« Le meilleur moyen de résister à la tentation, c'est d'y céder» ► O. WILDE
Une convocation. Un grognement s’échappe de tes lippes alors que tu ouvres les yeux. Les hululements du messager te ramène, plutôt brutalement, à la réalité. Ta main se soulève mollement et s’agite pour le faire fuir, mais rien n’y fait, l’insupportable volatile continue de s’égosille sur son perchoir. Ton bras retombe tout aussi mollement, tu effleure le sol, du bout des doigts. Le sol est froid, tellement froid. Hm. Tient, tient, un canapé. Tu ouvres un œil, puis un autre. L’image de la salle commune des Pouffsouffle se dessine. Tient donc. Face à toi, une petite peste de première année sirote sagement son chocolat chaud, te toisant sans rien dire, sans rien faire. C’est d’ailleurs ce qui t’interpelle. Ce petit bout de femme, tu as eu l’occasion de la fréquenter. En même temps, elle est toujours sur tes basque sans que tu ne saches trop pourquoi. Elle est juste bizarre cette môme. La preuve, elle est là, à te regarder bêtement, alors que l’abominable créature qui ne cesse de s’agiter, hurlant à plein poumon pour que tu le libères de la missive qu’il est chargé de te remettre. Par Merlin qu’on le fasse taire. Tu fermes les paupières, ramenant ta main contre ta tempe douloureuse. Tu as l’impression qu’une armée d’elfe de maison ayant abusé de bièreaubeurre se trémousse à l’intérieur de ton crâne et tout cela dans un brouahaha indescriptible. S’en est trop pour ta pauvre tête. Tu laisses échapper un nouveau grognement. La naine, je t’offre un sachet de patacitrouille si tu le fais taire. Bah oui, qu’elle serve à quelques choses après tout. A quoi bon avoir une gamine qui la suit si on ne peut pas l’utiliser lorsque la flemmardise nous joue de mauvais tour. Avec un paquet de chocogrenouille ? Oh My Merlin. Est-ce que cette saleté était en train de marchander ? Rah, la petite capricieuse savait comment s’y prendre pour obtenir ce qu’elle désir. Enfin, en l’occurrence ses désirs étaient plutôt raisonnables, tu aurais pu te retrouver avec une requête bien plus exigeante. Tu soupires et finis par tendre la main vers elle pour ainsi sceller votre accord. Sa petite main vient frapper contre la tienne. Elle se mouve et bientôt, quelques battements d'ailes se font entendre. S'en suit un silence des plus jouissifs. C'était sans compter sur le minimoys qui se tenait toujours à tes côtés. Le professeur de métamorphose veut te voir dans son bureau dans… Hm. En fait, tu es en retard. Quoi ? Tes orbes s'ouvrent à la dérobée. Quoi? Tu as sans doute mal compris. Tu te redresses, trop rapidement sans doute car le tintamarre qui résonne à l'intérieur de ton crane semble s'intensifier. Tu lui arraches pourtant le parchemin des mains, laissant échapper un juron disgracieux. Tu vas avoir des problèmes. Mon seul problème, c’est toi, microbe. Tu la repousse contre la table basse sans la moindre douceur. Sans suit une course à travers la salle commune de ta maison. Tu n’auras jamais été aussi rapide pour t’habiller, tu pioches ici et là les premières fringues que tu trouves alors que ta meilleure amie ouvre un œil, ronchonnant du potin que tu es en train de faire en retournant vos malles respectives. Peu importe, tu rangeras plus tard. Ou plutôt, les elfes de maison le feront.
Près de deux heures plus tard, te voilà qui sort du bureau du professeur de métamorphose. Y a toujours cette armée qui continue à faire la fête dans ta tête. Le truc, c’est que tu ne peux rien y faire. Alors tu traines oisivement dans les couloirs. Tu devrais aller travailler. C’est ce que tu as promis au professeur que tu viens de quitter, mais c’était plus pour qu’il te foute la paix qu’autre chose. Voilà deux heures qu’il te hurle dessus et qu’il te sermonne parce que tes devoirs ne sont pas représentatifs de tes capacités. Soit disant. Est-ce que c’est de ta faute, à toi, si ses devoirs sont tout saufs inspirant ? Est-ce que c’est ta faute à toi, si tu n’es pas un rat de bibliothèque. C’est franchement là que tu te dis que les Serdaigle partent avec un avantage considérable dans leur parcours scolaire. Enfin, le discours rasoir du professeur est à présent loin et tu ne penses qu’à une seule chose : te changer les idées. C’est alors que le destin se joue de toi, envoyant entre tes filets un charmant petit oiseau qui a probablement passé les dernières heures à se meurtrir le cerveau dans la salle d’étude. Tu files en sa direction, ne la lachant pas une seule seconde du regard. Par Merlin ce qu’elle peut être belle. Elle n’en a pas conscience, ce qui la rend plus désirable encore que n’importe quelle fille de ce château. A l’exception de ta meilleure amie, mais elle, elle n’est pas comme tout le monde, elle occupe une place particulière dans ta vie, elle n’est comparable à aucune autre. Quoi qu’il en soit, tes doigts viennent s’enrouler autour du poignet d’Arabella. Tu l’entraine à ta suite dans la salle des savoirs. C’est une salle toute simple, sans le moindre meuble, une salle nue et vide. Tu refermes la porte derrière vous, venant glisser ton bras autour de la taille fine de la donzelle. Tu poses ton menton sur son épaule. Tout cela le plus naturellement du monde. Tu n’éprouves aucune gêne d’agir de la sorte. Miroir, mon beau miroir, est ce que l’on est faite pour être ensemble ? Et la salle ne tarde pas à te répondre, gravant sur le mur qui vous fait fasse. « La réponse est ailleurs ». Un soupire s’extirpe des lèvres de la blonde alors qu’elle lance un regard en coin à la brune, sans pour autour se défaire d’elle. Toi, tu le sais, hein, que l’on est faite l’une pour l’autre ? Elle a l’habitude de poser ce genre de question à la salle. Des questions ridicules et existentielles, des questions auxquelles la salle ne peut bien évidemment pas répondre.
Je me sens déconnectée de toute réalité. Je ne sais plus trop où je suis, ni pourquoi je suis là, d’ailleurs. Je dévisage les lieux avec un air ébahi, comme si je les découvrais pour la première fois. Et je pense qu’il y a un peu de ça, d’ailleurs. J’ai beau être à Poudlard depuis des années, il y a des salles, des pièces, que ma mémoire n’enregistre pas. Ici, pourtant, je suis chez moi. La bibliothèque est mon repère, ma seule véritable maison. Du moins, je le pensais parce que là, je me sens juste de trop. Mon regard glisse d’un air apeuré sur les gens et les livres. Les rayonnages me donnent soudain la nausée. Je les trouve trop hauts, trop grands, trop remplis. Mon coeur se serre et j’ai l’impression que l’air vient à me manquer. C’est bizarre, cette sensation d'étouffer qui m’étreint. Je déglutis avec difficulté sentant des regards se poser sur moi. Je ne m’en suis pas vraiment rendue compte, mais j’ai poussé un léger cri de surprise et tout le monde l’a entendu. C’est peut-être la première fois qu’ils entendent ma voix, ils me pensaient certainement muette. Crispée, je referme mon livre, me mord la lèvre inférieure et me lève précipitamment pour fuir. Parfois, ma tête n’en fais qu’à sa tête. Elle oublie le corps qu’elle guide et me fait perdre le nord. Les pensées vont et viennent, violentes et étranges. Et puis voilà, j’oublie tout. Ce que je fais, où je suis et mon silence tant aimé. Je peux pas vraiment expliquer quand je me perds dans le dédale de mes pensées. Je peux pas raconter les chemins sinueux qu’emprunte mon esprit et le chaos qui règne à l’intérieur de mon être tout entier. Alors je me contente de fuir, de prendre les jambes à mon coup et de marcher tête baisser jusqu’à un îlot solitaire où je pourrai laisser quelques larmes m’échapper. Cette fois pourtant, avant même d’avoir franchis la porte de la bibliothèque, je sens des larmes ruisseler le long de mes joues. Alors, je me mets à courir dans les couloirs, à la recherche d’un échappatoire. Essuyant d’un revers de manche les outrageuses qui abîme mes joues. Je renifle, comme une bête farouche que l’on vient de cogner. J’inspire, expire. Et puis, plus rien. Tout le poids que j’avais sur le coeur s’est envolé. Je reprends mon visage impassible et ma respiration se calme. Alors je me dis qu’ils ont raison. Je dois être un peu bizarre, un peu folle. Les gens n’ont pas ce genre de réaction. Il ne passe pas du rire aux larmes en une fraction de secondes. N’est-ce pas ? Je soupire et je marche plus lentement quand, soudain, je sens des doigts s’enrouler autour de mon poignet. Presque malgré moi, mon corps se raidit et un frisson me parcourir l’échine. Je me sens mal, tellement mal. Je peux pas l’expliquer, mais j’ai ce goût de métal dans la bouche et j’ai envie de vomir. J’ai envie de rendre le déjeuner que je me suis forcé à manger. Je reconnais la chevelure blonde Rousevelt et la sensation de malaise s'amplifie. Je me demande souvent ce qu’elle me trouve, pourquoi elle s’obstine à me tourne autour alors que je ne réponds jamais rien et me conte de la regarder sans comprendre. Là encore, je pose sur elle un regard vide d’hébétude et je la suis malgré moi. Je n’ai pas appris à opposé résistance, alors j’entre dans la salle sans broncher. Son bras autour de sa taille, son menton sur mon épaule... Une nouvelle nausée vient me border les lèvres. Je me mordille l’intérieure de la joue en entendant sa question, la trouvant ridicule et insensé. Je remercie intérieurement le mur de lui balancer la vérité comme ça. Bien sûr que la réponse est ailleurs. Où, je ne sais pas, mais pas entre elle et moi. Mais Rousevelt n’est pas aussi facilement impressionnable, bien sûr. Elle me retourne la question, comme si ma réponse valait mieux que celle du mur du savoir. Je me fige et baisse les yeux. Je sais que ne je suis faite pour personne, c’est la vraie réponse, mais la lui fournir n’arrangerait probablement rien à mes affaires. J’ouvre la bouche pour laisse échapper quelques mots mais rien ne sort, pas un son. Je m’extirpe de l’étreinte de la blonde d’un léger mouvement sur le côté, je passe une main dans mes cheveux et laisse un léger soupir se glisser entre mes lèvres. “Je crois pas, non...” que je parviens à formuler, péniblement, d’une faible voix, tout juste audible. Je déteste parler. J’aurais voulu ne rien dire, d’ailleurs. Mais quoi que je fasse, quoi que je dise, ça ne lui suffira jamais. Je recule, ne la quittant pas du regard pour autant, et je posa ma main sur la poignée de la porte, prête à disparaître. Je me mords la lèvre inférieure en réalisant que ce n’est pas très sympathique de ma part de faire ça. Alors, je lève le regard, la dévisage un moment et demande de manière douce et fragile : “T’as besoin de moi ?” Comme si ça pouvait être le cas. J’en sais rien, de ce qu’elle attend de moi, je me sens obligé de demander. Mais un nouveau frisson me parcourt le corps et je croise mes bras sur ma poitrine pour me réchauffer comme je peux, le regard fuyant et les mains tremblantes.