pérégrinations oniriques et voyage sensoriel au milieu des brumes mystiques.
Nous interpellons les sorciers et les sorcières qui seraient amenés à lire la présente histoire. Si la magie jette une lumière nouvelle sur l'agencement de l’univers et ses lois, elle confonds les scientifiques moldus qui ne sauraient comprendre pleinement l'organisation physique de l'espace. Leur savoir et leur esprit n'est pas encore apte à appréhender pareilles connaissances, c'est pourquoi ils sont prompt à rejeter les théories des physimagiciens, ou même la réalité magique dans son ensemble, les taxant de grotesques ou d’invraisemblables. Il est de même pour les mondes que nous nous proposons de vous faire découvrir. Peut-être seriez-vous enclins à juger ce qu'il va se passer comme impossible, car votre esprit n'a jamais été confronté à pareilles choses, pourtant il existe plus d'une façon dont les choses peuvent se mouvoir, le temps peut s'écouler (si temps il y a en premier lieu) et il n'existe pas qu'un seul plan de réalité valable et pouvant être admis comme 'vrai'.
Souffle, souffle, souffle. Rouge, rouge, rouge. Basil n'en pouvait plus. Soit l'âge commençait à se faire ressentir, soir la tour avait été ensorcelée par quelque malédiction. Les escaliers n'en finissaient plus. Il s’appuyât contre le mur et tenta de reprendre son souffle. Il avait chaud, ses mains étaient moites et son front dégouttait de sueur. On était pourtant habitué aux escaliers lorsque l'on enseignait à Poudlard depuis dix-sept ans. Toutes ces tours et tous ces étages ! Basil ne s'en plaignait pas, mieux valait ça qu'installer l'un de ces ascenseurs, nouvelle révolution du ministère. Ou comment dénaturer des bâtisses centenaires et les dépouiller de leur charme en les dénaturant, en greffant d'hideuses 'modernités'. Le palpitant en prenait tout de même un sacré coup. Basil fouilla les poches intérieurs de son veston et consultât son retardateur. L'objet se présentait comme une montre à gousset. En lieu et place des trois aiguilles qui indiquaient les heures, les minutes et les secondes, il n'y en avait qu'une qui trottait doucement. Le cadran était scindé en deux parties égales. L'une était blanche, l'autre noire. La zone blanche indiquait que le porteur était à l'heure, ou que, du moins, il avait encore du temps à perdre. La zone noire elle servait à indiquer lorsque l'on était en retard. On devait cette invention à un belge, un certain Greulon Van Damned, ou Van Darme, qui l'avait élaboré au XVIIIème siècle. On ne doute pas que l'appareil aurait été fortement populaire s'il n'avait pas été accablé d'un défaut de conception dévastateur. En effet, le sort qui enchantait l'objet étant très instable, neuf retardateur sur dix explosaient lorsque l'aiguille atteignait la zone noire au lieu de donner un simple signal auditif pour interpeller leur propriétaire. L'affaire avait fait scandale, d'autant plus qu'une frauduleuse histoire de pot de vins avait été mis au jour concernant l'inspection des normes et de la sécurité des enchantements. Heer Van Damned, ou Van Darme, avait été ruiné par l'affaire, autant financièrement que socialement, et l'on n'entendit jamais plus parler du Retardateur. Les quelques rares exemplaires qui restent en circulation chez les antiquaires ou sur le marché noirs sont des artefacts très dangereux pour la sécurité du possesseur et on ne saurait qu'avertir quiconque veut en obtenir un de prendre garde à ses désirs. Quant à savoir pourquoi Basil Digglewit en possédait un exemple, la question ne se pose même pas. Les gravures et le travail d'orfèvre à lui seul vaut le coup de risquer une explosion et comme il l'avait si naïvement dit à son revendeur, Tachel Orgott, petit receleur sous le manteau sans aucune importance quelconque pour cette histoire, « la Beauté est toujours dangereuse ».
Présentement l'aiguille approchait dangereusement de la zone noire. Basil pesta. S'il n'arrivait pas à temps, Gordon serait contraint d'effectuer le rituel sans lui. Il ne le ferait pas par mesquinerie, mais lorsque les brumes vous brouillent les sens il est fort difficile de lutter contre leur appel. Basil ne pouvait ni ne devait s'exposer au rite sans un guide. Il était si facile de se perdre dans les intras-mondes qu'un profane ne pouvait s'aventurer sans un initié. Non pas suivre la Voie, mais suivre le Guide, telle était la règle. Un faible spasme agitait la main du professeur. Il le remarqua et fronça les sourcils. Gordon l'avait prévenu qu'une exposition trop fréquentes aux fumées pouvaient se révéler extrêmement dangereux dans certains cas. Des sorciers, rongés par la dépendance, c'étaient perdus dans le brouillard. Allons allons, Basil tenta de se rassurer en ce disant que là n'était pas le signe d'une addiction, mais plutôt une fébrilité dû à sa course, ou à sa bouteille de vin quotidienne qu'il n'avait pu boire, pressé par le temps. Il s'humecta les lèvres et rangea son retardateur. Il devait se dépêcher. Il inspira un bon coup, pris son élan, et se jeta sur les marches devant lui. Son pieds glissa sur une crevasse lisse creusée dans la marche par le temps et les milliers de pas qui l'avaient foulé. « Sacré nom de-- » Il retrouva son équilibre. On recommence. Il inspira un bon coup, pris son élan, et se jeta sur les marches devant lui. Alors qu'il escaladait la tour aussi vite qu'il le pouvait, l'horloge de l'école sonna huit heure du soir.
***
Pantelant légèrement dans le couloir, Basil se traînait en direction du bureau de Gordon. Plus il avait progressé dans son ascension de la tour, plus les sons rapide de percussions s'étaient amplifiés. Il avait d'abord cru que c'était son cœur qui tambourinait frénétiquement contre sa poitrine, menaçant d'exploser sous l'effort, puis la chose se fit claire. Gordon avait entamé les percussions sacrées. L'avis académique de Basil en ce qui concernait les percussions se positionnait ainsi : elles étaient grossières et primitives. Grossières car elles ne requerraient aucune techniques, aucun raffinement et aucune sophistication, il suffisait de marteler un peau tendu. Mais primitives car elles avaient la puissance de convoquer chez chacun l'être premier et animal qui sommeillait en eux. Les percussions nous révèlent à nous-même. Les palpitations du tambours sont entêtantes et les pensées sont écrasées par les cris rauques et bestiaux qui résonnent jusqu'au tréfonds de nos os. Basil sentait les vibrations de l'instrument le pénétrer. Elles avaient entamé le processus d’ascension de son esprit. Transis et marchant presque solennellement, Basil s'approcha de la porte qui barrait le chemin jusqu'à l'antre de Gordon. Par delà le panneau de bois, qui pouvait savoir ce que l'on verrait. C'était un ailleurs inséré dans le dedans, un monde à part entière. D'épaisses volutes de fumées s'échappaient de l'interstice de la porte. Un odeur âcre et épicée régnait dans le corridor. Il ne manquait plus que le concierge passe pour croire que des première années avaient encore commis un sale coup. Basil ouvrit la porte, il ne prit pas la peine de frapper, il se savait attendu et de toute manière le concert de percussions aurait masqué un pet de troll. Devant lui se dressait un rideau de brume opaque. La fumée s'entortillait par endroit pour former des tourbillons dansant qui se coloraient vivement, tantôt de rouge tantôt de mauve. Les bruits de tambours, plus puissant que jamais, étaient les pas lourds de quelques colossales créatures. Basil s'engagea dans le brouillard hallucinogène. La porte se referma d'elle-même derrière lui. Déjà il sentait sa cervelle bouillir sous son crâne lourd, déjà il sentait sa vision se tordre, déjà il sentait sa bouche s'assécher et sa peau le brûler. Il se déplaça à l'aveugle dans un monde qui n'était plus qu'un fumigène colorée, comme si le sol sur lequel il marchait n'existait plus. Il y eu alors une éclaircit dans les nuages psychédéliques. Se dessina petit à petit les contours des choses et des objets. Son esprits commençait à vagabonder mais son corps était bien là. Il se trouvait désormais au centre de la pièce.
Soudain, les clignements de paupières devinrent les volets de la fenêtre du nouveau monde. Dans leurs ouvertures, de beaux présages s'alignaient.
La peau de chèvre amortissait les lourds impacts de Gordon. Sa paume pilonnait les tamtams sans relâche. Une transe grondait en lui, les vibrations raisonnaient ; sa cloche intérieure s'activait. Aussi puissants que ces coups sur la fibre animal, s'ajoutaient des cris qu'il hurlait en cadence, ses gestes étaient des explosions.
Le rite avait commencé. Il ne se résumait pas à cette lamentation de piaillements et de percutions, il était aussi accompagné de la vapeur qui émanait du chaudron disposé au centre la pièce. Il enfermait des roches indiennes, qui soumises à la température de 451 degrés Fahrenheit, libéraient une mer de vapeur dans la pièce. La salle du professeur de divination devenait un hammam dont le produit gazeux s'embourbait dans tout les coin d'air disponibles. Les détails disparaissaient, les étagères remplies de souvenirs de voyages sombraient dans l'oubli de la brume. Il ne restait plus qu'une buée pesante verte dont les faibles remous dessinaient des ombres et reflets.
Le rendez-vous était fixé depuis des semaines, Gordon ne pouvait se pliait au retard de son acolyte. Le voyage ne pouvait attendre plus longtemps, les vapeurs des roches déclenchent des évanouissements si elle ne sont pas propulsées par l'incantation. Aussi, la consommation des minéraux est accéléré si aucun sort n'est lancé dessus. Cette roche est précieuse, elle est la source d'univers sans limite, l'extraction d'une idée dans ce monde psychotrope créée par la fumée délivre une image nette et précise. Tout cela pourrait paraître confus, il n'en ai rien : Le pouvoir de ces fragments de roche est tel que les plus grand sorciers cultivent une imagination sans bornes, la fumée qui inondent la pièce finit par se dissiper aux yeux des pratiquants et alors un monde construit par l'esprit se monte devant eux.
Les mages indiens ancestraux avaient du descendre dans l'obscurité de l'océan pour récupérer cette ressource rare ; c'est cinquante mètre sous nos pieds, où la noirceur règne, que résidait la roche volcanique qui délivre la lumière lors du rite indien. Les 451 degrés, révèle la lumière accumulait de millions d'années, les songes deviennent visions.
Quand la vapeur avait suffisamment englouti sa salle de cours, Gordon savait ce qu'il lui restait à faire : réciter la formule qui délivrera le monde impérissable habitant la roche indienne. Le grand saut pouvait commencer, seul le refroidissement du chaudron pourrait ramener les sorciers à la réalité. Quelques ancêtres s'y étaient plongés pour l'éternité quand le monde ne leur suffisait plus. C'était un refuge contre la dépression pour certains, pour d'autres, comme Gordon et Basil, c'était le moyen de s'abandonner quelques heures pour frôler l'infini. Ils aimaient tout deux se rencontrer le soir, pendant que le monde sommeillait, ils s'essayaient au Nirvana sorcier.
« Tutu Guri Ada Fori Aom Aom Metamorphosis Est Silva ! »
L'incantation débutait quand une ombre hésitait dans le brouillard, Basil avançait à tâtons difficilement. Gordon s'agrippa à son épaule, et lui murmura : « Tu as bien failli rater le train, tu arrives tout juste à temps » Ils étaient deux masses grisâtres dans l'atmosphère opaque, il s'assirent sur leurs fauteuils respectifs.
C'est alors que le parquet fut absorbé dans le sol. Des grains de sable recouvrirent toute la pièce, les murs disparurent pour ne laisser qu'un néant blanc. Un paysage naissait depuis les tréfonds de la Terre, dans une contraction lithosphèrique jaillissait un océan rose. Des vagues venaient se rompre sur des rochers de glace à proximité des deux hommes. Le décor s'affirmait comme des coups de pinceaux sur une toile. Gordon et Basil avait quitté Poudlard, en tout cas leurs sens en étaient persuadés. Deux lunes s'allongeaient dans les eaux pourpres, Gordon pointa du doigt le sol et une malle sortit dans un spasme de sable. Il en sortit une paire de soleils miniatures.
« Je te laisse choisir notre première destination Basil, tu connais la grande matrice de diamant liquide, elle cédera à ton rêve de voyage »
Made by Neon Demon
Dernière édition par Gordon Govinda le Dim 25 Sep - 0:07, édité 1 fois
pérégrinations oniriques et voyage sensoriel au milieu des brumes mystiques.
Devant lui lévitaient les deux globes stellaires, leur douce lumière irradiait son visage. Des gouttes de sueur s’amoncelaient sur son front, si le monde physique et empirique qu’ils avaient quitté n’avait plus cours dans leur perception hallucinée il avait toujours un effet sur eux. Les vapeurs du hammam mystique affectaient toujours leur corps, aussi il n’était pas rare pour les voyageurs oniriques de sortir de leur transe en nage alors qu’ils n’avaient pas eu conscience de la chaleur ou la sensation de suer. Sans dire un mot, Basil approcha ses mains de l’astre de droite. Ses doigts ne tremblaient pas et il semblait de pas avoir peur de saisir l’orbe. La chaleur qui s’en dégageait était tout au plus tiède. Il saisit l’étoile et la lumière clignota. Le soleil vrombit et gronda, sa couleur vira au bleu et s’intensifia en un flash lumineux aveuglant. Une ombre fut jetée sur le décor qui les entourait, ils étaient comme engloutit dans les ténèbres, de retour au Néant. Le soleil s’agitait toujours dans les mains de Basil, une tâche noire apparaissait progressivement au centre du globe luminescent. Il fallut attendre quelques secondes avant de pouvoir distinguer une pupille sombre. L’œil roula et fixa son regard sur Basil. Celui-ci s’éclaircit la gorge.
« Ô, Cyclope de Lumière, Gardien de la Porte, nous demandons droit de passage. Nous assurons que nos cœur sont purs et nos intentions honnêtes, que notre quête est celle de l’Illumination. »
Il y eu un moment de flottement où l’œil-Soleil du Cyclope examina les deux comparses. Basil jeta un regard en coin en direction de Gordon, afin de s’assurer qu’il avait prononcé la bonne formule. La lumière clignota une nouvelle fois et l’orbe se remit à vibrer. Cette fois-ci elle enfla considérablement, forçant Basil à lâcher prise. L’œil gonfla et gonfla, surpassant les deux hommes en taille, et l’iris s’écarquilla. Le disque noir, immense et intangible, était un portail vers un autre monde. Il est vrai que l’esprit des deux compagnons s’était déjà déplacé dans une autre dimension en quittant Poudlard, mais l’espace où ils se trouvaient présentement n’était qu’une antichambre, un espace vacant entre les réalités, c’est-à-dire nulle part. La vraie destination se trouvait par-delà l’œil du Cyclope. Basil était excité. Il aller pousser une nouvelle fois la porte des intra-mondes. Il ne pouvait remercier assez Gordon de lui avoir montré le chemin vers cet ailleurs enchanteur, si beau et si pur que l’on douterait de son existence. Pourtant ces mondes étaient bien là, entre les interstices de la réalité telle qu’on la percevait éveillé. Gordon, en mystique, en savait plus sur la gnose magique comparé à un profane comme Basil. Ce qu’il savait était ce que Gordon lui avait dit : les fumées hallucinogènes des pierres volcaniques étaient utilisé dans les rites des yogis et mages hindou afin d’extirper l’âme hors de sa prison corporelle. Pourtant Basil savait que la chose était également possible sans le rite ou le psychotrope car ce qui se trouvait derrière le rideau de l’Œil s’était le monde que les artistes, les grands Artistes, avaient visité dans leur fièvre créatrice. C’était de là que venait la splendeur et le magnifique. On s’arrache au monde en rêvant frénétiquement et l’esprit, emballé par sa propre course, s’égare. Il échoue là où les belles idées prennent formes, il échoue dans le monde du Beau. La seule différence entre les artistes et les yogis était que les premiers se retrouvait dans les intra-monde au hasard de leur envolé créative et pouvait, à leur plus grand désespoir, ne plus en retrouver le chemin, quant aux autres, ils détenaient le savoir qui permettait de s’y rendre quand bon leur voulait.
Basil lança un regard à Gordon. « On se retrouve de l’autre côté ». Il s’avança sans hésitation vers l’iris dilatée et la traversa. Il n’y avait aucune barrière physique, simplement une surface noire qui se troubla comme de l’eau.
***
Basil ne ressentit rien et n’avait aucune idée du temps qu’avait pris la traversée. Il avait repris conscience dans le noir complet. Quelque chose clochait. Il sentait faiblement le monde se matérialiser autour de lui, comme l’écho lointain d’une sensation fantôme. Il agita des bras qu’il ne pouvait pas voir et presque pas sentir. Un sentiment effroyable s’empara de lui. Il avait l’impression d’être une conscience sans corps, une idée dans le Néant. Il sentait pourtant un faible frottement rugueux sous ses doigts. Une matière. C’était un début. Quelque chose semblait lui barrer la route. Il gratta l’obscurité. Quelques coups de bras suffirent à creuser une fenêtre de lumière infime. Il se rendit alors compte qu’il était sous terre. Basil concentra ses efforts autour du point lumineux pour élargir la lucarne. La panique le faisait redoubler d’efforts. Lorsque le trou était assez large, il s’extirpa des entrailles de la terre. La peur qui l’avait saisi fit place à la confusion. Il se trouvait au milieu d’une plaine aride au sol pourfendue de craquelures. Le désert s’étendait sur plusieurs kilomètres. Un peu plus loin on voyait les dos voutés des dunes. Le paysage désolé était loin du cadre luxuriant et bizarre des autres mondes. Le décor changeait constamment, c’est vrai, mais jamais encore les compères ne s’étaient retrouvés dans un monde mort. Quelque chose n’était pas nette. Que s’était-il donc passé ici ? Basil avait-il choisis le mauvais soleil ? Le Cyclope les avait-il éconduits ? Les questions se foulaient dans la tête de Basil. Il fit volteface, afin de guetter la sortie de Gordon du terrier, peut-être pouvait-il éclairer le mystère qui entourait la situation, mais quelque chose d’autre interrompit le fil de sa pensée. Non loin de là, une gigantesque crinière blanche émergeait des sables. On arrivait à distinguer le museau du cavalier mais le reste était engloutit par le désert. A quelques kilomètres derrière se dressait une reine noire, d’une taille colossale. L’incompréhension de Basil se renforça à la vue de ces pièces d’échec colossales. « Épatant ! »
Pat : Impossibilité de bouger le roi en position d'échec. La partie ne peut être terminée.
Gordon courrait vers Basil pour le retenir, mais déjà, les talons du sorcier franchissaient le bord de l'oeil géant. « On se retrouve de l'autre côté »
Trop tard. Basil était parti, il s'embourbait dans les tréfonds inconnus : le tropique du cyclope. Gordon avait oublié de préciser que la couleur de l'iris était primordiale. Elle était un indicateur, un droit de passage. Les esprits défunts n'aiment pas être contrariés, Basil tombait dans un monde où il ne serait plus maître, il serait esclave des visions que l'on lui imposeraient. Les plus habiles s'étaient perdus dans le mauvais monde du cyclope. Non, ce n'était un labyrinthe qui allait torturer Basil. L'iris rouge sang de l'oeil que n'avait pas vu Basil, était un gouffre mental. La physique et la logique de ce lieu renversa jadis les esprits les plus forts, cette fois c'était un professeur d'art qui en serait la victime. Gordon bouillait. Il fallait agir vite. Il ne pouvait laisser son ami seul. La roche indienne allait s'éteindre dans une poignée d'heures, c'était largement suffisant pour permettre de détraquer l'esprit de Basil. Tant pis pour eux. Gordon suivi son collègue, à deux ils avaient certainement d'avantage plus de chance de s'en sortir.
***
Notes sur la roche volcanique. Retour du douzième saut depuis les limbes indiennes. Février 1949
"Quand vos visions dans l'autre monde vous soumettent des épreuves, quand vos esprit s'amenuisent. Concentrez-vous sur les points qui permettent de vous délivrer : vos sens. Persuadez-vous au plus profond de votre être que tout est faux, que tout est une illusion provoquée par vos sens. Mettez-y toutes vos forces. Alors seulement, vous pourrez espérer être délivré."
Lama Madabanva
***
Gordon avait orienté ses pensées dans l'accélération. Les étoiles devinrent des fils de néons, des sons graves débordaient de leurs couleur blanche. Il sentait la lumière en tant que matière sur son corps, chaque photon percutait ses membres. Les étoiles le cramaient, le fouettaient, sa peau pelait, la souffrance le guettait. Telle une comète traversant l'atmosphère de notre planète, Gordon laissait une chevelure argenté derrière lui. Sauf que ce n'était ni de la glace, ni de la poussière qui s'en allait dans son dos, c'était son épiderme. Après, se fut ses intestins, son pancréas, de multiples morceaux d'organes improbables qui continuèrent à s'en aller. Très rapidement il n'était plus qu'un squelette en convulsion ; un puzzle assemblé d'os qui voyageait dans l'espace. Après, il ne fut plus rien.
Gordon avait atteint le stade de non-être. Il n'était plus qu'un semblant de flaque translucide qui oscillait légèrement la vision de ses semblables. Aux yeux des vivants, il n'existait presque plus. En somme, il se transformait en esprit errant. Dans sa décomposition, Gordon espérait que Basil n'avait pas été soumis à ce maléfice, ou pire encore qu'il n'était pas mort de peur face à l'apparition d'une entité qui dépasserait les limites de son imagination. Sa vitesse ralentissait, il n'était plus très loin du lieu où devait se situait Basil. Son objectif était simple, il devait le retrouver au milieu de se désert et quitter l'oeil du cyclope.
Les yeux de Basil. C'était la première chose qu'il vit dans ces dunes à perte de vue. « Épatant ! » Gordon craignait que Basil soit aveuglé par les visions de l'échec. Quelques chose sous les pièces géantes vibrait, le monde était sur le point de basculer. C'était beaucoup trop calme, plus rien ne pouvait rassurer l'esprit de Gordon.
À plus de cinq cent mètres de là, un fou géant perçait les tonnes de sables, les dunes gigantesques étaient maintenant réduites à des vaguelettes au pied de la pièce de l'échiquier. Au loin, nous pouvions discerner des tentacules se décupler sur la tête du fou. Son scalpe se déformait et laisser sortir les bras du Kraken qui se logèrent violemment dans le sable. Le fou se mit alors en rotation, la tempête de sable prenait alors la tournure d'un raz-de-marée saharien, le vent se métamorphosait en onde paralysante.
Gordon, inobservable, était à côté de Basil, il hurlait : « ... » Rien. Aucun son, aucun lien ne pouvait s'établir entre les deux sorciers. Il essayait de bouger devant son compère, lui indiquer un abri. Rien ne fonctionnait. Il fallait fuir, ils allaient mourir dans le monde psychotrope. Il n'y a rien de pire, quand le corps est vivant et l'esprit est mort ailleurs, alors, aucune paix n'est possible. C'est l'errance totale pour l'éternité entre la vie et l'abime du non-sens.
Dans ses mouvements, Gordon se focalisait sur les paroles du Lama Madabanva: tout cela n'est rien d'autre qu'une vision, il fallait se convaincre que le corps pouvait à nouveau naître. Peut-être était-ce la vue de la vague de sable qui s'approchait dangereusement, mais Gordon réussit à créer une masse d'énergie. C'était en quelque sorte, un placenta cosmique fait de matière d'esprit. Il allait en sortir et reprendre une forme physique, c'était la seule solution. Il luttait pour son propre accouchement. Son bras se formait et perça la paroi du placenta. Il s'empressa de lâcher son soleil miniature qu'il avait garder dans sa main, il fallait déguerpir ailleurs et vite. Sa naissance se poursuivait, son buste et son cou sortirent à leur tour et ses cordes vocales se créèrent. Ils allaient pouvoir sortir d'ici.
« Sphère d'étoile. Fragment de soleil. Enrobe-nous, moi et Basil t'implorons, nous te vénérons. Emmène-nous au Jardin d'Eden-Cascade, Apporte nous ta protection et refais mon corps. »
La petit sphère tourna dans un sifflement strident autour de nos deux héros. Elle engloba les deux hommes dans une boule grise transparente, ils commencèrent à léviter doucement. Gordon reprenait partiellement forme, il était un fœtus de taille adulte. Son corps dénudé nous livrait une peau flasque enrobée d'une glu transparente. Il était en vie et Basil aussi. Quand la vitesse de la boule fut suffisamment élevée, ils disparurent tout les deux dans un fracas, la vague de sable s'écrasa peu à près sur leurs empreintes.
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Dernière édition par Gordon Govinda le Dim 25 Sep - 0:08, édité 1 fois
pérégrinations oniriques et voyage sensoriel au milieu des brumes mystiques.
La bulle s’éleva dans les airs et se mit en rotation. Muet, Basil fixait avec des yeux vides un point imaginaire devant lui. Il essayait de comprendre ce qu’il s’était passé à l’instant. L’ins-temps. Le temps, on le sait bien, est quelque chose de relatif. Ici, le temps était quelque chose de capricieux, il pouvait vous léser dans sa course et vous abandonner derrière lui sans vous attendre. Le temps avait son court qui lui était propre. Qui lui était pop. Pop. C’était ce qu’il c’était passé pour Basil, oui. Pop. Paf. Bam. Boum. Sa perception de la réalité temporelle avait été distordue. Lorsque vous marchez dans une rue et que vous entendez soudainement un vacarme effroyable derrière vous, vous vous retournez pour voir, à votre grande surprise, une calèche-sans-cheval en ayant emboutie une autre, ou un gobelin étalé le crâne ouvert aux pieds d’une vieille dame. Vous ne savez pas ce qu’il s’est passé parce que ‘ce qu’il s’est passé’ a eu lieu lors de ce vacarme, alors que vous ne regardiez pas. En revanche il est facile, en observant la scène, de déduire ce qu’il s’est passé. Un conducteur a perdu le contrôle du sombral et les calèches se sont donc rencontrées. Un gobelin a voulu voler le sac d’une vieille dame il s’est alors fait marteler le crâne avec celui-ci. Limpide. Pour Basil, tout ce qui s’était passé était un grand vacarme visuel, le temps avait eu un sursaut et il se retrouvait là, à léviter à plusieurs mètres au-dessus du sable et il n’y avait absolument rien pour lui permettre de retrouver le fil. Réfléchissons. Réfléchissons. Réfléchissons. Nous lévitons. Oui, c’est déjà une chose. Si nous lévitons, c’est grâce à Gord-on ? Ce devait surement être ça, seul Gordon aurait eu les connaissances nécessaires pour manipuler les forces mystiques de ce monde. Mais où était-il ? Basil ne l’avait pas vu dans les dunes. Ou était donc Gord-- « FOUTRE MERDE ! » Le regard de Basil s’était posé sur la créature albinos qui se tenait à côté de lui. Il fut saisit d’un haut le cœur visuel. Quelle était cette horreur ? Plus que de la terreur elle lui suscitait un affront esthétique. Comment pouvait-on être aussi laid ? La chose était grande. Non, étirée. Des jambes maigres, un corps boursouflé et bosselé, une peu laiteuse et suintante. Gordon avait déjà mentionné l’existence des dévorêves, parasites cauchemardesques qui infestaient certaines parties des intras-mondes et se régalaient des esprits trop aventureux qui se perdaient dans leur repère ténébreux, mais jamais encore Basil n’avait vu pareil créature arpenter les royaumes oniriques. « ARRIÈRE, HIDEUR ! » Gardant ses yeux fixés sur la créature pour s’assurer qu’elle n’allait pas se jeter sur lui, il tira sa baguette de l’intérieur de sa veste et la pointa en direction du monstre. « OU EST GORDON ? RÉPONDS, VILAINE CRÉATURE ! » La voix de Basil, jetée à gosier déployé, se réverbérait sur les parois de la bulle. Celle-ci continuait sa rotation et tournait de plus en plus vite. Une bourrasque de vent agita la bulle. Basil faillit trébucher. Détournant son attention du monstre, il tenta d’observer les parois de la bulle. Il craignait que ce qu’il avait initialement pris comme un sort de protection ne se transforme en prison. Peut-être le monstre l’avait-il enfermé dans son cocon translucide pour le dévorer. Peut-être était-ce le sort qu’avait également subis Gordon. L’esprit de Gordon s’emballait. Non, l’esprit de Basil s’emballait. Il ne savait plus. Les choses…tournaient…vites…. L’intérieur de la bulle s’était mis à tourner au même rythme que la coquille. Basil se sentait mentalement nauséeux. Que se passait-il ? Il y eu un craquement au-dessus d’eux. Basil leva les yeux. Les parois semblaient se rapprocher. De l’extérieur on pouvait voir la sphère se recroqueviller sur elle-même. « CESSE TON VIL MALÉFICE, DÉMON ! » L’habitacle se rapetisser dangereusement, bientôt ils seraient tous les deux écrasés par la bulle. Basil céda alors. Il effectua un mouvement du poignet et lança un sort informulé en direction de la créature, si celle-ci était neutralisée peut-être pourrait-il s’extirper de la coquille et trouver Gordon. Le sort ne partis point. Un filet de fumée jaune s’échappa du bout de sa baguette et le bois commença à se teindre de vert. La pointe de l’objet commença à s’incliner puis devint complètement flasque et pendait maintenant au bout de la main de Basil. « Merlin me damne ! » A ce point, ce disait le professeur d’art, la situation ne pouvait empirer. Perdu dans les limbes oniriques, à la merci d’un dévorêve pustuleux, son ami absent et sa baguette molle, c’était sans espoir.
A l’extérieur, le kraken, fier de son coup, attendait impatiemment la réponse de son adversaire. S’il avait bien calculé, le roi ennemi serait mat dans trois coups. Mais le scorpion tardait à bouger son pion, lui qui jouait pourtant de manière impulsive. Les tentacules frétillants d’impatience, le céphalopode géant se demandait ce que l’autre pouvait bien faire. Tapis dans le sable, le scorpion observait avec attention les deux petits êtres qui lévitaient au-dessus de l’échiquier, emprisonné dans une goutte d’eau. La goutte devenait de plus petite. Le scorpion claqua des pinces. Qu’importait le jeu, il guettait le moment où il pourrait se repaitre de deux dévorêves exquis. La goutte rapetissa et rapetissa encore et éclata alors dans un bruit pâteux. Les deux voyageurs avaient glissés dans un autre demi-monde.