Les plus belles rencontres sont souvent le fruit du hasard.Exténué, je m’adossai sur un arbre, trop fatigué pour continuer ma course. Peu importe ce que l’entraîneur dira, je m’en contre fous. Et puis, la punition n’est pas réellement justifiée. On s’entraînait, tranquillement, le ballon aux pieds, quand elles sont arrivées. Ces magnifiques créatures nommées « filles ». Ça peut paraître bête dit comme ça, mais quand on est un garçon de six ans, coincé dans un stage de foot alors qu’on déteste ça, voir des filles qui nous regarde est la meilleure chose qui puisse arriver dans une journée. Alors, oui, j’ai peut-être crié un peu fort après elles, mais quand même… Je trouve que me faire courir le tour de la mini forêt n’était pas une solution appropriée. De plus, je n’étais pas le seul. Un autre garçon dont j’ai totalement oublié le nom, était sensé me suivre pour les mêmes raisons. Il m’énervait, alors je l’ai semé, d’où le fait que je sois sur les genoux. Je repensais aux visages fins et doux des deux filles, leurs yeux bruns… Je fermai les yeux, m’imaginant loin… loin d’ici… Je me sentais las… Partir…
Sweet, sweet melody…
«
Hé mec ! T’endors pas hein ! »
Raah ! Il m’a réveillé ce… Hm ! Je sursautais et le regardais d’un air noir. Il était du genre arabe, avec des cheveux noirs de jais et les yeux foncés. Le style de garçon que ma sœur adorait. Malgré son sourire niai d’imbécile heureux, il m’avait l’air gentil. Il s’assit en face de moi. Bien qu’il ait couru beaucoup moins vite que moi, il m’avait l’air tout aussi essoufflé.
«
Pourquoi on s’arrête déjà ? -
Parce qu’on est fatigué. -
Ah bon. L’entraîneur va être fâché. -
Et alors ? »
Il prit un air choqué. Ce garçon m’amusait, je ne sais pas pourquoi. Je rigolais, et il me suivit, riant comme deux handicapés mentaux perdus au milieu des bois.
«
C’est quoi ton nom. -
Théophile ! Et toi, c’est Axel, non ? On est voisins ! »
Voisins… Ah bon, possible. Franchement, je n’en sais rien et je m’en fiche. La grosse voix de l’entraîneur retentit derrière nous, nous faisant sauter au passage. On se leva, et il nous hurla qu’on prenait un temps fou à faire le tour du mini bois, mais que maintenant il comprenait pourquoi : on était des feignasses, des carpettes, des mollusques. Il me regarda d’un air sadique : « c’est encore de ta faute n’est ce pas ? »
«
Non monsieur, c’est moi qui me suis assis, et il m’a suivit. »
Oh. Il me défend là, ou je rêve ? Il sait que Monsieur Zwelling ne m’a pas à la bonne. Il me fit un regard ‘‘ rentre dans mon jeu ! ’’, ce que j’eu vite fait de faire. Zwelling nous crut, et on retourna au terrain, sans doute pour nous en faire courir des tours. Théo me murmura à l’oreille afin que le vieux n’entende pas :
«
Tu as une sœur aussi, non ? -
Oui, Anastasia. Je te la présenterai si tu veux… »
Tout en marchant, j’entourais les épaules de Théo de mon bras en souriant de mes dents tordues. Je l’aime bien. Je sens qu’on va bien s’entendre.
Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent.«
Le ciel bleu sur nous peut s´effondrer
Et la terre peut bien s´écrouler
Peu m´importe si tu m´aimes
Je me fous du monde entieeeeer… »
La bouche bée, les yeux écarquillés, j’observais ma mère réviser ses classiques tout en préparant le dîner. Elle chantait si bien ma maman… Je pense que c’est d’elle que je tiens cette passion, tout comme Ana. Il faut dire qu’elle et moi, on baigne dans cet univers musical depuis notre naissance. Mais lorsqu’elle a apprit qu’elle était enceinte pour la seconde fois, elle a décidé d’elle-même de quitter l’hôtel chic où elle chantait tous les soirs pour devenir mère au foyer. Pas que ça me dérange, on l’aura un peut plus pour nous… Mais ce qui m’embête, c’est le petit être qui grandit en elle. Il m’intrigue. Je me demande comment ça marche à l’intérieur. Enfin je veux dire, comment ça peut grandir sans air, déjà ? Etrange. Elle tourna ses grands yeux bleus vers moi et me fit un grand sourire.
«
Oh tu es encore là mon coeur ! Tu ne devais pas sortir jouer avec Théo et Ana ? »
Cette femme est un véritable rayon de soleil. Je lui sourit également, et lui fit un câlin. Du haut de mes dix ans, je ne lui arrivais qu’à l’épaule. Je me sentais tellement nain. Heureusement, Anastasia était plus petite que moi ! Je crois bien que le jour où elle me dépasse, je pique ma crise. Quoi qu’il en soit, je déposai un baiser sur la joue maternelle et quittai cet havre de douceur senteur poulet grillé, et sortit en direction de la forêt, à quelques mètres seulement de chez moi, juste à côté du terrain de foot. Théophile, ma sœur et moi, on s’y donne souvent rendez-vous, formant un trio parfait, bien que je pense être plus proche de Théo qu’Ana ne l’est. Etant voisin, on a toujours tout fait ensemble depuis maintenant quatre ans. On s’est rencontrés par hasard à un stage d’été, et depuis, on ne se lâche plus ! J’arrivai à la lisière, et apercevais la petite tête halée de Théo. Je luis fis un sourire, laissant apparaître mes dents de travers, auxquelles il faudrait sûrement coller un jour un appareil dentaire… Le plus tard sera le mieux. Hors de question qu’un inconnu ne me mette ses doigts poisseux dans ma bouche !
«
Salut l’ami. T’es tout seul ? -
Ouais, Anastasia n’a pas pu venir, elle a d’autres choses à faire que de te voir ! »
On s’éloignait à travers les arbres, rigolant de tout et de rien. Mais une chose m’inquiétait. Bien qu’âgé de seulement dix ans, j’ai remarqué que beaucoup de garçons tournaient autour d’Ana. Je n’aime pas ça, et je leur fais comprendre. Théo lui, la considérait seulement comme une amie, sauf que j’ai peur qu’aux fils des années ça ne dégénère. Je préfère donc prendre mes précautions. On s’assit au bord du ruisseau, comme à notre habitude. Je m’arrêtai de rire et me tournai vers lui, afin de l’avoir bien dans mon champ de vision. Il me regardait d’un air suspect, se demandant sûrement ce que je faisais.
«
Dis moi Théo, tu peux me promettre un truc ? Mais genre vraiment promis tu vois. Sur notre vie et tout, et tout. »
Il murmura un ‘‘oui’’ intrigué.
«
Bon. Tu sais que je tiens beaucoup à ma sœur. Ce qu’il fait que je n’ai pas envie qu’on lui fasse du mal. Tous ces garçons qui l’approchent… Disons que les bras cassés sont en préventions. Mais je tiens beaucoup à toi aussi, t’es un bon ami. Je n’ai pas envie de te faire du mal, sauf que si tu touches à Ana, je serai obligé. Alors on va passer un accord : on ne touche pas à la famille. Si chacun respecte ce pacte, tout ira bien. D’accord ? »
Je lui tendis la main pour conclure la chose. Il la prit et me sourit, disant qu’il approuvait parfaitement tout cela. Bien. Voilà une bonne chose de faite. Mais pour être encore plus sur, je lui tirai la main afin de m’approcher, et il m’atterrit sur l’épaule d’un geste brusque. Je lui murmurai au creux de l’oreille :
«
Si un jour j’apprends que tu n’as pas tenu ta promesse, sache que je te le ferai payer à un point tel que la dernière chose que tu verras sera ton nez, fracassé, contre le sol. »
Je le poussai et lui fis un immense sourire. Je me levai et commençai à m’éloigner. Voyant qu’il ne me suivait pas, je me retournai et lui criai de venir. Il était resté figé, la main toujours tendue, les yeux dans le vague. Je couru vers lui et lui fis un câlin par derrière. Il se reprit et me suivi dans les feuillages, en direction du terrain de foot. Il ne dit presque rien de la journée. Il faut dire que le p’tit Théophile a un ch’tit cœur fragile. J’avais quand même pas été si méchant, si ?
L'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible. Le cœur serré, je rentrais dans le train en direction la prestigieuse école magique, accompagné de ma sœur. On se tenait la main, je pense qu’on avait les mêmes appréhensions. Toute la joie et l’excitation qu’on avait ressentie en apprenant qu’on ferait nos études à Poudlard s’évaporaient peu à peu, laissant place au stress. On avait dû quitter nos amis et notre école de Londres pour venir ici. Je suis sur qu’on s’intégrera facilement là-bas, mais les londoniens vont franchement me manquer… Surtout Théo, mon meilleur ami. Lui aussi m’a dit qu’il changeait d’école. Parce que sa mère n’aimait pas l’enseignement de McCarter, notre ancienne école, je crois… Soit. Je lâchai la main de ma sœur, et pris un compartiment au hasard. Un garçon, seul, y était déjà assis. Je m’installai en face de lui, Ana à côté de moi. Il me sourit, laissait apparaître ses dents parfaitement blanches. Il avait un visage fin, des yeux verts à tomber par terre, et des bouclettes brunes, lui donnant un air d’ange. Plutôt mignon… Mais probablement hétéro, pas de quoi s’affoler.
Cartwright ! Ca, c’est tout moi. Je ne vais pas commencer à fantasmer sur un homme que je ne connais pas ! Enfin, je ne connais pas Backstreet Boys me diriez-vous, pourtant… soit.
«
Ça va les garçons ? »
Je sursautais. Ana nous regardait d’un air amusé. Cela fait quelques minutes qu’on se fixe mutuellement, d’œil bleu à vert. Il se mit à rire, bientôt suivit par moi et ma sœur. Je lui tendis la main.
«
Axel Cartwright, enchanté. -
Stefen O’Connor. »
On passa l’entièreté du voyage à parler tout les trois, de tout et de rien. Enfin, tout les trois, ma sœur lâcha prise à un moment, tombant de fatigue sur mon épaule. Nous pouvons donc dire que Stefen et moi avons passé le voyage tout les deux. J’avais raison, je me suis plutôt vite intégré. Lorsqu’on pénétra dans cet immense établissement, Ana se mêla à un groupe de filles, et moi je restais avec Stef’. Je sens, qu’on va devenir de grands amis. J’ai un don pour déceler ce genre de choses. De plus, il était franchement pas mal… Mais cessons de rêvasser, que la répartition commence ! Je me demande bien dans quelle maison je serai. Je n’ai pas de préférence particulière au fond, c’est le vieux chapeau parlant qui décidera. Mes yeux se baladèrent dans la salle, croisant un tas de nouvelles têtes. Je me collais un peu plus à Stefen. Il me sourit, je le lui rendis.
«
Axel ! Tu ris ! Alors comme ça toi aussi ?! »
Cette voix, je l’aurais reconnue entre milles. Théophile ! Incroyable ! Je me retournai, et lui sautait littéralement dessus. On parlait fort, et en même temps.
Heureux de te revoir, beau gosse ! Stef’ nous regardait, l’air penaud.
«
Oh ! Euh… Stefen, Théo. Théo, Stefen. »
Ils se serrèrent la main. Ma sœur arrivait et me fis un câlin par derrière, avant de faire de même à Théo, en couinant qu’elle a quel point elle était contente de le voir ici. A peine arrivé, et déjà entouré de trois personnes formidables. Je sens que je vais passer de bonnes années ici.
L’amour est comme le mercure. Plus tu serre la main, et plus il filera entre les doigts. «
Axel ! Arrête ça immédiatement ! »
Le col d’Amaury dans le creux de ma main, je m’apprêtais à lui refaire littéralement le portrait. Ses pieds ne touchaient déjà plus le sol, et il se débattait, en vain, d’un air pitoyable. Ma sœur essayait de m’écarter de lui, mais ce petit être blond et fragile ne pouvait rien contre moi. La raison de ma colère était bien simple : il avait défailli à la règle.
Ma règle. Celle de ne pas toucher à Ana. Toute l’école connaît cette règle, et pourtant quelques brebis égarées, que j’ai vite fait de remettre dans le droit chemin, n’y prêtent pas attention. Je me promenais, confiant, dans les couloirs de Poudlard, quand je suis tombé nez à nez avec ce petit brun, embrassant
mon Anastasia à pleine bouche. Mon sang n’a fait qu’un tour, j’ai poussé Ana et ai empoigné ce malotru pour le coller au mur. Et on en était là, Amaury gesticulant au bout de mon bras, Ana m’agrippant de toutes ses forces, me tirant vers l’arrière, et moi, la main levée. Sans même réfléchir à mes actes, je giflai le jeune homme le plus fort que je le pu, le faisant valser contre le sol, le nez en sang.
«
Allez, vas-t-en avant que je ne m’énerve, enflure ! »
Il ne bougea pas, me fixant de ses yeux de merlan frit. Je montai le ton.
«
Dégage ! »
Il se releva et partit en courant vers l’infirmerie, le sang de son nez coulant à flot dans sa main. Je pivotai doucement vers ma sœur, m’attendant à une tempête qui ne devrait tarder à éclater. Effectivement, les yeux bleus de ma jumelle me fixaient avec une haine indescriptible. Ses cheveux blonds ébouriffés par sa lutte inutile lui donnaient un air de folle allié. J’ai trouvé ça tellement mignon.
«
Tu n’es vraiment qu’un gamin, un sale gosse, un égoïste ! »
Elle avançait vers moi en même temps qu’elle parlait, si bien qu’elle se retrouva si près que je pouvais sentir sa respiration contre mon visage. Le caressait doucement sa joue avec mon doigt.
«
Je ne suis pas égoïste, au contraire. Je fais ça pour te protéger petite sœur. »
Ça, ce n’était pas très intelligent Cartwright. Si il y a bien une chose qu’elle déteste, c’est que je l’appelle ‘‘petite sœur’’. Le sourire de satisfaction sur mon visage n’arrangeait en rien les choses. Elle me poussa, je reculais.
«
Mais laisse moi vivre un peu ! J’en ai juste ras le bol, c’était la fois de trop Axel ! LA goutte qui fait déborder le vase ! »
Je n’ai jamais vu ma sœur dans un état pareil. Pourtant, nombres de garçons ont connus le même sort qu’Amaury. Elle pointa un doigt sous mon nez.
«
Et si, tu n’es qu’un morveux qui ne pense qu’à lui et pas au bonheur des autres. »
Elle baissa la main et prit un air triste. Je déteste la voir dans ces états là…
«
Tu sais quoi ? N’essaies même plus de me parler. »
Elle haussa les épaules et s’éloigna à la suite d’Amaury, me laissant seul dans ce couloir vide pour cette heure tardive. Je ne la suivrai pas. Je connais le scénario. Elle va aller le trouver, s’excusant pour moi. Mais il dira qu’il ne veut pas sortir avec la sœur d’un malade mental, ou une imbécillité dans le genre. Elle va pleurer, mais il va seulement la regarder sans rien faire. Elle va me râler dessus une semaine avant qu’on ne se réconcilie, qu’elle ne trouve un autre copain et que ça ne recommence. A chaque fois c’est pareil, perpétuellement les mêmes actions qui se produisent. Je l’aime ma sœur, et je ne veux pas la perdre. J’essaie de me contrôler, mais je n’y arrive pas, mes mains vont toute seules, sans que je leur dise quoi faire. C’est dans ma nature, je n’y peux rien et elle le sait, c’est pour ça qu’on s’entend encore bien malgré tout ça.
Je t’aime ma petite sœur chérie, comprend le bien, ne m’en veut pas…L’amour a ses raisons que la raison ignore. «
Mais c’est génial ça Théo ! »
Formidable ! J’étais tellement content pour lui ! Il vient de m’annoncer qu’il a enfin trouvé une fille sérieuse. Cela faisait un moment qu’il me parlait d’elle, se vantant qu’il avait été ‘‘sa première fois’’, qu’elle était formidable, qu’elle l’aimait, que c’était réciproque… Elle est grande, blonde, yeux bleus. Lorsqu’il l’a décrit, j’ai l’impression qu’il parle de moi version fille. Je ne l’ai jamais vu. Je ne connais même pas son nom. Qui peut bien être cette mystérieuse jeune fille ?
«
Mais tu m’intrigue quand même. Pourquoi tu ne veux pas me la présenter ? Dis moi au moins son nom ! -
Ça mon gros, ce sera pour une prochaine fois. J’attends d’être vraiment, vraiment sur. »
Hm.. C’est suspect. D’habitude, il regarde la fille, je le pousse à aller vers elle, et ils finissent généralement ensemble avant de se séparer quelques semaines après. Là, il me lance un jour ‘‘au fait, je suis avec une fille !’’ et il passe le plus clair de son temps avec elle, sans vraiment m’en dire plus. Je ne le harcèle pas non plus. Il m’a seulement dit que son prénom commençait par un A. Quelle fille je connais qui commence par un A ? Alexie ? Audrey ? Annabelle ? Alexandra ? Amélie ? Alicia ? Anastasia ? Non, pas Anastasia, cette hypothèse est totalement hors jeu. Enfin, pourquoi se casser la tête, il lâchera bien l’affaire un jour. Je mis ma main sur son épaule.
«
Au fond, fais ce que tu veux l’ami. J’ai confiance en toi. »
Je lui souris, laissant apparaître mon formidable appareil dentaire, ainsi que mes élastiques vert pomme. Il me tue cet appareil moldu, j’ai l’impression qu’il me décale les dents plus qu’il ne les replace. Quant aux élastiques, je ne compte même plus le nombre que j’en ai gobé par inadvertance, en mangeant mes repas. J’en ai avalé du latex dans ma vie… Enfin soit. Théophile me dit qu’il devait retrouver sa belle pour une nuit de folie, je lui dis que je devais retrouver mon beau. Pour la nuit de folie, je négocierai avec lui. Cela faisait quelques jours à présent que je sortais avec un dénommé Nathanaël. Rien de bien sérieux, dans quelques jours on passera à autre chose, lui comme moi. Je ne reste jamais bien longtemps en place de toute façon. J’avais de nombreuses fois essayé de « m’approcher » de Stefen, sans succès. Il craquera un jour, j’en suis sur.