Le ciel gris, les vêtements noirs, la pluie fine qui se mêlait aux larmes sur les joues, les pleurs silencieux, le bruit de l’orage au loin, le paysage sombre ; quel cliché ! Durant ces dernières années, j’ai tout fait pour oublier ce triste évènement, pourtant je m’en souviens comme si c’était hier. L’enterrement de ma chère sœur. Comment oublier ? Je juge désormais impossible d’effacer ces souvenirs sinistres, ils me hantent et me hanteront toujours. Je frissonne à l’idée de savoir que dans ce cercueil, mon corps aurait pu être allongé à la place du sien. J’aurais pu être tuée pour les mêmes raisons. « Votre sang est impur ! » avait-il crié. Avec sa colère et sa rage réunie, il ne pu résister à la tentation de l’abattre. Lui, sang-pur issu d’une grande famille ; il se sentait humilié, honteux et indigne d’avoir épousé une sale sang-de-bourbe. Il l’avait aimé, touché, enlacé et cela le répugnait. Comment avait-elle osé lui mentir de la sorte ? « Cette vermine ne méritait que la mort ! » avait-il ajouté. Impossible pour moi d’oublier son regard malsain qui fixait mes parents effondrés face au corps inanimé de leur fille aînée. Moi, le souffle coupé, prête à mourir sous ses coups, je savais que bientôt je ne serais plus qu’un vulgaire cadavre. Mais il s’éclipsa. L’homme qui venait d’anéantir ma famille disparut, incapable de continuer son massacre.

Ce fut comme une révélation, je compris que le danger était trop grand. « Je vais partir. » avais-je annoncé calmement à mes parents. Ils ne furent pas choqués, mais conscients que je prenais la bonne décision. Notre secret à présent révélé, il était impensable de continuer à vivre dans notre petite campagne française. Je venais de terminer mes études de magie médicale, je devais trouver un emploi et apprendre à vivre seule loin d’ici. Je comptais bien fuir et rester en vie, laissant derrière moi mes parents qui pourraient à présent vivre sans danger leur vie de moldus. De temps en temps, ils me rendraient discrètement visite. Je choisis l’Angleterre, berceau de la magie. Je partis avec cette impression que tout serait plus facile là bas, grâce à ma nouvelle identité. À condition que je la garde bien sur ; je comptais mentir à tout le monde, ou du moins, ne rien dévoiler sur ma personne. Notre famille n’était pas célèbre en France, alors elle ne le serait surement pas en Angleterre.

Quelques mois plus tard j’occupais le poste d’apprentie-infirmière à Poudlard. J’étais absolument ravie de passer mes journées à faire de la magie-médicale, j’ai toujours été passionnée. Malheureusement, il ne me fallut pas longtemps avant de remarquer que l’ambiance entre les élèves ressemblait étrangement à celle de chez moi. Que cela soit ici ou dans ma campagne française, les conflits entre sangs-purs et les autres demeuraient, et se montraient même parfois violents. Je me forçais à ne pas réagir, je ne pouvais pas, je n’avais pas le droit. Car ma révolte éveillerait les soupçons, et je ne pouvais pas perdre mon secret à nouveau. Pendant mes années en tant qu’apprentie, je pris la décision de me concentrer sur mon job plutôt que sur cette guerre. Mais lorsque je devins officiellement infirmière, lorsque de plus en plus d’élèves se retrouvaient victimes des sangs-purs, je réalisai que je ne pouvais me taire plus longtemps.

Je devais me montrer discrète, et ne surtout pas me faire remarquer. Alors pour les élèves et mes collègues, je suis l’infirmière bizarre et mystérieuse, dont le passé est inconnu de tous. Aujourd’hui, je conserve toujours très précieusement ma fausse identité. Personne ne me voit rôder dans les couloirs, écouter aux portes, soutenir secrètement certains élèves… Je joue à merveille le rôle de l’infirmière insignifiante, personne ne peut me suspecter. J’agis doucement mais surement, car je refuse de laisser des innocents se faire abattre sous le prétexte que certains jugent leur sang impur. Alors je les aide, ces innocents. Je n’explique pas pourquoi, je ne dis rien sur mes motivations ; ils jurent qu’ils ne parleront pas de moi aux autres, et en échange je leur apprends à se défendre et à se venger. « Ne pose pas de questions, contente-toi de faire ce que je te dis. » leur ordonnais-je à chaque fois. Je ne suis pas une psychologue, ni leur mère. Je ne veux rien savoir sur leurs peines, leurs sentiments, leurs histoires personnelles. Je ne suis pas là pour les réconforter, ni pour leur tenir la main. Je suis simplement révoltée et je refuse qu’une partie des sorciers disparaisse de la sorte. Pourquoi les sangs-impurs ne seraient pas plus forts que les sangs-purs ? Ces élèves doivent se sentir en sécurité, et pour cela ils doivent avoir confiance en eux, être capable de se défendre quand on les attaque. Si seulement le reste du monde pouvait me comprendre.