Naître dans une famille de sang-pur a parfois des désavantages, comme le fait d’hériter de ses parents un certain trait de caractère que l’on retrouve chez la plupart de ces familles aux gènes immaculés : cette capacité à haïr les sorciers nés dans le monde moldus, pour la simple et bonne raison qu’ils ne sont pas de sang-pur. Amadeus Clark Windsor, né il y a dix-neuf ans, un 28 mai, est le parfait exemple de cette tradition inachevable. Le garçonnet a grandit au cœur d’une famille ayant  une volonté de conserver la pureté de son sang d’autant plus forte que des rumeurs concernant l’authenticité de celui-ci se propageaient, mettant en doute le fait qu’aucune goutte de sang moldu ne soit venu tâcher le drap immaculé de la famille Windsor. Quoiqu’il en soit, la vérité concernant  ces ragots était bien cachée : Amadeus lui-même ne sut jamais ce qu’il en était réellement.

Lui était né de l’union préalablement arrangé d’Arthur et Severina Windsor, née Mørgensen. Il connut peu sa famille maternelle, les Mørgensen vivant au fin fond de la Suède, dans un vieux manoir où le petit garçon détestait se rendre. Arthur et Severina n’eurent qu’un seul enfant, préférant tout miser sur un unique héritier, à qui ils confiaient la tâche de redorer les galons de la famille Windsor. De l’extérieur, on aurait put croire que l’enfance d’Amadeus était comme celle de n’importe quel autre héritier de sang-pur : stricte, dirigée d’une main de fer par sa mère, qui régnait en maîtresse sur la maison dés qu’Arthur était partit au travail. Littérature, histoire, mathématiques, latin, grec, rien ne fut épargné au petit garçon, afin de le rendre digne des noms qu’il portait. Mais surtout, Severina s’attacha à lui inculquer des préceptes qu’elle et son mari jugeaient indispensable : la haine des sorciers nés dans des familles moldus, ainsi qu’une admiration profonde pour  Lord Voldemort. On lui passait ses caprices s’il connaissait bien son credo, une suite de serments écrits par sa mère, que le petit apprit donc par cœur dés son plus jeune âge, aillant compris qu’il s’agissait là de la clef pour obtenir tout ce qu’il voulait. Très tôt, il fut également initié à dissimuler son caractère colérique derrière sa jolie frimousse de petit ange : gentil et poli avec tous et en toutes circonstances, il n’arrivait pas à se maîtriser totalement, calmant ses nerfs sur tout ce qui lui passait sous la main, jetant des objets par la fenêtre, hurlant à en perdre le souffle, maltraitant les elfes de maison. Il ne parvint d’ailleurs jamais à garder son sang-froid très longtemps, et aujourd’hui encore, il attend toujours d’être seul pour se déchaîner et se laisser aller à sa vraie nature.

Amadeus eut donc une enfance somme toute plutôt heureuse, ponctuée d’incidents et de découvertes dont la plus importante sans doute, eut lieu l’année de ses huit ans. Le mois de juillet était superbe, cette année là, le petit garçon passait donc ses journées dehors, à trottiner dans l’immense propriété que la famille Windsor possédait. Ce jour-là, il s’était éloigné de la demeure plus qu’à l’accoutumée, et s’était retrouvé au beau milieu de la forêt. Il construisait une cabane à l’aide de vieilles branches, quand un faible miaulement attira son attention. Interloqué, le petit garçon saisit un bout de boit et se dirigea vers l’endroit d’où provenait le gémissement, pour trouver un chat agonisant, une partie du corps ensanglanté. N’écoutant que son cœur d’enfant attendrit, Amadeus entreprit de le soulever dans ses bras, avec tant de maladresse qu’il fit mal à la pauvre bête. Celle-ci le griffa, tant et si bien qu’il finit par s’énerver. Pourquoi donc cet idiot de chat ne voulait pas se laisser faire ? Délibérément, le garçon lui donna un premier coup de bâton, qui fut bientôt suivi d’un autre, puis d’un autre. Tant et si bien qu’Amadeus finit par violenter la pauvre bête, simplement parce que la sensation de supériorité que cela lui procurait lui faisait un bien fou, et suffisait à effacer tous ses remords. Lorsqu’il eut achevé le petit animal, il ne s’arrêta pas, s’acharnant sur le cadavre pour le simple plaisir de faire le mal. Il était le maître, pendant quelques instants, il avait tenu une vie entre ses mains, et la jouissance était infinie.

Cet événement aurait pu sans doute être simplement du à l’innocence de l’enfance, au fait que les enfants ne distinguent pas le bien du mal. Mais il n’en était rien.  Amadeus avait ce jour-là réveillé le monstre qui sommeille en chacun de nous, ce monstre de cruauté qui reste endormi pour la plupart, ne se réveillant que dans de très brefs et inoffensifs sursauts de cruauté. Au reste, le monstre en Amadeus se rendormit peu après.

Cependant, il garda un œil ouvert : le petit garçon ne devait jamais oublier le sentiment de pouvoir qu’il avait ressenti en tuant l’animal.

Il recommença une fois, à l’aube de ses dix ans, sur sa propre chouette. Elle l’avait contrarié en refusant de porter une lettre, et Amadeus, laissant aller sa nature belliqueuse qui ne faisait que s’affirmer avec l’âge, l’avait battue à mort, tout comme il l’avait fait deux ans auparavant. Il ressentit le même enivrement, la même sensation de pouvoir absolu, celle de prendre possession d’autrui, de s’approprier sa vie, de décider de sa mort. Mais cette fois-là, quand il eut finit, les mains pleines de sang et de plumes, le garçon eut peur. Il eut simplement peur de ne pas pouvoir se dominer et de tuer encore, mais en public. Il fallait qu’il se domine, qu’il apprenne à mieux se maîtriser, pour pouvoir recommencer, encore et encore, et ressentir cette domination qui lui faisait l’effet d’une drogue.

Dés lors, Amadeus consacra chaque minute à se construire : il avait une idée précise de ce qu’il voulait devenir, et fit tout pour y arriver. Son caractère manipulateur allait de pair avec une ambition débordante. Avec son insolente avidité de gamin qui découvrait le monde, le petit garçon se fit le serment de devenir fort, et de conquérir le monde. Avec une volonté farouche, il se plantait des fourchettes dans la peau sous la table, aux repas, en se forçant à garder le sourire, en se mordant les lèvres pour ne pas crier, recommençant jusqu’à réussir à afficher une sérénité parfaite. Il développa également un bon goût certain pour l’apparence, la travaillant autant que son esprit, pensant que mieux il se présenterait, plus il serait convainquant.
Quatre ans plus tard, lorsqu’il reçut sa lettre de Pouldard, Amadeus jubilait : il avait trouvé le terrain de chasse parfait pour rallier des troupes. Il avait développé un charisme impressionnant, qui lui permettait de se faire entendre de salles entières, de s’entendre avec qui il voulait. Il montra ses talents de manipulateur en se mettant dans les petits papiers de tous les professeurs, ainsi que dans ceux des sangs-purs, redorant les galons de la famille Windsor à coups de sourires et de compliments. Les années passant, il trouva sur quel front il mènerait son premier combat, et s’engagea dans la lutte contre les nés-modus, cette vermine qui pourrissait le monde sorcier, en créant l’Alliance à travers son meilleur ami. Rien n’avait été plus facile : il s’était contenté d’insuffler l’idée dans son esprit, un peu plus chaque jour, par de simples allusions assez bien choisies pour faire mouche à chaque fois. Bien sûr, le fait que tout la gloire revienne à Gale l’agaçait profondément, mais il se consolait en se disant qu’ainsi, il était à l’abri des plus graves reproches, si la petite organisation venait à être découverte : il n’aurait qu’à dire qu’il avait été entraîné dedans. Mais l’Alliance était bel et bien son œuvre, une sorte de préparation aux actions d’éclat qu’il avait décidé de mener une fois sorti de ses études : il comptait alors se rallier à Voldemort, et, pourquoi pas, devenir Mangemort afin d’obtenir la gloire et d’achever la tâche qu’il s’était donné d’éliminer les sang-de-bourbe.

Mais son coup d’éclat, le joyau de sa couronne, était le crime qu’il avait commit le soir du bal. Amadeus n’avait jamais eu l’occasion d’exercer ses pulsions sadiques sur un humain, se contentant d’animaux pour satisfaire ses besoins de torture. Plusieurs semaines après avoir accompli son forfait, il en jubilait encore, tant la souffrance qu’il avait infligée à Bluenn l’avait enivré. Lorsqu’il avait laissé la jeune fille sur le sol et était entré dans la salle de bal, le jeune sorcier en tremblait encore. Il avait tenu le délicat fil de son existence entre ses doigts, il aurait pu le couper, l’envoyer dans les limbes des justes, et avait d’ailleurs failli le faire. Mais la délicieuse pensée que la laisser en vie lui permettrait de la torturer encore à l’avenir l’empêcha d’achever son travail. Il en laissait pour plus tard, achèverait cette chienne de sang-de-bourbe peu à peu, la cuirait à petit feu, tout doucement, jusqu’à ce qu’elle soit acculée. Amadeus prévoyait d’avance la scène, l’imaginait dans plusieurs versions, qui finissaient toutes de la même manière : le désespoir était peint sur les traits de Bluenn, et à cet instant, alors qu’elle savait qu’il était celui qui l’avait agressée le soir du bal, il lui portait le coup de grâce.

Et alors, rien ne pourrait plus jamais l’arrêter.