Le match d'hier avait été un succès pour les Faucons de Falmouth et leur coach, en bon samaritain, avait décidé d’octroyer une journée de pause à ses joueurs. Eleanor s'était tout de même rendue en début de matinée sur le terrain afin de s'entrainer, désireuse de rester au top pour les compétitions à venir mais le manque d'adversaires l'avait profondément ennuyée. Après tout, la jeune demoiselle vivait littéralement dans l'espoir de prouver à tout le monde qu'elle était la meilleure et sans personne à rabaisser plus bas que terre, tout devenait terriblement maussade. Flânant sur le chemin de Traverse, peu attirée par l'idée de rentrer chez soi de si bonne heure, Eleanor grimaçait en croisant le chemin de quelques moldus en pleins achats pour leurs bambins certainement scolarisés à Poudlard. L'ancienne Serpentard ne pu réprimer un sourire à cette pensée, il y a quelques années, c'était elle qui terrorisait ces mêmes enfants dans l'enceinte de l'école. Dans un bref moment de nostalgie, la Griffin laissa ces quelques souvenirs remonter à la surface, se surprenant à penser que cette époque lui manquait.

Après s'être arrêtée un instant au magasin de balais afin d'y réaliser quelques achats sommaires de produits d'entretiens, la jolie brunette s'était arrêtée face au Chaudron Baveur dans lequel venaient de s’engouffrer un couple de Moldus. Prenant une inspiration et se disant qu'elle n'avait de toute façon rien de mieux à faire, elle finit par pénétrer à son tour dans le bâtiment. Sans attendre, la demoiselle s'installa aussi confortablement qu'elle le pu à une table au fond de la pièce, observant à loisir les quelques protagonistes qui prenaient tranquillement un verre. L'atmosphère plutôt glauque du pub jumelée à la gêne des quelques non sorciers qui passaient par là plaisait beaucoup à Eleanor qui s'amusait de la peur palpable ressentie par les Moldus. « Une bière. » lança-t-elle d'un ton quelque peu hautain à l'un des serveurs qui passait par là, ne pouvant s'empêcher de dénigrer intérieurement le métier du jeune homme. Il fallait bien des gens comme lui après tout pour servir des personnes d'une certaine classe dont faisait évidemment partie la demoiselle.

Un long soupire exaspéré échappa à la jeune Griffin tandis qu'elle attendait la boisson commandée depuis une bonne dizaine de minutes. Les employés n'étaient décidément plus ce qu'ils étaient se murmura-t-elle en tentant de garder son calme bien qu'elle menaçait d'exploser à tout moment. Eleanor n'aimait pas qu'on la fasse attendre et c'était exactement ce qui était entrain de se passer. Peu encline à bouger son joli derrière afin d'aller chercher sa boisson et ainsi se rabaisser au niveau d'une quelconque personne, elle manqua de faire un scandale lorsque le même jeune homme qu'un peu plus tôt passa devant elle sans même la regarder. Serrant les dents, Eleanor fronça les sourcils et interpella le serveur alors qu'il repassait devant elle l'air de rien. « Je crois avoir commandé quelque chose si je me souviens bien mais il semblerait que tu ne tiennes pas à ton travail. » lui souffla-t-elle d'un air exaspéré, déjà prête à faire jouer de ses relations de joueuse connue afin de le faire virer.

La jeune fille fulminait intérieurement, peu ravie qu'on la prenne pour une moins que rien, l'abaissant au même niveau qu'une quelconque personne. Bon sang, elle était Eleanor Griffin, certainement pas une simple moldue, elle était la meilleure joueuse de Quidditch de sa génération, tout le monde se devait de le savoir. Un petit sourire vainqueur vint étirer ses lèvres alors que le serveur se tournait vers elle sous le coup de sa remarque acerbe : « Bonjour mademoiselle. Je suis navré, mais des clients sont là depuis plus longtemps que vous et comme vous pouvez le constater, je suis seul pour le moment. Alors je vous prierais de patienter quelques instants. Si vous êtes réellement pressée, je ne peux que vous inviter à commander directement au comptoir. » La jolie brune serra les poings, peu habituée à ce qu'on lui tienne tête de la sorte et n'appréciant visiblement pas cet élan de rébellion. Sa baguette, bien au chaud dans la poche intérieure de sa veste, commença à la démanger et elle du fournir un effort presque surhumain pour ne pas la brandir vers l'opportun qui avait oser lui répondre de façon si inconvenante. Si seulement il avait eu conscience de ce qu'elle était prête à faire à des personnes comme lui, jamais il ne lui aurait manqué de respect ainsi devant tant de monde. Blessée dans sa fierté sans pour autant le montrer, Eleanor lâcha un rire hautain qui se répercuta dans la pièce malgré le brouhaha ambiant. Une chance, c'est ce que, dans sa grande bonté d'âme, la jeune fille était prête à laisser à ce simple serveur. Et s'il la manquait, il n'en aurait certainement pas une autre de sa part. Peu de gens pouvaient se vanter de s'être vu accorder pareille aubaine auprès de la grande et célèbre Eleanor Griffin.

Apparemment, il n'était pas très enclin à saisir cette opportunité qui se présentait à lui étant donné qu'il servait parfaitement normalement les autres clients, délaissant totalement la pauvre demoiselle au bord de la crise de nerfs. Elle avait toujours eu cette fâcheuse tendance à s'énerver trop vite et cette situation bien trop désagréable à son goût n'arrangeait en rien sa nervosité presque palpable. Un long soupire lui échappa tandis que ses doigts vinrent tapoter fébrilement la surface rugueuse de la table en bois à laquelle elle était installée. On aurait facilement pu confondre ce geste avec du stress ou même de l'impatience mais il n'en était rien de tout cela, Eleanor se contenant simplement de brandir sa baguette en direction du serveur qui venait de l'énerver pour la journée.

« Sache que ma gentillesse a des limites. » lâcha la demoiselle Griffin en s'approchant brusquement de cet homme plus que malpoli. S'il pensait sérieusement qu'elle allait se rabaisser à aller chercher sa commande par elle-même, il ne s'était jamais autant trompé de sa vie. « A présent, si tu pouvais faire ton métier un peu plus correctement, je commence sérieusement à avoir soif. » poursuivit-elle d'un ton des plus sarcastique dont elle seule avait le secret. Posant les mains sur ses hanches, le visage d'Eleanor sembla se radoucir quelques secondes pour ensuite laisser place à un sourire carnassier. « Oh mais tu ne m'as peut-être pas bien comprise toute à l'heure : je peux te faire virer en un claquement de doigts. Personne ne tient tête à Eleanor Griffin de la sorte, tu devrais tâcher de t'en souvenir. »

Lysander avait tout à fait conscience d’être à la limite de l’insolence, mais il en avait assez qu’on se foute de sa gueule. Oui, le client était roi, mais il ne fallait pas pousser Merlin dans les citrouilles. Il était poli et respectueux, néanmoins il fallait que ce soit un minimum réciproque. Un minimum. Se faire insulter n’était jamais très agréable. Son patron allait certainement le lui reprocher et le recadrer le soir-même, mais ce n’était pas grave parce qu’ils se serait fait plaisir sur le moment. Les relations clients, il n’y avait rien de pire. Ce n’était pas chez Ollivanders que Lysander allait avoir des problèmes, parce qu’un fabriquant de baguettes était rarement dénigré. En plus, Ollivander avait le monopole à Londres alors... Certes, il y avait toujours des aristocrates coincés qui pétaient plus haut que leur cul, mais Lysander apprenait petit à petit à les gérer.

Simple serveur... Tu parles. On en reparlerait quand elle franchirait le seuil de SA boutique avec ses mômes braillards et son mari qui lui taperait dessus dans vingt ans. Oui, Lysander préparait ses vengeances sur le long terme, elles n’en étaient que meilleures. En tout cas, le jeune homme prenait bieeeeen le temps de s’occuper de ses clients avec un grand sourire, se payant même le luxe de faire des clins d’œil et des blagues aux jolies filles. Et ouais il était comme ça Lysou ! C’était un vilain petit dragueur quand il voulait !

Il s’attendait à ce que sa cliente prétentieuse se drape dans sa dignité et quitte les lieux en braillant qu’elle ne reviendrait pas de sitôt ou quelque chose comme ça. Ou alors qu’elle se tire au comptoir pour se plaindre à son patron, à la rigueur. Mais certainement pas à ce qu’elle monte sur ses grands Abraxans et vienne carrément le voir. Qu’est-ce qu’elle espérait exactement ? Lysander haussa les sourcils, légèrement amusé. Alors comme ça elle pouvait même le faire virer. Le jeune homme ne put retenir un ricanement en l’écoutant clamer son nom haut et fort. Elle croyait réellement lui faire peur ? Il avait subi les foudres de Sven Klein, le pire prof de Sortilèges de l’université pendant cinq ans, ce n’était pas une gamine trop gâtée qui allait lui faire peur !

Tout en restant très calme, Lysander braqua ses yeux verts pétillants de malice sur cette Eleanor Griffin, un petit sourire aux lèvres. Il continuait son travail, lavant une table et ramassa les verres sur son plateau comme si de rien n’était.

- Enchanté, Lysander MacLaren, pour vous servir. Je vous prie de baisser d’un ton, vous dérangez les autres clients, Miss Griffin. J’ai dit que j’allais m’occuper de vous et je le ferais si seulement vous ne me dérangiez pas toutes les deux minutes. Si vous aviez attendu patiemment sans m’obliger à m’interrompre dans mon travail pour vous faire la conversation, vous seriez servie depuis longtemps.

Son tableau à bout de bras, Lysander s’en alla vers le comptoir, il se retourna au dernier moment pour lancer d’un air plus qu’insolent.

- Pouvez-vous me rappeler ce que vous désirez ? Un lait de chèvre, c’est bien ça ?

Vite, fuyons @.@