pour un futur entraînement. Le programme te convient ?
Dernière édition par Hélios Oldwood le Mar 23 Déc - 9:19, édité 1 fois
La demoiselle sourit en constatant que le Serpentard s'intéresse au moins un peu à l'artiste qu'elle a mentionné. Elle-même n'est pas du genre à faire montre d'une curiosité maladive et déplacée au sujet de la vie d'un chanteur qu'elle apprécie. Néanmoins connaître leur parcours éclaire parfois un texte, l'esprit d'une chanson.
- Comme je te l'ai précisé, c'était un auteur engagé, ses compositions pronaient la paix et militaient pour les droits civiques. Après de nombreuses épreuves, il était de plus en plus désillusionné et dépressif. Il a sombré dans la drogue, l'alcoolisme. A la fin de sa vie il a même développé des troubles mentaux. Il s'est suicidé alors qu'il n'avait qu'une petite trentaine d'années.
La mine de Karis exprime une certaine tristesse à l'évocation de cette histoire. On pourrait trouver cela ridicule puisqu'elle ne connaissait même pas personnellement ce monsieur qui d'ailleurs vivait de l'autre côté de l'océan. La sorcière est quelqu'un de sensible, pleine de compassion. C'est d'ailleurs peut-être pour cela que la musique la touche autant ou qu'elle en possède la fibre. Et le fait qu'il lui demande une autre chanson pour plus tard la surprend d'avantage. Ses joues sont de nouveau cramoisies lorsqu'elle lui répond.
- Si cela te fait plaisir oui bien sûr. Je chante rarement devant les autres. Je compose un peu, sauf que je n'ai jamais joué mes morceaux devant quiconque. Ils sont assez personnels et je ne sais pas trop ce qu'ils valent.
Elle aurait tendance à se déprécier d'avantage, sauf qu'elle pressent que son camarade ne va pas voir cela d'un bon œil. Il a insisté l'autre fois pour qu'elle croie en elle-même. Malheureusement ce n'est pas sa démonstration sur balai qui risque de l'encourager à se valoriser. Hélios a dû vite le constater, en tous cas il a évité de faire une remarque désobligeante sur sa prestation. La musicienne ne risque pas d'abandonner si vite, et ce n'est pas juste à cause des mots qu'il a employé pour lui exprimer le fond de sa pensée sans détours. Elle fait même fi de sa blessure aux genoux. La Poufsouffle n'a d'ailleurs pas trop l'habitude qu'on s'inquiète ainsi pour elle. Depuis qu'elle est petite, quand elle chute on lui dit que ce n'est rien et qu'elle ne doit pas se plaindre pour si peu de choses. De ce côté-là, elle s'est rapidement mise au pas.
Le sorcier lui prodigue quelques conseils, en relevant le nez pour voir ses doigts à lui, elle manque à nouveau de tomber et se cramponne encore plus fort au manche de son balai. Tout l'effet inverse de celui voulu en somme. La jeune fille acquiesce néanmoins et s'évertue ensuite à l'appliquer, desserrant sa prise et essayant d'être moins crispée. La tâche est ardue lorsque l'on est aussi stressée qu'elle-même. Par chance, la présence du Serpentard a tout de même un effet rassurant et elle arrive peu à peu à gagner en confiance. Cela se ressent sur sa façon de voler, certes encore maladroite.
- Va pour deux tours de plus alors.
En se focalisant mentalement sur le fait qu'elle ne souhaite pas gâcher ses efforts par une nouvelle chute, le vol de Karis redevient brouillon et comme d'habitude son atterrissage est une catastrophe. Elle se cogne de nouveau mais ne s'en relève pas moins sans se plaindre une seconde. Les taquineries de l'élève l'amusent et en même temps, cela titille légèrement sa susceptibilité. Car oui, la demoiselle est une romantique même si en général ce n'est pas un troll chantant qu'elle imagine sous sa fenêtre. Et bien sûr, elle ne peut s'empêcher de répondre le plus sérieusement du monde à la question posée, comme si elle attendait nécessairement une réponse.
- Non, ce n'est pas le plus important. Bien sûr c'est mieux si on partage des passions et la musique tient une grande place dans mon existence. L'amour ne se commande pas, donc je ne vais pas décréter qu'il me faut absolument épouser un chanteur. Et toi, quelle qualité tu aimerais trouver chez ta troll ?
Réalisant l'énormité de ses propos, miss Steadworthy porte sa main devant sa bouche d'un air gêné.
- Pardon, je ne voulais pas laisser entendre que tu ressembles à un troll. Tu en es bien loin.
Il est beaucoup trop joli garçon pour être comparé à ce genre de créatures, sans compter qu'il possède une intelligence notable. Rendez-vous est donné pour plus tard. Avant même de se soigner, la jeune fille a surtout envie de quitter ses vêtements boueux.
- Entendu, et les trolls sont solides ne t'en fais pas.
Après l'avoir gratifié d'un sourire, elle rejoint son dortoir où elle constate avec effroi que la terre a aussi maculé sa joue ainsi que sa chevelure, ce qui explique d'ailleurs le geste du sorcier un peu plus tôt. Pour le coup, elle ressemble presque à un troll. Pas le temps de les laver complètement, il ne faudrait pas faire trop attendre son camarade. Aussi elle procède à un nettoyage sommaire et en profite pour utiliser une potion désinfectante et une autre cicatrisante pour son genou. Après avoir changé de robe, elle redescend vers la salle commune. C'est avec appréhension que Karis y pénètre, les endroits bondés ne sont pas trop sa tasse de thé. Par chance, à cette heure les autres ont plus facilement tendance à se regrouper par maison dans la salle qui leur appartient. Repérer celui qu'elle cherche n'est donc pas trop compliqué. Une fois rejoint, elle s'installe sur le fauteuil en face. Vient la douloureuse phase où il va falloir trouver comment relancer la conversation interrompue par cet entracte.
- Tu as réussi à éviter le bal finalement ? Si j'ai bien compris tu n'es pas trop musique ?
Lui offrant le temps nécessaire pour répondre, elle poursuit avec une autre interrogation en espérant que parmi tous ces sujets l'un fera mouche et offrira à son voisin l'opportunité de rebondir sur quelque chose l'intéressant.
- Je me demandais, est-ce qu'il y a quelque chose malgré tout que tu apprécies dans la culture moldue ou bien tu rejettes tout en bloc ?
Il n'allait pas s'éterniser sur le sujet du chanteur inconnu, mais il hocha la tête gravement en entendant l'explication donnée par Karis.
- Il a fait ce qui lui semblait juste, et a été au bout de ses convictions. Dommage qu'il se soit égaré dans des substituts au point d'en finir avec la vie. La plupart des gens ne retiendront que cela de lui. Enfin, ça n'empêche pas qu'il peut rester un bon artiste.
Haussant les épaules, un sourire vient égayer son visage alors qu'elle accepte, non sans gêne sa demande de rechanter pour lui. Non seulement Hélios savait qu'elle prendrait confiance avec cet exercice un peu personnel, mais il avait réellement envie d'être privilégié en ayant un mini concert privé.
- Je suis content que tu acceptes. Pour les morceaux que tu veux jouer, je te laisse le choix, tout comme l'endroit, et le moment. Je saurai me libérer le moment venu. Et non, les dortoirs des Serpentards ne sont toujours pas une option, je te voyais venir !
Lui adressant un clin d'œil, ils débutèrent enfin leur entraînement. Après quelques moments riches en émotion, celui-ci prenait fin. Effectivement, la tâche s'annonçait ardue, comme elle l'avait précisé à l'origine. Mais il n'y avait rien de désespéré, au contraire. Avec un peu de bonne volonté et motivation, elle saurait se débrouiller sans se casser la figure à chaque virage.
- Hé bien, pour une troll, tu pourrais monter un escadron volant d'ici quelques mois. Non, plus sérieusement, c'est sûr que tu as une sacrée marge de progression, mais si ça t'intéresse on pourra entre deux de tes transplanages remettre ça. Quand les beaux jours arriveront, ce sera d'autant plus agréable.
En parlant de troll, l'évocation d'une scène "Roméo-Juliette"-esque avec ces créatures ne manquent pas d'amuser Hélios. Généralement, il n'a pas l'habitude de tenir ce genre de discussions avec ceux de sa maison, et même avec n'importe qui à dire vrai. Pour une raison qu'il n'expliquait pas, il se sentait plus à l'aise avec Karis. Ne voyait-il pas elle une menace, et baissait un peu plus sa garde ? Était-ce une volonté de lui rendre la pareille après son acte de courage dans les couloirs il y a quelques jours ? Ou y'avait-il quelque chose d'autre qui le dépassait ? Avec aussi peu de recul, difficile de se forger un avis sur la question. Si tant est que s'en forger un soit utile.
Au fil de la discussion, Karis lui répond avec conviction au trait d'humour d'Hélios. Pour lui, ce n'était qu'une phrase anodine qu'il voulait un tant soit peu drôle. Karis la prend plus à cœur et lui décrit ce qu'elle attend de son compagnon. Pas grand chose de précis à vrai dire, qu'il soit artiste ou pas ne fait pas partie de ses critères. Elle lui retourne la question, avec une forme d'humour de sa composition.
- Ma troll ? Si je n'ai pas de critères physiques particuliers, j'essaierai au moins qu'elle se détache le plus des trolls, ogres, et autres créatures fantastiques. Je ne cache pas qu'elle doit m'attirer, me charmer ou m'ensorceler physiquement, mais je cherche surtout un caractère de battante, une personne intelligente qui sait placer plus que deux phrases avec un sourire niais sur les lèvres. Après, c'est plus un ensemble, je ne cherche pas à trouver l'amour, mais s'il vient, je ne lui fermerai pas la porte. Je ne pense pas pour autant être un petit ami idéal, ma dernière relation s'est très mal terminée.
Haussant les épaules, il n'arrivait toujours pas à comprendre comment les choses avaient pu en arriver là avec Dawn. Ce n'était pas loin si elle lui vouait une haine viscérale. Les femmes .... un mystère plus grand encore que la magie ...
- Je n'ai pas mal pris que tu m'appelles troll tu sais. A certains égards, j'en ai parfois le caractère. Merci cela dit pour la tentative de compliment derrière.
Hélios lui sourit, montrant qu'il l'avait apprécié plus qu'il ne venait de le dire. Allez, allons nous changer, rendez-vous à la salle commune pour le réconfort après l'effort.
Ils se quittèrent, rejoignant chacun leur maison respective, et Hélios prit une rapide douche salvatrice. Une fois paré de sa robe de sorcier griffé du blason des Serpentards, il arriva le premier et s'installa dans un coin assez isolé du reste des autres élèves. Les longues tables des Serpentards étant quasi désertes, il s'assit et attendit patiemment Karis, qui ne tarda pas à le rejoindre.
A son arrivée, deux bols de lait bien chaud se matérialisent devant eux, et les arômes de cacao emplissent l'air ambiant. Affichant un sourire satisfait, il allait prendre une gorgée quand Karis le questionna sur le bal. Relevant le nez vers son interlocutrice, il reposa son bol.
- J'y suis allé pour faire acte de présence, mais j'étais déjà parti dans l'heure. J'aime certaines musiques, mais je n'aime pas que l'on me force la main. Devoir être contraint à trouver une cavalière, ce que je n'ai pas fait d'ailleurs, danser comme des moutons et faire semblant d'être heureux, ce n'est pas mon caractère de jouer ce genre de rôles là. Je ne suis pas très sociable comme tu as sûrement dû t'en rendre compte. Et toi, y es-tu allée ? Accompagnée peut-être par un troll masqué ?
Lui laissant la parole, Hélios attaqua son bol de lait, et apprécia le breuvage bien sucré et bien chocolaté. Les plaisirs simples de la vie ... Il n'avait pas vu cela dit la mousse abondante de lait sur le dessus, et une moustache trônait désormais sur sa barbe de 3 jours. Il écoutait attentivement Karis, malgré le ridicule de la situation qui le dépassait.
- Oh, je ne rejette pas en bloc la culture moldue, mais j'y ai déjà réfléchi, et ....
Hélios marqua un temps d'hésitation. Il n'avait à sa connaissance parlé de ça à personne, ou presque. Il n'aimait pas trop s'épancher sur sa vie personnelle, considérant que tout ce qu'il pouvait dire était une arme potentielle qui se retournerait tôt ou tard contre lui. Cependant, il avait débuté une phrase et il ne voyait pas d'échappatoire pour la terminer différemment sans que ça ne se remarque. Voyant Karis s'interroger sur son hésitation, il décida d'aller jusqu'au bout de sa pensée, et tant pis pour les conséquences.
- Pardon .... Je disais que j'y avais déjà réfléchi, et je pense que je rejette sur les moldus l'enfance cloisonnée que j'ai vécue avant d'arriver ici. J'aurai pu tellement vivre plus, vivre mieux, ne pas me retrouver comme un nouveau né découvrant la magie alors pendant toutes ces années, on m'avait caché que j'étais un sorcier. Les moldus ont des problèmes si anodins, et dont ils en font une montagne, que je préfère me focaliser sur des choses plus intéressantes et utiles. Mais comme pour ton chanteur, je peux volontiers reconnaître le talent ou l'impact d'un moldu sur l'Histoire. Toi par contre, j'ai cru comprendre que tu attachais beaucoup d'importance à ton ascendance moldue. Ton enfance a été joyeuse, comment as-tu découvert que tu étais une sorcière ?
La sorcière observe le bol fumant devant elle. Sa main se saisit de la grande cuillère posée à côté et commence à remuer. Son regard se relève vers son voisin de table lorsque celui-ci prend la parole pour répondre à sa question. Elle l'écoute lui parler de sa soirée de bal, rassurée quelque peu d'apprendre qu'elle n'est pas la seule à voir ce genre d'événements d'un mauvais œil. Sans doute que l'un et l'autre n'ont pas les mêmes objections à formuler quoi qu'il en soit. A n'en pas douter Hélios a pu se trouver facilement une cavalière ce qui s'est avéré bien plus compliqué pour elle. Karis imagine assez la déception de la demoiselle choisie par le Serpentard lorsque cette dernière s'est retrouvée plantée là par lui alors qu'elle s'attendait sûrement à une soirée romantique au bras d'un prince charmant. Et lorsqu'il lui retourne la question, la musicienne songe qu'elle aurait mieux fait d'éviter le sujet. Ses yeux se baissent aussitôt vers son bol et un silence s'ensuit. Elle rumine intérieurement sa mauvaise expérience, un élève s'est joué d'elle et a fait semblant de l'inviter pour mieux lui faire faux bond le soir venu en apparaissant aux bras d'une élève de deuxième année beaucoup plus jolie forcément. Miss Steadworthy s'est donc retrouvée seule et un peu ridicule dans sa tenue spécialement apprêtée pour l'occasion. Elle a remonté aussi vite qu'un souaffle les escaliers vers son dortoir où elle a fini accompagnée de Beth jusqu'à ce qu'une camarade de chambre ne vienne l'interrompre à son retour du bal.
- Ce fut une soirée détestable pour moi, et je crois que j'aurais préféré être de corvée à une soirée de vrais trolls. Ils sont sûrement plus civilisés parfois que des abrutis que l'on croise ici.
Il reste à espérer que son ton maussade, ses regards fuyants suffisent à passer le message : la jeune fille ne souhaite pas creuser le sujet. A la place, elle prend une bonne gorgée de chocolat chaud. Cela lui rappelle un peu son enfance moldue même si elle n'a pas duré bien longtemps. Il lui a fallu grandir plus vite que les autres. D'ailleurs le sujet tourne autour de leurs origines communes. La Poufsouffle relève la tête vers son voisin et se rend compte que le breuvage a laissé sous son nez à lui une moustache. Elle se mordille les lèvres pour ne pas trop sourire et avoir l'air de se moquer de lui. Que faire, l'alerter ou le laisser s'en rendre compte par lui-même ? Karis décide qu'à sa place elle préférerait qu'on le lui fasse remarquer histoire d'avoir l'air ridicule le moins longtemps possible. Aussi de son index elle montre sa propre bouche en disant :
- Tu as un peu de... juste là.
Pour une fois que ce n'est pas elle qui doit subir ce genre de maladresses. Cela rend Hélios un peu plus humain, d'ailleurs plus elle le découvre et plus il lui semble sympathique. Et c'est son tour de se livrer. La demoiselle a bien noté que le Serpentard a fait un effort pour lui répondre, il semble équitable de faire de même.
- Je ne sais pas si j'y attache beaucoup d'importance, je considère simplement que cela fait autant partie de mon identité que la magie. Et je t'avoue que parfois je me demande où doit être ma place. Du moins c'était le cas avant que je ne trouve ma voie. Je ne vois pas les choses à ta manière, même si je peux comprendre pourquoi tu rejettes cette culture puisque tu as eu l'impression qu'elle essayait de t'enfermer. Pour moi, le fait d'être à demi moldue et sorcière cela ouvre au contraire encore plus de possibilités. Je peux évoluer dans les deux mondes et prendre le meilleure de chacun, baigner dans une culture et l'autre.
Loin de son esprit l'idée de le réconcilier avec ce qu'il est, chacun évolue à sa manière et doit faire ses propres choix. Et comme il l'interroge sur son enfance, elle doit pouvoir l'éclairer un peu plus à son sujet.
- J'ai perdu mes parents lorsque j'étais toute petite, je ne me souviens même pas d'eux. Alors je ne sais pas si on peut vraiment dire que mon enfance a été joyeuse. Je suppose qu'il m'a toujours manqué quelque chose. Après il y a des jeunes gens bien plus à plaindre que moi. J'ai découvert la magie en recevant ma lettre d'admission à Poudlard, mes grands-parents moldus n'étaient pas très à l'aise avec la sorcellerie. C'est la sœur de mon père qui m'a appris pas mal de choses à ce moment là. Les autres sorciers de ma famille ne veulent pas entendre parler de moi. Mon père a tout quitté pour vivre auprès de ma mère moldue, ils ne lui ont jamais pardonné.
C'est assez étrange à ses yeux de se livrer si facilement. En général la musicienne garde pour elle son monde et ce qu'elle ressent. D'une certaine manière elle aspire depuis longtemps à pouvoir partager d'avantage qui elle est et ce qu'elle aime. Reste à savoir si le Serpentard se montrera digne de sa confiance. Elle a l'intuition que oui car lui aussi lui a livré certains points de vue personnels. Karis reprend une gorgée de son chocolat.
- En quoi tu trouves que les soucis des moldus sont plus anodins que ceux des sorciers ? Tu nous trouves vraiment si différents les uns des autres ?