« In time of need, it is our friends who help us to ease the pain and who help us to look toward the future. » Tony Garza.
La nuit du premier avril 1981 était gravée dans tous les esprits des sorciers. C'était il y a un peu plus d'une semaine, c'était un événement encore récent. Je n'avais rien écrit pour le journal depuis, tant j'ai été choquée par ce qu'il s'est passé ce soir là. Le marché nocturne ne s'était pas déroulé comme il se le devait, comme il l'était prévu. C'est la terreur et l'horreur qui a prit place ce soir là. C'est l'inquiétude, le danger, la peur qui nous avons tous côtoyé ce nuit là. Le marché nocturne a pourtant toujours été un énorme moment pour nous tous. C'était un événement devenu important pour nous sorciers, chacun venait pour profiter, pour s'amuser, pour vivre cette expérience. J'y avais vu beaucoup de mondes, des adultes, des enfants, des élèves de Poudlard, des professeurs… Tout le monde y prenait part, c'était comme une de ses traditions qui nous tiennent tous tant à cœur. C'était une occasion, surtout pour nos étudiants de Poudlard, qui pour la première fois on eut le droit d'y prendre part, alors que ça se tenait le soir. Quand je m'étais rendue au marché ce soir là, j'avais vu des tas de sourires sur leurs visages, c'était vraiment beau à voir. Et pourtant, ce fut la pire des soirées que nous ayons connus jusqu'ici. Le marché s'est vite transformé en terrain de jeu pour nos pires ennemis. Des cris se firent entendre. J'entends encore le bruit, l'affolement, le cri d'une femme… C'était horrifiant. Les mangemorts avaient choisis cette nuit de marché pour nous attaquer tous. C'était la première fois que ça se passait comme ça, si mes souvenirs sont bons. J'ai eu cette impression soudaine que le ciel s'effondrait et que tout devenait plus sombre que la nuit. C'était vraiment effrayant. La présence de mangemorts ne rassurait personne et cette histoire ne me plaisait pas du tout. Je n'arrivais pas encore à comprendre pourquoi c'était arrivé et j'avais du mal à accepter les conséquences de cette attaque puérile. Des nombreuses personnes y ont perdu la vie et rien que d'y penser, ça me fendait le cœur. Les membres de l'Ordre, nous étions là en partie, et nous avons fait tout notre possible pour qu'il y ait le moins de dégâts possibles, mais quand l'angoisse prend le dessus, on peut vite perdre nos moyens. Je me souviens avoir discuté avec Erza juste avant que ça n'arrive. Cette foutue attaque… J'aurai tellement aimé pu faire bien plus que ce que je n'ai pu faire. Quand c'est arrivé, j'ai cru voir le monde s'engouffrer dans les ténèbres...
Je repensais à tout ça, assise à un table dans un coin des Trois Balais. Je buvais une boisson chaude pour me détendre un peu, mais ça n'était pas simple, surtout que le bar avait été partiellement détruit et que ça se ressentait dans l'ambiance, malgré les réparations. J'étais venue ici pour retrouver Cleora. Je lui avais donné rendez vous, pour lui parler, parce que je savais qu'elle était présente lors de l'attaque et vu qu'elle était vendeuse, j'ose à peine imagine la frayeur qu'elle a du avoir lors de cette attaque alors qu'elle était là installée dans les ruelles avec ses affaires. Cleora était une fille formidable. Louison l'avait aidé quand nous étions étudiants et aujourd'hui c'était à mon tour de prendre de ses nouvelles. Avec l'attaque, rien n'était facile pour personne. Nous devions rester sur nos gardes. Ce n'était pas simple de retrouver une vie normale, j'avais délaissé mes articles en attendant que les choses se calment, je n'avais pas envie de me retrouver entre les pattes de Vous savez qui et de ses partisans avec mes papiers engagés. Et puis, j'avais surtout envie de revoir tout mon entourage parce qu'il me manquait et que j'avais besoin de savoir comment il allait. J'avais revu Ebony, Lumen et Nathan. Maintenant, j'allais revoir la jolie Cleora et ensuite j'irai faire un tour à Poudlard pour voir les professeurs. Il faut aussi que je passe voir Dumbledore.
J'attendais Cleora avec impatience, repensant à cette terrible nuit, les yeux humides par l'émotion.
Il ne s'était même pas écoulé une dizaine de jours depuis l'attentat. Oui, j'osais employer des mots qui faisaient trembler les gens et effrayaient les politiques : l'attaque de Pré-au-Lard était un attentat. Les mangemorts s'en étaient pris à des innocents, détruisant et tuant pour faire valoir leurs idées rocambolesques. Même le Daily Prophet n'avait pas osé utiliser ce mot, certainement par peur de représailles. Personne ne levait la voix contre cette propagande à demi-voilée de Vous-Savez-Qui pour démontrer que les sang pur étaient supérieurs au reste du monde. Et en attendant, des innocents y laissaient la vie.
Cette soirée-là resterait gravée dans ma mémoire, je n'en doutais pas une seule seconde. Je venais de faire un crochet par Honeydukes pour acheter des suçacides en profitant d'une accalmie dans la boutique, puis j'avais rapidement rejoint mon stand. Pour l'occasion, j'avais exposé certaines de nos plus belles créations à l'extérieur de Gaichiffon. Nous avions plutôt vendu des accessoires, surtout auprès des élèves de Poudlard qui n'avait pas les moyens de prendre bien plus. Je présentais un châle de soie au motif d'ellébores quand la première explosion s'était faite entendre à l'autre bout du village. Les cris avaient vite suivis.
Dans la panique, j'avais réussi à réunir une vingtaine d'élèves et quelques sorciers, et nous nous étions réfugiés dans la boutique, baguettes en main. Grâce au réseau de cheminées, j'avais averti Ethan et il était arrivé avec du renfort. Je faisais partie des chanceux : les mangemorts n'étaient pas arrivés jusqu'à Gaichiffon. Mais lorsque j'étais sortie, j'avais vu le feu qui mourrait aux Trois Balais et les débris dans les rues. Les médicomages étaient déjà là, à apporter les premiers soins sur les sorciers, souvent jeunes, dont les plaintes ne se taisaient pas. Plus loin, un drap recouvrit le visage d'une victime. J'avais manqué défaillir, mais me morfondre n'aurait rien changé.
Alors j'avais aidé. Ce soir-là et les jours suivants, j'avais aidé les commerces touchés à se reconstruire. C'était la magie qui avait fait le plus gros du travail, mais certaines choses ne partaient pas. L'aura de magie noire en faisait partie. Je la sentis tout de suite en entrant aux Trois Balais. Le bar était vide, ou presque, et l'air était lourd. Au-dessus du bar, là où le sort avait touché l'étagère, le métal restait incandescent. Il allait falloir le remplacer pour ne pas contaminer tous les flux de magie du lieu.
Je me dirigeais vers mon amie Alisson assise dans un coin. Au passage, je demandais au barman de m'amener un café serré pour surmonter cette nouvelle journée difficile. Lorsqu'on travaillait à Pré-au-Lard, on n'avait pas le loisir de pouvoir oublier. C'était aussi pour ça que je voyais Alisson aujourd'hui. Elle était au marché ce soir-là, je l'avais aperçue un peu plus tôt alors que j'étais occupée avec une cliente. J'avais été rassurée de savoir qu'elle n'avait rien eu, et j'avais accepté son invitation sans hésitation. Si elle avait besoin d'une amie, j'étais là pour elle.
« Hey. », la saluais-je doucement en m'asseyant.
Le serveur vint me porter mon café et je le remerciais d'un hochement de tête. Je remarquais sans peine la tristesse dans les yeux de mon amie. Si l'événement m'avait bouleversée, ce n'était rien comparé à elle apparemment. Elle s'était retrouvée au coeur du chaos, elle avait vu l'attaque, contrairement à moi qui n'avait constaté que les dégâts ensuite. Je posais ma main sur la sienne et la serrais doucement.
« Est-ce que tu as dormi un peu au moins ? »
Je n'allais pas lui demander si ça allait. Ça n'allait pas. Ça n'allait pour personne. Mais jamais je ne laisserais ces pourritures gâcher la vie ou la santé de mes amis. Ils auraient à me passer sur le corps avant. Les mangemorts m'effrayaient moins que le visage pâle d'Alisson et ses cernes noires. Je n'avais pas l'habitude de la voir ainsi, elle qui était toujours si apprêtée et souriante. Je sortis une confiserie de ma poche, sa préférée, et la lui tendis.
« In time of need, it is our friends who help us to ease the pain and who help us to look toward the future. » Tony Garza.
Je terminais mon premier café en attendant Cleora. J'en commandais un second, adressant au barman un regard sincère de compassion. Lui non plus n'avait pas l'air en forme. Nous étions tous fatigués, j'étais exténuée. Je pense que ça se voyait sur mon visage, mais qu'importe, ce n'était pas important. Ce n'était plus important après ce qui c'était passé. Ce qui comptait en ce moment le plus, ce sont les victimes de cette terrible attaque, mes proches, les personnes en dangers, les blessés, les familles, les sorciers inquiets. Les mangemorts s'en étaient pris à nous tous, dans le but de semer la terreur et de nous affaiblir. Et ça semblait fonctionner, malheureusement. Nous ne nous étions pas encore réunis entre nous, les membres de l'Ordre. Peut-être qu'il nous fallait un peu de temps pour digérer, pour réfléchir à tous ça, mais je sentais qu'il fallait vite agir. Il ne fallait pas que nous nous laissions nous submerger. Sinon une autre attaque allait avoir lieu. Nous devions faire quelque chose, que cela cesse. J'étais angoissée à l'idée que ça recommence oui mais je n'avais pas le droit de me laisser aller, j'étais responsable de la sécurité avec l'Ordre et je devais être forte pour qu'on arrive à faire quelque chose. J'allais écrire un article, même si c'était dangereux. Je devrais en toucher quelques mots aux membres de l'Ordre, voir ce qu'ils en pensent et ensuite j'aviserais. J'allais contacter Ezra, lui était près de moi lors de l'attaque et nous avions vu la même chose, je pense que c'était la solution.
Écrire pour dénoncer. Écrire pour survivre. Mais je ne pouvais pas faire ça comme ça, il fallait être plus intelligents que ces êtres impitoyables.
J'aperçus la jolie Cleora entrer dans le bar et j'effaçais les quelques larmes qui avaient coulé sur mes joues pâles. Elle s'adressa poliment au barman, celui ci lui répondit et elle me vint à ma rencontre. Je me levais, j'avais eu envie de la prendre dans mes bras mais je n'avais plus de force. Je m'approchais d'elle et j'attrapais ses mains. Elle me salua. Je lui souris. J'avais la voix encore un peu nouée, parce que j'avais toutes ses images affreuses de l'attaque dans la tête, ce qui m'empêchait de dormir. Elle avait raison, j'étais plus que fatiguée parce que je ne dormais pas, ou alors très peu. Je passais toutes mes nuits dans mon bureau, à tout retourner pour essayer de comprendre, pour écrire aussi parce qu'il ne fallait pas que les sorciers se taisent face à ces personnes complètement écœurantes que sont les mangemorts et leur chef. Chaque nuit, Marcus mon colocataire venait me chercher pour ne pas que je reste éveillée toute la nuit. Je m'étais effondrée dans ces bras plusieurs fois depuis l'attaque et je ne pouvais pas dormir sans lui. Il était mon meilleur ami, ce n'était pas choquant.
J'étais vraiment contente de revoir ma Cleora. J'étais soulagée aussi qu'elle n'ait rien. Qu'elle soit là, tout simplement. Je lui fis signe de s'installer face à moi. Elle aussi avait commandé un café fort, ça allait nous requinquer un peu. Je ne savais pas si Cleora était présente dans le chaos, ou si elle avait eu le temps de se cacher. J'espérais qu'elle n'avait pas vu ce que j'avais vu, parce que c'était choquant. J'avais vu un homme s'écroulait, devant les yeux de son épouse et j'entendis encore le cri d'effroi et de douleur qu'elle avait poussé à ce moment. Je secouais la tête pour me centrer sur Cleora. J'étais venue pour elle, pas pour parler de moi, mais elle semblait tout aussi inquiète que je l'étais. C'était touchant. Elle m'avait apporté des caramels et ça me réchauffait leur cœur. J'étais honteuse de ne rien lui avoir amené, j'espérais qu'elle ne m'en voudrait pas mais je me rattraperais.
« Merci pour les caramels, il ne fallait pas ma belle. Je ne dors pas beaucoup, en effet. J'essaie de comprendre, j'essaie d'aider au maximum… J'aimerai tant pouvoir faire quelque chose pour toutes les victimes de cette attaque de merde. Mais je suis vraiment contente de te voir, ça me fait vraiment plaisir. Je puise ma force dans tous mes amis, les voir me rassure, je ne voudrais pas qu'ils vous arrivent quelque chose, je ne survivrai pas à ça. Quand j'y repense, j'ai l'impression d'y être encore, comme si j'étais bloquée dans cette attaque… Comment tu vis tout ça toi ? Et ton travail… ? Rassure-moi, comment tu te sens ? Je voulais te voir, tu sais que je suis là si tu en as besoin, tu me contacte et je viens t'aider, d'accord ? »
Je sentais que ça n'allait pas pour elle non plus. Nous étions tous abattus. Et l'ambiance à Pré au Lard était sombre et tendu, je souhaitais à tous ceux qui travaillaient ici le plus grand des courage. J'espérais que Cleora aille bien, même si vivre avec ces images n'était pas des plus simples. Je fis signe au barman de nous préparer deux cafés, nous allions en avoir besoin.
Je ne commentais pas les joues humides d'Alisson. À quoi ça servirait de toute façon ? Elle était assez intelligente pour savoir que j'avais remarqué ses traits tirés et sa petite mine. Lui jeter sa propre peine en plein visage n'était pas le plus judicieux, sauf si mon but était de la voir imploser. Je me contentais donc d'une petite phrase amicale et de quelques caramels pour mettre un peu de baume sur son coeur meurtri. J'étais loin d'être une experte en réconfort, mais je faisais de mon mieux pour soutenir mon amie qui semblait avoir vraiment besoin de moi. Et heureusement, ou plutôt malheureusement, nous n'étions pas dans ces soap opera où les héroïnes ont la larme facile : Ali avait de vraies raisons d'être triste. Sur ce coup, j'aurais bien aimé que ce soit des larmes devant un film au cinéma. Comme si c'était si simple la vie.
Je pris une gorgée de mon café et savourais la sensation du liquide chaud dans ma gorge. Depuis ce soir-là, je me sentais constamment gelée, comme si des Détraqueurs m'entouraient en permanence. Certainement le contre-coup des événements.
J'écoutais Alisson d'une oreille attentive tout en serrant ma tasse entre mes mains pour les empêcher de trembler. Comme beaucoup d'entre nous, elle subissait le traumatisme de l'attaque, et ça ne m'étonnait guère. Ali était une femme forte mais sensible, et elle détestait par-dessus tout l'injustice. Nous n'étions pas amies pour rien. Je soupirais doucement.
« Je tiens le coup Ali. C'est pas facile quand je vois les signes de l'attaque chaque jour en venant au travail. L'autre soir, j'ai même préféré retrouver Ethan au Chaudron Baveur plutôt qu'ici. J'ai dû prendre le Magicobus et tu sais que je hais ce bus de tarés. Mais je présume que ça va. »
Distraitement, je tapotais la table du bout des doigts. Je gardais les yeux fixés sur ma tasse au lieu de regarder mon amie, et lâchais un faible merci à l'intention du barman qui nous amena deux nouvelles tasses.
« Je veux dire... je n'ai rien vu ce soir-là. Je suis sortie de la boutique seulement après que tout fut terminé. Certains diront que c'était lâche de se cacher, mais je n'aurais pas eu l'air crédible devant les gamins si je leur avais dit de rester et que j'étais sortie. Puis honnêtement, c'est pas avec un sort de reprisage que j'allais faire grand chose. »
Je haussais les épaules. Je n'avais pas honte de mon comportement. J'avais agis comme il le fallait et je le savais. Si j'avais été dehors, j'aurais été une cible de plus, quelqu'un à protéger, un boulet plus qu'une aide. Ethan n'aurait jamais pu se battre en me sachant à découvert, et il aurait été blessé. Somme toute, j'étais plus proche des élèves de Poudlard que des sorciers aguerris.
Je triturais un emballage de caramel qu'Alisson avait laissé sur la table.
« On n'a pas grand monde à la boutique, comme partout au village. Je m'occupe. J'ai essayé de confectionner des bottes pour une cliente fidèle, mais c'est encore nouveau pour moi la cordonnerie. J'ai un mal fou avec le cambrion, le morceau en métal qui permet de rattacher le talon au reste. »
J'aimais bien parler couture. J'adorais mon métier et pouvais passer des heures à m’épancher sur ce sujet. Quand j'allais mal, il n'était pas rare de me voir dans mon atelier à coudre, déchirer et recommencer. C'était dans ces moments-là que je réalisais mes plus belles créations. Je m'enfermais dans la pièce de mon appartement à Londres destinée à la couture et je laissais parler mes émotions à l'état pur. Cette fois-ci, j'avais voulu faire quelque chose pour Nora, et son beau visage m'avait donné envie de faire d'elle une magnifique nymphe des bois, à en faire pâlir de jalousie les vélanes. Il ne me restait que les bottes à parfaire avant de lui proposer la tenue. J'espérais qu'Alisson avait elle aussi son exutoire pour se libérer de toute cette noirceur.
« Et toi Ali, de quoi as-tu besoin ? Tu sais que je suis là aussi. »
HRP:
Quand Cleo parle d'Ethan, il s'agit d'Aaron. C'est son second prénom et ses proches l'appellent comme ça parce qu'il n'aime pas Aaron.
« In time of need, it is our friends who help us to ease the pain and who help us to look toward the future. » Tony Garza.
Le barman nous avait apporté nos deux autres cafés bien chauds et je pris la tasse en mes mains pour me réchauffer mais aussi pour me stabiliser un peu. C'était la première fois depuis l'attaque que j'exprimais ce que je ressentais vraiment. Cleora était la première personne à entendre ce que je pensais vraiment de tout ça, de la façon dont je vivais les choses. Je n'avais pas exprimé ça à Ebony, parce qu'elle devait faire face à tous les blessés qu'elle côtoyait. C'était sa façon à elle d'aider après l'attaque, de soigner ceux qu'elle pouvait aider. Et je ne voulais pas l'embêter avec ce que moi je ressentais, ce n'était pas le plus important. Pourtant, aujourd'hui je sentais le besoin de me livrer, de vider mon esprit pour mieux avancer ensuite et être plus forte à tout ça. J'espérais que Cleora ne m'en voudrait pas, mais c'était une personne digne de confiance et je lisais sur son visage qu'elle me comprenais, que je n'étais pas seule. Je n'avais rien dit à Lumen non plus, mon rôle était de la protéger et je ne voulais en aucun cas qu'elle s'inquiète pour moi. J'avais croisé Nathan, mais je ne lui avais pas parlé, je voulais juste vérifier qu'il allait bien et qu'il n'était pas blessé. Je n'avais revu personne d'autres pour le moment, mais j'avais eu des échos de leur nouvelles, ce qui me rassura. Marcus savait tout, puisqu'il vivait avec moi, et il m'aidait. Il n'avait pas assisté au marché et donc il était moins choquée mais il me soutenais et il s'occupait de moi et de mes amis.
Cleora m'avait écouté et j'en faisais de même quand elle m'expliqua ce qu'elle ressentait après tout ça. Elle me dit qu'elle tenait le coup, même si ça n'était pas simple. Elle a du prendre le Magicobus – comment a t-elle pu résister face à ça ? - retrouver Ethan au Chaudron Baveur. Elle en avait du courage de venir travailler ici tous les jours, alors qu'il y a avait toujours des traces de l'attaque. Je lui souris et lui pris les mêmes. Elle semblait avoir froid. Elle me parla de sa boutique et je voyais qu'elle était passionnée. C'était mignon à voir, je trouvais ça tellement mieux d'avoir un métier qui nous passionne et c'était le cas de ma petite Cleo. Certes, comme elle le disait, il n'y avait pas beaucoup de monde à Pré au lard depuis l'attaque, ce qui était compréhensible. Mais tous les vendeurs étaient fidèles à leur poste et c'était vraiment bien, ça prouvait que nous n'allons pas nous laisser aller, que nous n'allons pas nous laisser intimider par des faiseurs de violence et de terreur. Nous étions tous plus forts ensemble, je savais que les choses allaient s'arranger, je sentais que nous allons réussir et nous relever face à tout ça.
« Tu es bien courageuse ma Cleo, c'est très bien. Merci d'avoir protégé les petits, tu as très bien fait. Sans toi, ils seraient peut-être blessés à l'heure qu'il est, tu as vraiment bien agi face à la situation. Il ne valait mieux pas être dehors à ce moment là, je t'assure. Tu as aidé à ta façon, c'est ça qui compte d'accord ? Je ne te trouve pas lâche, au contraire. Et pour ta boutique, je gardes espoir, tu vas vite revoir du monde y faire un tour, ce n'est qu'une question de temps. »
Je lui souris à nouveau, plus chaleureusement qu'au début. J'avais retrouvé un peu de force, puisque je la puisais dans le courage et la volonté de mes amis. Je ne voulais pas qu'ils se laissent tous abattre et pour l'instant ils étaient tous motivés et déterminés à aller de l'avant, j'étais rassurée. Cleora avait besoin de sa boutique pour se sentir bien, alors je la félicitais pour tout ce qu'elle avait entrepris pour atteindre son rêve. Quand elle me demanda ce dont j'avais besoin, je lui souris à nouveau. Cleora était une personne attentive, elle l'a toujours été et c'était vraiment gentille de sa part de s’inquiéter pour moi.
« Je te remercie, je n'hésiterai pas à te rendre visite à la boutique un de ces jours. Je pense que je vais passer le reste de mon temps à Pré au Lard maintenant, je prévois d'écrire un article, peut-être que ça aidera. Qu'en penses-tu ? »
J'allais évidemment demandé l'avis des membres de l'Ordre avant de le poster mais l'avis de Cleora comptait beaucoup parce qu'elle passait toutes ces journées ici, le lieu de l'attaque.
Je haussais les épaules doucement quand Alisson commença à me qualifier de courageuse. J'avais un doute à ce sujet, honnêtement. Ce n'était pas du courage, plutôt de l'impulsivité, voire des pulsions suicidaires. Je n'étais pas spécialement courageuse, ce n'était pas un trait de caractère qui régissait ma vie et mes gestes. En revanche, j'étais totalement du genre à me lancer sans réfléchir dans quelque chose. La stupidité était-elle une forme de courage ? Ethan était courageux en choisissant d'être auror. Les gens qui formaient ce prétendu Ordre du Phénix dont on commençait à entendre parler dans les rumeurs étaient courageux. Personnellement, je préférais rester dans mon coin, à me dire que peut-être rien ne m'arriverait, égoïstement. Quoi que le principal était que rien n'arrive à mes proches.
Non, le courage ce n'était pas vraiment mon truc. Je n'avais pas suffisamment de sang-froid pour affronter de telles situations en plus. Ce matin, la chouette d'Erin m'avait surprise en frappant au carreau de ma salle de bain et je m'étais retournée d'un bond, brosse à dents brandie comme pour me défendre. En plus d'avoir mis du dentifrice partout, je m'en voulais encore d'avoir eu le réflexe de me défendre avec une baguette magique - ce que mes amis apprécieraient au contraire. Les temps avaient changés. Alors j'avais fouillé mes tiroirs, écartant une carte postale de mon amie moldue Isabelle qui avait fait un détour par le Vatican en se rendant à Milan pour y travailler dans une grande maison de haute-couture. La pauvre ne comprenait pas comment j'avais pu lâcher Chanel pour me retrouver dans une petite boutique de Londres - c'était la version officielle pour mes amis moldus. Ces quelques mots m'avaient refait sourire avant que je ne mette enfin la main sur ma baguette magique. J'avais beau détester l'avoir sur moi en permanence, je savais que je n'avais plus le choix maintenant : le danger pouvait frapper à tout moment.
« Je te remercie, je n'hésiterai pas à te rendre visite à la boutique un de ces jours. Je pense que je vais passer le reste de mon temps à Pré au Lard maintenant, je prévois d'écrire un article, peut-être que ça aidera. Qu'en penses-tu ? »
Je penchais la tête sur le côté, pensive. Oui, les gens avaient le droit de savoir ce qui s'était réellement passé, et pas seulement via les ragots. Mais écrire ouvertement restait dangereux. Je pris une gorgée de café en fixant le bougeoir sur notre table - une bouteille de Whysly Pur-Feu vide dans laquelle avait été placée une bougie.
« C'est à la fois une bonne et une très mauvaise idée. J'ai envie de te dire de foncer de tout mon coeur, parce que c'est ce que je ferais. Mais ça t'expose à des représailles, et je n'ai pas envie qu'il t'arrive quoi que ce soit. Ce n'est pas pour rien que personne n'en a encore parlé depuis une semaine. »
Je soupirais doucement, le regard perdu vers les étagères.
« Le pire, c'est qu'on ne sait pas qui sont réellement ces mangemorts. Le ministère doit avoir des doutes, tout comme n'importe quel sorcier, surtout quand on sait de quoi sont capables certaines familles... »
Je pensais soudain à mon père, cet être infâme qui n'avait jamais caché sa haine des moldus et des nés moldus. Peut-être était-il un mangemort.
« ... mais ça pourrait être n'importe qui. Tout comme un fermier ne remarquerait pas la présence d'un licheur dans sa porcherie, nous sommes incapables de remarquer les mangemorts autour de nous. Et au final, tous les cochons se feront dévorer. »
C'était une façon de parler puisque ni les licheurs, ni les mangemorts ne dévoraient personne - quoi que j'avais un doute sur les derniers, ils étaient si inhumains. Mais le résultat restait le même : en engloutissant tout le lait des truies, le démon condamnait les petits. Et d'un sortilège impardonnable, c'était nous qui étions condamnés. La comparaison avec ces démons cochons me plaisait énormément : hors de question de les associer à cet animal noble qu'est le serpent, cela leur ferait trop plaisir.
Je posais un regard doux sur mon amie.
« Je ne peux que te conseiller de suivre ton coeur et ton instinct Ali. Ils ne sont pas toujours de meilleurs conseils, mais ils laissent rarement de regrets. »
« In time of need, it is our friends who help us to ease the pain and who help us to look toward the future. » Tony Garza.
J'écoutais l'avis de Cleora concernant mon idée d'écrire un article sur l'attaque qui avait eu lieu une dizaine de jours plus tôt. C'est vrai que c'était une situation délicate et je pouvais risquer beaucoup en écrivant quelques mots là dessus, peut-être même que je risquais de me faire tuer. Cleora avait raison, ce n'était pas pour rien si personne n'avait encore parlé de ça au coeur ouvert, en public, depuis que ça avait eu lieu. On ne pouvait pas le nier, c'était dangereux. C'était pourtant la meilleure façon pour moi de digérer les choses, quand bien même nous ne pourrions jamais oublié cet attentat lamentable et gratuit, nous pouvions digérer la chose pour aller de l'avant. Je ne voulais pas voir le monde des sorciers dépérir face à tout ça. Au contraire, nous devions avancer face à l'ennemi, quitte à se mettre en danger – ou tout du moins pour moi, en écrivant cet article – nous devions faire bouger les choses pour que tout ça ne se reproduise plus. Je savais que le ministère et l'Ordre cherchaient des moyens de comprendre, de régler tout ça. Je savais aussi que ça n'était pas évident. Et pourtant je sentais cette force en moi, elle montait pour mieux m'aider à avancer. J'étais faible physiquement, c'était vrai. Je ne dormais pas beaucoup, je passais mon temps à ressasser ce qu'il s'était passé et pourtant j'avais vraiment envie d'écrire, de me mobiliser pour aider. Peut-être fallait-il que je ralentisse un peu ce rythme, parce que Cleora avait raison, c'était à la fois une bonne et une mauvaise initiative.
J’acquiesçais à ses paroles. Je l'écoutais attentivement, la fixant pour ne pas décrocher. Je terminais mon deuxième café chaud. Je pris une grande inspiration comme pour soulager une légère angoisse. Heureusement que Cleora était là pour m'aider, pour m'écouter. Elle était inquiète devant mon envie d'écrire parce que ce n'était pas anodin, il y aurait forcément des conséquences à tout ça. Mais j'allais forcément trouver une solution. Marcus allait m'aider aussi. Et je n'étais pas seule à vouloir avancer. J'étais persuadée que les membres de l'Ordre étaient tout aussi révoltés que je l'étais à l'heure qu'il est. Nous l'étions tous. Depuis l'attaque, j'étais partagée entre l'inquiétude, la colère, les regrets, les angoisses, la tristesse, la douleur, la peine, la peur. Je pris une nouvelle inspiration. J'avais l'impression que ma colère allait exploser, mais ce n'était vraiment pas le moment. Je mis un bon petit moment avant de lui répondre, comme si j'avais eu besoin de réfléchir aux sens de ses mots. J'étais exténuée.
« Oui, tu as raison. Je dois faire attention. Je dois t'avouer que je ne pense pas aux conséquences, ça me fait beaucoup trop peur. Pourtant je ne me vois pas ne pas écrire cet article. »
Je fermais les yeux quelques instants avant de reprendre.
« Je vais l'écrire. Je te promets de faire attention mais je dois le faire. C'est mon coeur qui le cris, je ne peux pas faire comme si il ne se passait rien. Je resterai neutre, mais je dois me mobiliser. Je ne peux pas rester là sans rien faire, à attendre qu'une autre attaque arrive… Ce que je n'espère pas. Je sens cette force pour écrire, j'exposerais les faits, sans me mettre en danger, sans signer l'article.Je sais que je risque beaucoup en faisant ça mais je ferais attention, comme je l'ai toujours fait. Je fais un métier à risque depuis que j'ai quitté la Gazette mais c'est ma vocation. »
Je fis une autre pause.
« Je veux faire bouger les choses. »
Ma voix était pleine de détermination et Dieu sait de quoi j'étais capable pour améliorer la vie de tous les sorciers.
Je voyais bien qu'Ali était perturbée. Je ne pouvais pas lui en vouloir, c'était tout à fait normal. Je veux dire, il fallait avoir des nerfs d'acier ou être totalement insensible pour ne pas être touché par ce qu'il s'était passé. Notamment lorsqu'on s'était retrouvé au beau milieu de l'attaque. Je savais que ça resterait un traumatisme pour beaucoup. Même Erin qui n'était pas sur les lieux subissait les répercutions en voyant ses amis blessés. Le monde sorcier allait avoir du mal à s'en remettre. Mais si cela continuait, ce serait le monde sorcier comme le monde moldu qui ne se relèveraient pas. Il fallait agir, Ali avait raison sur ce point.
Je laissais mon regard partir vers le barman qui vidait les ordures d'un coup de baguette magique. La magie était pratique et pouvait régler de nombreux problèmes. Ce n'était pas pour rien que nombre de sorciers se sentaient supérieurs aux moldus. Mais je repensais aux divers éboueurs que j'avais pu voir passer dans mon enfance, debout derrière leurs camions poubelle. Avec la magie, ils n'auraient pas d'emploi et rien pour nourrir leurs familles. Les gens se contenteraient d'un tour de main pour se débarrasser des détritus, comme le barman venait de le faire. Le progrès - comme aimaient le clamer certains sorciers - laissait toujours des gens sur la touche. Je refusais de sacrifier les moldus pour la cause sorcière, et c'était bien pour ça que je ne pouvais adhérer aux idéaux des mangemorts et de Vous-Savez-Qui.
Je conseillais donc à mon amie de suivre ses envies, et elle me répondit avec un discours enflammé qui me fit sourire. Je retrouvais bien là ma Ali. La voir si triste et effondrée ne lui ressemblait pas. S'il fallait un article pour la remettre sur pieds, alors je ne pouvais que l'encourager dans cette voie.
« Je veux faire bouger les choses. - Et tu as bien raison. »
Sa force et sa détermination m'avaient revigorées, bien plus que le café que je venais de finir. Il ne fallait pas baisser les bras devant la menace, au contraire.
« Il faut leur montrer à tous ces riches prétentieux qui pensent que parce qu'ils ont un héritage tellement important qu'ils pourraient en remplir une pinacothèque, ils peuvent se permettre de cracher sur le reste du monde. Heureusement que tous les sang pur ne sont pas comme ça. Du moins, je l'espère. »
Et rien que me dire que le sang de l'un d'entre eux coule dans mes veines me débecte. Je préférerais encore que ce soit du jus de bubobulb, pour dire. J'abhorrais le bubobulb depuis que j'en avais vu un en cours de botanique : ce machin était aussi ragoûtant qu'une branchiflore, ça donnait envie de vomir. Mais entre le sang Selwyn et ça, mon choix était vite fait. Je secouais la tête pour chasser les frissons de dégoût qui remontaient le long de mon dos.
« J'avais un ami moldu à Paris qui étudiait la sociologie tu sais. Je suis certaine qu'il aurait adoré étudier ces monstres pour comprendre quels facteurs avaient pu les amener à commettre de tels actes. Le cadre familial certainement, en grosse partie. »
Oui, nul doute que Laurent aurait adoré ça s'il avait eu vent de l'existence des sorciers. Bien que curieuse de nature, je n'étais pas aussi passionnée que lui, et les causes ne m'intéressaient plus à ce stade. Je ne voyais que les conséquences, et rien ne pouvait excuser ça à mes yeux. Rien ne pouvait excuser le meurtre d'innocents. Ces sorciers-là avaient beau se défendre d'appartenir à la même espèce que les moldus, je trouvais pourtant que les idées de Vous-Savez-Qui s'inspiraient étonnamment de celles d'un allemand à la moustache ridicule. Nul doute que le mage noir n'aurait pas aimé la comparaison.
« Plus sérieusement Ali, je te soutiens dans ton choix. Je pense que c'est plus judicieux de rester anonyme aussi. Mais tu crois qu'un journal acceptera de prendre ton article ? Si personne ne veut le publier, comment feras-tu ? »
Cette histoire était bien plus compliquée qu'elle en avait l'air. Il y avait encore pas mal de fils à démêler.
« In time of need, it is our friends who help us to ease the pain and who help us to look toward the future. » Tony Garza.
J'étais contente d'avoir Cléora à mes côtés et aussi de pouvoir lui parler de ce projet à cœur ouvert. Depuis mon plus jeune âge, j'ai toujours aimé écrire et lire. Ma mère m'avait toujours soutenu dans tous mes projets mais encore plus dans celui de l'écriture, puisque c'était une manière d'exister et de se créer selon elle. Et j'étais plutôt d'accord avec ça. Mettre des mots sur un papier, créer quelque chose, faire vivre ces mots… C'est quelque chose de magique et de thérapeutique aussi. Écrire était pour moi une source d'énergie, peu importe quel que soit le sujet, c'est une délivrance. Certains pensent sûrement que j'en fait un peu trop, que je passe trop de temps à écrire, que je ne pense qu'à mon boulot, donc qu'il est normal que je sois souvent seule. Mais c'est la seule façon que j'ai d'exister. Je sais que ça n'est pas simple pour moi comme pour mon entourage mais ma détermination est elle que je ne peux rien lâcher. Il était hors de question pour moi d'abandonner.
Alors il m'était apparu être une évidence d'écrire quelque chose sur cette attaque que je haïssais tant. Quand je suis entrée à Poudlard, en première année, je me suis rendue compte à quel point la valeur du sang avait de l'importance pour certaines personnes, pour certaines maisons aussi. J'en étais dégoûtée de l'apprendre et surtout de le voir. J'en ai vu des personnes rejetées, des groupes de « tyrans » se former, des agressions en tout genre, des réflexions, des mots blessants… Je sais ce que c'est, même si je n'ai pas réellement vécu la situation comme les moldus, les plus blessés dans ces cas là et c'était vraiment horrible à voir. J'avais toujours adoré la vie des moldus et pour moi ils étaient plus forts que nous. La magie ne pouvait pas tout régler, la valeur du sang non plus. Les moldus étaient devenue comme une force pour moi, comme ci leur existence réglait la mienne, moi une petite journaliste sorcière de sang mêlé. Justement, c'est en voyant tout ça, en entendant tout ça que j'ai compris que j'avais un rôle à jouer là dedans. Ma mère m'avait toujours dit d'être courageuse, que ce soit face à mon père mais aussi face aux ennemis. Alors le métier de journaliste était fait pour moi. Lier l'écriture avec l'envie de faire évoluer les mentalités : voilà ma vocation.
Les mots de mon amie Cléo me faisait beaucoup de bien. Vraiment, ça me rassurait et ça me donnait encore plus de courage. Je lui souriais. Elle comprenait ce que je voulais dire. Elle comprenait aussi mon envie de changer les choses et je savais qu'elle était de mon côté. J'étais contente de l'avoir. Je n'étais pas sûre que les autres acceptent que j'écrive cet article mais Cleora semblait vraiment me faire confiance. Elle me parla d'un des ses amis moldus et j'étais fascinée, je n'avais pas d'amis moldu et pourtant j'aurai tant aimé en rencontrer. Je voulais en savoir plus. Elle me demanda aussi si j'allais réussir à publier cet article dans un journal et je ne me faisais pas de soucis pour ça, puisque j'avais ma propre édition avec Marcus et tout se passerait bien, puisque nous avions l'habitude de ce genre d'article fort.
« Merci beaucoup, je suis contente que tu me soutienne ma belle, tu es l'une des rares tu sais, puisque beaucoup pense que je fais un métier à risque et c'est le cas mais je ne me vois pas faire autre chose. C'est comme si ma vocation était de faire évoluer les choses, les mentalités surtout. Je suis jalouse que tu ais un ami moldu, vraiment. Ils m'impressionnent et me donnent de la force chaque jour. Quand je vois tout ce qui se passe, je m'inquiète et pourtant j'ai le sentiment que les moldus sont plus forts que nous, parce que la magie ne résout pas tout. Je pense comme toi que c'est le cadre familial mais je t'avoue que je pense qu'il n'y a pas que ça. Tu as remarqué comme ils se comportent les sangs purs? On dirait qu'ils sont tous les mêmes gênes, et donc le même caractère, j'en ai des frissons dans le dos… Et je ne comprends pas. Ton ami aurait sûrement plus d'idées si il faisait des recherches, oui, ça l'aurait vraiment intéressé. Quant à mon article, ne t'inquiète pas pour ça, je le publierai dans mon journal, The Daily Prophet Independant. Il n'est pas très connu, on démarre seulement avec Marcus. »
Je lui souris chaleureusement, j'avais retrouvé un peu d'espoir et d'envie, même si les images de l'attaque restaient intactes dans mon esprit.
Je voyais bien que mes mots rassuraient Alisson, ça se lisait sur son visage. J'étais plutôt fière de moi sur ce coup. Ce n'était pas dans mes habitudes de réussir de tels exploits, Loreen disait souvent que je manquais de tact. J'avais bon fond, mais une trop grande bouche pour que mes pensées soient suffisamment bien véhiculées. Peut-être que mon caractère de feu avait un certain impact là-dessus aussi. Toujours était-il que je n'étais pas la plus à même de consoler ou de rassurer les gens, du moins pas avec des mots. Mais les temps changent, et les gens aussi. Avec ce qu'il s'était passé, je ne pouvais pas refuser de voir mes amis pour les soutenir - j'en avais moi-même besoin après tout. Alors j'étais là, et je sortais tout ce qui me passait par la tête, comme j'en avais l'habitude. Les métaphores, les digressions, c'était tout moi. Tout pour contourner et alléger un peu le sujet. Un sujet bien difficile à aborder d'ailleurs.
Alisson, elle, n'était absolument pas comme moi. Elle se déversait sur la table, vidant tout ce qu'elle avait sur le coeur et dans la tête. J'enviais la facilité qu'elle avait de s'exprimer alors que je n'étais capable que de tourner autour du pot quand ça n'allait vraiment pas. Elle ne se rendait sans doute pas compte de l'effort que me demander cette conversation jusqu'à présent. Ce n'était pas pour rien que je préférais l'écouter et la conseiller plutôt que raconter mon propre ressenti. Je m'étais déjà suffisamment étalée sur le sujet.
Je l'écoutais donc partir dans un nouveau soliloque dont elle seule avait le secret. Je me contentais de sourire par instants, notamment lorsqu'elle parla de la force des Moldus, une idée que j'avais toujours ardemment défendue. Je voyais ses joues reprendre un peu de couleur et ses yeux retrouver vie, ce qui me faisait chaud au coeur. Je n'étais peut-être pas si nulle pour réconforter les gens.
« Au temps pour moi, avec tout ça, j'avais oublié que tu avais ton propre papier. Quelle amie indigne ! Et ne me remercie pas Ali, tu sais que les amis sont là pour ça. »
Je le pensais vraiment, mon soutien était inébranlable. Du bout des doigts, je faisais tourner ma tasse à présent vide.
« Tu as entièrement raison à propos des Moldus. Ils sont bien plus forts que nous, parce qu'ils sont confrontés à des épreuves difficiles qu'ils ne peuvent surmonter d'un coup de baguette. Alors, certes, un sorcier peut facilement blesser, manipuler ou tuer un Moldu, mais il n'aura jamais leur force d'esprit. Ce n'est pas pour rien que j'évite d'utiliser la magie au maximum. Je ne veux pas être faible. Je veux savoir que je suis capable de choses, pas que ma baguette le fait pour moi. »
Cette baguette qui pourtant ne me quittait plus depuis les événements. Ethan me l'avait fait promettre, mais même sans ça je l'aurais fait. Plus personne n'était en sécurité. Il était hors de question que je risque ma vie à cause de mes convictions, même si elles restaient profondément ancrées en moi.
La nuit commençait déjà à tomber. Les jours ne devaient pas être si courts en avril, mais c'était comme si le temps lui-même s'imprégnait des événements. On ne voyait plus le soleil qui était constamment caché par de gros nuages menaçants. Les Moldus eux-mêmes qualifiaient ce temps de maudit dans leurs journaux. Et le vent dehors était glacial, d'un froid qui vous enlevait toute joie de vivre. Je frissonnais rien qu'à cette pensée.
« Il ne vaut mieux pas rester trop longtemps seul dehors par les temps qui courrent... », soufflais-je.
Les yeux fixés dehors, il ne me tardait qu'une chose : retrouver la chaleur de mon petit appartement londonien et me poser avec un bon livre dans mon lit pour oublier. Oublier l'atrocité, oublier l'injustice, oublier l'impuissance, oublier la peur. Et pourtant il ne fallait pas oublier, Ali avait raison. Il fallait s'en souvenir et se dresser contre tout ça. Mais étais-je seulement prête à le faire ?
Spoiler:
Ma Ali je me suis dit qu'on allait bientôt pouvoir clore ce RP puisque je pense qu'on en a fait le tour. Mais si tu voulais ajouter quelque chose, tu me dis et je modifierai au cas où ma fin ne colle pas !