Je relu la lettre une dernière fois, couverte de mes caractères fins et soignés qui m'avaient longtemps porté préjudices, tant on s'était moqué de mon « écriture digne d’une fillette ». J’avais fini par ne plus proposer de prêter mes notes et mes devoirs, ce qui, étonnamment, ne m’avait pas esseulé plus que ce je l’étais déjà. Finalement, cette histoire m’avait appris à mes dépends que le brave type qui prête ses parchemins n’est pas celui vers qui on ira confier ses secrets et se taper un fou rire. Hochant la tête en mon for intérieur, convaincu que ma lettre en révélait juste assez pour que père et mère sache que tout allait bien ici sans se douter de notre vie réelle, je terminais en apposant la signature de Noélyse totalement à son insu à côté de la mienne, comme à mon habitude. Jamais elle ne leur aurait écrit, ce qui aurait été une grande source de conflit si depuis six ans je ne faisais pas passer ma lettre pour notre lettre commune. Habitude connue de moi seul, je n’avais pas la moindre attention de lui révéler ce que je faisais pour elle. Tout à mes pensées, je pliais soigneusement la lettre avant de la ranger dans une poche intérieure de ma robe de sorcier. Je n’avais jamais eu aucun goût en matière de mode, c’est pourquoi malgré que l’on soit samedi matin, je portais encore et toujours ma longue robe noire, vêtement obligatoire pour tous les élèves aux heures de cours. Accordant mon fauteuil à un deuxième année qui venait apparemment juste de se lever, je me dirigeais vers la porte de la salle commune puis une fois dehors, vers la volière d’un pas tranquille. Arrivé en bas des escaliers qui menaient à mon but, je me souvins dans un sourire combien il me paraissait haut, et comment mes muscles étaient en feu à la fin de l’ascension lorsque je n’étais encore qu’en première ou deuxième année. Mon rituel du samedi matin, chaque semaine impaire, n’avait lui pas changé. Ecrire une jolie lettre à ma famille, me renseigner sur l’état de santé de chaque proches, signer pour Noélyse, escalader les marches qui menaient au repaires à Hiboux, siffler la belle chouette effraie que ma sœur et moi partagions – encore une idée de nos parents, qui étaient certains que des jumeaux devaient tout partager - , lui attacher la lettre à la patte, tout en la laissant picorer les petites friandises que je lui amenait, puis la regarder s’envoler jusqu’à qu’elle ne soit plus qu’un point si petit dans le ciel qu’on la confondait avec une poussière. Puis je redescendais et vaquais à mes occupations journalières. Aujourd’hui ne dérogerait pas à la règle. J’entrepris donc de monter rapidement les marches et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, me retrouvait en haut. Une silhouette féminine se dessinait près du rebord de la fenêtre, et je ne m’y serais guère intéressé – il était habituel qu’un autre élève se trouve au même moment que moi près de son volatile - si la demoiselle n’avait pas rejeté ses cheveux en arrières dans un mouvement que je connaissais bien. Oubliant immédiatement mon courrier, le battement de mon cœur s’accélérant indubitablement sans pourtant que j’y prête une réelle attention, je me dirigeais vers mon amie, le sourire aux lèvres. « Salut ‘Bella ». Ce petit surnom affectif, je l’avais trouvé il y a près d’un an, lorsque j’avais découvert que Bella signifiait beautiful en italien. N’attendant pas forcément une réponse normale, je m’appuyais à ses côtés, pointant du doigt la boule rouge de feu qui se dressait au-dessus des montagnes « C’est magnifique, ce soleil. Comment tu vas aujourd’hui ? » C’était dans notre habitude, avec Arabella, de passer d’un sujet à l’autre sans lien récurent, tout simplement parce qu’on se comprenait bien autrement que par les mots. Elle m’avait appris que c’était tellement plus simple. L’envie soudaine de la prendre dans mes bras pour lui montrer que j’étais content de la trouver là me fit frémir tout le corps, mais je me retint, conscient que, bien que partant d'une bonne initiative, ça pourrait la froisser. Je la connaissais après tout, si bien et si mal.
Je couche sur le papier des centaines de pensées. Celles qui s’insinuent lentement dans les membranes douloureuses de mon esprit, qui s’incrustent avec rudesse dans les dédales de ma mémoire. J’ai tellement de choses à dire, tellement de chose à expliquer. Mais comment m’exprimer et souffler à ma mère, cette folle, cette incomprise, que je suis son plus beau reflet. Je suis l’étrangeté même de son être, la facette la plus incompréhensible de sa personne. Elle me déteste probablement pour ça. Parce que je suis, et resterai, ce qu’elle refuse de voir en elle et qui existe pourtant. Ma plume dessine des lettres rondes sur le parchemin vieillit, elle glisse et formule des mots que j’aurais préféré garder secret. Je parle de tout, dans un désordre chaotique, dans un tourbillon insensé. Je passe du coq à l’âne, enchaine les idées, les espoirs, les déceptions. Je sais que, cette lettre, de toute façon, ne trouvera pas son destinataire. Je les envoie par dépit, pour me vider d’un poids, pour me vider la tête. Je livre avec effroi l’intérieur de mon être, apeurée par cette personne que je suis et que, parfois, je peine à comprendre. Est-ce ma faute, si je suis considérée comme étrange, différente ? Dois-je endurer les persécutions avec indolence, ignorant presque leur présence ? Les questions résonnent dans mon crâne comme une vieille mélodie rocailleuse. C’est insupportable, insoutenable et rien ne l’éteint. Je m’apaise par les mots, ceux qui ne finiront nulle part. Envoyez vers le désert, l’océan d’hébétude de ma mère. J’enroule ma missive avec précaution, comme s’il s’agissait là de papier de verre qui m’arrachait la paume des mains. Mon cœur saigne à l’intérieur de ma poitrine, je souffre de ce silence qui m’emprisonne mais que j’ai choisi. C’est bizarre, finalement, la vie. Mais j’essaye de me persuader que tout cela en vaut la peine, j’inspire, expire. Une fois, deux fois, trois fois. Je relâche mes muscles, replace une mèche de mes cheveux derrière mon oreille et me décide à quitter la salle commune. J’oublie presque, parfois, l’endroit où je me trouve. Je passe donc comme une ombre, slaloment entre leurs silhouettes qui heurtent sans me voir. Je franchis la porte dans un soupir lourd de ressentiment, fatiguée finalement. Et je marche, sans vraiment m’en rendre compte. Mon parchemin à la main, je fixe le sol, le contemple et l’apprivoise. Je suis prête à pariée que, si je m’effondre, je ne m’écorcherais pas. L’espace d’une seconde, je me mets au défi de le faire. Me laisser tomber, et puis, je réalise que c’est stupide et… Il est déjà trop tard. J’ai l’impression d’avoir fait un bond dans le temps car je suis au bas des marches de la volière. Mon esprit à des trous, souvent. Je pense, m’égare et le temps s’échappe et s’effile. J’essaye d’effacer toutes ces futilités en montant les marches, mais le sommet me paraît si loin que dès les premiers échelons, je me suis déjà perdue. Je pense à tout, à rien. Je froisse même ma lettre, sans m’en apercevoir. Et lorsqu’il faut l’attacher à la patte d’un hibou boudeur, je réalise que ça n’a pas de sens. Ma mère n’a pas d’adresse, personne ne recevra mes mots. Dans un sens, c’est mieux comme ça. Je me dirige donc vers la fenêtre et envoie l’oiseau volé plus loin, ailleurs. Je me perds dans la contemplation de ses battements d’ailes, je le vois devenir un point noir dans l’horizon et puis, enfin, disparaître. Je secoue la tête pour débarrasser mon visage de quelques mèches rebelles et soudain, j’entends sa voix. Samaël. Malgré moi, malgré tout, un sourire fend mon visage et mon cœur se met à frétiller comme un petit poisson fou. Je ne comprends pas le sentiment, mais il me réchauffe. Je lui offre un hochement de tête, un sourire, un regard. Il comprendra que c’est plus qu’un salut que je lui adresse là. C’est tout un moment d’amitié et de tendresse gentillette. Je suis son doigt lorsqu’il le porte vers l’horizon et j’acquiesce, muette comme une tombe. J’en ai des tas, pourtant, des mots dans mon vocabulaire. Mais je ne sais pas les employer. Pas comme je devrais, sans doute. Comment ça va aujourd’hui ? La question me frappe, me paralyse. À vrai dire, je n’en sais rien. J’ai eu l’impression de sombrer, de me noyer, quelques secondes auparavant… Mais avec sa présence à mes côtés, c’est comme je pouvais respirer de nouveau. C’est ma bouffée d’oxygène, Samaël. J’espère qu’il le sait, j’espère qu’il comprend qu’au-delà de mon silence, il y a de la reconnaissance et tellement plus encore. Je secoue la tête de droite à gauche et de haut en bas, dans un signe indéfinissable. Je lève le doigt et le pose sur son nez avec un sourire, le caressant doucement. Par ce simple geste, je l’incite à parler à s’ouvrir. Je sais que, parfois, ce n’est pas facile de rester avec moi. Je ne parle pas, c’est dur d’avoir un dialogue de cette façon. Alors j’essaye d’être un peu plus tactile, de donner davantage d’information par le langage de mon corps. Je laisse retomber soudainement ma main et attrape la missive qu’il a la main. Je la secoue sous son nez, je voudrais bien qu’il me la lise. Je mime du bout des lèvres, sans vraiment le dire : « Raconte-moi. » et je sais qu’il comprendra. Pas vrai ? Je l’espère en tout cas.
Sa réponse est simple et compliquée à la fois, mais elle me suffit : je sens qu’à cet instant, elle est heureuse. Et c’est tout ce que je demande. Ainsi, je le suis aussi. Je n’arrive pas à décrire ce que je ressens pour la jeune fille, si secrète, si intrigante, si étrange. Je n’ai jamais compris pourquoi ça présence m’enchantait autant, sans doute car elle était une des seules à m’accepter, ou pourquoi j’ai besoin de la voir heureuse, ou même de la protéger. Je pense que c’est un sentiment bien masculin à l’égard d’une demoiselle proche. C’est la seule explication que je trouve : parce que je l’apprécie énormément. Après tout, peut-être cela suffit à déclencher ce tourbillon d’émotion en moi lorsqu’elle pointe le bout de ses longs cheveux châtains. Cheveux qu’elle vient de rejeter prestement sur ses fines épaules, avant de poser son index sur le bout de mon nez, geste qui me fait sourire de cette façon un peu idiote que seule elle arrive à me faire esquisser. Sa gentillesse m’émeut, et je continue de sourire bêtement jusqu’à ce qu’elle délivre mon nez de ses caresses et petites tapes pour me montrer la lettre serrée dans ma main droite que j’avais complètement oublié. Je comprends immédiatement qu’elle désire que je lui en parle, ce qui me glace d’effroi. Il ne faut surtout pas qu’elle lise ce courrier. Il est adressé à mon extrémiste de famille, pour qui je joue sagement le fils modèle qui déteste les né-moldus. Mais est-ce seulement un rôle, si par peur de représailles je me plie aux désirs de ma famille, j’écoute leurs critiques et leurs moqueries, je me laisse influencer par leurs paroles ? Je n’ai jamais joué le justiciers en secret, au contraire, je sais pertinemment que je suis classé dans le clan des méchants. Je n’arrive malheureusement pas à me faire un avis, et si je m’en faisais un, je n’arriverais de toute façon pas à le défendre face au camp adverse, peu importe lequel. Je suis donc l’esprit de ma famille, pour faciliter les choses, en ne participant pas aux manifestations de puissances des sangs-pur, et en restant dans l’ombre. Je rêverais d’être neutre, mais dans la guerre, ça n’y a pas sa place. Il va de soi que ma fausse opinion sur les sangs nommés impurs, je l’écrit en long en large et en travers dans ma lettre. Ça plaît beaucoup aux parents. Je raconte la supériorité des vieilles familles de sorciers à l’école, et l’écrasement à l’inverse, des né-moldus. Mais Arabella est une de ces né-moldus justement, une de ces élèves que je ne devrais normalement jamais approcher. Je n’ai pas choisi de l’apprécier, mais maintenant, je ne peux plus faire marche arrière. De toute façon, je ne me soucie pas du sang. J’en fais un problème qu’avec ma famille. Avec Bella, ce n’est pas un sujet que nous évoquons. Mais si elle lit ma lettre, les infamies que j’écris lui retournerons le cœur, elle qui ne me connaît pas comme ça. Je la vois déjà penser que je lui ai mentit, que je la manipulais, s’éloigner pour ne plus jamais revenir, et rien que d’y penser, mon cœur saigne. Je sais que je ne peux rien lui dire et que je vais devoir lui cacher la vérité. Et lui mentir à elle, c’est plus dur pour moi que d’affronter un dragon adulte avec un coussin. Je finis par acquiescer et cherche un endroit où m’asseoir, le sol étant jonché d’excrément d’oiseaux. Le bord de la fenêtre me semblant le seul refuge, je me hisse dessus et m’appuie le dos contre le mur, tapotant la place à côté de moi pour l’inviter à me rejoindre. Je m’installe même dans une position plus inconfortable pour qu’elle puisse s’appuyer sur le côté de mon ventre. Sans attendre son déplacement, je luis souris avant de m’éclaircir la gorge. « C’est pour mes parents, je leur en envoie une chaque semaine paire. Je .. Je leur raconte ma vie à Poudlard et comment moi et ma sœur allons, je prends de leurs nouvelles, tout ce qu’il faut pour éviter le conflit quoi ..» Je baisse mes yeux tristes avant d’enchaîner « C’est un secret, .. » Je sais qu'il est inutile de lui demander de ne pas en parler, parce qu'elle l'aura compris, et parce que ce serait se moquer d'elle. «..mais je signe aussi pour ma sœur, parce qu’elle ne leur écrit jamais, et ça provoquerai de grosses disputes à la maison. Ça ne me prend pas de temps, donc si je peux lui éviter ça .. » Ma voix s’éteint. Comme je m’y attendais, j’ai été nul. Mon ton était faux, mes paroles tout autant, sans parler de mon regard fuyant. Et lui parler des disputes qui règnent au domicile familial, bien qu’elle soit déjà au courant puisqu’elle m’a souvent réconforté lorsque ça m’atteignait trop, n’était vraiment pas la meilleure idée pour me rattraper. Ça risque de l’amener à m’interroger plus profondément sur la nature de ses conflits. Et de remettre le sujet du sang sur le tapis, ce que j’essayais au départ, rappelons-le, d’éviter. Je me sens ridicule et préfère passer gentiment ma main dans ses cheveux plutôt que de rouvrir la bouche.
Je fronce les sourcils malgré moi, incapable de savoir si oui ou non, je crois Samaël cette fois. J’écoute ce qu’il dit avec une attention particulière et je guette le moindre de ces gestes. Du mouvement anodin de sa mâchoire quand les mots s’articulent entre ses lèvres, aux étoiles étranges dans ses yeux. Je me demande s’il me ment. En fait, non, je le sais. Il me ment. Son regard est fuyant. Mais quand je m’y suis perdue, l’espace d’un instant, j’ai eu l’impression de le voir m’échapper, de le voir triste peut-être même. D’une façon atroce et douloureuse, mon cœur s’est tortillé dans ma poitrine. Il s’est agité, cognant péniblement dans ma cage thoracique, me rappelant ma triste condition d’humaine, perchée sur mon mètre soixante-deux. Attaché à lui, bien trop heureuse d’avoir été convié à ses côtés, sa chaleur m’apaise légèrement même si les mots tourbillonnent continuellement. Dans mon esprit, je répète encore et toujours ce qu’il a dit. Les mots se mélangent, se perdent, se bousculent. C’est comme essayer de déchiffrer une langue inconnue sans dictionnaire pour régler les désagréments. Sauf qu’avec lui, je n’ai pas besoin de décodeur. Je choppe les allusions au vol, les tourments et trémolos dans sa voix, la douleur dans ses yeux. Je m’en veux soudainement. D’avoir posé la question, d’avoir quémandé l’explication. Le vertige me guette alors que je m’essaye à regarder vers la fenêtre et presque instinctivement, mon bras vient enlacer les abdominaux de Samaël et je pose ma tête sur son épaule. C’est puéril, enfantin, mais c’est le seul cadeau que j’ai à lui offrir. C’est un maigre effort de réconfort, un pathétique essai pour le soutenir. Parce que je voudrais qu’il continuer de parler, qu’il continue de m’expliquer. Même si ce que j’entends ne me plaît pas vraiment, parce que je comprends le fond de tout ça, j’aime le son de sa voix. Chaque mot que ses lèvres délaissent forme une mélodie dont mes tympans sont amoureux. Trop amoureux pour vouloir que ça s’arrête. Éviter les conflits, cracher sur les maudits. Je sais que c’est ce que ça veut dire. Et, une part de moi en veut un peu à Samaël pour ça. Pour cette faiblesse. Cet abandon à la facilité. Mais c’est une part si infime qu’elle ne compte pas, n’a pas la moindre importance. Elle est même si minime que, parfois, souvent, toujours, je l’oublie. Je sais qu’il fait ce qu’il peut, que ce n’est pas facile pour lui, que ça doit plus être compliqué même. Et là, c’est moi que je hais. Je hais ma condition pathétique de née-moldue, de fille fragile, de fille de chimères. Je m’en veux d’être son secret, d’être quelque chose qu’il doit cacher pour ne pas se faire détester. « Je suis désolée, tu sais. » que je laisse échapper, fébrilement, dans un filet de voix presque inaudible. Les mots sortent rarement, chez moi. C’est mon truc personnellement, mon moyen de préservation. C’est un peu bidon, je sais bien, ne rien dire ne me sauvera pas mais… c’est juste mon truc à moi. Je ne cherche pas vraiment plus loin que ça. Mais avec lui, les mots viennent parfois, simple et honnête. Doux et caressant. D’une voix rendue un peu rauque par le silence continu, je peine parfois à les articuler correctement mais je sais qu’il comprendra chacun de ces-derniers. « D’être ton secret, d’être un fardeau, un fléau. » que j’ajoute, comme si ce n’était pas évident. En disant cela, je ne cherche pas à me faire passer pour une victime. Je refuse même qu’on me considère comme telle. Mais je veux juste qu’il sache. Qu’il sache que, quoi qu’il doive dire, je ne lui en veux pas et je le comprends. « Mais j’aimerais bien que tu me dises. Ce que tu dis pour les rendre heureux. Juste comme ça. Juste pour… » Pour quoi ? Je ne sais pas trop. Peut-être que j’attends de ses mots une délivrance. Peut-être que si je savais ce qu’il leur disait, je pourrais me rendre moins lourde sur ses épaules délicates. Je ferme les yeux au contact de ses doigts dans ma chevelure, j’inspire et expire, me laisser aller contre lui. Je ne peux pas vraiment exprimer ce que je ressens à cet instant. Je suis partagée entre le bien être et la douleur aigüe de ne pas être l’être parfait qu’il mérite. Mon amitié pour lui est sans limite, si profonde que ça me tue, cette histoire. « Tu sais, si c’est trop dur, on peut s’arrêter là. Les amitiés c’est comme ça. Ça va, ça vient. » Je m’écorche les lèvres et le cœur avec ses mots, je m’écorche l’être. J’espère qu’il me giflera pour avoir dit ça, qu’il remballera l’idée d’un revers de main. Mais je sais aussi que tout serait plus simple comme ça. Je trouve ça stupide, pourtant, que l’amitié doive séparer les gens. Je soupire et laisse une main glisser sur sa joue, approchant son visage de mes lèvres pour déposer un premier baiser discret sur l’arête de sa mâchoire. Puis, je la redessine doucement, du bout des lèvres, de quelques petits baisers, juste pour l’apaiser, le rassurer. Je ne sais pas vraiment si ça marche. Ni même si ça aura l’effet escompté. Mais je sens des centaines de petits papillons dans mon ventre et ça me fait rire. Oui, tout à coup, je ris. Comme une gamine hystérique, comme une folle à liée. Et je m’arrête aussi soudainement que ça a commencé. Sans transition. « Je pensais… Non, rien. » Je ne pensais pas, je vivais, ressentais. Et ça, ça ne s’explique pas. Pas avec des mots. Je ne peux d’ailleurs pas l’expliquer, ce que je ressens à ses côtés. Un truc à part, un truc magique. Mais plus fort qu’un simple sortilège ou une potion corsée…
Elle lève ses grands yeux vers moi, tantôt m’observant avec attention, tantôt perdu dans la l’immensité de ses pensées. Je comprends alors qu’elle plus qu’aucune autre, je ne pouvais pas la tromper. Mais peut-être que c’est pour le mieux : cette discussion se devait d’avoir lieu un jour, elle comme moi le savait, et éviter le sujet ne faisait que retarder le conflit. Augmenter la souffrance des deux partis. Je la sens se tortiller contre moi, avant de délicatement enrouler son bras le long de mon torse, et là, alors que serrée tout contre moi, les doigts crispés contre mon corps, elle se tient à moi, alors que je la sens vibrer, alors que nos respirations se mêlent si étroitement qu’on ne peut les différencier, je me sens bien, sans pour autant pouvoir en décrypter la raison, ce qui ne m’atteint pas. Je savoure seulement ses instants. Hors du temps, sur un nuage de bonheur, près de ma tendre amie et loin de ce monde misérable qui nous entoure. Mais comme toujours, la dure vie se joue de nous, et dans les moments bénis comme ceux-ci, elle nous ramène à la raison de la façon la plus brutale qui soit. En nous présentant nos plus gros problèmes, en nous montrant que ces instants n’ont pas lieux d’être, en nous rappelant nos obligations. Le contraste entre rêve et réalité ne rend que plus dure cette dernière a accepté. Ainsi, alors que j’enroue et déroule ses mèches chocolat autour de mes doigts, Bella ose tourner la tête vers moi et son visage empli d’un mélange de désespoir, de culpabilité et de honte m’horrifie, tant je ne supporte pas de la voir peinée. Doucement, elle laisse s’échapper un mot, puis deux, puis trois, rempli de tant d’émotions que je me sens prêt à aller tuer de mes propres mains celui qui lui inflige cette tristesse, avant de m’apercevoir que ce type-là, c’est moi. « Je suis désolée, tu sais .. D’être ton secret, d’être un fardeau, un fléau » . J’agrandis les yeux, refermant étroitement ma main sur la sienne pour tenter de l’empêcher de continuer, devinant la suite et la refusant, trop lâche pour affronter ce que tous deux nous savions depuis longtemps. Elle me demande encore de la faire souffrir, de lui expliquer mes mensonges, ou peut-être mes pensées profondes, à ce stade-là, je ne sais plus ce que représentent les mots que j’aligne sur le parchemin une semaine sur deux. Mon cœur se serre, je rêve de fuir à nouveau, comme je l’ai toujours fait, je ne veux pas qu’elle dise ce qu’elle s’apprête à dire. Je ne veux surtout pas. « Tu sais, si c’est trop dur, on peut s’arrêter là. Les amitiés c’est comme ça. Ça va, ça vient ». Je serre sa main à en faire pâlir ses jointures. Elle attend que je refuse, que je rigole de sa proposition incongrue. Je lis dans ses yeux cet espoir. J’en rêve aussi, mais mon esprit l’interdit à mon corps. Ce serait si simple d’accepter sa proposition, faire passer ma souffrance après la déception de parents que je n’oserais jamais affronter. Mais ne rien répondre signifie la perdre, et à ce stade, je le comprends. On dit qu’on réalise combien on tient à ses proches une fois qu’on les a perdu, je reformulerais en rajoutant « ou une fois qu’on est sur le point de les perdre ». Pourtant, je suis conscient que notre amitié ne pourra pas durer. Cachée à Poudlard, elle vivote, mais lorsque je m’en irais, je devrais faire un choix. Moi seul devrais le faire, et je ne m’en sens déjà pas capable. Remballer son idée ne serait que retarder la question qui se présentera un jour ou l’autre à moi. Je sais qu’elle le sait aussi. Elle tente gentiment de me déculpabiliser, de me réconforter, de me dire que ce n’est pas si grave, en m’offrant de petits baisers tout au long de l’arrête de ma mâchoire. Mon corps réagit plus que mon esprit, sans que je ne m’en aperçoive complètement. Alors quand je prends enfin la décision d’arrêter de nous faire souffrir, que je respire difficilement et que j’entrouvre les lèvres pour le lui dire, mes bras, désobéissants, enlace son corps svelte et mon sourire franc s’étire juste pour elle. Elle se retourne, le visage levé vers moi, je dépose un baiser sur mon front et je sais qu’elle a compris. Que je ne veux pas, que je ne peux pas la perdre. Un grand poids disparaît de ma poitrine et je réalise sa présence une fois seulement qu’il s’en est allé. Mes doutes étaient vraiment réels, et mon âme les craignait. Mon sourire ne disparaît pas, je baigne à nouveau dans le bonheur, je ne veux pas lui reparler de ma lettre, je ne veux pas reparler des obstacles qui nous séparent. Je préfère lui lâcher un « tu sens bon » avec mes yeux pétillants. J’ai envie de tout lui dire, de me livrer à elle, de lui confier tous mes secrets. Pourquoi maintenant ? Je ne sais pas, mais j’ai envie qu’elle sache tout de moi. Parce qu’elle est ma plus proche amie, sans doute, parce que je viens d’éviter de la perdre à jamais, et que je veux savourer notre amitié à fond, sûrement. « Il faut que je te montre quelque chose. C’est mon plus grand secret, seul ma sœur est au courant. Je veux que toi aussi, tu saches. Mais ici, c’est peut-être trop dangereux .. » Je jette un coup d’œil vers la porte pour lui expliquer que le danger venait des autres, de la peur d’être surpris. Personne ne doit savoir que je suis devenu un animagi. C’est ma plus grande fierté, et mon plus grand atout dans la guerre qui se prépare. Mais j’hésite, je veux lui montrer. Un seul petit vol depuis la fenêtre ne devrait pas poser problèmes. Dans ma réticence à l’idée de me dévoiler, je choisis d’écouter son avis. Si elle me demande de lui montrer, j’obéirais à ses ordres. Sinon, je continuerais de me livrer à elle.
Spoiler:
Desolé pour le retard plus qu'énorme mon lapin Ta réponse était juste fantastique
Pelotonner contre Samaël, j’enlace son corps comme une bouée. Je m’accroche à lui avec la force démesurée de l’espoir. Celui qu’on pourra toujours partager cette amitié, ce cadeau précieux. J’ai conscience d’avoir des rêves d’enfant, parfois. Je sais que croire à tout ça n’est pas une bonne chose et qu’il serait plus simple d’arrêté. Je n’ai pas la naïveté de penser que, quand il faudra vraiment choisir, Samaël fera une croix sur sa famille et les idéaux qu’elle impose. Je sais bien qu’à un moment, que ce soit demain ou dans cinq ans, nous mains ne pourront plus tenir ensemble et qu’il faudra s’affronter. Mais je suis trop fragile pour ça, trop délicate pour la guerre. Je pense que si ce jour devait arriver, et certainement qu’il arrivera, je ferais tout pour ne plus être là. C’est peut-être absurde de songer comme ça, peut-être qu’on me croirait folle pour ça, mais je sais que je ne peux pas vivre sans ce que l’on partage. C’est plus que tout ce que je n’ai jamais eu. C’est difficile à expliquer, impossible à exprimer. Samaël, ce grand bonhomme, c’est un peu le chef d’œuvre de ma vie. C’est la seule vraie relation que je suis parvenue à construire et garder. Une relation d’amitié et de confiance. Il représente à mes yeux plus que ma propre vie, je tuerais pour lui. Parce que je n’ai rien d’autres à défendre, aucune cause qui puisse avoir besoin de moi. Ma mère est folle, de tout, de la vie, du temps qui passe, et bien, moi, je suis un peu folle de lui. Il n’y a pas de logique à ce que je pourrais faire et aucune limite à ce que je pourrais provoquer. C’est étrange, bizarre, inexplicable, mais c’est comme ça. Mais je demande si lui ressent la même chose que moi. Parfois, je me dis que notre amitié n’est peut-être qu’un rêve de plus dans lequel je me suis perdue, et peut-être que, de son côté, il s’en moque pas mal de moi. Mais à sa façon de me serrer la main pour retenir mes mots et mes maux, je sais que non. Ca compte. C’est juste triste d’en arriver là. D’être chacun l’extrême de l’autre au point de ne pouvoir être vu ensemble. Toutefois, son baiser sur le front m’apaise et je sais qu’on a un peu de répit. Je me dis que parfois, tout serait plus simple si les gens comme moi lâchaient Poudlard. Je me dis que ce serait plus simple pour tout le monde et qu’il n’y aurait pas de guerre. Je me surprends à croire que je voudrais m’enfuir, loin, très loin et tout oublié de cette vie. Ranger Samaël, son sourire, sa voix et ses délicieuses prunelles, dans un coin de ma tête pour ne plus jamais y revenir. Je préfère qu’il soit un rêve façonné, quelque chose de construit de toutes pièces, comme ça… comme ça je pourrais le détruire. Mais ce n’est pas possible. Il est là, tout contre moi et je suis contente de réaliser qu’il est tangible. Mon oreille sur sa poitrine écoute avec attention les battements de son cœur et je comprends que c’est la plus chose qu’il puisse m’offrir. C’est une réalité douce, et c’est facile à accepter. À l’entente de ses mots, je ris malgré moi car il est bon de rire dans ses bras. « Toi aussi, tu sens bon. » Tu as ce parfum inoubliable qui embaume mes narines mais lorsque tu n’es plus à côté de moi. Parfois, je me dis qu’il y a un truc qui déconne chez moi. Un truc qui n’est pas vraiment normal. Mon cœur est ce petit poisson capricieux et j’aimerais bien qu’il se calme un peu. Je voudrais profiter pleinement d’un moment d’accalmie mais Samaël semble le réveiller à chaque fois. Je peine à comprendre, alors j’arrêté d’essayer. Face à ces mots, je suis toute excitée. Parce qu’il me fait confiance au point de vouloir me révéler son secret et parce que ça a l’air d’être vraiment important pour lui. Un large sourire étire mes lèvres alors que je relâche mon étreinte à regret pour taper dans mes mains comme une enfant excitée. Je sais, c’est puérile comme réaction, mais je suis tellement soulagée que rien ne puisse nous séparer, je suis soulagée d’avoir encore un petit lui avec moi et je veux en profiter le temps que ça durera. Peut-être que demain, j’aurai manqué ma chance. « Oh, oui, dis-moi ! » Ma voix est aigue et excitée, c’est pitoyable, dans un sens, tant d’engouement. Et puis, je me fige soudain. Consciente qu’il a peur de le faire et alors j’imagine le pire. Je le contemple en fronçant les sourcils, ma main agrippe le tissu de son haut et je le froisse entre mes doigts en approchant mes faux yeux méchants de lui. « Mais… Pourquoi c’est si secret ? Je veux pas que tu le dises si c’est dangereux et que ça pourrait t’attirer des ennuis. Je veux pas non plus être fautive de ça… » que je souffle finalement, dans un filet de voix tout juste audible, baissant les yeux car j’ai peur d’affronter les siens. J’aimerais bien tout savoir de lui, vraiment, mais parfois je me dis que ce n’est pas le plan. Je relève mes prunelles un peu tristes vers lui et je tente un sourire qui se solde par une grimace. Et je m’en veux tellement d’être cette poupée fragile et délicate. Je m’en veux de ne pas pouvoir tenir un peu de joie pendant plus de quelques minutes. J’inspire un grand coup et tente un nouveau sourire. « Mais je pourrai te dire un secret en retour… » La vérité, c’est que je n’ai pas de secret. Le seul secret que j’ai, c’est ma voix. Mais j’imagine que je pourrais lui dire que j’envoie des lettres dans le vent, que ma mère est folle, que je suis un peu dingue aussi, qu’il est plus important que tout à mes yeux… Je pourrais, je crois.
Je la vois tout excité, son sourire et sa joie me font rire et je entrevois une nouvelle fois combien je tiens à elle. Elle sautille un instant, ses yeux rieurs plongés dans les miens dans l’attente de mon aveu, avant de reprendre un air grave, inquiet lorsque je lui parle de danger. Sa dernière phrase, qui montre à quel point elle se sent nulle et comme un poids pour moi, me fend le cœur. Elle n’est pourtant fautive en rien, c’est moi le faible, qui ne sait pas tenir tête à mes parents et assumer ce dont j’ai envie, elle, elle n’y est pour rien, elle subit seulement sans broncher mon caractère influençable que je hais C’est penchée tout contre moi, lorsqu’elle termine en me proposant de se livrer en retour, qu’elle me convainc. Je rêve de la connaître comme personne, et même si je la comprends de mieux en mieux, je sens encore l’immense partie d’elle qu’il me reste à découvrir. Alors je saute sur mes pieds, parce que j’ai besoin de l’appui de la fenêtre où nous étions appuyés, et je la soulève dans mes bras, la portant sous les épaules et sous les genoux. Elle rigole et je rigole avec elle lorsque je fais deux ou trois tours sur moi-même et que ses cheveux virevoltent gracieusement autour d’elle en suivant le mouvement. Finalement je la repose par terre sans tout à fait la lâcher, comme si j’avais peur qu’elle et nos moments disparaissent si je ne la tenais plus, et ferme doucement la porte. Je sais qu’elle me fera signe si quelqu’un approche. Je la regarde, nous nous sourions, et je lui explique ce à quoi elle doit s’attendre, ou du moins en partie « J’y ai travaillé de longs mois et c’est une de mes plus grandes fiertés, que je veux partager avec toi petit chat sauvage». Puis je lui caresse le bout du nez avec un regard affectueux et la lâche à regret après un instant d’hésitation. Mon esprit comme embrumé en sa présence, ne réfléchis plus à rien. Contrairement à quand je suis avec une grande partie des autres élèves, où je fais attention à chaque mots que je prononce et à chaque mouvements que je fais, dans la crainte de vexer quelqu’un ou de dire ce qu’il ne fallait pas, avec elle, je suis simplement et complètement moi, sans jamais penser au comportement que je dois avoir, sans jamais analyser comment je suis avec elle. Je vis, pleinement, c’est tout. Je m’élance d’un bond sur le rebord de la fenêtre, me retourne une dernière fois pour lui offrir un clin d’œil rieur, et me lance dans le vide, espérèrent lui faire une belle frousse. Je suis sûr qu’elle s’est immédiatement précipité vers l’ouverture, prête à voir mon corps disloqué, c’est pourquoi après ma transformation rapide qui est devenue une habitude, je remonte en battant l’air de mes grandes ailes : Je suis devenu un majestueux faucon, brun tacheté, tirant parfois vers le plus clair, comme pour rappeler la teinte de cheveux que j’arborais avant de me teindre. Je trouve un courant ascendant et plane en face de la fenêtre, observant son visage fin de ma vision d’oiseaux. Pour tout vous dire, même du point de vue d’un faucon qui ne rêve que de déchiqueter la chair sanguinolente d’un raton laveur ou d’une taupe, elle est extraordinairement jolie. Je pense à lui sourire, ou à lui demander son avis, mais seul un cri qui ressemble plus à un croassement sort de mon bec. Puisqu’elle ne me comprend pas, qu’elle s’impatiente sûrement dans l’attente d’explication et que de toute façon, il est trop dangereux que je traîne trop longtemps sous cette forme secrète, je détend mes ailes en m’élançant à quelques mètres de la tour, vole et virevolte, descend en piqué pour je l’avoue, l’impressionner, avant de remonter et de me poser dans le trou qui mène à la volière. Les hiboux et chouettes paillent de frayeur à la vue du rapace qui les menace, et je provoque un beau remue-ménage qui se calme que bien après que je ne sois redevenu un être humain normal. « Alors, je suis plus beau avec des plumes ? », je lance avec un sourire moqueur devant son air encore tout étonné. Je repose le bout de mes fesses sur le bord de la fenêtre, étendant les jambes devant moi, tout en observant ses va-et-vient dans l’attente qu’elle rejoigne une place tout contre moi. « Maintenant, c’est à toi » Concluais-je en lui attrapant les mains pour la tirer vers moi « Et si tu me convaincs, j’ai un autre secret pour ma petite Bella ». Mes yeux rient à nouveaux, bien qu’étrangement, comme si lui parler de mon amour d’enfance, car en ce sujet résidait mon nouveau secret, m’embarrassait, mon cœur se sert et je sens un sentiment de gêne se rependre en moi.
Spoiler:
Desolé, j'ai un peu fait bouger Bella, alors dis moi si tu veux que je change quelque chose, c'est sans soucis