« Ou avez-vous eu ça Madison ? gronda le professeur de potions en attrapant le poignet de l'élève pour dévoiler la potion aux reflets bleus. - Je ... Je l'ai fait moi même ! - Vraiment ? Bien que vous soyez doué Madison ce genre de potion est au programme de la deuxième année d'apprentissage après Poudlard pour les médecins ou les potionnistes. Or vous n'êtes ni l'un ni l'autre. Ne me mentez pas Madison. - C'est, je ne peux pas le dire, professeur » répondit alors l'élève tête basse.
Ayant un sourire il lâcha le poignet du Serdaigle avant de confisquer la potion. Une des choses que Sezru n'aimait pas était qu'on le prenne pour une bille, qui plus est si c'était un élève qui se décidait à le faire. Cette potion était une potion d'anesthésie très puissante, bien trop pour se promener entre les mains d'un élève surtout quand celui-ci n'est qu'en deuxième année et qu'il ne connait pas les risques ni la dépendance. Encore autre chose que notre professeur n'approuvait pas. Que l'on prenne des risques inutilement puis qu'on ramène la faute sur les potions. La dépendance était facile, et voila que des potions se promenaient dans Poudlard. Pas vraiment ce à quoi il s'attendait pour un début d'année. Pas vraiment du tout même. A long terme l’infirmerie serait envahie et il devrait créer des contrepoisons. Non pas vraiment l’année qu’il espérait avoir. Le voilà maintenant qu'il devait contrôler bien plus que sa propre maison. Si il y avait un trafic de potions, il devrait sans doute aller voir les hautes instances, et il n’avait pas envie d’en arriver-là. Non pas qu’il ne soit pas compréhensif, loin de là. Il y avait juste des limites dans ce que les élèves pouvaient faire et ne pas faire. Oh il pouvait très bien comprendre que par les temps qui courent, il fallait mieux être préventif, mais quand la prévention dépassait la sécurité il y avait des limites à avoir. De plus comment une potion d'un tel rang pouvait-elle se promener dans les mains d'un deuxième année ? Il avait quinze ans que diable. Il aurait du courir les filles et ne pas jouer aux apprentis potionnistes. Tout le monde n'avait pas un don pour les potions. Et puis le pire c'est que celle-ci, c'était lui qui l'avait concocté. C'était le genre de fiole qu'il utilisait avec des bouchons non pas en liège mais en verre avec de la cire avant de bien pouvoir refermer la bouteille.
Il n'y avait qu'une personne qui avait pu donner cette potion. Et ça ne lui plaisait pas. Non vraiment pas.
Glissant la potion dans la poche de sa robe de sorcier, il s'élança à travers les couloirs pour atteindre le premier étage. Bien sûr il n'y avait qu'une personne qui pouvait fournir des potions qu'il avait faites, surtout à des élèves à Poudlard. Il ne faisait pas énormément de commandes à l'extérieur du château, juste quelques unes pour d'anciens amis dans le besoin principalement, et des clients qu’il avait eu lors de son apprentissage, mais il avait la mémoire des noms et sauf erreur de sa part aucun n’était affilié avec un des élèves de cette année. A contrario il était également responsable des réserves de l'infirmerie, or il avait du en refaire pas mal pour le début d'année et Camille, cette charmante jeune femme très compétente en tant qu’infirmière il ne pouvait le nier, était déjà venu plusieurs fois le voir pour des ingrédients ou des potions quand elle n’avait pas le temps. Or avec les stocks qu’il avait renfloués ça n’allait pas. Elle n’aurait pas du avoir besoin d’autant de chose, et ses histoires semblaient de plus en plus tirées par les cheveux. C'était bien trop suspect. Devant la porte de l'infirmerie il s'arrêta un instant avant de fusiller un élève du regard. C'était plutôt étrange de la part Harvenheit de le voir perdre légèrement son sang froid, mais il ne cautionnait pas vraiment qu'il se passe des choses dans son dos surtout concernant les potions qu'il brassait avec soin et qui ne devrait vraiment pas être les mains des élèves. Reprenant son souffle il poussa la lourde porte de l'infirmerie et dépassa bien vite les lits des blessés, dont certains occupés qui le regardèrent avec étonnement. C'était sans doute la première fois qu'il rentre ainsi dans l'infirmerie. Entrant dans le bureau de l'infirmière qui heureusement se trouvait là, il ferma la porte derrière lui et de lui apposer un sort de silence.
« Désolé de m'imposer ainsi, mais j'aimerais des explications là-dessus » commença-t-il avant de déposer la potion qu'il avait confisqué plus tôt. « Ou vous avez des voleurs, ou mes potions et certaines à vous se promènent dans le château. Dans les deux cas, j'aimerais autant ne pas avoir de mensonges de votre part cette fois. » S'appuyant contre la porte il croisa les bras, ne quittant plus la jeune femme du regard.
L’année venait de commencer et déjà plusieurs élèves occupaient les lits de l’infirmerie. Lorsque je leur demandais l’origine de leurs blessures, ils me répondaient souvent « mon sang est impur » ; comme si cela justifiait cette injustice qui régnait dans le monde magique, comme s’ils acceptaient de demeurer des victimes. Je ne leur demandais rien d’autre, j’en savais déjà bien assez sur le sujet, je n’avais pas besoin que des enfants me racontent ce qui se passe dans cette école. Tous les jours, j’assistais à des scènes de persécution. Je voyais des sang-purs se défouler sur des innocents, ils se sentaient forts, fiers et supérieurs. En général les souffre-douleurs se laissaient faire, n’osant pas se rebeller, ils imaginaient à quel point leur situation s’aggraverait s’ils osaient se défendre. À ce jour, les attaques sont futiles, pas encore très dangereuses. Les bourreaux gardent habituellement le pire pour le milieu et pour la fin de l’année. Mais je suis prête ; prête à défendre les éclopés, à leur venir en aide comme j’ai pris l’habitude de le faire ces dernières années. Je suis consciente que ce n’est pas la meilleure méthode pour conserver mon secret. Pourquoi une infirmière ferait-elle l’effort d’apprendre aux élèves à se protéger ? Les doutes augmentent chez les élèves et les professeurs. Ainsi je me restreins à un élève par mois ; mais jamais le même dans l’année. Sauf cette jeune Gryffondor que je me suis surprise à aider plusieurs fois. Grande erreur de ma part d’avoir débordé de générosité, elle est désormais persuadée que je cache un secret.
Je n’avais pas quitté l’infirmerie de la mâtinée, afin de m’occuper des patients. J’avais fait le tour des lits pour vérifier l’état de chacun, armée de ma potion médicale pour nettoyer les blessures. À cette allure, les flacons allaient vite se vider, les conflits se montraient de plus en plus nombreux. Je pouvais compter sur l’aide de mon collègue Sezru, maître potion, pour m’aider à remplir les placards. Souvent, je profitais de sa serviabilité pour qu’il me confectionne des potions que je donnais ensuite précieusement aux élèves persécutés. J’avais effectué ma première bonne action il y a quelques jours, confiant une petite fiole de potion d’anesthésie à un élève de deuxième année. Il avait été le premier à se faire embêter dans les couloirs par des sorciers plus âgés, mais grâce à cette potion il allait pouvoir se venger. Après avoir bu le liquide, le sang-pur sera incapable d’effectuer des mouvements précis, et il sera ainsi dans l’obligation d’abandonner toute envie d’attaque. Vous n’imaginez pas à quel point il peut être difficile de paraître crédible lors de ces demandes au professeur Harvenheit. Pourtant, et heureusement pour moi, il ne se doutait pour le moment de rien.
Enfin, c’est ce que je croyais. Alors que je me trouvais assise à mon bureau pour ranger quelques dossiers, la porte s’ouvrit et laissa apparaître le professeur. Je levai la tête sans attendre. Il entra avec beaucoup d’assurance, un regard froid dominait son visage, il me fixait avec insistance. Mon cœur se serra lorsqu’il déposa la fiole de potion sur la table. « Désolé de m'imposer ainsi, mais j'aimerais des explications là-dessus. » Il semblait très sérieux. Je fixai la potion que je reconnus immédiatement, puis je jetai un regard à Sezru. Désormais appuyé contre la porte, les bras croisés, il aurait pu m’impressionner; mais je gardais confiance en moi. « Ou vous avez des voleurs, ou mes potions et certaines à vous se promènent dans le château. Dans les deux cas, j'aimerais autant ne pas avoir de mensonges de votre part cette fois. » Je réfléchis à ses mots un instant. Il avait compris. Il avait compris que j’inventais des histoires totalement fausses afin qu’il me fabrique des potions. Je ne voulais pas mentir à nouveau, mais impossible pour moi de révéler la vérité. Je soupirai, puis me concentrai. Je saisis la fiole, l’observai un instant puis fis mine de comprendre enfin. « Vous vous trompez professeur. Le petit Madison était souffrant, il a passé plusieurs heures à l’infirmerie. Des os cassés. Mais de retour à son dortoir, impossible pour lui de trouver le sommeil, la douleur était trop forte. Je lui ai donné un peu de potion d’anesthésie pour qu’il puisse dormir, et ne pas mourir de fatigue. » Le visage imperturbable, j’étais sûre de moi, je venais d’énoncer un discours tout à fait crédible. Le jeune sorcier avait en effet été victime des sang-purs, cela était incontestable ; et je restais persuadée que s’il subissait un interrogatoire de Sezru, il confirmerait mes paroles, pour ne pas me trahir. Mentir n’était en aucun cas ma passion, mais je n’avais pas le choix. Je ne pouvais risquer de dévoiler mon secret.
Je rangeai délicatement la fiole dans le tiroir de mon bureau. « Je ne fais que mon métier, Sezru. » Concluai-je avec un regard pesant pour que ses doutes s’envolent. On pourrait me qualifier de menteuse, certes, mais cela est nécessaire pour répandre le bien autour de moi.
Sezru sans doute un des professeurs les plus impartiaux, sans doute un des rares professeurs qui ne favorisaient pas les Serpentards et les Sang Purs plus que ça. Il jugeait aux mérites, il jugeait aux efforts, il ne voyait pas l'intérêt de juger autrement des élèves, ce qui les jugerait pour leur Sang c'était les hautes familles qui croyaient avoir le pouvoir. Une guerre inutile, une guerre profondément déshonorante pour la condition de sorcier. Il n'y avait pas assez de Sang Pur pour faire un monde. Les Sang Mêlés étaient plus que doués et les Né-Moldus apportaient de la fraicheur et de la nouveau à une communauté qui se basait sur des traditions désuètes et lui apparaissait ainsi désœuvrée. Il n'avait juste pas pensé que ça serait à Poudlard que cette idiotie prendrait le plus d'ampleur. Il n'y avait pas pensé, et pourtant ça semblait si évident. Il n'y a que des adolescents en mal de plaire à leurs parents et en mal de faire leur preuve. Idiots. Il ne pouvait pas cautionner ça, alors il avait juste prévenu ses élèves. D'une voix froide, autoritaire, il avait mis les points sur les "i" en début d'année, parce que tout le monde pensait que la plupart des Sang Purs seraient à Serpentards. Il leur avait rappelé les qualités des Serpentards et ce qu'il refusait d'entendre. Ca avait été ce genre de discours plein de sous-entendus. Il avait juste annoncé qu'il n'accepterait aucune action jetant la honte sur la maison de Serpentards et qu'il se chargerait lui-même de corriger les élèves fautifs. Bien différent de son discours du début d'année dans ses classes où il avait annoncé de but en blanc que la guerre resterait à la porte de sa salle.
Mais là c'était différent. Tout bonnement différent. Cette campagne anti-sang avait lieu dans l'école certes, mais à défaut d'enliser cette guerre, donner des moyens de riposter à des élèves ou de passer outre était le meilleur moyen d'envenimer les choses. Ca allait virer à l'acharnement et à une guerre ouverte. Fini les coups bas, et bonjour l'affrontement. Il ne voulait pas que Poudlard devienne un champ de bataille, jouer les Aurors dans ses conditions très peu pour lui. Rien que d'y penser il avait mal à la tête. Et Camille aurait du le savoir. Si c'était vraiment ce qu'il pensait et si elle distribuait vraiment des potions, il ne voulait pas penser au carnage que cela donnerait. Non bien qu'il trouvait son geste noble, il y avait des limites quand au respect qu'il pouvait à ce genre de choses. Harvenheit était un ancien Serpentard, pas un Gryffondor tête brûlé qui fonçait dans le tas tête baissé. En parlant de ça, il se demandait bien quelle maison elle aurait intégré si elle avait fréquenté Poudlard. Enfin tout ça pour dire que ça n'allait pas.
« Vous vous trompez professeur. » Rien que la phrase aurait pu lui arracher un sourire mauvais. Elle persistait dans son mensonge. Mais comme elle n'était pas son élève, il n'allait pas lui jouer le coup du professeur septique, loin de là. « Le petit Madison était souffrant, il a passé plusieurs heures à l’infirmerie. Des os cassés. Mais de retour à son dortoir, impossible pour lui de trouver le sommeil, la douleur était trop forte. Je lui ai donné un peu de potion d’anesthésie pour qu’il puisse dormir, et ne pas mourir de fatigue. » Là c'était plutôt pas mal, encore mieux qu'une farce le mensonge semblait tellement évident. Mais l'infirmière semblait connaître le sujet et annonçait cela comme elle lui aurait décrit un patient, avec un semblant d'intérêt tout en restant professionnel. Presque tentant d'y croire. Si ça n'avait pas été Sezru, la personne en face aurait pu y croire.
« Souffrant ? Madison courait comme un lapin quand il s'est cogné à moi cette fameuse potion dans ses mains. » Souffla-t-il sans être perturbé lui non plus par les mensonges qui lui sortait sa collègue.
« Je ne fais que mon métier, Sezru. » La phrase le fit soupirer tandis qu'il se décollait de la porte pour venir s'asseoir en face d'elle, lissant sa robe d'un geste machinal. Puis qu'elle ne voulait pas avouer, il n'avait guère le choix.
« Je vais vous dire ce que je pense Camille. Je pense que vous avez fournis cette potion délibérément à Madison, pourquoi je l'ignore, tout comme je pense que vous en fournissais d'autres à d'autres élèves. » Lança-t-il implacable quoi que légèrement fatigué. Il détestait ce genre de problème, et devoir forcer à faire parler les gens n'était pas son activité favorite. « Je ne sais pas pourquoi vous faîtes ça, ni ce que ça vous apporte, je sais juste que cette potion n'a rien à faire dans les mains d'un élève pour les effets de dépendance qu'elle déclenche, c'est pire que de la Morphine moldue ! » Il soupira avant de se masser les tempes et de reprendre d'une voix plus calme. « Pouvez-vous m'expliquer ce que vous faites exactement Camille ? Je pense que vous pouvez me faire confiance non ? »
Normalement elle aurait du pouvoir lui faire confiance. Entre collègues c’était déjà la moindre des choses, et de plus, il aurait pu directement confronter Madison avec le directeur qui par miracle était là aujourd’hui, ou convoquer le conseil de l’école quant à son comportement suspicieux, pourtant il n’avait fait ni l’un, ni l’autre se contentant de venir la voir afin de comprendre ce qu’elle faisait, pourquoi elle le faisait. Il n’était pas inhumain, et pas né de la dernière pluie non plus, il voulait comprendre ce que sa collègue faisait et ainsi peut-être pouvoir la conseiller, si elle voulait des conseils bien sûr. Et puis n’était-il pas plus simple de porter le fardeau du secret à deux ?