Plusieurs personnes entrent et sortent de nos vies, seuls les vrais amis laissent une empreinte sur nos cœurs.
La journée avait été longue. Par chance, elle ne se finissait pas trop tard. Seules deux ou trois bagarres entre des adolescents avaient été notées. Heureusement Ebony avait dû soigner quelques nez cassés, des bleus tout au plus. Elle remerciait Merlin qu'aucun match de quidditch n'ait eu lieu. Elle ne le disait que très rarement mais ce sport l'horrifiait qu'elle jugeait carrément violent. Elle n'avait pas vraiment à se plaindre de son travail d'infirmière à Poudlard. A dire vrai, elle adorait son métier, mais quelques fois, il lui arrivait de désapprouver quelques méthodes de Poudlard et notamment les matchs. Mais il fallait faire avec. Et elle devait se contenter de se ronger les sangs. Futile la jeune Ebony ? Probablement. Dans tous les cas, s'inquiéter bêtement était dans sa nature et rien n'y faisait. Elle avait toujours peur de voir un élève ou un professeur - enfin un en particulier- avec le visage amoché à cause d'un cognard fou. Cette journée était donc plutôt rassurante et se finissait sur une touche joyeuse. Elle retourna donc dans ses appartements toute en tranquillité, ne laissant aucun patient pour la nuit. Voilà déjà une bonne chose de faite. En rentrant dans l'aile destinée au personnel, Ebony fit en sorte de ne pas s'attarder dans une discussion. Elle ne comptait faire qu'une chose : être seule. Elle rêvait de son fauteuil, d'un bon livre et de ses chocogrenouilles. Que demander de plus en cette soirée qui s'annonçait encore longue ? Car en effet, elle ne se voyait pas aller dormir pour le moment. En ce moment, elle avait le sommeil léger.
Enfin chez elle -du moins dans son petit appartement comme elle l'appelait- elle se changea rapidement et enfila ses petites pantoufles. De ses meubles, elle sortit un paquet de chocogrenouilles et son roman préféré. C'était son petit rituel. Il fallait à tout prix qu'elle se change les idées, qu'elle ne se focalise plus sur cette journée. Elle avait pris pour habitude de briser ses petites fioles qu'elle chérissait. Et lire jusqu'à tard le soir était la seule solution qu'elle avait trouvé. Et ce moment, son livre de chevet, c'était Orgueil et préjugés. Combien de fois l'avait-elle parcouru ? Elle ne saurait le dire. Elle se souvenait très bien sa découverte. Elle n'avait que 17 ans quand elle le lut pour la première fois. Elle était entrée dans une librairie moldue à Londres totalement par hasard. Cette romance l'avait intriguée tout de suite et forcément, c'était resté ancré dans ses livres favoris. Et aujourd'hui plus que jamais, elle avait besoin de quelque chose qu'elle aimait. A force de le feuilleter, elle avait fini par apprendre la plupart des dialogues. Pourtant, elle se passionnait toujours pour ça. C'était surement pour cela qu'elle l'avait choisie plutôt qu'un autre pour la divertir. Car elle savait que de toute façon, que tout s’apaiserait après la lecture de plusieurs pages et qu'elle s'endormirait plus facilement par la suite. Finalement, l'infirmière de Poudlard leva son regard vers l'horloge. Elle affichait vingt trois heures trente. Elle inspira profondément. Elle ne se sentait pas fatiguée. Et elle n'avait pas envie de se plonger dans ses rêves. Tout ce qu'elle espérait était une nuit tranquille, sans rêves, sans imprévus. Une nuit, comme avant, comme on en connaissait souvent quand tout allait bien. C'était tout ce qu'elle demandait. Rien de plus. Rien de moins. Elle se résigna donc à rejoindre son lit qui l'appelait. Elle rangea ses quelques affaires. Et se dirigea vers sa salle de bain. En croisant son reflet dans le miroir, elle s'arrêta, pencha légèrement la tête sur le côté. Elle passa une main dans ses cheveux bruns et s'observa un instant. Elle n'était ni triste, ni heureuse, juste préoccupée. Ses traits étaient légèrement tirés par la fatigue, pourtant elle ne ressentait pas le besoin d'aller dormir. Elle haussa les épaules. Tant pis. Elle irait quand même. Lentement mais surement, elle brossa ses dents. On aurait dit une sorte d'automate en cet instant. Elle faisait tout parce que c'était nécessaire. Elle se brossa ensuite les cheveux et partit d'un pas décidé vers sa chambre. Elle éteignit la petite bougie dont la cire était quasi inexistante et elle se glissa dans ses draps afin de rejoindre - très vite, elle l'espérait- les bras de Morphée.
Combien de temps mit-elle à s'endormir ? Elle se retourna dans son lit, bien plus d'une fois. Elle finit par sombrer, aux alentours de minuit et demi. Son rêve ne fut pas d'un grand intérêt, sans lien avec ce qu'elle avait lu ou vécut durant la journée. Elle se trouvait assise à discuter avec un lapin rose, qui lui posait des questions et celle très connue du chapelier fou " pourquoi un corbeau ressemble à un bureau ?" Pour sa part, Ebony ne comprenait pas. Tout lui semblait flou. Elle n'arrivait pas à répondre, ce qui la terrifiait. Ne pas savoir répondre à une devinette ? Un malheur pour une ancienne serdaigle digne de ce nom. Toutefois, un bruit s’immisça dans ce rêve absurde. Un bruit venu de l'extérieur. Un bruit qui semblait si près et si loin à la fois. Comme quelqu'un qui toquait à une porte en bois. C'est alors qu'elle se réveilla brusquement, réalisant qu'on tapait vraiment à la porte de son appartement. Elle ne rêvait plus. C'était bel et bien la réalité. Elle eut du mal à sortir de son lit. Elle leva juste la tête qu'elle sortit de ses draps, les yeux mi-clos, elle tenta de s'habituer à l'obscurité. Puis, on toqua de nouveau à la porte. Cette fois-ci, Ebony sursauta. Elle tomba hors de son lit et se plaignit qu'on vienne la réveiller à une heure pareille. Elle se demandait bien qui pouvait avoir l'extrême amabilité de venir la sortir de son sommeil. Elle enfila ses chaussons et une robe de chambre tout en hurlant « J'arrive ! » Mais elle doutait qu'on l'entende. C'est pourquoi elle se précipita à la porte à la vitesse que lui permettait ses forces. Une porte qui s'ouvrit sur... « Ezra ? » L'esprit embrumé encore par le sommeil, Ebony ne réalisa pas tout de suite que son ami était dans un piètre état. « Qu'est-ce que... ? » Mais elle ne termina jamais son interrogation. Inutile de chercher midi à quatorze heures, il avait besoin de quelques potions qui pourraient lui permettre de ne plus avoir mal. Il avait l'air de souffrir le martyr. Et pour le moment, elle ne voulait pas savoir depuis combien de temps il était dans cet état ni le pourquoi du comment. Il fallait agir. Instinctivement, elle lui attrapa le bras et l'aida à entrer à l'intérieur. « On discutera après, je ne pense pas que ce soit le moment. » Trêves de bavardage.
Les blessures demeurent intactes. Avec le temps, notre esprit afin de mieux se protéger recouvre ces blessures de bandages et la douleur diminue mais elle ne disparaît jamais. [Rose Kennedy]⊹ 1h La journée avait été éprouvante comme jamais une journée ne l’avait été depuis le début de ma carrière de professeur. Les élèves ne sont pas toujours évidents à gérer, j’ai souvent été débordé au début de l’année, ayant du mal à trouver le juste milieu entre l’autorité nécessaire pour tenir une classe et le leste indispensable pour s’amuser et passer un bon moment. Les cours de mes collègues sont déjà bien assez barbants j’imagine, pas que j’ai un quelconque problème avec leur enseignement, pour les cours théoriques je suis d’accord qu’il est important d’être extrêmement sérieux, mais pour les cours de vol ou de musique, j’estime qu’on peut bien essayer de se détendre un peu. Je prends mes matières au sérieux, il ne faut pas confondre détente avec laxisme, ça n’a rien à voir, c’est juste que le vol doit être une passion, si on n’aime pas ça ou si on a le vertige, tous cours de vol devient une torture, et pour la musique c’est pareil, alors autant apprendre avec envie et essayer de faire partager mes passions avec mes élèves, c’est aussi un peu ça le but de l’enseignement. Après c’est certainement une conception de la vie que tout le monde n’a pas et j’aurais surement des problèmes par la suite, comme aujourd’hui. Je devais encadrer une retenue ce soir. Je me dirigeais tranquillement vers la salle de classe quand j’ai entendu des protestations virulentes. J’ai fait un petit détour vers le bruit et j’ai repéré Néron entouré de jeunes filles, certainement les quatre de serdaigle dont il m’avait déjà parlé. La dispute était assez impressionnante et je me suis approché rapidement pour m’interposer. Je pensais aplanir le ton et jouer mon rôle de médiateur pour éviter un esclandre, mais au final j’ai dû donner des avertissements à tout le monde pour ce qui a suivi. Néron, rapide comme l’éclair, a brandi sa batte de quidditch vers les filles pour les menacer au moment où j’arrivais. Le coup a été net et brutale, j’ai absorbé la violence du coup sans broncher, ce n’était pas non plus le coup du siècle. J’ai bien fait comprendre aux élèves que si je les revoyais encore une fois ensemble, ils finiraient tous en retenus et je les ai laissé partir. J’ai ensuite été surveiller la retenue programmée ce soir-là et en sortant j’ai fait une dernière ronde du château histoire de faire passer un peu le temps. Je dors toujours très peu la nuit, alors il n’est pas rare que je me balade dans le château hors de mes rondes habituelles, ça me permet de penser, sans tourner en rond dans ma chambre. J’ai toujours détesté rester enfermé entre quatre murs. Je n’ai pas fait attention tout de suite, mais une petite douleur est arrivée petit à petit pendant que je réfléchissais. J’aurais dû l’endiguer directement au lieu d’attendre sans rien faire.
2h Après avoir enfilé mon short de nuit et un t-shirt, tenue décontractée et bien méritée après une journée chargée, je m’installe tranquillement à mon bureau pour rédiger la lettre que je veux envoyer à Belize depuis quelques jours déjà. Tout apaisé par la douche bien chaude que je viens de prendre, c’est avec plaisir que j’entame ma missive, lui racontant ce qu’il se passe ici et lui demandant si elle va bien. Je lui raconte comment j’ai retrouvé Alisson au bal de la saint Valentin et comment je parviens à être plus à l’aise dans mon rôle de professeur. J’ai beaucoup douté au début de cette proposition de Dumbledore, je ne me sentais pas franchement l’étoffe pour enseigner à des enfants, encore moins sachant que je ne me sens pas beaucoup plus vieux qu’eux. Poudlard, j’ai l’impression que c’était hier. Mais j’ai finis par accepter, pour découvrir autre chose et me rapprocher du quidditch un peu plus. Et maintenant je peux me féliciter d’avoir fait ce choix, je me sens plus épanoui depuis que je suis ici, qu’en quatre ans en tant qu’assistant du coach des Orgueils de Portree. Finalement, un retour aux sources, il n’y a rien de meilleur. Comme beaucoup de personne, je pense que Poudlard a été d’une grande aide dans ma guérison, enfant. J’ai de la chance d’être de nouveau ici. Un léger picotement persistant attire mon attention. Je me masse doucement l’omoplate gauche en relisant les lignes que j’ai couchées sur le papier. Je sens que la douleur grandit, mais elle reste toutefois supportable. J’ai l’habitude de ces petits désagréments du quotidien, une bonne nuit de sommeil et ça repart. Je plis ma lettre et la glisse dans une enveloppe, il faut que je pense à l’envoyer demain. Je repose ma plume et me dirige vers mon canapé. Affalé de tout mon long, j’attrape le livre qui est resté depuis la nuit dernière sur la petite table basse. Je ne suis pas un gros dormeur, depuis tout petit déjà, et après l’accident, mes nuits se sont encore écourtées, les songes me terrifiants. Je passe alors beaucoup de temps à lire en plein milieu de la nuit, pendant que tout le monde dort autour de moi. Tout est calme et c’est reposant. Pas totalement confortablement installé, j’attrape le petit coussin qui me suit partout, je lui lance un sort avec ma baguette pour lui donner la chaleur satisfaisante et je le glisse dans mon dos afin de calmer les quelques courbatures qui commencent à se propager.
3h Je me lève pour boire un verre d’eau et une vive douleur m’étreint tout entier, partant du haut de ma cuisse à mon épaule gauche. J’ai lu plus d’une heure et je ne me suis pas rendu compte de l’avancé de la douleur avec la chaleur. Exactement sur le trajet de l’impact de la batte de Néron. Je décide de prendre un calmant, histoire d’endiguer tout de suite le flot intense. D’ici quelques minutes tout sera rentré dans l’ordre et cette histoire sera du passée. Je n’ai pas voulu mettre des retenues à toute la petite bande ce soir. Ça n’aurais certainement pas fait de mal à ces jeunes filles qui harcèlent le jeune Lestrange, mais je ne voulais pas le mettre lui en retenu alors qu’il ne m’a pas frappé intentionnellement. Il m’a déjà parlé de ses problèmes, j’ai tenté de le dissuader d’avoir recours à la violence, mais au fond de moi je savais que ça finirait par arriver. Je ne suis pas certain qu’il aurait donné un coup de batte à l’une de ces filles, mais je ne suis pas totalement convaincu du contraire non plus. La seule chose dont je suis sûr, c’est qu’il ne voulait certainement pas me donner un coup de batte. Son air contrit en me voyant a fait pencher la balance sur la non-retenue. J’essaierais d’avoir une conversation à ce sujet avec lui, histoire qu’il évite de recommencer à se défendre et menacer avec une batte qui n’avait rien à faire dans l’enceinte du château. Le règlement est pourtant strict, tout ce qui appartient au quidditch, reste dans les vestiaires ou sur le terrain. Je suis le garant de cette discipline et je l’ai bien fait comprendre à Néron tout à l’heure, sans toutefois le rabaisser devant ces filles. Au vu des mots échangés, elles avaient largement leur part dans le problème. Je bois une nouvelle gorgée d’eau avant d’enlever mon t-shirt et de me glisser dans mon lit. Un peu de repos et demain matin sera un autre jour.
4h Après m’être retourné au moins un millions de fois dans mon lit, ne trouvant aucune position susceptible d’arrêter l’apparition de la douleur et m’empêchant littéralement de dormir, je me redresse et farfouille dans ma table de nuit. Je sais que j’en ai toujours une à portée de main en cas de besoin. Je dérange un monticule de papier, je pousse les fioles multicolores que j’ai acheté au marché nocturne l’autre soir et je trouve enfin la potion que je cherchais et la bois d’une traite. Cette potion est un vrai miracle pour les personnes comme moi. Elle éradique en cinq minutes les douleurs les plus tenaces. Je n’ai plus qu’à attendre. Je me réinstalle dans mon lit, allongé de tout mon long, essayant de me détendre le plus possible pour éviter à la douleur d’empirer. Pour les personnes qui ont subis un grave accident comme le mien et qui en gardent des séquelles physiques, il faut toujours être paré d’antalgiques pour soulager les crises douloureuses qui peuvent arriver à tout moment. J’essaie toujours d’éviter de me retrouver dans des situations qui risqueraient de m’en provoquer, mais des fois, comme ce soir, je ne peux juste pas prévoir que je recevrais un coup au mauvais endroit. Je tente de me concentrer sur ma respiration, attendant les effets libérateurs de la potion, mais le temps passe et je ne sens que la douleur qui se fait de plus en plus vive. Je la sens s’intensifier, remonter, irradier et prendre de plus en plus possession de mon corps, au point que je peine à garder une respiration normale. Petit à petit j’ai du mal à utiliser les techniques qui me permettent de gérer mes crises habituellement.
4h30 La potion n’a pas marché. Les cinq minutes sont passées depuis trente minutes. Ça fait tellement longtemps que je n’ai pas eu de crise douloureuse aussi intense, qui résiste à ma potion miracle, que je reste quelques instants interdits. La douleur m’empêche de réfléchir correctement, mon souffle se fait beaucoup plus erratique, de la sueur commence à perler sur mon front, j’ai l’impression d’être en nage et je sens mon cœur qui s’affole doucement. On est au beau milieu de la nuit et je n’ai personne auprès de moi pour m’aider à trouver une solution. Je tourne la tête, serrant les dents pour ne pas laisser échapper le hurlement qui me brule la gorge en sentant une nouvelle poussée douloureuse remonter le long de ma colonne vertébrale et c’est là que j’aperçois les petites fioles que j’avais repoussé un peu plus tôt. Qu’est-ce que ça disait déjà ? « Arrêter la douleur avec des papillons de couleur » ? Je ne sais plus très bien, mais je tends le bras doucement, essayant de faire bouger le moins de muscles possible. Une nouvelle pointe me vrille les tripes et je bloque ma respiration un instant, ma main en suspension au-dessus de mon chevet. Une fois la douleur un peu moins intense, je prends l’une des fioles au hasard et la porte à ma bouche. Je ne sais pas trop ce que je prends, mais ça ne pourra pas me mettre dans un état pire que maintenant.
5h La potion n’a pas fait effet… Enfin, si l’on omet le fait que depuis que je l’ais avalé je me sens légèrement groggy et qu’une belle démangeaison me parcourt le torse, elle n’a pas eu l’effet escompté. Je me sens au plus mal, comme jamais je me suis senti, hormis les jours qui ont suivis l’accident bien sûr. Je crois que je me suis un peu surmené ces derniers temps, il faudrait que j’apprenne à rester un peu plus tranquille et m’aménager des temps de repos dans la journée. Même quand j’étais l’assistant du coach, je ne passais pas mes journées à marcher ou à être debout comme je le fais au château. Je devrais faire plus attention à moi et éviter les battes à l’avenir aussi. Les adolescents sont des créatures bien mystérieuses et dont on ne peut pas prédire les réactions. Un râle s’échappe de ma bouche, je n’arrive plus à retenir le flot de douleur qui m’envahie. Il est beaucoup trop tôt mais je ne peux pas rester comme ça. Il faut que j’arrive à trouver Bony. Je ne sais pas trop avec quelle détermination j’arrive à me redresser, la douleur me submerge, mais une petite part de moi sait que si je n’arrive pas à regagner sa chambre, personne ne pourra m’aider. Je pose un pied au sol, puis le second, je prends une grande inspiration avant de me lever, mordant ma lèvre inférieure essayant vainement de déplacer la douleur. Je titube plus que je ne marche, le dos courbé, je tiens mes côtes avec mon bras droit pour m’empêcher de trop bouger et je commence à faire les quelques pas qui me séparent de la chambre d’Ebony. Si il y a quelqu’un qui peut m’aider, c’est bien elle. J’avance comme je peux et au bout d’un effort surhumain, j’arrive devant sa porte, je m’accroche à celle-ci plus que je ne frappe, afin de ne pas tomber. Je réitère plusieurs fois mon geste, je sais que je vais la réveiller. J’entends finalement une petite voix étouffée provenir de l’autre côté de la cloison, mon calvaire sera bientôt fini. La porte s’ouvre en grand et violemment, ce qui me fait immanquablement chanceler de nouveau, perdant mon appui salvateur. « Ezra ? Qu’est-ce que… ? » Beaucoup de choses passent dans ses yeux au moment où elle me voit, rapidement et avec toute l’habilité et l’instinct qu’on doit à une infirmière, elle m’attrape par le bras et m’aide à entrer à l’intérieur : « On discutera après, je ne pense pas que ce soit le moment. » Elle a entièrement raison, je me sens incapable de tenir une conversation dans mon état et surtout je suis incapable de faire un pas de plus. Elle m’aide à avancer et je m’effondre au sol, d’abord les genoux qui accusent le coup difficilement, puis mon torse et mes bras, ma douleur ayant raison de mes dernières forces. Je ne sais déjà pas vraiment comment j’ai réussi à arriver jusqu’ici. Je sens ses petites mains douces se poser sur moi, ce qui m’apaise un peu, je ne suis plus tout seul. Son parfum vient chatouiller légèrement mes narines et j’aperçois deux jolies pantoufles blanches tellement mignonnes que ça aurait pu être deux petits lapins, ça aurait été pareille. Je prends une grande inspiration, ferme les yeux pour me concentrer et sort la phrase la plus difficile à sortir : « Donnes moi juste un truc, tu verras ensuite pour moi. » Ma voix ressemble à un râle rauque et plaintif. C’est difficile mais je connais assez les hôpitaux, les remèdes et autres maladies pour savoir qu’elle a besoin d’un peu plus d’informations pour me soigner efficacement. « J’ai déjà pris mes deux potions habituelles… » Je n’arrive pas à lui dire que ça fait des heures que je souffre et que rien n’y fait. Elle comprendra toute seule, elle connait déjà les potions que je prends, sait qu’elles sont leurs actions. Il faut qu’elle me trouve autre chose. Je la sens plus que je l’entends partir, ses mains ne sont plus posées sur moi. L’esprit un peu embrumé j’essaie quand même de rester le plus alerte possible au cas où elle ait besoin de plus de renseignements. Un frisson me parcourant, me fait prendre conscience que je n’ai pas pris la peine de remettre mon t-shirt en quittant mon lit, j’avais bien d’autres choses à penser. Les yeux mi-clos, je repère des drôles de tâches d’un bleu indigo me parsemer l’avant-bras visible de mon champs de vision. Je referme les yeux, me traitant d’idiot à divaguer de cette façon. Dans un souffle douloureux, je sors un dernier mot, mon torse contre le sol, le corps tout mou et des douleurs irradiants de tout côté : « Bony… »
Plusieurs personnes entrent et sortent de nos vies, seuls les vrais amis laissent une empreinte sur nos cœurs.
Bien sûr que la surprise se lut sur le visage de la jeune Ebony, mais une certaine crainte lui traversa l'esprit aussi. Mais elle devait prendre du recul et mettre ses sentiments de côté pour parvenir à aider Ezra qui venait simplement lui demander de l'aide... enfin elle supposait. Mais on ne réveillait pas les gens dans un état pareil juste pour le plaisir. Alors à moins qu'Ezra soit Meryl Streep, il ne pouvait pas jouer la comédie et être aussi convaincant. Alors elle n'hésita pas une seconde et lui attrapa le bras pour avancer et surtout entrer dans la pièce. La porte se referma derrière eux. Ebony sentait bien qu'Ezra ne parviendrait pas à marcher sur de longues distances. D'ailleurs, comment avait-il pu parcourir autant de mètres ? Alors il fallait absolument qu'elle lui pose la question lorsque tout serait fini. Et il advint ce qu'il devait advenir. Ezra tomba, s'écroulant difficilement sur le sol, les genoux heurtant d'abord en premier. Elle n'avait pas pu le soutenir. Normal en même temps, Bony était toute frêle, toute menue. Elle ne faisait pas le poids. C'était la loi de la nature, il fallait s'y faire. Mais heureusement, Ebony -contrairement aux infirmières moldues- avait la magie de son côté et parviendrait à le soulever grace à un sort. Malheureusement, elle n'avait pas pensé à emmener sa baguette en se levant... dommage. Il fallait aller la chercher. Mais avant de le laisser seul à l'agonie, elle voulait d'abord savoir à quel point elle souffrait le martyr. Et dire que d'habitude, Ezra était quelqu'un de si... joyeux, un véritable rayon de soleil. Sa grande sympathie pour lui la poussait probablement à avoir mal pour lui. Elle n'arrivait pas à se détacher totalement des personnes et Ezra faisait partie de ces personnes qu'elle n'arrivait pas à voir seulement comme un patient. C'est alors qu'il prit la parole, comme pour lui dire d'agir très rapidement, qu'elle ne devait pas chercher midi à quatorze heures et qu'elle verrait après. Seulement, il était hors de question de le laisser par terre. Déjà rien que pour lui, il valait mieux qu'il soit allongé dans un canapé ou alors un lit. Mais le plus proche restait quand même le canapé. « Chut. » A quoi cela servait ce simple mot ? Elle ne le savait pas elle-même. Peut être était-ce une façon de lui dire qu'elle savait très bien ce qu'elle faisait, qu'elle n'avait pas besoin de petits conseils ou quoique ce soit d'autre. Mais l'information qu'il lui donna fit tiquer l'infirmière de Poudlard. Les deux potions ? Vraiment ? C'était bizarre. Le choc avait dû être particulièrement violent pour provoquer une telle douleur que deux potions ne pouvaient pas atténuer. Qu'est-ce qui pourrait fonctionner si ces deux-là n'avaient rien changé ? L'interrogation plana dans son esprit pendant plusieurs secondes. « D'accord. » Dernier mot qu'elle prononça avant de partir. Direction sa chambre.
Le cas d'Ezra était assez particulier dans le sens que dans son infirmerie ne défilaient que des blessures facilement soignables. Elle était habituée à de l'acné trop importante, des bras cassés, des égratinures. Rien de très exceptionnel n'est-ce pas ? Quoique. Elle avait des patient(e)s qui avaient toujours des problèmes. Comme le professeur de potions, suicidaire et dépressive. Cette dernière débarquait souvent dans son infirmerie avec des coupures. A chaque fois, Ebony se demandait si elle n'avait essayé encore une fois de croiser la mort. Parce qu'il y avait un dossier chargé à son sujet, que ce soit à Saint Mangouste ou à l'infirmerie de Poudlard. Non vraiment Delilah MacCarthy faisait partie de ces patients plus qu'inquiétants. Et il y avait bien sûr Zephir Yaxley, une révoltée, loup garou qui croyait que la terre entière la haissait et qui préférait se soigner seule jusqu'à voler dans sa réserve de potions à l'infirmerie. En fait, à Poudlard, on était toujours surpris, quoiqu'il arrive. Et l'arrivée innatendue d'Ezra dans sa chambre... à presque 5 heures du matin. 5 heures du matin ? Elle se stoppa net en découvrant l'heure qu'il était. Il avait attendu tout ce temps... Elle le traita d'idiot dans son esprit tout en reprenant sa route. Assez nerveuse, son pas était tremblant. Ebony était inquiète et gardait tant bien que mal son sang froid. On ne pouvait pas dire que cette crise tombait dans une période calme pour l'infirmière de Poudlard. Elle était donc d'un naturel nerveux ces derniers temps. Et pour cause, il lui arrivait un certain nombre de choses assez étonnant. A côté, que Cassie se soit installée chez elle paraissait presque annodin. Apporter son aide à une adolescente fugueuse n'était rien à côté de ce qui s'était passé ces derniers temps. L'enlèvement, puis la torture, deux petites choses qui s'étaient soldées heureusement pas quelque chose de plus heureux. Elle avait été sauvée inextremis. Puis ensuite l'attaque à Pré au Lard, le marché nocturne. Finalement, elle n'avait pas été dans la capacité de se confier à Aiden, préférant sauver sa peau et surtout celle des gamins. Elle pensait qu'il avait mieux fallu les ramener rapidement à Poudlard. Puis les élèves/professeurs avaient défilé dans son infirmerie, l'hôpital Saint Mangouste étant plein des cas les plus urgents. Ebony soignait à très petite échelle. Toutefois, hormis la nervosité de Ebony, il n'y avait rien de particulier qui pouvait la forcer à ne pas garder la tête froide. Elle pouvait très bien mener à son terme cette action qu'elle entreprenait. Puis, elle n'abandonnerait jamais quelqu'un qui était venu frapper à sa porte. Les amis dans le besoin restaient des amis après tout. Et Ebony avait tout à fait le sens de l'amitié, presque autant que celui de famille. Alors elle acceléra le pas vers sa table de chevet où tronait sa baguette magique, bien que peu assurée tout de même. Elle la récupéra, l'empoignat fermement, histoire qu'elle ne la fasse pas tomber en cours de route - ce qui serai vraiment bête d'ailleurs, mais elle en serait malheureusement bien capable.
Elle revint rapidement vers Ezra. Il était hors de question de le laisser seul encore longtemps. Elle crut même qu'il l'appela, mais cela fut dit tellement faiblement qu'elle ne pouvait pas en être totalement persuadée. « Ca va aller. » Dit-elle en arrivant en sa hauteur. Il gisait sur le sol, à deux doigts de sombrer totalement à cause de la douleur... Mais tout allait bien se passer hein ? Hum. Même elle n'y croyait pas vraiment. Elle tendit sa baguette, prête à utiliser un sortilège de lévitation quand quelque chose l'intrigua... Des tâches bleues apparaissaient sur les bras de son ami, tout d'abord petite taille, puis d'autres un peu plus larges. Qu'est-ce que ça pouvait bien être ? Elle s'accroupit pour regarder de plus près. Elle aurait presque put croire à une blague, mais elles se trouvaient bien là, colorant la peau d'Ezra de couleurs assez étranges. Elle hésita un instant, se demandant bien ce que cela pouvait bien être. Doucement, elle tapota la main d'Ezra recouverte d'une tâche minuscule, mais inquiétante tout de même. Sur le coup, elle ne voyait pas ce qui pouvait produire ces petits désagréments, mais ça ne semblait rien d'excessivement dangereux dans l'immédiat. Elle se dit que cela devait être l'effet d'une potion ou d'un sort qui avait mal tourné. Ca lui paraissait être une solution tout à fait plausible. « Je vais utiliser un sort de lévitation pour te porter jusqu'à un canapé. » Autant le prévenir. Elle préférait quand même le faire, histoire qu'il ne soit pas détasbilisé ou surpris s'il venait à se réveiller. Peut être qu'il n'entendrait pas. Mais peut être que si après tout... Dans tous les cas, il est possible qu'il soit surpris quand même. Il était dans les vappes et avait d'halluciner un peu. Il pouvait très bien ne pas se rappeler exactement ses paroles lorsqu'il reprendrait connaissance. Elle ne savait pas encore dans quel état exact il se trouvait. Et elle ne pouvait pas faire de pronostic pour le moment. Et il fallait dire qu'elle n'osait pas imaginer ce qu'il endurait à ce moment. Elle agita donc sa baguette et il l'évita seulement à quelques mètres du sol. Elle espérait que cette manoeuvre n'enpirerait pas trop l'état du professeur de vol. A côté, les petits soins qu'elle donnait à l'infirmerie pour des blessures plus que superficielles faisaient vraiment pâles figures. Elle avançait très doucement, mais prudamment. Son pied rencontra celui du canapé. Satisfaite de ne pas avoir agravé les choses pour le jeune homme, elle l'installa sur le divan - bien plus confortable que le sol- avec un peu plus d'assurance. Maintenant que cela était fait, elle pouvait se préoccuper davantage des potions. Heureusement, elle avait toujours un nécessaire sous la main, dans sa chambre bien sûr, dans l'infirmerie et aussi dans les poches de sa cape.
« Je reviens. » Murmura t-elle simplement avant de se diriger vers ses tiroirs comportants quelques fioles. Elle conservait toujours par précaution quelques petites choses toujours utiles. Et dire qu'on la trouvait bête d'être aussi minutieuse et prudente, la traitant parfois de paranoïaque. Elle observa alors ce qu'elle avait. Elle tendit le bras vers plusieurs fioles, les déposa sur la table de chevet. Elle avait bien entendu une des potions habituelles d'Ezra, mais visiblement, elle ne fonctionnait pas. Il fallait à tout prix quelque chose de plus fort. Elle délaissa doonc cette potion pour la suivante qui lui paraissait meilleure. Légèrement différente et plus puissante que la précédente, elle ne se souvenait pas l'avoir proscrite à son ami pour la simple et bonne raison que celle habituelle faisait très bien son travail. Bon autant commencer par cela alors. Sans plus attendre, elle revint vers son ami, tout en se baissant avant de se mettre à sa hauteur. Seulement pour qu'il parvienne à boire le contenu de cette fiole, il valait mieux qu'il ne s'endorme pas. C'est pourquoi elle dut le secouer à contre coeur : « Ezra. » Un faible sourire apparut sur son visage quand il rouvrit les yeux. Elle poursuivit donc : « Celle-ci devrait estomper les douleurs d'ici cinq minutes. » Elle n'avait franchement pas envie de lui donner trop d'informations non plus, mais peut être qu'en lui parlant elle parviendrait à le tenir éveillé au moins le temps qu'il boive toute la potion. Cela marcherait. Elle avait suffisamment foi en ses connaissances pour être sûre que ça fonctionnerait et que ça irait mieux après. Difficilement, mais surement, il parvint à avaler le liquide de la fiole. En attendant que l'antidouleur agisse, elle regarda de nouveau ces tâches bleues indigo qui continuaient à naitre. C'était vraiment bizarre. Après mure réflexion, elle pensa qu'il devait avoir pris une mauvaise potion qu'on pouvait trouver dans un magasin de farces et attrapes qui ne faisait rien de bien méchant. Elle soupira lentement. Toi, tu t'es fait arnaqué, songea t-elle avant de se demander pourquoi il avait préféré se fier à un attrape nigaud de ce genre plutôt que de lui demander de l'aide tout de suite. Fierté masculine peut être. Ou alors il n'avait pas voulu l'embêter ... pour rien. Mais peut importait, les faits étaient là et elle lui ferait probablement un peu la morale, histoire qu'il ne refasse pas le coup. C'est seulement à ce moment qu'elle se rendit compte d'une chose qui aurait frappé n'importe qui d'autre à sa place. Ezra était venu jusqu'à sa chambre torse nu. Eh bah voilà. L'infirmière avec la tête froide laissa place à la jeune femme hyper mal à l'aise. Ses joues rougirent légèrement. Comment avait-elle pu ne pas voir ça ? Qu'elle pouvait être cruche des fois. Non, mais sérieusement. Se traitant un peu de tous les noms d'oiseaux qui lui venaient, Ebony ferma les yeux durant une demi-seconde. C'était tellement bête de se prendre la tête pour ça. Après tout ce n'était pas la fin du monde. Mais elle se sentait tellement ridicule qu'elle continua quand même à s'insulter joyeusement. Et la suite allait totalement dans ce sens. Elle prit la parole tout en rouvrant les yeux : « Hum, tu n'as pas un peu froid ? » Question idiote d'une fille juste hyper genée.
Les blessures demeurent intactes. Avec le temps, notre esprit afin de mieux se protéger recouvre ces blessures de bandages et la douleur diminue mais elle ne disparaît jamais. [Rose Kennedy]⊹ « D’accord. » Douce mélopée à mes oreilles, je sais que je suis entre de bonnes mains, Ebony est une brillante infirmière et je sais qu’elle trouvera le remède pour m’aider, il ne me reste plus qu’à attendre que les minutes passent pour soulager cette fulgurante douleur. Les yeux fermés, j’essaie de me détendre le plus possible, comprendre - comment trouver la paix et la sérénité quand un troupeau de centaures vous passe sur le corps, qu’un troll s’évertue à faire des claquettes sur votre crâne et que des milliards de larves semblent avoir élu domicile dans votre système digestif ? - Difficile, voire impossible. J’entends à peine les pas de ma collègue provenir certainement de la chambre à côté. Les sons ne me parviennent plus que de très loin, tout semble s’atténuer comme si j’étais seul sur une île déserte. Je ne sais pas trop ce qu’il y avait dans les petites fioles, mais elles ont le mérite de me faire planer à défaut de me soulager adéquatement. Ce n’est pas l’idéal mais c’est mieux que rien, le mal est présent, mais la sensation cotonneuse dans laquelle je me trouve est à la fois déroutante et agréable. La fraicheur ambiante me fait de nouveau frissonner, le parquet est également frais sur ma peau, mes paupières sont de plus en plus lourdes, je me sens partir petit à petit. Mes vaines tentatives pour rester conscient afin d’aider Bony sont en train de lâcher doucement, ma résistance à la douleur commence à lâcher elle aussi, et puis à quoi bon lutter finalement. Dans un dernier souffle, plus proche du murmure inaudible que de ma voix habituelle, je prononce le prénom de mon amie : « Bony… »…
Comme la caresse d’une plume, je sens un effleurement venir me chatouiller. Les petits lapins blancs de tout à l’heure doivent s’amuser autour de moi. Immobile comme je suis, ils ne doivent pas se rendre compte de ma présence. Oh ! Une voix ! Ça parle un lapin ? « Vézuti sorde lévi cahin canapé. » C’est tellement mélodieux, je me demande ce que ça veut dire. J’essaie d’ouvrir les yeux pour les voir mais mes paupières ont décidés d’avoir une vie propre et refusent de m’obéir. Ça doit pourtant être drôle de voir un lapin parler sa langue, ce n’est pas comme si c’était très loquace habituellement. Je tente une nouvelle fois de faire réagir mes paupières quand une secousse parcours tout mon corps, m’élançant des pieds à la tête. Doucement, je me sens quitter la fraicheur du sol et flotter gentiment. Je n’ai pas vraiment le temps de comprendre et de savourer cette sensation qu’une vive douleur m’étreint tout entier et un courant chaud semble remonter tout mon corps, je me crispe aussitôt comprenant ce qu’il m’arrive : Un serpent ! L’évidence même ! Je viens de me faire mordre, c’est sûr ! Je bouge un peu pour me dégager et puis je me stoppe d’un coup. Le poison ! Si je bouge trop il va remonter plus vite ! Oh, j’espère qu’il n’a pas fait de mal aux lapins, ce sont des êtres si doux et inoffensifs… Les lapins sont mes amis, ils m’ont tenus compagnies tout à l’heure… Je dois aller les aider ! Je bouge à nouveau mais j’ai l’horrible sensation de ne pouvoir faire aucun mouvement, comme si mes membres étaient cloisonnés. C’est possible d’avoir un poison immobilisant ? Je suis foutu ! « Viens. » Je tourne la tête vivement en directement de la voix, ce qui m’arrache une nouvelle grimace de douleurs. Cette voix affreuse et dérangeante, tout droit sorti d’un mauvais cauchemar. J’ouvre en grand les yeux, étonnamment quand le danger guette, mes paupières veulent bien obéir, petites malignes ! Et je l’aperçois dans l’herbe, de dos, de l’autre côté, en train de fouiller dans un arbre. Je l’observe attentivement, enfin aussi attentivement que me le permet le poison du serpent. Combien de temps je vais tenir d’ailleurs ? Et où sont les lapins ? Ah ils sont là ! Cinq petits lapins dodus et violet qui se tiennent par la main et dansent une gigue dans un coin du pré sur un air entrainant : babibidou bidibibou c’est comme des numéroooos. Et là je vois le monstre sortir et étudier différentes pommes de pins. J’espère qu’il ne va pas me les lancer à la figure, ça risque de faire mal ! Après avoir choisi la plus grosse, il se retourne et s’avance vers moi au ralenti. Son visage digne d’un Picasso élaboré dans un camaïeu d’orangé me fait horriblement peur et je ferme instinctivement les yeux. Je ne le vois pas, il n’existe pas, je ne le vois pas, il n’existe pas… La technique de l’autruche - ou ce qui n’est pas visible n’a pas de réalité propre - : Breveté meilleur mécanisme de défense ! Il est bien connu qu’un leitmotiv bien étudié peut aider à gérer l’horreur d’une situation. Puis une main se pose sur mon avant-bras pour me secouer. Me secouer gentiment, pas dans le genre, réveille-toi mauviette ou je t’en fous une ! J’espère que le monstre n’utilise pas sa propre technique pour m’amadouer. En plus vu sa tête bizarre, ça ne m’étonnerait pas qu’en le regardant je me pétrifie de terreur.
« Ezra.y » Cette voix… Quel soulagement ! Je reconnais les intonations et le timbre. Je ne suis pas tout seul finalement. Ebony est avec moi, toujours. Ne dit-on pas que les rêves nous font entrer dans un monde qui n’appartient qu’à nous ? J’ouvre les yeux doucement et laisse un sourire fleurir sur mes lèvres. L’Ebony de mon rêve est défigurée, mais le orange lui va bien et des lapins dansent à ses pieds, alors tout va bien. Elle ouvre sa grande bouche de travers et continue à laisser couler sa douce voix. « Celle-ci devrait estomper les douleurs d’ici cinq minutes. » Cette Bony édulcorée est étonnante, il ne manque plus que le chapelier fou et la reine de cœur, le tableau serait complet, mais je sais que je peux lui faire confiance, après tout elle ne m’a jamais voulu de mal. Je la laisse donc me donner de la pomme de pin, elle a l’air de savoir ce qu’elle fait et de nous deux c’est elle la mieux placée pour me soigner. J’ai du mal avec chaque bouchée, mais en même temps ce n’est pas comme si je me délectais de chocogrenouille ou de jus de citrouille, vérité : la pomme de pin c’est pas très bon. Une fois avalée, elle me laisse digérer tranquillement, je peux ainsi fermer de nouveau les yeux et profiter de la chaleur qui m’inonde tout entier. Qu’est-ce qu’il fait chaud c’est fou, si j’étais un bonhomme de neige, j’aurais déjà fondu! La voix de la nouvelle Ebony retentie à nouveau : « Hum, tu n’as pas un peu froid ? » J’ouvre la bouche pour lui répondre : « Nap am… » J’ai l’horrible impression d’avoir du ciment à la place de la langue. Alors, faute de pouvoir tenir une conversation, je fais ce qui est mal poli : je montre du doigt. « So - leil ! » Peut-être que comme ça elle comprendra qu’il fait affreusement chaud dans cette clairière. Je commence un mouvement pour me redresser, la position allongée ça va cinq minutes et la souche d’arbre sur laquelle je suis n’est franchement pas des plus confortables. Je m’assoie une seconde, le temps de compter deux nuages, la tête me tourne, j’ai la drôle de sensation qu’un groupe de rock a élu domicile sous mes cheveux tellement ça cogne fort, le son est bon mais qu’est-ce que c’est bruyant. J’ai également une grande courbature tout le long du dos, je savais que m’assoupir sur un arbre c’était pas le top niveau repos mais pas à ce point. Et d’un bon, je me redresse, sans plus attendre. Je ne sais pas si c’est la tête qui me fait voir 36 chandelles, mon dos qui m’élance comme si j’avais reçu un coup de massue, ou mon genou qui de manière très étonnante, flanche et ne sait plus comment tenir droit, mais je reste debout tellement peu de temps que ça en est un peu honteux. Je m’affale aussi rapidement que je me suis levé et au lieu de rencontrer le sol herbeux, je me retrouve sur quelque chose d’à la fois dur, chaud et moelleux. Je relève la tête et croise le regard de Bony qui a amortie ma chute. Je me décale un peu pour ne pas l’écraser complètement m’arrachant un soupir de douleur, en plus respirer c’est bon pour la santé, mais je reste tout de même collé à elle, je pose mes deux mains jusqu’à encadrer son visage et plonge mon regard dans le sien. Elle a retrouvé figure humaine, enfin ses yeux, son nez et sa bouche ont retrouvé leur place. Par contre, elle a troqué sa couleur orange pour un doux vermeille. Ça lui va bien aussi. « Belle, Bonie. » Par contre j’ai toujours une voix de mort vivant…
Plusieurs personnes entrent et sortent de nos vies, seuls les vrais amis laissent une empreinte sur nos cœurs.
« Tu verras à Poudlard, ce sera beaucoup plus calme et moins intéressant qu'à Saint Mangouste ! » Ebony se souvenait parfaitement de dires du médicomage lorsque sa décision fut prise de rejoindre l'équipe professorale de Dumbledore. Peut être avait-il essayé de la convaincre de rester par ces mots. Elle aurait d'ailleurs fait une excellente recrue pour lui : travailleuse, passionnée, obéissante et à l'écoute. Mais aujourd'hui plus que jamais, elle pouvait contredire les propos de son formateur. Elle ne regrettait pas d'avoir choisi de jouer les infirmières. Il ne suffisait pas de soigner quelques bobos. Parfois, il y avait besoin d'une bonne psychologie ou même de beaucoup de patience ainsi qu'une connaissance assez grande dans le cas d'Ezra. La situation était stressante et prouvait très clairement que sa vie d’infirmière n'était pas de tout repos. Réveillée au bout milieu de la nuit par un ami qui lui était cher, Ebony avait répondu présente sans le moindre soucis et avait oublié ses rêves pour rejoindre une réalité bien plus violente. L'état dans lequel se trouvait le professeur de vol relevait de l'urgence et exigeait des soins rapides mais efficaces. Il fallait donc faire vite sans faire davantage de mal à Ezra qui était devenu en quelques secondes qu'un patient. Difficile de prendre du recul lorsqu'on est confronté à un tel cas. Sans trop discuter, sans trop réfléchir non plus, elle agit tout simplement. Écroulé sur le sol, Ezra tombait petit à petit dans les bras de Morphée et rejoignait le monde des rêves et aussi des hallucinations. Un monde qui l'empêchait d'apporter des informations à l'infirmière qui devinait avec aise quel problème il y avait. Elle opta donc pour la magie. Si son sol était propre au point de pouvoir y manger, elle ne pouvait pas décemment le laisser reposer ici. Surtout que c'était peu pratique pour elle. Elle le fit donc léviter jusqu'au canapé, tout en lui donnant des renseignements sur ce qu'elle faisait. Elle se doutait que cela ne servait rien, mais se réduire au silence lui était tout bonnement impossible. Puis c'était peut être là une façon d'évacuer l'angoisse qui montait en elle à mesure que les minutes s'écoulaient. Puis lui parler lui permettait de garder un lien avec lui aussi dérisoire soit-il. Elle se hâta donc de trouver les quelques fioles qu’elle avait sous la main. En bonne petite infirmière prévoyante, elle avait toujours près d'elle une boite à pharmacie. Heureusement pour lui, elle avait quelques anti douleurs suffisamment puissants pour rendre la douleur supportable et probablement le sortir de son état second. Il ingurgita donc la potion sans se poser de question, la souffrance l'empêchant sans aucun doute de faire de la résistance ou de dire quoique ce soit. A moins que ce soit la confiance qu'il plaçait en elle qui le poussait à obéir de la sorte. Dans tous les cas, elle l'ignorait et ne chercherait pas plus loin. S'il avale la bonne potion quand elle lui donne, à quoi bon se poser d'autres questions. Soulagée et plus sereine, elle se laissa tomber à côté du canapé et observa davantage les tâches bleues qui faisaient encore des leurs. C'était le moment de s'inquiéter de leur présence, autant le reconnaître. Elle inclina légèrement la tête sur le côté. La seule explication logique était une farce et attrape. Mais aurait-il été capable d'avaler une potion de chez Zonko tout en sachant éperdument qu'elle aurait des effets secondaires assez ridicules ? Ou alors, on l'avait mise dans son verre le soir au dîner ? Mmh, peu probable. Elle imaginait mal quelqu'un d'aussi perfide pour faire cela. De plus, elle ne voyait pas qui essayerait de faire une blague pareille à une personne comme Ezra qu'elle qualifiait d'adorable. Finalement une autre question lui était venue à l'esprit, s'était-il fait avoir par un commercial qui vendait des saloperies ? Là, c'était logique. C'était ce qu'elle avait pensé dés le début sans vraiment y réfléchir.
Mais ses réflexions intenses furent rapidement stoppées lorsqu'elle découvrit que Ezra était tout simplement torse nu. N'importe quelle fille à sa place ne s'en formaliserait pas. Puis à son âge, elle en avait vu d'autres. Toutefois, elle rougissait bel et bien comme une gamine. Peut être aurait-elle réagit autrement si ça n'avait pas été Ezra. Parce qu'elle ne savait plus vraiment quoi dire, elle ne parvint qu'à prononcer une unique question. N'avait-il pas froid ? Question ridicule et un peu hors contexte. En effet, cela aurait été davantage plus cohérent qu'elle lui demande comment il allait. La première réponse fut un peu décousue et sans le moindre sens. Elle fronça les sourcils et se leva surprise de ce terme incompréhensible. La suivante réaction fut tout aussi inattendue. Il indiqua quelque chose du doigt mais Bony n'était pas foutue de deviner ce qu'il montrait. Pourtant, elle essayait vraiment. Elle cherchait, fixait chaque objet. Elle scrutait avec attention chaque détail. Pourtant, il fallait se résoudre à l'évidence, il ne désignait rien d'autre que le vide. Et de toute évidence, il délirait. Elle le regarda se redresser, essayer de s’asseoir. Elle se mordait la lèvre inférieure, craignant ce qui allait suivre. Cette tentative laborieuse prouvait bien que son état ne lui permettait pas de continuer dans cette voie. Elle tendit donc les bras pour l'empêcher de se lever, mais c'était déjà trop tard. Il avait réussi par je ne sais quel miracle à se mettre debout et à faire un pas, peut être deux. Il s'effondra presque aussitôt sur la pauvre Ebony. « Aïe... » Souffla t-elle lorsque son dos rencontra violemment le sol dur. Se demandant s'il réalisait vraiment ce qu'il se passait ou tout simplement ce qu'il faisait, elle reprit la parole d'une voix à peine audible : « Ezra, tu... » Elle s'arrêta net en remarquant qu'il se décalait légèrement. Bien que l’intention était louable, elle était vaine. Elle ne pouvait pas se sortir de son emprise afin de l'aider de nouveau à s'installer sur le canapé. Puis avec ses petits bras, elle ne parviendrait pas le moins du monde à exercer une quelconque force. Les voilà bloqués. Elle jeta un œil furtif alentour tandis que son ami approcher lentement ses mains de son visage. Elle ne se sentait pas en danger, même si elle était peu à l'aise. Et cela n'allait pas en s'arrangeant. Ce malaise atteignit son paroxysme quand il plongea son regard dans le sien. Son cœur manqua même un battement, mais ça elle préféra l'ignorer. C'est alors qu'il prit la parole de sa voix sinistre et presque effrayante. Les mots qui sortirent de sa bouche avaient quelque chose de touchant, même si elle ne comprenait pas vraiment pourquoi ils les lui disaient. En vérité, cela faisait bien plusieurs minutes qu'elle n'arrivait plus tout à fait à suivre Ezra, les quelques rares paroles qu'il prononçait n'avaient pas le moindre sens et restaient énigmatiques à ses oreilles.
« Euh, merci ? ... mais... » Mais quoi ? Il l'écrasait tout simplement. Voilà ce qu'elle devrait lui dire, mais elle était trop mal à l'aise pour formuler une phrase tout à fait correcte. Elle garda donc la bouche entrouverte quelques secondes avant de la refermer. Elle se mordilla la langue comme pour se forcer à reprendre la parole et se donner une dose de courage, mais rien n'y parvenait. Elle était si ridicule, si bête. Et pour ajouter à ce piètre tableau d'elle, ses joues devaient avoir pris une légère teinte rouge tomate. Elle le contempla longuement, cherchant une réponse à toutes ses questions dans ses yeux, comme s'il pouvait y avoir une information cachée. Dans tous les cas, elle était particulièrement mal et une boule se formait dans son estomac. Elle posa tant bien que mal ses mains sur les avants bras du jeune homme dans l'espoir de le faire réagir. Elle n'arriverait à rien s'il ne bougeait pas et comme elle n'avait pas d'autre choix que de le bousculer un peu pour parvenir à ses fins, elle devait s'employer à le remuer. Ou alors, elle restait totalement passive et attendait bêtement qu'il se passe quelque chose. Elle tenta un faible sourire insistant. « Est-ce que tu te sens capable de te lever pour te remettre sur le canapé ? » Demanda t-elle timidement. Elle doutait un peu des forces d'Ezra dans ce moment-là. En même temps, il y avait de quoi. Il avait mal, ne tenait pas debout, s’effondrait pour la deuxième fois sur le sol. Ses jambes avaient beaucoup de mal à le porter, alors est-ce ses bras seraient suffisamment fort pour le soulever un peu ? Bien sûr que non. Il n'y avait plus qu'à espérer que la potion fasse enfin son effet. « Je te donnerais une potion du sommeil après quand tu ... enfin tu vois ? » Encore si naïve et innocente à presque 27 ans. Elle avait presque l'air d'une ado dans ces instants-là. On la croyait mature, mais pour certains détails, elle ne l'était pas du tout. Peut être était-ce cela qui faisait son charme après tout, d'être encore un peu candide malgré les nombreuses années qu'elle avait déjà vécu. « Désolée... » De quoi ? Alors là, mystère et boule de gomme ! Elle était juste incapable d’aligner trois mots correctement, alors être capable de justifier ses dires était tout bonnement inimaginable.
Les blessures demeurent intactes. Avec le temps, notre esprit afin de mieux se protéger recouvre ces blessures de bandages et la douleur diminue mais elle ne disparaît jamais. [Rose Kennedy]⊹ Une fois la pomme de pin avalée, je sais qu’il ne me reste plus qu’à attendre que les effets se fassent ressentir. L’Ebony édulcorée qui se trouve à mes côtés est certes très bizarre – un visage picassoesque c’est toujours assez impressionnant sur toile, alors l’avoir en face de soi c’est assez frappant voir totalement flippant – mais sa voix me rassure instantanément, comme un doux miel coulant et apaisant qui soignerait n’importe quel maux. J’ai une foi aveugle en ses compétences, alors si elle me disait de manger de la terre, je le ferais, parole de scoot ! Là c’était de la pomme de pin, c’est pareil, c’est dégueulasse mais j’ingère quand même, après tout les médicaments c’est toujours infâmes ! Je ferme les yeux ce qui me parait être une éternité et c’est de nouveau la voix de Bony qui me ramène à elle, aussi apaisante qu’un calmant. Si j’ai chaud ? Comment ne peut-elle pas avoir aussi chaud que moi ? J’ai l’impression de me dessécher sur place, ça en est presque insupportable ! Je tente tant bien que mal de lui faire comprendre qu’il fait bien trop chaud dans cette clairière, mais rien n’y fait, elle ne semble clairement pas me comprendre. Elle se lève, regarde à un peu partout, scrutant les arbres majestueux, l’herbe si verte, le soleil flamboyants et les lapins danseurs… Mais rien ne semble la faire réagir. Mu par la conviction profonde qu’il faut que je lui démontre mon idée, sachant que je n’arrive pas à m’exprimer comme je le veux avec ma voix à faire peur, tout droit sortie d’outre-tombe – foutu serpent de mes deux qui avec son venin m’anesthésie complètement la langue -, je prends la décision de me redresser aussi surement que le soleil se lève chaque matin et se couche chaque soir. Bony ne semble pas très rassurée par mon action et tend les bras vers moi, on dirait qu’elle essaie d’accompagner les premiers pas d’un enfant d’un an, ça pourrait presque être grotesque si je n’étais pas fixé sur sa lèvre inférieure qu’elle mort avec ferveur. Oh douces lèvres…
Hop me voilà assis ! La tête me tourne, ça swing follement la dedans, ça balance à droite, ça saute à gauche et ça cogne un peu partout. Hop je pose les pieds au sol ! Une gêne me prend tout le long du dos, c’est vraiment désagréable mais je gère. Hop je me redresse prestement mais non moins lourdement – comprendre par-là que je dois plus ressembler à un troll des montagnes unijambiste et myope, qu’à un chat dans toute sa splendeur de souplesse et de poésie – un vrai bonheur. Et aussi surement que deux et deux font cinq, que la terre est ovale, que les lapins sont mauves, que les hiboux ont des dents et que Merlin se transforme en vieil écureuil moustachu, je fais un pas, deux pas et le drame se produit. Une décharge de douleur se réveille en moi : la tête, le dos, les jambes, tout y passe, et irrémédiablement je flanche, entrainant ma petite infirmière avec moi. « Aïe… Ezra tu… » Ce petit souffle étouffé me fait comprendre instinctivement que je me suis affalé sur elle. Je me décale tant bien que mal pour lui laisser la possibilité de respirer sans toutefois trop m’écarter, l’effort semble insurmontable et puis je suis plutôt bien… là... Je redresse mon visage, me retrouvant au niveau du sien qui retrouve petit à petit figure humaine. Je me plonge alors dans son regard noisette, pris d’une impulsion subite je pose mes mains sur ses joues comme pour me persuader qu’elle est bien réelle et dans un élan de tendresse je lance les premiers mots qui me viennent : « Belle Bonie. »
J’ai toujours aimé son visage, ses traits fins et harmonieux, mais c’est la toute première fois que je peux l’observer de si près : ses yeux si doux, son petit nez mignon, ses lèvres pleines… et ses pommettes adorables qui prennent doucement une jolie teinte rubis. « Euh, merci ? … mais… » Son ton incertain et peu assuré, me fait de nouveau me concentrer sur sa bouche qu’elle laisse entrouverte quelques secondes avant de la refermer. Je reviens ensuite rapidement à ses yeux que je sens fixés sur moi. Je sens mon visage se déformer dans le sourire le plus idiot du monde tellement j’éprouve une sensation de plénitude à cet instant précis. Et lorsque je sens ses petites mains se poser sur mes avant-bras, mon cœur fait un looping dans sa cavité. « Est-ce que tu te sens capable de te lever pour te remettre sur le canapé ? » Canapé ? Se lever ? Son sourire et sa voix hésitante me ramènent un peu plus à la réalité. Je la regarde étendu sous moi comme si c’était tout à fait normal, le parquet sur lequel elle repose, le mobilier autour de nous. Je bouge la tête à gauche et à droite, plusieurs fois, clignant des yeux, fronçant les sourcils d’incompréhension, ne comprenant plus très bien. Ma tête me fait un mal de chien… L’étau qui m’étreint est à la limite du supportable et je sens la douleur pulser à mes temps de la manière la plus désagréable du monde. Que s’est-il passé ? « Je te donnerais une potion du sommeil après quand tu… enfin tu vois ? » Potion de sommeil ? « Je ne comprends pas Bony… » Petit à petit ses mots pénètrent mon esprit embrumé et le jour se fait. Je me rappelle pourquoi je suis arrivé ici, pas franchement comment et pas du tout ce qu’il s’est passé ensuite. Mon cœur commence à accélérer sa cadence et je tente de rassembler les informations qui ne me viennent pas, ce qui me fait littéralement perdre pied. « Désolée… » La voix de mon amie résonne un peu trop proche à mes oreilles. Je reporte mon attention sur elle et on se retrouve nez-à-nez. Son souffle se répercute sur mes lèvres. Je prends pleinement conscience des courbes de son corps collés au mien et une gêne intense m’envahie d’un coup, m’empourprant au passage tellement je sens mes joues chauffer. Trouvant de la force dans l’énergie du désespoir, je prends appuie sur mes avant-bras et me repousse loin d’elle. Je retombe lourdement sur le dos à ses côtés, n’arrivant pas à amortir ma chute. Une piqure de rappel se fait sentir dans mon dos au moment de l’impact. Un fond douloureux est toujours présent, mais le pic semble passé, seul ma céphalée persiste et seule ma bouche asséchée me fait comprendre qu’il a du se passer beaucoup de choses. Les yeux grands ouverts, rivés au plafond, j’essaie vainement de me rappeler comment nous avons pu en arriver à nous retrouver collés l’un à l’autre sur le sol de son appartement. « Pardon… Je ne sais pas ce qu’il m’a pris… » Ma voix caverneuse me fait prendre conscience que les dernières minutes n’ont pas dû être de tout repos, je suis en nage et je me sens complètement perdu. Je soulève mon bras droit et le plante sur mes yeux éblouis par la lumière ambiante, essayant tant bien que mal d’atténuer la luminosité et espérant ainsi réduire mon mal de tête. « Il s’est passé quoi Bony ? » Je ressens le besoin de faire une pause avant de poursuivre. Mon cerveau s’emballe et ma bouche a du mal à suivre. Je me sens tellement faible à cet instant précis que je laisse échapper un soupir de frustration. Depuis l’accident, j’ai toujours détesté ce sentiment de vulnérabilité physique. Trop de mauvais souvenirs ressurgissent et le mal me ronge. « J’ai la mauvaise impression d’avoir à la fois fait un mauvais bad trip déplaisant... » Seconde pause de quelques secondes pour reprendre mon souffle et rester cohérent. Je ne suis pas sûr de tenir des heures allonger sur ce sol, la douleur se tapie dans l’ombre et les courbatures commencent déjà à me titiller. « Et d’avoir fait un remake de la pub moldue tu t’es vu quand t’as bu ?. » Je tente de trouver des réponses, mais ma mémoire semble s’être évaporée. Je déteste ce sentiment de n’avoir rien contrôlé, mais ce qui me rassure c’est qu’il n’y a que mon amie qui m’ait vu dans ce moment de pure faiblesse. Amie contre laquelle je me suis retrouvé collé, torse nu… Je sens mes joues flamboyer de nouveau, ma bouche s’assèche un peu plus, je ne pensais pas me retrouver dans une situation pareille… Je suis bien trop accro à elle pour réussir à gérer… « Tu n’as pas de l’eau Bony, je me sens super mal. » Alors je tente de repartir sur un sujet plus neutre, histoire de calmer les palpitations que je sens dans ma poitrine. Je relève légèrement mon bras afin de voir si mes yeux se sont habitués à la lumière et je remarque pour la première fois une tâche bleue. Je parcours mon bras, soulève péniblement le second et à la fois horrifié, résigné et blasé, je lâche autant pour moi que pour Bony : « C’est quoi ça encore ? »
Plusieurs personnes entrent et sortent de nos vies, seuls les vrais amis laissent une empreinte sur nos cœurs.
Ebony se trouvait dans une situation assez gênante. Et pour tout dire, elle arrivait difficilement à gérer la situation. Ses phrases étaient toutes coupées par une seconde de silence. Elle hésitait, ses joues rougissaient, son cœur manquait quelques battements. Comme vous pouvez vous en douter, elle n'était vraiment pas à l'aise et ça n'arrangeait en rien leur situation. Elle se trouvait toujours coincée sous le poids d'Ezra. Cependant, elle n'abandonnait pas l'idée de le ramener à la réalité, car manifestement, il se trouvait dans un flou artistique. Les clignements d'yeux et les froncements de sourcils parlaient pour lui. Même si elle ne se démontait pas, elle était un peu frustrée en remarquant que ses tentatives étaient vaines. Il ne voyait pas où elle voulait en venir. Et elle constata tristement qu'elle n'était pas aussi douée pour dénouer les contextes embarrassants que le pensaient ses proches. Ses yeux s'illuminèrent finalement quand Ezra prononça quelques mots. Bien sûr, ce n'était rien d'exceptionnel, mais au fond, cela influait de l'espoir. Il recouvrait un peu son esprit, ou tout du moins semblait en bonne voie, ce qui la satisfaisait et la rassurait un peu. Puis vint le moment qu'elle attendait, il refit entièrement surface, après quelques ratés. Étrangement, il parvint à s'éloigner d'elle, grâce une force soudaine, probablement alimentée par la surprise et le désespoir. Figée, Ebony n'était devenue qu'une spectatrice. Elle ne savait ni quoi dire ni quoi faire. Son cerveau lui-même s'était figé à cause de la surprise et le soulagement. Seul le bruit violent du dos d'Ezra cognant contre le sol la sortit de son état léthargique. Elle se redressa aussitôt, redevenant tout de suite plus active quoique sa tête lui hurlait tout simplement d'aller dormir. Ses paupières étaient lourdes et une sorte de vide était à présent dans son estomac. Mais l'inédit des circonstances la rendaient aussi alerte qu'une personne qui aurait eu toute une nuit de sommeil.« Est-ce que ça va ? » Demanda t-elle inquiète. Elle s'arrêta net lorsqu' elle remarqua qu'il s'apprêtait à formuler une phrase, des excuses peut être. Dans l'immédiat, ce n'était pas important, pas pour Bony en tout cas. Elle se voyait mal lui en vouloir. Elle n'était vraiment pas ce genre de personne qui perdait son calme et qui détestait la terre entière dés que quelque chose d'étrange arrivait. « Ce n'est pas grave. » Sourit-elle simplement. Bien sûr que ça l'était. Elle avait cru mourir de honte durant ces quelques minutes. Mais elle ne pouvait pas lui en vouloir. Elle imaginait bien qu'il ne l'avait pas fait exprès. Puis, il fallait être assez stupide n'est-ce pas de se mettre volontairement dans une telle situation ? Elle le regarda alors longuement quand il lui posa une première question qu'elle jugeait sensée. Pour tout dire, elle se le demandait elle-même. Qu'est-ce qui avait bien pu lui échapper pour qu'ils en arrivent là ? « Qu'est-ce dont tu te souviens ? » La lèvre inférieure tremblante, elle était encore toute chamboulée de ce qui venait de se dérouler dans cette pièce.
Elle se préparait donc à apporter davantage d'informations. Elle se résumait cet épisode hasardeux dans son esprit, mais cela restait assez difficile. Les éléments s'emmêlaient et elle s’embrouillait, revenant à de multiples reprises au début de sa réflexion. Les événements s'étaient enchaînés à une vitesse telle qu'elle n'était pas capable de se les remémorer correctement et rapidement. « Tu t'en rappelles peut être, mais tu avais besoin d'aide alors je t'ai donné une potion qui pouvait calmer la douleur et... » Elle se tut sans réellement s'en rendre compte. Les mots lui manquaient pour décrire la suite. Néanmoins, la tâche lui avait parue plus simple dans sa tête. Ensuite, il reprit la parole pour exprimer ses sensations. Elle n'était pas certaine de tout saisir. Elle passa une main frémissante dans ses cheveux pour se donner un peu de contenance. « La pub moldue tu t’es vu quand t’as bu ? » Répéta t-elle, pour essayer de tout assimiler. Elle avait beau faire partie des deux mondes, elle n'y connaissait rien en publicités. Elle ne regardait pour ainsi dire jamais la télévision et ne lisait pas les magasines de cette culture qui ne lui était pas entièrement étrangère... encore heureux. Pour elle, Ezra parlait presque une autre langue, mais ça ne la dérangeait pas tant que ça, bien au contraire. Elle se perdit doucement dans ses pensées en inventant cette pub. Un groupe d'amis totalement bourré marchant dans les rues de Londres. Quoique sa raison l'arrêta tout de suite. Ca n'avait rien de particulièrement de choquant ni de drôle. Non, elle se trompait lourdement. Néanmoins, elle n'eut pas le temps de penser à autre chose que la voix grave d'Ezra lui parvint aux oreilles. « Oui, de l'eau bien sûr, je vais te trouver ça. » D'un pas pressé, elle chercha un petit verre et se dirigea ensuite vers la salle de bain pour le remplir. Elle s'autorisa un moment de réflexion. Elle inspira profondément, ferma les yeux et se regarda même dans le miroir. Elle laissa échapper un soupir. Elle n'avait pas l'impression de faire au mieux. Elle se sentait même vaguement coupable. Quand elle rejoignit Ezra dans l'autre pièce, le verre à la main, Ebony s'en voulut de l'avoir laissé par terre. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien être bête certaines fois ! Elle déposa le récipient sur la table basse, prête à l'aider à se relever. Silencieuse, elle mit à genoux à côté de lui pour inspecter les tâches bleus. Elles étaient toujours du même nombre, mais elles semblaient prendre de l'ampleur... les vicieuses. Pour elle, elles n'étaient pas spécialement dangereuses. Mais il fallait forcément qu'elle en sache davantage pour avoir un diagnostique rapide.
Une nouvelle fois, elle se retrouva au pied du mur, ne sachant pas quoi lui répondre. « Pour être honnête, je n'ai pas eu le temps de me pencher sur leur cas, mon but premier étant de te donner une potion qui pourrait effacer petit à petit ta douleur. » L'informa t-elle. On ne pouvait pas dire que ces mots apportaient une réponse constructive et utile. Mais elle ne pouvait se résoudre à prononcer un "je ne sais pas". Depuis le début de ses études, elle n'avait jamais aimé l'idée de les dire. Elle le gratifia d'un sourire qui se voulait rassurant. Toutefois, elle pensait que ce serait une bonne chose d'expliquer ce qu'elle comptait faire pour en apprendre plus. « Tu ne les avais pas quand tu es arrivé ici. Je les ai vues apparaître. Est-ce que tu n'aurais pas bu quelque chose par inadvertance ou mangé une sucrerie dans le genre des dragées surprises dans la soirée ? » Pour le moment, elle ne voyait pas d'autre direction prendre. Elle se retourna pour prendre le verre qui attendait juste derrière elle. Elle le tendit alors à son ami. « Tiens, désolée, j'avais presque oublié. » Elle avait récupéré une voix nettement plus tranquille qu’auparavant. Ezra reprenait quelques couleurs. Ce qui était plutôt appréciable à voir. Le teint blême ne lui allait pas du tout pour tout dire. Pour être certaine de ne pas se faire des idées, elle voulut s'assurer que tout s’apaisait un peu. Juste un peu serait une victoire. Ebony se souvenait parfaitement de l'état dans lequel il était arrivé et pour ainsi dire, ça l'avait fait pas mal flippé. « Est-ce que ça va mieux maintenant ou c'est trop tôt pour le dire ? » Parvint-elle finalement à prononcer. En tout cas, la tempête était clairement passée. « Je vais me répeter, mais je deviens vieille, tu me pardonneras ? » Elle n'était pas certaine que cette touche d'humour était vraiment la bienvenue. Mais quelque part, elle avait besoin de détendre l'atmosphère. Surtout que sa gêne n'avait toujours pas disparu. « Tu ne veux pas t’asseoir sur le canapé ou tout simplement te couvrir ? Je dois avoir une couverture ou deux dans mon placard. »
Les blessures demeurent intactes. Avec le temps, notre esprit afin de mieux se protéger recouvre ces blessures de bandages et la douleur diminue mais elle ne disparaît jamais. [Rose Kennedy]⊹ Le brouillard se dissipe petit à petit dans mon esprit me laissant reprendre peu à peu contact avec la réalité. Je fais rapidement le compte de mon état général histoire de constater les dégâts : genoux douloureux, hanche lancinante, dos en compote, bouche asséchée, yeux éblouis, tête en vrac… Le résultat n’est pas des plus glorieux, mais le bilan de mon état physique déplorable n’est rien comparé à la brulure que je sens sur mes joues et aux battements frénétiques de mon cœur qui ne sait plus très bien sur quelle cadence se reposer. Même allongé lourdement sur le parquet de mon amie, je ressens encore trop nettement les courbes féminines de Bony sur mon corps. Me concentrer sur mes séquelles n’a pas arrêté mes sensations et mes sens de s’emballer. Je sais que Bony est une femme, une très belle femme au demeurant, mais je n’avais pas réalisé que, enfin, si, je ne sais pas trop en fait, je l’ai toujours trouvé spéciale, mais là, se retrouver dans cette situation sans avoir rien maitrisée, je me sens complètement confus. Je la sens à mes côtés, sa chaleur, sa respiration, tout m’irradie en rafales violentes. Tout comme moi, elle reste muette.
Aussi rapidement que j’ai réussi à me propulser loin d’elle, je la sens se redresser rapidement, un petit pincement m’étreint le cœur en la sentant s’éloigner de moi. Sa douce voix s’élève alors dans la pièce silencieuse, réduisant enfin le lourd silence présent. Elle me demande si ça va et je sens l’inquiétude tendre dans son intonation. La seule chose qui me vient alors à l’esprit est de me justifier. Je ne sais pas très bien de quoi, je ne sais pas franchement comment on a pu en arriver à cette situation délicate, mais je m’entends m’excuser de mon comportement. Elle me pardonne bien évidemment, mais je ne peux m’empêcher de me dire que potentiellement quelque chose pourrait changer entre nous. Je repose alors lourdement mon bras sur mes yeux pour tenter d’atténuer la luminosité de me flinguer la vue, pour tâcher de retrouver mes esprits et surtout pour cacher la gêne que je sens encore bien présente sur mon visage. J’ouvre la bouche, toujours aussi pâteuse, et lui demande des explications. Elle me demande ce dont je me souviens. A vrai dire absolument rien, un trou noir monumental s’est installé à la place de mon cerveau. Je n’ai pas franchement la force de lui expliquer tout ça, alors je préfère économiser l’énergie qu’il me reste, et puis mon cœur n’est pas encore assez stabilisé pour tenir une conversation sans risquer de faire un imper. Je lui laisse donc le temps de me répondre et me permettre à moi de retrouver mon calme et pourquoi pas essayer de canaliser cet état de mal qui m’habite tout entier. « Tu t’en rappelles peut-être, mais tu avais besoin d’aide alors je t’ai donné une potion qui pouvait calmer la douleur et… » Un flash douloureux me revient en même temps que je ne bouge que légèrement mon dos. Une petite piqure de rappel bien saignante : le but de ma venue dans les appartements de mon amie, ma vive douleur irrépressible et complètement instable qui n’a pas cédé aux deux potions que je prends habituellement. Une question subsiste pourtant toujours dans mon esprit : pourquoi nous en sommes arrivés à nous retrouver l’un sur l’autre dans cette trop proche proximité ?
Complètement barbouillé je lui donne mes impressions au moment où elles me viennent en tête, faisant tout de même un petit trait d’humour avec la pub moldue. Sa manière de répétée mon exemple me fait comprendre qu’elle ne comprend pas du tout ce que je veux dire et qu’elle ne peut donc pas saisir la bêtise que j’ai tenté. Enfin là n’est pas la question, des fois je suis un peu trop spontané et mon humour n’est pas toujours bien compris, surtout que je ne suis pas sûr d’être encore bien cohérent. Je garde mon bras bien serré contre mes yeux, rien que de la sentir prêt de moi et d’entendre la mélodie de sa voix me fait frissonner, je sens toujours mes joues me bruler et une gêne intense reste ancrée en moi. Je n’arrive pas franchement à calmer les mouvements bien trop rapides et saccadés de mon cœur, et je sens ma respiration un peu trop chaotique pour être normale m’assécher un peu plus la bouche. C’est avec une voix que je veux le plus normal possible que je demande de l’eau à mon amie. Je l’entends s’afférer rapidement à la tâche, cherchant certainement un verre puis l’eau tant réclamée. Je savais que son côté infirmier prendrait la place la plus importante et en cet instant je suis son patient. La savoir éloignée, j’arrive un peu plus facilement à calmer mes réactions quelque peu inhabituelles en sa présence. Je lève alors mon bras histoire de voir où en sont mes yeux, autant mon bras est lourd et difficile à maintenir en l’air, autant mes yeux s’adaptent de nouveau rapidement à leur environnement, s’ajustant justement sur le bleu présent sur mon bras. Je relève aussi rapidement le second, y découvre le même genre de tâche. Un ascenseur émotionnel s’empare de moi, la confusion laisse place à l’appréhension, et c’est avec un naturel proche de l’effarement que je lance autant pour moi que pour mon amie que j’entends revenir dans la pièce un beau « C’est quoi ça encore ? ». Je l’entends se mettre à genou à mes côtés avant de répondre à ma question. « Pour être honnête, je n’ai pas eu le temps de me pencher sur leur cas, mon but premier étant de te donner une potion qui pourrait effacer petit à petit ta douleur. » Je pose enfin mon regard sur Ebony après ces dernières minutes un peu chaotiques pour mon esprit. Elle me renvoi un sourire qui se veut certainement rassurant, pourtant en plus de mon état déjà bien affolé, s’ajoute une inquiétude quant à cette apparition des plus étonnantes et l’aspect rassurant ne m’atteint pas du tout. « Elles sont arrivées quand ? » Je la regarde attentivement pendant sa réponse. « Tu ne les avais pas quand tu es arrivé ici. Je les ai vues apparaitre. Est-ce que tu n’aurais pas bu quelque chose par inadvertance ou mangé une sucrerie dans le genre des dragées surprises dans la soirée ? » Je réfléchis un instant avant de réponse à sa question mais mon cerveau ne semble pas encore enclin à me retourner en mémoire autre chose qu’un grand vide entrecoupé de quelques flashs pas vraiment cohérents. « Je ne suis pas sur… » Je toussote après avoir parlé. Si je fumais, on pourrait presque me prêter une toux de fumeur, tellement j’ai la voix rauque. « Tiens, désolée, j’avais presque oublié. » Perdu dans ma réflexion, je n’avais pas vu qu’Ebony me tendait un verre d’eau. Je m’appuie sur un coude et redresse légèrement ma tête, de l’autre main j’attrape le verre et je bois une gorgée avant de me rallonger déjà fatigué par ce simple mouvement. La gorgée a été salvatrice, mais pas assez importante pour éteindre le feu dans ma bouche. Je vais attendre un peu, je n’ai pas le courage de me redresser de nouveau. « Est-ce que ça va mieux maintenant ou c’est trop tôt pour le dire ? » Je pose mon regard dans le sien et répond en toute franchise « Je me sens complètement vidé ». « Je vais me répéter mais je deviens vieille, tu me pardonneras ? » Je hoche la tête en signe d’assentiment. Si seulement elle savait que je ne me rappelle de rien, elle n’aurait pas besoin de s’excuser. « Tu ne veux pas t’assoir sur le canapé ou tout simplement te couvrir ? Je dois avoir une couverture ou deux dans mon placard. » Me couvrir… Un frisson me parcourt alors comme en réaction à sa question et mes bras dans une attitude automatique et pulsionnelle se plaquent sur mon torse, comme s’ils suffisaient à me couvrir. Le contact « intime » avec Bony m’a tellement perturbé, m’insufflant un vent de chaleur immense, que je n’ai même pas remarqué la tenue dans laquelle je me trouve. Le picotement chaud et significatif refait surface sur mes joues et mon cœur se lance de nouveau dans une course poursuite avec lui-même. Dans l’action, le verre d’eau que j’avais déjà oublié et qui se tenait dans ma main droite, se renverse à la fois sur moi et sur mon amie. La fraicheur de l’eau contraste intensément avec la chaleur qui irradie de tout mon corps. Avant que je ne puisse réagir, elle se lève et part. J’en profite pour me redresser comme je peux, réprimant le fond de douleur qui m’étreint toujours dans le bas des reins et ma tête qui me tourne lorsque je me redresse. Par chance, je suis proche du canapé et j’arrive bon gré mal gré à m’en rapprocher. Vu la douleur que je ressens aux genoux, je me demande si je ne suis pas tombé en voulant m’y poser. J’entends Ebony revenir vers moi. « Je veux bien de l’aide Bony, je ne pense pas y arriver seul. » Si je n’avais pas une totale confiance en elle, je pourrais me sentir humilié de la solliciter ainsi, mais je ne suis pas du genre macho et vu mon passé, je crois que j’ai appris à accepter l’aide d’autrui. Et puis c’est Bony… Bony qui pose ses mains sur moi pour pouvoir me soutenir dans mon ascension. Un nouveau frisson me parcourt. J’espère secrètement qu’elle glisse ça sur le compte de la fraicheur et de mon torse nu, et non de mon corps réagissant à son contact. Sa proximité ne m’avait jamais autant déboussolée. Bon gré, mal gré, nous arrivons tous les deux à me hisser sur le canapé. Elle attrape une couverture qu’elle avait dû mettre de côté pour m’aider et me la passe sur les épaules comme toute bonne infirmière afin de combler mon besoin de me couvrir. Une fois emmitouflé, je retrouve un peu de pudeur sous son œil inquisiteur. Je sers bien la couverture autour de moi dans une attitude légèrement défensive comme si je voulais me protéger et peut-être aussi pour tenter de calmer mes pensées parasites qui reviennent un peu trop fréquemment sur son corps féminin contre mon torse nu. Je me sens toujours troublé, et pour le coup, il est clair que ce n’est plus à cause de la douleur et des potions. Tête baissée au sol, je regarde tout sauf mon amie, essayant tant bien que mal de me concentrer et de réfléchir à la situation. « Je pense que j’ai bu une fiole que j’avais acheté au marché nocturne. J’imagine que c’est cause de ça que je dois les tâches bleues, mais je ne suis pas sûr, je ne m’en rappelle pas en fait, je sais juste que j’en ai, alors ce n’est pas impossible. Tu vois ? » Je pense que j’essaie par cette question de chercher son assentiment, son réconfort et surtout j’essaie de me dédouaner d’une bêtise certainement monumentale. Je devrais pourtant savoir depuis le temps qu’il ne faut faire confiance qu’au médical, ce n’est pas comme si j’en étais à ma première tentative infructueuse. Etant jeune, j’ai testé beaucoup de choses avec ou sans l’accord de mon médicomage, mais à croire que ça ne m’a pas mis de plomb dans la cervelle. Je me sens un peu bête mais c’est fait, on ne va pas pouvoir revenir en arrière. Subitement je réalise vraiment ma présence aux côtés de mon amie. « Il est quelle heure ? » Sa réponse se fait rapide et la culpabilité s’installe en moi en un instant. Je sors un bras de ma forteresse de linge, pose ma main sous le menton d’Ebony afin de tourner son visage vers moi et rivant mon regard au sien, je lui sors le plus sincèrement du monde : « Je suis désolée de t’avoir mouillée Bony, et d’avoir gâché ta nuit. »
Plusieurs personnes entrent et sortent de nos vies, seuls les vrais amis laissent une empreinte sur nos cœurs.
Gênée, hésitante et mal assurée, Bony essayait tant bien que mal de garder contenance. Par chance, son instinct protecteur prit le pas sur son malaise et elle put réagir en un rien de temps. S'activer dans l'appartement lui permettait de ne plus penser à rien. La pièce avait été le théâtre d'un moment inattendu et particulièrement délicat. Elle ne voulait pas en parler, ni même y réfléchir. Mais c'était sans compter sur Ezra qui tenait à s'excuser. Elle ne pouvait nier qu'elle s'y attendait. Le connaissant, le fait qu'il essaie de se justifier était plutôt prévisible. Mais elle ne pouvait ni lui en vouloir, ni l'en blâmer ou ne serait-ce que lui faire quelques remontrances. C'était totalement au dessus de ses forces. Elle préférait manger une bouse de dragon que de se forcer à dire que son ami avait dépassé malgré lui les limites de l'acceptable. Les questions qu'il prononça étaient tout à fait légitimes, mais elle ne saurait tout à fait lui répondre. Elle essaya donc tant bien que mal de lui apporter le plus d'informations possibles afin qu'il ne se remémore une partie de cette nuit agitée. Peut-être aurait-il des flashs. Peut être tout lui reviendrait après de longues heures de sommeil. Franchement, il en avait bien besoin. Et il était encore affaibli par la douleur. Ce qu'elle comprenait totalement. Après tout ce qu'il venait de traverser, il était difficile de lui demander de se remettre sur pieds dans la minute. Mais il avait aussi besoin d'un grand verre d'eau et il lui rappela sans le faire exprès en toussotant. Elle lui tendit le récipient presque aussitôt en s'excusant maladroitement d'avoir oublié. Ce fut ensuite à son tour de l'interroger. Premièrement, elle voulait savoir s'il allait mieux. C'était sans aucun doute le plus important. La réponse qu'il lui apporta ne la surprit pas. Elle se sentit vaguement bête de lui poser une question pareille sachant que son visage exprimait parfaitement la fatigue et la douleur qui s'emparaient de lui. Elle eut sincèrement un pincement au cœur pour lui. A côté, elle n'avait pas à se plaindre, même si elle craignait encore qu'un instant, un geste gênant puisse arriver une fois de plus. Elle n'était vraiment pas prête à un autre choc émotionnel, son cœur n'y survivrait pas. Elle se mordilla alors la lèvre inférieure quand elle eut émit l'idée de lui prêter une couverture. Il lui paraissait à présent certain qu'il n'avait pas bien saisi l'idée la première fois qu'elle le lui avait proposé. A ce moment, il était très clairement dans les vapes. La réaction d'Ezra ne se fit pas attendre. Elle hésita un instant à rire. Elle baissa finalement la tête, légèrement honteuse. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi Ezra essayait de se cacher sachant qu'il était torse nu depuis son arrivée ici. Elle n'eut pas vraiment le temps d'y penser puisqu'une partie de l'eau du verre lui tomba dessus. Elle grimaça... ça c'était froid et franchement, elle se sentit assez mal à l'aise. Elle eut un geste de recul. Et elle finit même par se lever et partir une fois de plus pour aller chercher la dite couverture. Quand elle revint, Ezra avait bougé de place. Elle ferma les yeux pendant quelques secondes jusqu'à ce qu'il lui demande de l'aide. Aide qu'elle lui fournit sans la moindre hésitation. Elle n'avait pas beaucoup de force, mais au moins il pouvait s'appuyer un peu sur elle pour prendre place sur le canapé.
Pour en revenir aux taches bleues, la raison de leur existence demeurait encore floue dans son esprit. Néanmoins, la théorie d'un condiment avalé par accident la taraudait toujours. On avait peut-être injecté dans son alimentation un ingrédient nocif. Par contre, elle voyait mal qui aurait pu faire ce tour-là. Pas un elfe de maison. Un étudiant ? Elle imaginait mal lequel pouvait en vouloir à Ezra. Il lui semblait évident qu'il était un enseignant plus qu'apprécié. Peut-être était-ce alors une blague d'un collègue mais là encore, elle restait dubitative. Mais maintenant qu'il se trouvait assis sur le canapé et couvert, il allait sûrement lui donner un indice concernant les questions qui trottaient dans son esprit depuis plusieurs minutes déjà. Elle le regarda tranquillisée, patienta qu'il n'ouvre de nouveau la bouche. Cela arriva après quelques secondes. Elle l'écouta bien sagement, réfléchissant à chacun de ses mots. Elle hocha la tête à la fin de sa première fois. Elle imaginait à présent le contexte. Le tout début de la soirée avait été particulièrement enthousiasmant. Elle revoyait les visages souriants et heureux. Les gens qui achetaient sans trop savoir ce qu'ils prenaient. Et bizarrement, ça ne l'étonnait pas vraiment d'Ezra. « Oui, c'est possible. » Dit-elle pensive, les sourcils froncés. Elle n'avait jamais entendu parler de potion anti-douleur qui avait pour effet secondaire des taches bleues. Mmh. Elle savait simplement qu'il s'était fait avoir. Tout bêtement. Mais n'importe qui à sa place aurait pu tomber dans le panneau. Surement elle avant ses études à Saint Mangouste d'ailleurs ! « Bon écoute, quand tu retourneras dans tes appartements, il faudra bien penser à regarder si tu en as une de vide ou non. » Elle marqua une pause tout en inclinant légèrement la tête sur le côté. « Et aussi, n'oublie pas de m'apporter une qui reste ? Comme ça je pourrais éventuellement savoir ce qui a causé l'apparition des taches et les faire disparaître. » Autant, analyser cette potion lui semblait facile, autant effacer les taches s'avérait plus compliqué à ses yeux. Elle se demanda comment des personnes pouvaient profiter de la naïveté des gens - ou de l'ignorance peut-être bien ?- pour leur vendre des anneries pareilles. En plus, cette potion aurait pu être dangereuse. Cela mettait donc en péril les victimes de ces mensonges. Elle secoua légèrement la tête pour chasser ces idées noires. Elle savait que si elle continuait dans cette voie, elle serait du genre à materner littéralement Ezra. Ce qu'elle se voyait difficilement faire. Il n'était plus un enfant. Puis, il ne méritait pas ça. Il lui arrivait que très rarement de frôler la paranoïa, mais dans le cas de son ami, ça pouvait tout à fait se produire et elle en était parfaitement consciente. « C'est une piste tout à fait recevable. »
Le rassurer, elle le faisait tout naturellement. C'était dans son caractère de se montrer toujours ainsi. Elle était comme ça avec la moitié de la population poudlarienne, même si elle tenait plus à Ezra qu'au reste. Quelle heure était-il ? Bonne question. Elle lui montra immédiatement sa montre en guise de réponse. Il devait être aux alentours du petit matin. Bientôt l'heure de se lever et de commencer la journée. D'ici peu, elle se dirigerait vers sa salle de bain pour se préparer à entamer sa matinée, à soigner les plaies bénignes et à donner des calmants. Souvent, elle avait à faire des trucs comme ça, sans importance en apparence. Certains diraient qu'elle ne faisait rien de ses journées. Eh bien, mine rien, les élèves allaient et venaient par ici. Poudlard n'était pas aussi calme qu'il n'y paraissait malgré le cadre idyllique. Elle crut bon de se détendre un peu en regardant la pièce. Il allait falloir faire le ménage. C'était impossible pour elle de vivre à côté d'une poussière aussi minuscule soit-elle. On la disait maniaque, pour elle, c'était tout bonnement logique de passer la balai au moins trois fois par semaine. Elle laissa ensuite échapper un soupir de soulagement. Cette nuit prenait fin. Tout était terminé et tant mieux. Quoique... peut-être pas. Elle sentit ensuite les doigts d'Ezra se poser sur son menton et la forcer à reporter toute son attention sur lui. Silencieuse, elle ne faisait que le fixer, attendant ce qui viendrait très prochainement. Une fois encore, il s'excusait, sauf que c'était un peu bizarre. « Euh... c'est pas grave. » Bafouilla t-elle. Elle posa ses mains ses genoux, inspira profondément et ferma les yeux. Elle essayait de reprendre un peu de courage. C'était la dernière ligne droite. Dans tous les cas, ça avait été une nuit pleine en émotions et haute en couleur, elle ne pouvait pas dire le contraire. « Tu ne m'as pas tuée, tu sais ? Je ... je vais m'en remettre, mieux que toi j'imagine... » Sa voix était descendue jusqu'à ne ressembler plus qu'à un murmure. Elle se leva doucement et rit nerveusement. Du plus loin qu'elle ne se souvienne, elle n'avait jamais été aussi gênée de toute sa vie. Elle se trouvait presque au bord de l'implosion. Elle chercha une manière de détourner la conversation et ses yeux trouvèrent sa cible. « Tu as faim ? J'ai fait un stock de chocogrenouilles, il y a trois jours si tu veux. »
Les blessures demeurent intactes. Avec le temps, notre esprit afin de mieux se protéger recouvre ces blessures de bandages et la douleur diminue mais elle ne disparaît jamais. [Rose Kennedy]⊹ La fatigue, la douleur, l’incompréhension, la panique un peu, mélangé à une bonne dose de confusion et de gêne intense, résume assez bien l’état dans lequel je me trouve actuellement. Combo parfait pour se retrouver avec une multitude de sentiments envahissant mon esprit, sentiments incontrôlables, entremêlés, dévastateurs et que je n’arrive pas à gérer dans l’immédiateté. Ma tête me fait l’effet d’être un chaos sans nom. Je n’arrive plus à réfléchir normalement, à synthétiser toutes les informations qui viennent de se passer, tout se mêle, tout s’échappe, je n’arrive même plus très bien à savoir ce qui est vrai ou ce qui ne l’est pas, ce qui est de l’ordre du réel ou du pur fantasme. En tous les cas la prise de conscience est criante, tout mon corps hurle à mon esprit que 1 + 1 = 2. Le calcul n’est pas difficile à faire : la gêne ambiante, les palpitations de mon cœur, la rougeur que je sens sur mes joues, la chaleur qui m’irradie de partout, ma bouche asséchée, ma respiration erratique…
Bien calé dans le fond du canapé - enfin le mieux calé possible aux vues du peu de parties de mon corps qui ne semblent pas endolories, crispées, tendues, proche du déchirement par endroit - drapé dans la couverture de fortune que m’a donné Bony, le regard fixé sur le mur en face, évitant soigneusement celui de la jolie infirmière à mes côtés, essayant de ne pas trop penser à notre proximité, un léger silence s’installe entre nous. Je me fais l’effet d’être une tente de protection où seule la tête immerge au sommet. Je suis emmitouflé, cachant un corps qui d’habitude ne me gêne aucunement, mais qui semble pourtant bien trop réceptif en ce moment. Heureusement pour moi, la potion de Bony a suffisamment calmé ma douleur, au point d’anesthésié la partie masculine de mon anatomie, quelle chance ! Je n’imagine même pas notre embarrassement mutuel en d’autres circonstances. Surtout que je ne sais rien de ce que peut penser mon amie. Je n’y ai jamais songé avant et ma tête est bien trop en vrac pour espérer faire une analyse complète dès maintenant ! Je ne suis même pas sûr de réussir à le faire plus tard tellement je me sens mal. Les réactions de mon corps ne trompent pourtant pas et il aura fallu qu’on se retrouve dans cette situation saugrenue pour que je m’en rende compte. Après tout, ce n’est peut-être pas si anormal : toutes mes barrières mentales se sont effondrées, mon état est uniquement basé sur le ressenti, si j’ai bien avalé cette potion elle m’a complètement désinhibée, au point de laisser mon cœur résidé en mettre sur mon corps, annihilant toutes les pensées cartésiennes de mon esprit. En repensant à cette potion, j’en fais part à Bony, je lui explique mon interrogation quant à la possibilité que j’ai avalé une des fioles du marché nocturne, je n’en suis pas sûr, après tout je ne me rappelle de rien, mais ça pourrait expliquer mon état…
Je sens Bony remuer légèrement à mes côtés et je tente de ne pas trop penser à sa présence. Elle acquiesce pensivement à mon idée puis après un temps de réflexion, continue sur sa pensée : « Bon écoute, quand tu retourneras dans tes appartements, il faudra bien penser à regarder si tu en as une de vide ou non.y » Sa perspicacité me fait poser mon regard sur elle et je la vois pencher la tête sur le côté d’une manière tellement mignonne que mon cœur fait une nouvelle embardée dans ma cage thoracique, me coupant le souffle un instant. Je me noie dans l’océan chocolat de ses yeux et perds le fil de notre conversation. Je la regarde secouer sa tête, faisant voler ses doux cheveux autour de son visage. « C’est une piste tout à fait recevable. » « Je t’apporterais la fiole si tu veux… » Un nouveau blanc, un instant qui passe, une éternité pour mon cœur affolé et je sors la première chose qui me vient à l’esprit : l’heure qui passe. Elle me tend sa montre et je remarque qu’il est déjà presque 6h du matin. Le retour à la réalité est presque brutal, dans peu de temps la vie au château va se remettre en marche me laissant dans un brouillard épais et avec une multitude de questions en tête.
Je m’extrais un peu de mon cocon pour capter l’attention de Bony et m’excuser le plus sincèrement possible. Je ne triche pas, pour tout avouer, je ne triche jamais avec elle, ça a toujours été une évidence… Sa peau est douce sous mes doigts et notre proximité fait que je la sens légèrement trembler. Sa voix est hésitante, elle ferme les yeux et pose ses mains sur ses genoux comme pour se donner contenance. Finalement, il faudra peut-être que je réfléchisse à la situation à tête reposée, ou plutôt quand elle fonctionnera de nouveau, ce n’est pas franchement l’éclate en ce moment ! « Tu ne m’as pas tuée, tu sais ? Je… je vais m’en remettre, mieux que toi j’imagine… » Son murmure est tellement bas qu’il faut que je me penche un peu plus vers elle pour entendre tout ce qu’elle me dit. Je lâche son menton et attrape l’une de ses mains pour la serrer dans la mienne. « Mais tu as été là avec moi Bony, c’est déjà beaucoup… » Elle s’échappe, se lève en laissant échapper un petit rire nerveux et lance un regard à travers la pièce. « Tu as faim ? J’ai fait un stock de chocogrenouilles il y a trois jours si tu veux. » « C’est gentil, mais je vais te laisser un peu tranquille. Il faut que j’y aille, j’ai un cours important avec les premières années ce matin… » Je me lève doucement, lentement, faisant bouger délicatement tous les muscles de mon corps encore complètement endoloris. La journée risque d’être vraiment interminable. « Ça ne te pose pas de problème si je te pique ta couverture ? Je te la rendrais quand je t’apporterai la fiole et que regardera les tâches bleues… » Une fois campé sur mes jambes, je ressers la couverture autour de mes épaules et avance de quelques pas dans sa direction, histoire d’évaluer les risques et d’être proche d’un soutien en cas de besoin : instinct de survie quand tu nous tiens. Rien à signaler… La tête me tourne encore un peu, mais pas au point de me rabattre à terre. Je ne suis pas au mieux de ma forme, mais j’ai connu bien pire. Tant que je peux bouger tout va bien. Je regarde Bony, je ne sais pas trop comment partir, que faire, j’ai un peu honte en repensant à la manière dont je lui suis tombé dessus tout à l’heure, sa proximité m’échauffe encore trop les sens. Je choisis de battre en retraite, ressentant le malaise de mon amie qui fait écho en moi. Je me dirige alors d’un pas incertain vers la sortie de ses appartements. Une fois arrivée sur le seuil, je tourne la tête vers elle, plante mon regard dans le sien et lui murmure un vague : « Encore merci Bony… » authentique et plein de tendresse mal contenue.