Cela en était trop. Je ne pouvais me résoudre à penser à autre chose, ni à passer à autre chose. Il hantait mes pensées. Je ne parvenais plus à suivre les cours sans me remémorer ses lettres. Je ne trouvais plus le sommeil, dès que je fermais les yeux je voyais nos souvenirs… Et ils étaient nombreux. On ne pouvait ainsi oublier quatre années d’amitié, d’autant plus lorsqu celles-ci nous liaient à quelqu’un comme Sam. Il n’avait rien d’extraordinaire en soi. Il était ce genre d’adolescent un peu naïf, peu sûr de lui, et altruiste au possible. Certains se moquaient de lui, beaucoup ne le remarquaient même pas, mais à mes yeux il était comme un modèle. C’est vrai, Sam était si différent des autres étudiants qui ; il fallait le dire ; n’étaient que des hypocrites, des beaux parleurs, des manipulateurs, et qui se réjouissaient du malheur d’autrui. C’est pour cette raison que je tenais tant à lui, et sans doute même bien plus qu’il ne l’imaginait. Je ne m’en étais pas rendu compte tout de suite, mais mes sentiments avaient fini par m’arriver en pleine face, sans que je ne puisse faire quoi que ce soit pour les contrôler. C’était simple, avec Sam je ne contrôlais rien du tout. Même notre amitié, je l’avais perdue. Notre relation était l’opposé de celle que j’aimerais entretenir avec lui. Je rêvais de tout, nous n’étions plus rien, ou presque.
Il m’envoyait bien quelques lettres, de manière plus ou moins régulière, et ces derniers temps elles se faisaient relativement nombreuses. Il m'avait demandé à maintes reprises de m’en séparer, par sécurité, parce que « c’était dangereux ». Le regard des gens, comme toujours. Les « qu’en dira-t-on », qui nous avaient d’ailleurs séparé, une première fois puis une seconde, il y a quelques semaines de cela. Je ne parvenais plus à me satisfaire de cette amitié cachée que m’avait proposée Samaël. Avait-il honte de moi à ce point ? Etais-je tombé si bas pour qu’il s’efforce tant d’éviter qu’on le voie en ma compagnie ? Visiblement oui, et cela me faisait la plus grande des peines. J’avais fini par exploser, par péter les plombs, détruisant ainsi nos restes d’amitié. Je m’en voulais parfois d’avoir réagi ainsi, mais même avec du recul j'avais pris conscience qu'il n'y avait d'autre issue. Notre amitié telle qu’on la vivait sur la fin m’était devenue insupportable, et me faisait d’avantage souffrir qu’elle ne me comblait. Néanmoins, les lettres qu’il m’écrivait ne me laissaient pas indifférent, loin de là. Je m'efforçais pourtant de rester de marbre, d’écouter ma raison et non mes émotions, de ne pas lui répondre pour enfin pouvoir l'oublier. Mais ce n’était pas chose facile d’écouter sa tête lorsqu’un peu plus bas criait son cœur.
Désormais je passais à la volière chaque jour. Ce soir encore, Chester avait du courrier pour moi. Je n’eus qu’à ouvrir le parchemin pour reconnaître son écriture. Elle m’était tellement familière. Nous avions pour habitude de faire nos devoirs ensemble, ainsi j’avais l’impression de toujours l’avoir connue. La lettre de ce matin n’était pas similaire aux autres. Il l’avait écrite avec une requête particulière, celle de détruire ses lettres. Il m’avait soit disant aperçu le matin même avec l’une d’entre elles. Il est vrai que je ne l’avais pas jetée, comme aucune autre d’ailleurs. Je ne parvenais à m’y résoudre. Même si je ne lui apportais pas de réponse, cela me donnait l’impression que notre amitié n’avait pas tout à fait disparu. Je crois que c’était cette lumière, si infime était-elle, qui me donnait la force d’avancer.
Cette dernière lettre m’affecta beaucoup. Dans un premier temps, j’étais furieux. Furieux de constater que mes explications avaient été inutiles, au même titre que nos disputes et mon ultimatum. Samaël restait obsédé par le regard des gens, celui qui avait pourtant eu raison de notre amitié. A l’heure actuelle, je crois que le chagrin avait pris le dessus sur la haine. J’étais installé dans l’un des fauteuils de la salle commune, à regarder les étudiants défiler. Le couvre-feu approchait désormais à grands pas et heureusement, la plupart des étudiants avaient regagné leur dortoir. Nous aurions besoin de calme. J’avais décidé de parler à Samäel. J’avais besoin de réponses, d’explications, je ne pouvais rester dans cet état de souffrance permanente. Je ne savais plus ce qu’il attendait de moi, je ne savais plus ce qu’il espérait de notre amitié. Etait-elle définitivement détruite ? Pourquoi tenait-il tant à se cacher ? Pourquoi m’avait-il finalement recontacté ? Quel était son but ? Ces questions occupaient sans cesse mon esprit, et j’étais déterminé à en trouver les réponses, ce soir.
Vingt et une heures dix. Il était grand temps pour chaque étudiant de regagner sa salle commune, et je n’avais toujours pas de nouvelles de Samaël. Je ne lui avais certes pas fait part de mes intentions mais j’avais cru qu’il remonterait comme tous les soirs, aux environs de l’heure fatidique du couvre-feu. Or, je commençais à en douter. Peut-être avait-il décidé de passer la nuit ailleurs, je n’en avais aucune idée, mais je ne pouvais me résoudre à attendre ne serait-ce qu’une journée de plus. C’est alors que, contre attente, le jeune garçon fit son entrée. N’étant déjà pas au meilleur de ma forme avant son arrivée, je déglutissais. Je ne savais comment l’aborder. Je craignais qu’il refuse de me parler. Je craignais qu’il me fasse des remontrances. Je craignais qu’il m’en veuille. Je craignais qu’il me rejette. Toutes ces peurs s’entremêlaient dans mon esprit, je voyais noir. Mais je ne pouvais revenir en arrière, à l’heure qu’il était il m’avait sans doute vu. Peut-être même avait-il compris que je l’attendais. Aussi, je me levais de mon canapé pour aller à sa rencontre. Je n’étais à présent plus très loin du jeune homme, je m’arrêtai net. Et dire que j’avais hurlé lors de la dernière de nos rencontres, je n’étais pas même capable de le regarder ou de lui adresser un mot. « Sam… », fut la seule chose que je parvins à lui dire, avec comme un léger tremblement dans la voix. Même si je n’avais pas confiance en moi, je parvenais toujours à feindre l’assurance, et avais pour habitude de parler de manière sèche et détachée. Et avec Sam, qui avait été mon ami, le mal-être s’était bien vite envolé. Mais ce soir-là, je n’étais visiblement pas dans mon état normal. Dans un élan de courage je lui adressai un bref regard, croisant alors furtivement le sien. Je ne parvins à le déchiffrer ; quant au mien, il était sans doute bien moins impassible qu’il ne l’était d’habitude.
La lueur de la chandelle au-dessus de moi vacilla et je soupirais, conscient qu’il était grand temps que je quitte la bibliothèque. Je repoussais mon parchemin en relevant la tête, jetant un coup d’œil autour de moi. La salle paraissait vide, bien que j’entendais une sorte de raclement entre les étagères du fond, comme si quelqu’un déplaçait les livres. Sans doute la bibliothécaire qui allait débarquer d’un instant à l’autre pour me chasser de son royaume. Je souris en repensant au nombre de fois où elle avait dû le faire. Me balançant en arrière, j’étirais mes bras musclé derrière moi pour tenter de faire disparaître ces douleurs aux épaules. J’étais beaucoup trop tendu depuis un certain temps, et je n’avais plus permis au faucon en moi de voler, ce qui était la meilleure façon de me débarrasser du stress qui avait donc trouvé refuge entre mes omoplates. Je connaissais malheureusement bien les causes de ces tensions. Trop de problèmes qui m’empêchaient de dormir, trop de réflexions sans aboutissements, trop de pensées qui tournoyaient dans ma tête. Sincèrement, je ne pensais pas être le seul dans ce cas. La situation à Poudlard, et même anglaise était extrêmement complexe, et pouvait se dégrader complètement d’un instant à l’autre. Egoïstement, si la situation du monde sorcier m’inquiétait, c’était plutôt les problèmes qu’elle m’apportait qui m’empêchait de trouver le sommeil. La guerre des sangs m’avaient obligés à des choix que je ne savais toujours pas si je regrettais, et les conflits familiaux étaient pire que jamais. Je m’attendais également à une séparation totale et définitive entre ma jumelle et les autres dans peu de temps, et si je le prévoyais, je le redoutais d’autant plus. En soit, les choses seraient bien moins compliqués si comme mon petit frère, j’avais réussi à suivre les commandements de mes parents, à ne ressentir aucune émotion et aucune pitié, et à me convaincre que j’étais un dominant qui avait le pouvoir sur la race inférieur des né-moldus. Loin de là. Je plissais les lèvres et roulais mon parchemin terminé avec lassitude. J’étais encore parti dans mes réflexions inutiles. Après un dernier regard en arrière, je quittais la bibliothèque et partit au pas de course, conscient que le couvre-feu était proche. Tous les couloirs étaient déserts, excepté une bande de garçon de quatre ou cinquième année. Evidemment, je venais de les dépasser, toujours courant, lorsque je me prenais les pieds dans la lanière de mon sac que je tenais à bout de bras. La chute me fit moins mal que les rire, et c’est rouge de honte que je repartais en marchant précipitamment après avoir récupéré mes affaires. C’est énervé contre ma maladresse, rêvant de me réfugier sous mon duvet et de pleurer mon malheur, que je débarquais dans la salle commune, en nage et en trombe. Je me dirigeais vers les escaliers mais une silhouette me coupa la route. Je fermais un œil pour la discerner dans l’ombre, bien que ce fût inutile. J’aurais reconnu n’importe de quoi de lui dans le noir totale. Sa voix me fit lâcher mon sac et je déglutis. « Sam… ». Il paraissait tellement triste, faible, perdu, mal à l’aise que je faillis le serrer contre moi. Nous restâmes ainsi, en chien de faïence à nous observer sans que j’ose le regarder dans les yeux. Puis finalement, acceptant une discussion après un rapide coup d’œil qui m’assura que nous étions seuls, je hochais la tête et montrais nos fauteuils préférés desquels il chassait souvent les premières années – son faux air d’autorité me faisait mourir de rire à chaque fois, mais je profitais volontiers des fauteuils - et d’où on avait refait le monde des centaines de fois en mangeant ce qu’on avait ramené de Pré-au-Lard ou de la cuisine. Une fois assis, un brin nostalgique en réalisant que c’était la première fois que je réutilisais ces fauteuils depuis que l’on s’évitait, je lui lançais un regard pitoyable. « Je t’écoute. » Ma voix s’étrangla dans ma gorge. Retrouver mon meilleur ami, même si c’était seulement s’asseoir près de lui me faisait regretter ma décision plus que n’importe quel autre argument. Prenant sur moi pour m’empêcher de dire des mots d’excuses pour tout oublier, j’effaçais difficilement toute émotions de mon visage, cachait la bataille intérieur qui faisait rage en moi et m’appuyait contre le dos du fauteuil, croisant les doigts sur mon ventre, prenant un air confiant comme si nous nous apprêtions seulement à parler affaire. Mais la lumière dans mes yeux criait la vérité.
Spoiler:
#5D3535 Milles excuses pour le retard, je te promets de faire mieux la prochaine fois Désolé desolé ! Dit moi si ça te convient, ça engage pas grandement la conversation, mais comme ça Shawn peut tout balancer Si je dois changer qqch pas de soucis, dit
Je me trouvais à présent face à lui, porté par le mélange d’animosité et de chagrin qui parcourait présentement ma frêle silhouette. Je ne savais comment réagir, que faire ni même que dire, à vrai dire je n’avais pas tellement conscience de la rencontre qui était sur le point de se produire et dont j’étais pourtant la cause. Je ne parvins qu’à balbutier, ce à quoi le jeune homme réagit en lâchant son sac, avant de déglutir à son tour. En temps normal, ce geste qui le caractérisait si bien m’aurait amusé. Peut-être même que cela m’aurait fait sourire. Ce soir-là pourtant, je ne le remarquai même pas. Mon regard se perdait vaguement sur les doux traits de son visage, comme s’il s’agissait de la dernière fois que je pouvais les contempler. Cela faisait si longtemps que je n’en avais pas eu l’occasion. Samaël n’avait pas changé, ou peut-être s’était-il embelli, mais j’étais bien trop tourmenté pour en juger. Nos regards se croisèrent furtivement mais bien vite tous deux dévièrent vers une autre direction.
Troublé, j’éprouvais bien des difficultés à mettre en contact mon corps et mon esprit. Analyser la situation me semblait relever du domaine de l’impossible, désormais. Je distinguai toutefois vaguement son signe de tête en direction des fauteuils, ceux que nous connaissions si bien pour nous y être installés maintes et maintes fois. Je me dirigeai alors vers l’un d’entre eux, celui qui avait toujours été « le mien » lors de nos discussions habituelles de fin de journée. Je pris place et fus soulagé d’enfin être assis. Déjà s’envola la peur de tomber à la renverse ou de m’effondrer sous le poids de mes jambes soudainement devenues lourdes et engourdies.
Je n’eus pas la force de le regarder à nouveau. Ce furent ses paroles qui me firent relever les yeux dans sa direction. « Je t’écoute. », me dit-il sur un ton peu sûr de lui, à tel point que sa voix s’étrangla un soupçon. Son regard, quant à lui, semblait saisi de pitié. Quant à moi, même mes compétences en occulmencie ne me permirent pas de masquer mes émotions. Je ne savais pas moi-même quelles étaient celles mon attitude dégageait.
Cela faisait des heures que j’avais préparé cet entretien, réfléchi aux questions que je pourrais lui poser, à ce que j’allais lui dire, et à l’heure actuelle toutes ces choses me semblaient complètement stupides et surtout inadaptées à mon présent état d’esprit. Je restais silencieux un instant, ne sachant par où commencer. Mon regard alors hagard se posa finalement sur mon interlocuteur. « Je te mentirais si je te disais que je n’ai pas espéré que tu reviennes vers moi quand je t’ai demandé de choisir entre le regard des gens et notre amitié. Je ne serais pas honnête si je te disais que je n’avais jamais guetté de loin ces fauteuils tous les soirs, en espérant que tu t’y trouves et que tu me dises que tu avais changé, ou au moins changé d'avis. » Ma voix paraissait sans doute fragile, telle celle d’un petit garçon peu sûr de lui qui abordait un sujet qui le mettait mal à l’aise. Au fond, ce portrait approchait la réalité.
Mon regard se perdit à présent dans la cheminée, observant alors les flammes dansantes qui parcouraient celle-ci. Je demeurai un instant silencieux et m’accordai ce court instant pour réfléchir. Réfléchir à ma déception. Réfléchir à mes sentiments. Réfléchir à cette trahison. Je sentis les larmes arriver à hauteur de me yeux. Je le savais, je ne pouvais garder ces tourments pour moi plus longtemps. Je posai mon regard sur celui que j’affectionnais tant. « Pourquoi ? Pourquoi accordes-tu tant d’importance à des choses insignifiantes ? Pourquoi as-tu systématiquement tenu à cacher notre amitié, nos discussions, nos lettres ? Je te fais honte à ce point ? » J’en voulais à Samaël. Je lui en voulais de m’avoir tant laissé m’attacher à lui, de m’avoir tant apporté, pour au final disparaître par un simple claquement de doigts. « C’est ça Samaël, tu as honte de moi ? Et tu appelles ça être amis ? Je te pensais différent des autres. Je pensais qu’au moins toi, tu ne me laisserais pas tomber. » ; lui lançai-je avec rancœur et amertume. Même si j’avais détaché mon regard de la cheminée, on devait toujours percevoir les flammes qui dansaient dans celui-ci. Désormais c’était la rage qui prenait le dessus sur toute autre émotion, j’étais animé de cette colère d’avoir souffert en silence, d’avoir tout gardé pour moi depuis trop longtemps. J’avais l’impression d’avoir été trahi par celui que j’avais longtemps considéré comme l’un de mes plus fidèles alliés. «Mais visiblement peu importe notre amitié, puisque je suis le seul à la regretter. » ; ajoutais-je presque à voix basse, mais sur un ton qui restait sec. Je ne parvenais pas à décolérer. « Tu comptes passer ta vie à être un mouton ? Tu veux que systématiquement ça soit les autres qui décident de ta vie à ta place ? Si c’est le cas, dis-le, et cesse de me faire souffrir en m’écrivant des lettres alors que tu n’as même pas le courage de me parler en face. Dis-le et j’arrêterai de m’acharner, je ferai définitivement une croix sur notre amitié... » et sur tout le reste, pensais-je intérieurement. Ma voix s'étrangla à son tour, signe qu'il fallait que j'arrête avant d'exploser littéralement en sanglots. En l’espace d’une petite minute à peine, j’avais déballé une bonne partie de ce que j’avais sur le cœur, et tout ce qu’il m’était possible de lui dire. Je m’en voulais un peu, je craignais qu’après tout cela, nous n’ayons aucune chance de nous retrouver. De toute manière, depuis que nous nous sommes perdus la première fois, a-t-il déjà été possible que nous nous retrouvions ? J’en doutais. C’était comme s’il était impossible pour moi de retrouver Samaël, et ça n’était pas faute de le vouloir. Je croisai son regard une dernière fois, et le mien s’adoucit sans doute en me rendant compte que le sien paraissait meurtri. Je connaissais bien le jeune homme, assez bien pour savoir que derrière ses airs d’assurance, se cachait un garçon fragile ; et même la colère qui m’animait à ce moment là fut bien vite dépassée par l’affection sans mesure que je lui portais.
Spoiler:
Pas de problème, ça convient parfaitement. Quant à moi je ne suis pas pleinement satisfait de ma réponse, j'espère que ça t'ira !
Dernière édition par A. Shawn Sykes-Evildead le Sam 8 Juin - 12:44, édité 2 fois
Assis sur nos fauteuils, en silence, le regard dans le vide, n’importe qui aurait pu penser que rien n’avait changé, que l’on était un de ces soirs comme tous les soirs, où l’on s’asseyait là pour discuter, travailler ou seulement profiter de la présence réconfortante de l’autre. Mais si alors, on se penchait sur nos visages, on comprendrait la différence. Tous deux paraissions ravagés, déchirés, perdus aussi. La rancœur et la déception émanait du fauteuil de droite, la culpabilité et le regret du fauteuil de gauche. La tristesse se faisait sentir partout. Nous ne comprenions pas comment nous avions pu en arriver là, nous qui étions si proche. Finalement, je levais les yeux en même temps que lui, et il les riva dans les miens, m’empêchant de m’en détacher. Puis il prit la parole, et ce fût le coup de grâce. « Je te mentirais si je te disais que je n’ai pas espéré que tu reviennes vers moi quand je t’ai demandé de choisir entre le regard des gens et notre amitié. Je ne serais pas honnête si je te disais que je n’avais jamais guetté de loin ces fauteuils tous les soirs, en espérant que tu t’y trouves et que tu me dises que tu avais changé, ou au moins changé d'avis. Pourquoi ? Pourquoi accordes-tu tant d’importance à des choses insignifiantes ? Pourquoi as-tu systématiquement tenu à cacher notre amitié, nos discussions, nos lettres ? Je te fais honte à ce point ? » Je baissais la tête. Ce qu’il disait me brisait le cœur. Bien sûr que non que je n’avais pas honte de lui, je n’avais juste pas le droit de le fréquenter. Il était jugé inférieur, marginal par ma famille, il attirait l’attention sur moi, ce qui était inadmissible pour eux, et si je ne le pensais pas, je m’obligeais à suivre le mouvement. Il paraissait d’une naïveté adorable. Le conflit était d’ordre tellement plus important que deux pauvres adolescents comme nous, ce n’était pas le moins du monde sa faute, mais c’était encore moins une chose insignifiante. « C’est ça Samaël, tu as honte de moi ? Et tu appelles ça être amis ? Je te pensais différent des autres. Je pensais qu’au moins toi, tu ne me laisserais pas tomber. Mais visiblement peu importe notre amitié, puisque je suis le seul à la regretter. » Les coudes sur les genoux, je me frottais les joues et le front, des larmes pleins les yeux. Dire qu’il pensait ça. J’étais un être horrible de le faire souffrir ainsi, de lui avoir donné des raisons de s’imaginer ces choses affreuses. J’avais envie de le serrer dans mes bras tellement il me faisait mal au cœur, alors que je me donnais moi-même envie de vomir. « Tu comptes passer ta vie à être un mouton ? Tu veux que systématiquement ça soit les autres qui décident de ta vie à ta place ? Si c’est le cas, dis-le, et cesse de me faire souffrir en m’écrivant des lettres alors que tu n’as même pas le courage de me parler en face. Dis-le et j’arrêterai de m’acharner, je ferai définitivement une croix sur notre amitié... » Sa phrase entière montrait mon immense lâcheté. D’abord dans ma soumission envers ma famille, ses conventions, ses règles absurdes, ses opinions, puis il pointait le doigt sur mon manque de courage dans mon incapacité à assumer mes actes. Je m’accrochais à lui après l’avoir prié de me laisser. J’étais paradoxal, j’étais lâche. Je me dégoûtais. Et je devais le lui dire. La rage enflait en moi, encore une fois. J’avais l’impression que j’allais exploser à force de contenir tous les accès de colère qui s’animaient en moi, rancœur souvent dirigée contre ma personne. Comment pouvais-je me sortir de ce tourbillon de doutes. C’était le pire état, car alors on regrette tout. Jamais aucune de mes actions ne me satisfaisaient. Je désirais une voie, un but, une opinion, n’importe quoi qui m’appartienne pleinement et que je puisse assumer. Mais n’ayant rien de tout ça, que je fasse quoi que ce soit, je le faisais de travers, et il y avait toujours des conséquences. J’abattis mon poing sur la table à côté de moi. « Shawn, c’est plus grave que le regard des gens, c’est mes parents, c’est la société. Si tu savais à quel point je regrette le temps passé. Je n’ai jamais changé d’avis parce que mon avis est toujours resté le même : Je voulais que tu restes mon ami. Mais je ne le pouvais pas. Je t’ai sacrifié, mais je me suis aussi sacrifié, pour qu’il ne t’arrive rien, pour éviter les conflits familiaux. Pour rester un bon fils. » Je soupirais et passais ma main dans mes cheveux pour me donner contenance « Tu crois que j’ai honte de toi ? Shawn, si tu savais à quel point je t’admire, j’admire ton courage, ton indépendance, tout de toi. Jamais je n’aurai honte de toi ! Je n’ai juste pas le droit, pas le choix .. Oui je suis un mouton, je suis lâche. Tu as totalement raison, moi je me débecte. Je n’ai pas d’avis, pas d’idéal, rien, alors je suis, et je regrette tout. » Ma voix se brisa et j’enfouissais mon visage dans mes mains quelques instants. « J’ai fait une faute dès le début en me rapprochant de toi, je n’aurais pas dû. Les quelques amis que j’avais dont j’ai dû me séparer, je les ai fait souffrir, je me suis fait souffrir. Si seulement j’avais été un bon fils, obéissant et fier des idéaux familiaux, jamais tout cela ne serait arrivé. Jamais je ne t’aurais fait de mal ainsi. Je suis désolé Shawn. » J’attrapais son épaule dans un geste de réconfort. «… Je n’arrive pas à couper le lien, à tirer un trait sur toi. Ce n’est pas respectueux, je devrais te laisser partir. » Et comme pour infirmer mes dires, je m’accrochais à son épaule comme à une bouée de sauvetage, plongeant mes yeux dans les siens, bleus contre bleus, tels des océans de larmes.
Spoiler:
Desolé c’est hypra hypra nul ! Promis, je me rattrape au prochain, mais je voulais vraiment écrire avant de partir ! En plus je les écris par morceau, donc j’ai l’impression que ça donne vraiment un texte détaché, qui n’a pas de sens et de fil rouge. Enfin bref, si tu veux que je change qqch, je le fais volontiers. Ah et je sais pas si ça se voit, mais je voulais mettre un peu ambiguïté dans les paroles de Sam, pour laisser le loisir à Shawn de s’imaginer que Sam ressent plus que de l’amitié pour lui (et ainsi le faire souffrir encore plus mouahahah), après à toi de voir ce que tu veux qu’il en pense, c’est égal pour moi, c’est juste une possibilité comme ça :boog :