Comme tout les premiers lundi de chaque mois, Zacharius se rendait à Sainte-Mangouste, et début mai n’allait pas y faire exception.

L’ancien Serdaigle lui avait promis de ne pas venir la voir trop souvent, pour ne pas mettre en péril son apprentissage. Et comme à chaque fin de mois, il rongeait son frein et réduisait son utilisation de potions calmantes. Il n’avait jamais était un as en potion et n’arrivait pas, malgré tous ses efforts, à en créer une aussi satisfaisante que celles que Carlie pouvait lui en procurer. Aucun médicomage n’avait jamais voulu lui prescrire légalement un traitement, il avait à chaque tentative été redirigé vers des psycomages. Comme si ses deux thérapeutes pouvaient l’aider à trouver le sommeil. Comme à chaque fin de mois, ses heures de sommeils se comptaient au compte goutte. Il devenait irritable, moins patient et surtout plus impulsif. Chose bien problématique pour s’enquérir de ses tâches de mangemort, mais il ne pouvait décidemment pas faire par de cette variable aux médicomages.

Or, il savait qu’il pouvait se fier à Carlie, même si elle n’était qu’apprentie. Sa bonté naturelle la poussait à l’aider sans le juger, sans gratter son masque. Jusqu’à présent, il n’avait avec elle jamais risqué sa couverture, juste son amitié lors de certains débats un peu trop engagés. Sa présence était comme un baume sur son âme en lambeau. Au fil des années il avait développé pour elle une fascination idéaliste et dévorante, il n’était pas sur de savoir s’il crevait d’envie de la plaquer contre un mur pour l’embrasser ou bien de la serrer dans ses bras et l’éloigner de la brutalité du monde. Peut-être venait-il la voir plus pour sa présence que pour ses précieuses potions.

Le mangemort transplana sur le sol étincelant du grand hall de Sainte-Mangouste. Le bruit de ses pieds sur le sol fut étouffé par le bruissement d’une centaine de sorciers en mouvement. La fourmilière de Sainte-Mangouste l’avait toujours fasciné, il y voyait de la joie à profusion, du soulagement, de la tristesse et de la résignation, mais également beaucoup de douleur. L’hôpital magique était une véritable source d’entrainement.

L’homme se glissa dans un grand couloir, à la suite d’un homme qui dégageait une forte odeur de souffre. En fronçant les narines, il se fraya une place à ses côtés dans l’ascenseur magique. Lorsqu’une voix désincarnée annonça l’étage de la Pathologie des sortilèges, Zacharius sortit de l’ascenseur à la suite d’une petite femme et marcha à travers les couloirs. La main dans sa poche gauche, il caressa du bout de l’index le morceau de parchemin qui lui indiquait la salle où Carlie l’attendrait. Arrivé à destination, il jeta un rapide coup d’œil autour de lui puis s’engouffra dans la salle de consultation libre.

En attendant son apprentie guérisseuse préférée, Zacharius s’installa confortablement derrière un grand bureau blanc, sur le fauteuil rembourré normalement réservé au médicomage, sur lequel il se défit de sa légère veste en jean.

Les sens au aguet, conscient qu’il n’avait pas à se trouver ici, il capta le bruit de pas se rapprocha de sa salle. La poignée tourna et Carlie apparue dans l’entrebâillement de la porte.

Zacharius se leva, un large sourire aux lèvres, pour accueillir la petite Burton. Les battements de son cœur s’accélèrent légèrement, et il se rendit compte à quel point Carlie lui manquait et comment il souffrait de devoir se tenir éloigné d’elle. Le mangemort contourna le bureau puis s’avança vers sa petite guérisseuse. « Salut Carlie, comme tu le vois j’ai commencé à prendre mes aises. » Murmura t-il, avec un vague signe de main en direction de sa veste. Il prit la jeune fille dans ses bras pour la saluer, dans une étreinte trop brève qui le laissa sur sa fin. « Comment tu vas ? » Sa voix s’élevait un peu dans le silence étouffée de la salle, pour ne pas s’échapper dans le couloir bruyant. « J’espère que je te ne dérange pas. » Ajouta-t-il, comme à son habitude, par politesse et par désir de ne pas causer de problème à la jeune fille. Jamais il ne se pardonnerais d'érafler sa pureté.

Le mois d’avril avait fini par mourir, laissant place au mois de mai. Et Carlie espérait sincèrement qu’il n’apporte pas de nouvelles catastrophes ou tueries de la part du camp de Vous-Savez-Qui. Mais elle savait que c’était un espoir peut-être un peu trop optimiste... Quoi qu’il en soit, l’arrivée du mois de mai était annonciatrice d’une visite mensuelle, qu’elle attendait avec une certaine impatience. Après tout, voir un ami une fois par mois était toujours un évènement. Enfin, c’était plutôt pitoyable en soi de ne voir son ami qu’une seule fois tous les mois, mais elle avait du mal à trouver un moment pour voir Zach à un autre moment. Et comme elle savait déjà qu’il ne manquerait jamais le moindre de leurs rendez-vous, elle parvenait à s’en contenter. C’était une des constantes de sa vie dont elle aurait du mal à se passer. Un ami disparu retrouvé à la fin de Poudlard, qui avait repris sa place initiale sans se faire prier. Et elle était ravie de lui rendre service.

Elle avait été affectée au service des pathologies liées aux sortilèges, une nouvelle branche de Sainte Mangouste qu’elle n’avait pas encore réellement explorée. Mais les pathologies pouvaient se révéler franchement drôle, encore une fois. Différentes des accidents domestiques, mais des situations toujours aussi cocasses. Et d’autres beaucoup moins drôles. D’autres qui donnaient presque envie d’éviter d’utiliser la magie à nouveau, qui donnaient plutôt envie de rester enfermé chez soi à l’abri. Amnésie irréversible, folie… Des horreurs contre lesquelles elle devait se prévenir, s’immuniser. La jeune femme ferma la porte de la chambre qu’elle venait de visiter, et jeta un coup d’œil à sa montre sertie de petits diamants, cadeau de son père pour sa majorité, et se rendit compte qu’elle allait être en retard pour son rendez-vous avec Zach. Elle lui avait envoyé un hibou quelques jours auparavant, lorsqu’elle avait connu sa nouvelle affectation, afin de lui indiquer l’heure et le bureau du personnel où elle pourrait le retrouver.

Lorsqu’elle tourna la poignée de la porte et qu’elle aperçut son ami confortablement installé derrière le bureau, la jeune femme ne put retenir un éclat de rire. Elle verrouilla la porte derrière elle, avant de s’avancer vers son ami. Elle outrepassait un brin ses fonctions en acceptant ces rendez-vous mensuels, mieux valait que personne ne soit au courant… Mais c’était toujours un plaisir de lui rendre ce service. Dommage qu’il faille pour cela limiter au maximum les fréquences des visites.

« Salut Carlie, comme tu le vois j’ai commencé à prendre mes aises. »

L’apprentie laissa tomber son sac à ses pieds, entrainant un bruit sourd provoqué par les ouvrages qu’il contenait, tout en continuant de rire. Ce rendez-vous était comme une bouffée d’oxygène dans sa journée. Zach savait la faire rire, c’était une belle personne. Elle lui rendit son étreinte avec plaisir, qu’elle compléta par une bise claquée sur sa joue mal rasée. Puis elle quitta ses bras pour s’approcher du bureau dans lequel elle avait rangé un certain nombre de fioles, certaines pleines, d’autres vides, dans un tiroir verrouillé. Elle les avait entreposées là en arrivant ce matin. Certaines des potions qu’elle lui préparait nécessitaient de reposer pendant quelques jours, aussi se débrouillait-elle toujours pour commencer à les préparer chez elle, en amont de leur rencontre. Leur arrangement fonctionnait depuis un moment maintenant, ils étaient bien rodés.

« Comment tu vas ? J’espère que je te ne dérange pas. »

Elle disposa de ses fioles sur le bureau, puis elle alluma un feu doux sous un chaudron dans un coin, avant de relever la tête avec un sourire éclatant posé sur son visage.

[darkorchid]« Je vais très bien, seulement un brin fatiguée. Je vais finir par me préparer des potions à moi aussi si ça continue… Ne t’en fais pas, c’est ma pause repas, j’ai du temps devant moi. »[/color] Elle lui adressa un sourire doux avant de s’appuyer contre le bureau. « Et toi alors, comment ça va ? Ca me fait vraiment plaisir de te voir, tu sais ? Tu as l’air en forme ! »

Nouveau sourire. Zach était un ami en or, comme un ange protecteur qui flottait au-dessus de sa tête. Elle se sentait en sécurité avec lui, comme si rien ne pouvait lui arriver de mal parce qu’il ne laisserait rien lui arriver de mal. Et dans la folie de cette vie, c’était un réel bonheur d’avoir ce sentiment.

« Je t’offre le repas quand on a fini si tu as le temps, ça nous permettra de passer un peu plus de temps ensemble comme ça ! Enfin, si tu ne crains pas la nourriture de l’hôpital bien sûr !»

Profiter de ces instants de légèreté et de sécurité. Mettre de côté la fatigue qu’elle ressentait. Et surtout, se sentir vivante. Parce que dans ce service où la mort semblait flotter, attendant de prendre ses patients, on pouvait vite devenir fou à son tour…

Au sourire ingénu de la petite Carlie, Zacharius se sentait coupable. De ce qu'il allait lui demander, de la laisser frôler d'aussi près sa noirceur. Jamais il ne s'était remis de l'avoir aperçut au milieu de ce capharnaüm qu'avait été le hall de Gringott en pleine opération Mangemort. Elle n'avait pas eu sa place au milieu de ces affrontements, et l'Ancien Serdaigle se demandait encore comment elle avait pu tomber dans ce guet-apens. Peut-être fallait-il blâmer sa grandeur de cœur inégalable et son désir inassouvi de toujours venir en aide aux autres.

Même à lui, pauvre âme brisée et torturé, hanté encore par la cuisante défaite à Gringott, par son impuissance et par l’humiliation qui avait suivie sa tentative ratée d’aider Jaina et Murphy. La culpabilité rongeait ses nuits et agitait son estomac, le rendant incapable de se nourrir normalement. Depuis leur dernier rendez-vous, Zacharius avait maigrit. Il espérait que Carlie ne s’en apercevrait pas. La présence de son amie avait le don d’éclairer ses traits et d’alléger son cœur, il avait ainsi de grandes chances de faire bonne figure.

Le mangemort regarda son amie disposer les fioles, délicatement, avec ses doigts de fée. « J’espère que je ne te donne pas trop de travail, avec mes potions. » Souffla Zacharius derrière elle, d’un ton sincèrement désolé. Il n’aimait pas voir l’éclat du diamant qu’elle était être altéré. Il ne pu s’empêcher de glisser ses doigts avec douceur dans les cheveux de la brune.

L’expérimentateur éclata de rire à la proposition de Carlie. « Avec grand plaisir, je pense que j’y survivrais, j’ai déjà vécu pire. » Face au visage lumineux de son ami, il ne pouvait s’empêcher de sourire. « J’ai du temps aujourd’hui, ça tombe bien. » Partager un moment avec elle, c’était bien le peu qu’il pouvait lui offrir, en échange du service qu’il s’apprêtait à lui demander.

Zacharius hésita, puis finit par lui demander. « J’aimerai bien que tu m’auscultes. » Ses pensées tournaient à toutes vitesses, cherchant une infime explication qui pourrait justifier les multiples lésions dont il souffrait encore depuis Gringott. « J’ai fait une… mauvaise expérience, en tentant un nouveau sort, je suis tombée de haut. » Pour appuyer son propos, le mangemort ajouta avec un léger rire simulé, « Je crois que je patine dans mes recherches. » En espérant sincèrement qu'elle ne le demande pas pourquoi il n'avait jusqu'à là pas vu le moindre médicomage.

Il s’assit sur le bureau, prenant garde à ne rien déplacer, hésitant encore. Il jeta un regard à son amie, et déboutonna sa chemise froissée. Son cœur battait la chamade de se mettre ainsi à nue devant elle, mais plus que tout il craignait de trop s’appuyer sur elle et de l’embarquer dans une histoire qui la dépassait, qui lui ferait du mal. Mais pour le moment, ses tentatives d’automédication était un pur échec, et il avait besoin d’elle pour se remettre sur pied.

Il glissa la chemise le long de son dos, dévoilant des muscles meurtris, rougeâtres, contractés et couverts de lésions. Son torse était également fendue d’une fine griffure, qui peinait à cicatriser, cadeau des chute de gravas des entrailles de la banque gobeline. La douleur était si présente que Zacharius s’était presque habituée aux multiples tiraillements, qui lui donnaient l’impression de s’être réellement fait écrasé, ce jour là, sous les gravats. Peut-être aurait-il dû, cela lui aurait permis d’échapper à la honte de l’échec. « Tu peux faire quelque chose ? »