Quand le perfectionnisme devient folie

«Marius Black est mort !» Cette annonce, d'apparence triste, fut accueillie comme une bénédiction chez les Black. Avant même qu'il ne perde la vie, on parlait de résurrection, de renaissance. Aujourd'hui, c'était chose faite. Le fils même de Marius jubilait à l'idée de revenir sur la belle Londres, capitale de la magie. Il ne faisait guère attention aux rumeurs qui courraient sur la fin de son père. Certains parlaient de mort naturelle tandis que d'autre laissaient entendre qu'il y aurait eu un empoissonnement. Mais peu importait, le monde s'ouvrait à lui pour la première fois de sa vie. Ainsi debout dans le salon, il tenait son fils ainé par la main tandis que sa chère femme avait le cadet dans ses bras. Tout dans leur apparence montrait une envie de conquête. De leur mouvement à leur regard et même leur sourire satisfait, on ne pouvait nier que la mort de Marius Black était une bonne chose. Ainsi, on allait pouvoir retrouver la grandeur perdue du passé. Et les deux enfants étaient voués à une seule chose : la perfection. Ils devaient l'atteindre et par tous les moyens, tel était leur destin.  

Aaron passa nerveusement sa main dans ses cheveux avant de relever la tête. Il fixa sa mère qui lui parlait des bonnes manières mais aussi du triste destin de son grand père. Il arqua un sourcil, apparemment intrigué par ces histoires.  «Ton grand père a fait quelque chose d'incompréhensible pour ses parents. Pourtant il savait qu'il ne fallait pas commettre un tel mauvais pas. Et toi mon fils, comme ton frère, tu ne dois pas copier les mêmes erreurs ! Vous êtes l'avenir des Black. » Disait-elle. Il y avait tellement de choses à apprendre, à connaitre. Par exemple, il se devait de garder son calme en permanence et d'être poli avec toutes les personnes qui l'approchaient. Cette éducation stricte avait eu son petit effet. Depuis un moment déjà, Aaron avait une peur bleue de tomber dans l'oubli, donc il s'interdisait de rester inactif. Il relisait souvent quelques livres destinés à la généalogie des Black, il buvait les paroles de ses parents et la famille était devenue une valeur importante pour lui. Il hocha donc la tête et reprit son écriture.  «Mère ? Puis-je vous poser une question ? » La femme observa attentivement son fils avant de faire un mouvement qui indiquait clairement au garçon qu'il pouvait demander ce qu'il souhaitait. «Que fais père toutes ces journées ?  » Elle parut stupéfaite d'une telle question et réfléchit. Que pouvait-elle bien dire à un enfant de sept ans après tout ? Il ne pouvait pas tout comprendre mais il fallait quelque chose pour qu'il ne cherche pas plus loin. Et elle connaissait assez bien son fils pour dire qu'il était suffisamment perspicace. «Il négocie pour ton avenir. Mais aussi pour celui de ton frère bien sûr.» Répondit-elle. Ce qu'elle entendait par là, c'est qu'il gagnait de l'argent, faisait des négociations avec d'autres familles de sang pur pour récupérer un minimum de place dans le monde de la magie. Pour l'instant, ça fonctionnait plutôt bien, on respectait nettement plus cette branche qu'à leur retour à Londres. Et il était évident qu'il cherchait aussi une parfaite demoiselle pour la fiancer à son fils ainé.  

Assis dans un fauteuil, Aaron feuilletait un livre. Les Black attendaient des invités, il avaient soigneusement préparé la petite fête et trié les familles sur le volet. Les grands noms du monde magique allaient se retrouver chez les Black. C'était une première et on voulait présenté les deux garçons de façon aristocratique. Aaron était bien sûr prêt, sur de lui, il savait qu'il serait le fis parfait représentant bien les valeurs de Mr Black. Cependant lorsqu'il releva la tête, sa vieille tante - atteinte de folie depuis quelques mois- l'approcha. Elle tendit sa main tremblante vers lui et la posa sur le bras de ce dernier. Tout le monde se figea dans la pièce. Qu'allait-elle dire, qu'allait -elle prédire ? Cette femme n'avait pas le troisième œil mais elle le pensait. Ses yeux sortirent de leur orbite et on eut l'impression qu'elle était dans une période de transe. «A jamais, tu sera un Black.» Voilà qui était fort intéressant. Aaron lança un regard amusé vers son frère. Castiel et lui ne se comprenaient pas vraiment. En fait, ils étaient aussi différents que semblables. Cependant, ils étaient d'accord sur une chose, leur vieille tante était totalement barge et ses histoires n'étaient que balivernes. Aaron retint alors un rire et elle continua. «Cependant, il faudra que tu fasses très attention à ne pas te perdre. » Aaron écarquilla les yeux et poussa doucement sa tante. Il ferma son livre et rejoignit son père dans la pièce voisine. Celui-ci se trouvait dans son bureau et travaillait encore. Toujours. Après s'il fallait redorer leur blason, il fallait montrer beaucoup de détermination. Aaron ferma alors la porte derrière lui comme le lui indiqua son père et s'installa sur un siège. Il était l'ainé, le premier à entrer à Poudlard, le premier donc celui qui devait montrer l'exemple, celui qui devait absolument être le plus irréprochable. Ainsi préciser quelques points n'était pas une mauvaise idée. «Tu te souviens de ce que je t'ai dit sur la magie, sur Poudlard ? » Il hocha tout simplement la tête et regarda son père avec admiration. «Peu importe, la maison dans laquelle tu finiras, tu devras te montrer en Black, vanter notre mérite. Si on insulte ta famille, tu devras répondre avec tact et rapidité. La perfection, mon fils, c'est ce qu'il y a de plus important. Tu me promets de te tenir à ce que je te demande ? » Aaron ne sut pas pourquoi son père lui demandait de telles choses. Il était évident qu'il ne ferait rien contre son père. «Père... Le blason de notre famille représente la loyauté et il n'y a pas plus fidèle que le chien. Je me tiendrais aux valeurs de la famille et jamais vous n'entendrez parler de moi en mal. Je ferais ce que vous attendez de moi, vous pouvez me croire. » Assura le jeune adolescent. A chaque jour qui passait, Aaron ressemblait de plus en plus à son père. Il voulait la perfection, alors il offrirait cela à son père. C'était décidé et tout le monde le savait.

«Black, Aaron ! » Le garçon fit un pas sur le côté et sortit du rang. Il songea à son père, son cher père. Il releva donc la tête et balaya la pièce du regard. Prêt à conquérir le monde, peut être, il secoua légèrement la tête et avança d'un pas assuré. Il se retourna et vit quelques têtes se pencher quand le choixpeau lui tomba sur la tête. Il ferma les yeux, inspira profondément et tenta de se vider la tête. Tout à coup, la voix de ce chapeau tout crasseux parvint à ses oreilles. «Black... Black. Comme ce cher Marius... Cependant, tu as l'étoffe d'une Black habituel. » Aaron serra les dents et retint quelques belles insultes à l'égard du choixpeau. Il refusait totalement l'idée de ressembler à ces gens qui avaient bannis Marius de leur famille. Non il était bien différent, jamais il ne ferait les mêmes erreurs qu'eux. JAMAIS, pensa t-il. «Je vois un garçon qui souhaite faire ses preuves... Mais... » Il haussa les épaules, c'était normal après tout. Il pencha la tête sur le côté et vit le professeur tenant la liste qui allait réagir. Aaron se redressa directement. «J'attends. Il ne faut pas des heures pour voir qu'il n'y a rien de particulier dans mon cœur. » Siffla t-il entre ses dents tel un serpent. «Je crois distinguer une fidélité sans borne...  » Comme tout Black, aurait-il pu dire. Aaron était en effet loyal à sa famille, à ses idées, à ses envies, jamais il ne ferait quelque chose qui fasse croire qu'il puisse changer d'avis. Ainsi il cilla alors, le choixpeau n'allait pas discuter toute la soirée avec lui tout de même. «Très bien, tu iras... » Les applaudissements retentirent à une table en particulier et Aaron se leva serein. Il accourut donc vers la table et s'installa donc auprès d'un grand garçon. A la fin de la répartition, celui-ci lui demanda de quelle branche, il descendait. Par honte peut être, il dit à voix basse qu'il faisait partie de celle de Marius Black dont la mort restait encore inexpliquée. Cela créait tout un tas de mystère dans la famille et au final, cela lui correspondait bien. Cependant au bout de quelques heures à peine, tout le monde savait dans le château qu'il était le petit fils de la honte Black. Ainsi il ne dit qu'une chose, peut être que cela fit taire les commérages mais cette simple réplique montrait la personnalité  déjà bien prononcée du garçon à l'époque. «Je ne suis pas le passé et le passé est révolu. Je représente l'avenir et il sera grandiose.  »

«Je ne comprends pas. » Aaron pencha la tête sur le côté et regarda la jeune fille qui venait de prendre la parole. Il fronça les sourcils, croisa les bras sur la table et posa sa tête sur ses mains. Alors il prit une voix suave, comme s'il contrôlait tout. «Qu'est-ce que tu ne comprends pas Briséis ?  » Demanda t-il. Elle le fixa un instant et parut réfléchir. Elle cherchait sans doute ses mots. «Toi. Ta façon de regarder les gens avec intensité, ta manière de savoir ce qu'ils faut dire pour les flatter correctement. Cependant, tu apparait si inaccessible, si mystérieux... si parfait. Et pourtant. » Aaron se redressa et il cilla. Son regard se fit froid, ses traits se durcirent. On aurait dit qu'une autre personne avait pris possession de son corps. Et en cet instant, on reconnait le Black qui sommeillait en lui. Il avait cette attitude hautaine propre aux Black. Et il fallait mieux fuir quand l'un d'eux se mettait en colère. C'était parfois assez effrayant. Les Black étaient brillants et effrayants. Leur marque de fabrique peut être. «Et pourtant quoi ? Je t'écoute. Je suis toute ouïe !   » Ses mots étaient détachés, son ton avait monté à mesure qu'il parlait, pourtant il ne criait pas, il était dans les voix normales mais si menaçantes. Briséis jubilait intérieurement, elle adorait voir sa vraie personnalité. Un sourire malsain traversa ses fines lèvres. Elle savait toujours comment toucher la corde sensible, comment le mettre mal à l'aise, ou pire encore l'énerver. Ce qui relevait de l'exploit. Elle était en apparence celle qui le comprenait le mieux, pourtant elle représentait beaucoup plus sa plus grande crainte. «J'ai cru comprendre que tu détestais ta famille. Pourtant, tu es prêt à te plier aux règles, accepter le lien qui nous unit sans rechigner. Tu sais parfaitement que nos deux familles ont réglés des accords pour qui nous puissions passer par un acte incluant une belle robe blanche et des bagues, dont tu devras en porter une à vie. Nous ne vivons pas dans le passé, pourtant toi... toi tu ne réagis pas, tu observe, tu souris faiblement et...  » Aaron balaya son discours de morale d'un mouvement de main. Un silence plana un long moment. Il tapa soudainement du poing sur la table. «Tu ne sais même pas de quoi tu parles. Apprends tout d'abord à maitriser tes mots avant de me parler de la sorte.» Commença t-il plus calme. Il se sentait plus serein. Il savait quoi répondre. «Et pour ta gouverne, je ne déteste pas ma famille, c'est mon nom que j'exècre. Il y a là une énorme différence.» Il eut un rire forcé et méprisant. «Et puis, je ne suis pas un mauvais parti, tu aurais pu tomber sur un MacNair ou que sais-je encore.» Il se leva donc et disparut dans une autre pièce sans un regard pour Briséis.

«Mais qu'est ce que tu fais ?  » Son ton avait beau être dur, on sentait clairement de la crainte ou encore de la culpabilité. Il attrapa le poignet de son frère et l'empêcha de terminer ce qu'il commençait. Aaron écarquilla les yeux quand il vit le spectacle pathétique qui venait de se dérouler devant lui. Son frère avait un bras ouvert et déjà quelques cicatrices. Si son frère avait des tendances suicidaires ? Non ce n'était pas ça, en vérité, c'était quelque chose de bien différent. Aaron lâcha donc le bras de son frère et recula d'un pas à moitié terrorisé. «La perfection... » Murmura le jeune adolescent comme s'il avait appris cela par cœur, un peu comme en maternelle chez les moldus quand on apprenait un poème de Ronsard ou une comptine. Les lèvre tremblantes, Aaron n'arrivait pas à trouver ses mots. Il ne pensait pas que de telles choses pouvaient arriver dans sa famille. Se mutiler, il n'y avait que les elfes désobéissants qui étaient capable de ça. Alors étant incapable de comprendre le malaise de son frère, il ne sut pas que c'était une sorte d'appel à l'aide. Aaron n'avait pas appris à comprendre l'humain, pas l'humain qui était son petit frère et il prit la fuite. «Mais tu es complétement déséquilibré. » Parvint-il à dire et il partit refusant catégoriquement d'en voir plus. Il avait bien compris que ce n'était pas la première fois qu'il faisait ça, pourtant il rejetait totalement l'idée que son frère ait pu dérailler comme ça. A force de vouloir la perfection, on devenait dingue, inhumain. Peut-être qu'au final, les Black n'étaient qu'un château de cartes qu'on pouvait aisément faire écrouler en un souffle. Et pire encore, la folie n'existait pas seulement chez Castiel, Aaron se déchirait lui aussi de l'intérieur. A vouloir être parfait et avoir peur de l'avenir, de la pauvreté, il en devenait profondément égoïste et incapable de réagir devant son frère qu'il défendrait face à n'importe qui pourtant...

Peut être faut-il se dire que les Black n'est qu'une famille maudite, destinée à la folie et la descente aux enfers à en vouloir trop... Mais l'avenir peut encore changer, il suffit de réagir pour de vrai cette fois et dans la bonne direction.