Un sifflotement aux lèvres, Joshua s'affairait en cuisine, suivant avec minutie la recette que lui proposait son livre fétiche "1001 façons de se régaler". Ce livre-là était le premier cadeau que le sorcier s'était fait avec sa paie de serveur et, depuis, il ne le quittait plus, l'emportant partout avec lui, le citant avec ferveur, l'employant dès lors qu'il ressentait l'envie ou le besoin de cuisiner. Joshua ignorait s'il avait été aussi passionné par ce domaine "autrefois" ou non, mais une chose était sûre : il adorait cuisiner. Vraiment. Mijoter des petits plats, humer les bonnes odeurs qui s'extirpaient des casseroles fumantes et autres ustensiles, attendre patiemment devant le four pour s'assurer que la recette était réussie... Oh, Joshua n'était pas forcément un cuisinier doué. Ses lacunes en vocabulaire n'étaient pas là pour l'aider, ce qui l'avait poussé à s'interroger sur des dizaines de formulations. "Faire revenir les oignons" ? Mais ces derniers étaient bien dans sa poêle, ils n'étaient pas partis ! A moins qu'il n'ait pas employé les bons oignons et qu'il fallait nécessairement que ces derniers aient des jambes... Face au supplice de la poêle, les pauvres oignons tenteraient de s'enfuir et c'est à ce moment-là qu'il faudrait les faire revenir ? Devant les absurdités que le monde magique pouvait lui réserver, comme ces "balais volants" et ces miroirs qui aimaient à critiquer sans cesse ses lunettes ou sa coupe de cheveux, Joshua avait sérieusement envisagé cette possibilité, se désespérant de ne pas trouver LES bons oignons qui lui permettraient de réussir sa recette. Tant d'ignorance... Tant de naïveté... Tant de stupidité... Heureusement, il avait appris de son erreur et savait désormais ce que signifiait cette expression absconse. Un jour viendrait où il pourrait dépasser ses difficultés et devenir un véritable cuisinier. Ainsi, il pourrait concocter mignardises sur mignardises pour ses employeurs, ses clients et les quelques amis qu'il possédait à ce jour. C'était d'ailleurs pour l'une d'entre eux, une très précieuse amie, que Joshua s'était mis aux fourneaux en cette après-midi. Il avait l'intention de lui préparer une pleine assiette de cookies. Ebony méritait bien cela, après tout ce qu'elle avait fait pour lui... Déchiffrant à voix haute les étapes de la recette, toujours en cours d'apprentissage de lecture, Joshua s'affairait avec passion, son tablier soigneusement attaché, ses lunettes recouvertes d'une légère buée trônant fièrement sur son nez. Oui... Cela allait être parfait... Enfournant le tout, Joshua s'accorda une pause, soupirant de soulagement. Il ne s'était pas raté... Il se serait senti franchement honteux de devoir présenter un plat de mauvaise qualité à celle dont il se serait éternellement redevable. Ebony valait bien mieux que cela... C'était elle qui l'avait assisté après son réveil à Sainte-Mangouste. Elle était son premier véritable souvenir, un doux visage empli de gentillesse qui lui avait permis de surmonter sa peur et de se reconstruire après ce sortilège d'Oubliettes. Elle lui avait permis d'être "quelqu'un". Pas simplement l'ombre d'un être qu'il ne connaissait pas, une personne qu'il était autrefois, mais lui-même. Joshua. Un homme avec ses goûts, ses aspirations, ses envies, ses petites joies... Un homme à qui l'on avait donné le droit d'être celui qu'il souhaitait être. C'était le plus beau cadeau que l'on aurait pu lui faire. Joshua le savait : il ne pouvait et ne voulait pas redevenir celui qu'il était. Malgré les aspirations de sa famille, de ses prétendus "amis", il ne le souhaitait pas. Être lui-même, n'est-ce pas tout ce qui aurait dû importer ? Ebony lui avait offert cette possibilité. Elle l'avait éduqué, soigné, rassuré... Elle avait fait bien plus pour lui que ses propres parents. Et Joshua lui vouait une reconnaissance éternelle. C'était pour cela qu'il tenait à ce que ce rendez-vous se déroule au mieux. Il avait hâte de lui parler, de lui faire part de ses derniers progrès, de s'assurer que tout aille bien, de discuter, de rire, tout simplement. Joshua n'aimait pas la solitude, tout comme le silence. Seul, il parlait volontiers à voix haute, pour remplir le vide, ce vide qu'il haïssait plus que tout au monde. Ce qu'il faisait actuellement, au risque de passer pour un fou, fixant ses cookies qui doraient au four :
"Ebony va vous adorer, c'est sûr !"
Se laissant aller à un petit rire, Joshua s'assit sur l'une des chaises qui trônaient dans sa petite cuisine, fixant le four comme s'il s'agissait du spectacle le plus intéressant au monde. Il fut cependant interrompu dans sa pratique par des coups à la porte, qui le firent sursauter. Un grand sourire s'étira sur ses lèvres, un sourire qui reflétait toute la joie innocente qui le traversait à cet instant précis. Ebony était là... Il se précipita vers la porte et l'ouvrit, accueillant la médicomage avec un tendre câlin, avant de la presser d'entrer. Oui, Joshua avait encore quelques manques en ce qui concernait les convenances et les manifestations d'affection...
"Je suis tellement content de te voir ! Je t'ai réservé une petite surprise, tu as peut-être déjà deviné à l'odeur..."
Enfilant des gants de cuisine, il sortit son plat du four, présentant les douceurs chaudes tout en clamant avec enthousiasme :
"Des cookies ! J'espère que tu aimes le chocolat !"
Dressant rapidement la table, Joshua s'assit ensuite en face d'Ebony, posant sur elle un regard empli de dévotion, d'admiration et d'une profonde amitié. Il était si heureux de la voir... Elle était une des rares personnes en qui il pouvait accorder une confiance aveugle...
"Est-ce que tout va bien ? Tu sais que, si quelqu'un t'embête, tu n'as qu'à me le dire, je me chargerais de lui faire sa fête !"
Joshua laissa échapper un rire joyeux. Il tendit l'assiette de cookies fumants à Ebony, sans songer qu'ils pouvaient être brûlants :
"Tu en veux, alors ?"
Ebony M. Lancaster
+ SORCIER DEPUIS LE : 05/10/2014 + PARCHEMINS : 502
Cet après midi-là, Ebony allait à Pré au Lard rejoindre l'un de ses anciens patients à Saint Mangouste. Bien sûr, à mesure qu'elle le soignait et l'aidait à s'adapter à sa nouvelle vie, elle s'était attaché à lui au point de le considérer davantage comme un ami qu'un simple patient. Même à Poudlard, elle avait bien du mal à considérer les élèves comme des sortes de clients ou des élèves. Vue le peu de différence d'âge entre elle et les charmantes têtes blondes de Poudlard, il était difficile de ne pas les voir comme des petits frères ou petites sœurs à protéger. Alors forcément, on la disait trop sensible, beaucoup trop humaine pour ce genre de boulot. Pourtant, elle avait de quoi être fière, elle adorait son travail et parfois même elle parvenait à faire changer certains d'élèves d'opinion sur certains sujets. Alors oui, elle avait rendez-vous avec son ami pour avoir des nouvelles. Elle souhaitait savoir comment il allait, comment se passaient les choses pour lui. Cela ne devait pas être simple tous les jours quand on était amnésique. Mais elle faisait totalement confiance à Joshua pour retrouver une situation plus que convenable et une vie heureuse parmi les sorciers.
Alors, elle marchait dans les rues de Pré au Lard avec une certaine satisfaction, même si dans le fond, elle appréhendait ces retrouvailles. Peut être y avait-il quelque chose dans sa vie qui clochait. Elle l'ignorait totalement. Et ancienne médicomage attitrée de Joshua, elle ne pouvait que s'inquiéter. De toute façon, elle s'inquiéterait toujours pour lui malgré tout. Elle vit bien sûr quelques visages familiers, des élèves qui se promenaient, qui allaient dans les boutiques dans le but d'avoir de nouvelles confiseries, de nouveaux vêtements, de nouveaux livres à bouquiner ou des nouvelles plumes pour écrire, et que sais-je encore. Ebony ne pouvait qu'être ravie de voir des têtes heureuses, qui s'empressaient dans ce petit village qui semblait si magique. Elle voyait encore parfois les choses de yeux d'enfants. On ne pouvait le nier... Elle était en quelque sorte une femme enfant. Elle s'arrêta, tourna la tête. Elle était bel et bien arrivée à destination. Un sourire apparut sur son visage et elle alla toquer à la porte de Joshua. Elle était contente qu'il travaille et vive si près de Poudlard. Ainsi durant dix mois de l'année, elle pouvait savoir où il était. Et au moins, il savait qu'elle n'était pas loin. Et en quelque sorte, cela la rassurait énormément de le savoir si près. Quand il ouvrit la porte, tous ses doutes se dissipèrent en un quart de seconde. A première vue, tout allait pour le mieux pour lui. Il était souriant, comme elle s'y attendait. En guise de salut, elle eut le droit à un câlin amical. Peut être que si une autre personne avait été à sa place, elle aurait été surprise, mais cela ne parut pas l'étonner. D'ailleurs, elle ne trouvait pas quoi cette marque d'affection avait d'inconvenant. Bien au contraire, entre deux amis, c'était naturel à ses yeux. Puisque pour Ebony l'amitié était aussi importante que la famille. C'était l'une des valeurs cruciales des Lancaster.
Une odeur de cookies tout droit sortis du four se propagea dans la pièce dans laquelle Joshua fit entrer Ebony. Il cuisinait donc. Encore cette attitude ne la surprit pas. De plus, cela prouvait parfaitement qu'il était autonome et responsable. Beaucoup de médicomages lui avait parlé d'une possibilité d'insouciante. Mais après l'innocence était toute de même plus belle à voir que le défaitisme et le cynisme. De plus, elle détestait les personnes qui voyaient tout en noir. Cela avait le don de la rendre nerveuse et plus inquiète encore. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi les gens voyaient toujours le verre à moitié vide, alors que la beauté de ce monde n'était jamais vraiment loin. « Oh ça sent bon par ici. » Sourit-elle en se tourna vers Joshua. Elle hocha bien sûr la tête. Qu'est-ce qu'elle pouvait aimer les cookies et le chocolat ? Elle était une petite gourmande. Et sur la cuisine, Joshua et Ebony s'entendaient bien. « Bien sûr que j'adore ça. » Répondit-elle enthousiaste en découvrant l'intérieur. Elle avait déjà vu une ou deux fois ces lieux, mais Ebony aimait se dire qu'elle ne pouvait pas tout voir d'un coup et qu'il y avait toujours quelque chose qu'elle n'avait pas vu à la première visite. Elle s'installa ensuite autour d'une table, table que Joshua dressa rapidement avant d'y poser une assiette pleine de cookies. Comme prévu, ils avaient l'air aussi bon qu'elle l'avait pressentie. Une odeur alléchante, une belle apparence, généralement cela prévoyait un petit ventre bien rond à la fin de la dégustation. Elle laissa échapper un rire amusé quand il lui parla de régler son compte à quelqu'un qui l'embêterait. A dire vrai, Ebony allait très bien. Sa vie était presque parfaite. Sauf que voilà certains élèves à Poudlard étaient bien trop cruels avec d'autres. Et cela la tuait de voir une telle méchanceté envers les nés moldus. Pourtant, elle ne se sentait pas vraiment concernée par cette guéguerre du sang. Après tout, elle était de sang mêlé, moitié/moitié comme dirait un enfant quelque peu maladroit pour décrire sa situation. « Oh non, t'en fais pas, je vais très bien. Pas besoin d'intervenir. Ma vie est un long fleuve tranquille tu peux en être persuadé. » Et elle ne se plaignait pas de sa petite vie tranquille. Puis, elle marqua une légère pause en jetant un coup d’œil à ces cookies que son ventre appelait. Seulement, son estomac allait attendre encore un peu. Ebony avait envie de savoir comment son ami allait. « Et toi, raconte moi, comment tu vas ? Tu as l'air de te débrouiller comme un chef. En plus, tu as préparé des cookies, rien que pour moi ? » Demanda t-elle toute souriante. Alors une idée lui traversa l'esprit. Pas forcément une idée lumineuse. Mais une idée tout de même. « Dés aujourd'hui, je t’appellerais cuisto. Je trouve que c'est un surnom que te va bien, tu ne trouves pas ? » Puis, il lui proposa un cookie, enfin lui demanda si elle en voulait vraiment. Elle trouvait Joshua vraiment adorable. Il n'y avait pas à dire, il s'agissait d'un garçon qu'on ne pouvait qu'adorer. Et qu'on avait envie d'avoir comme ami. « Bien sûr que j'en veux. Voyons voir. » Bien sûr, elle avait remarqué qu'ils étaient encore fumants. Et aussi, elle allait se brûler les doigts. Mais combien de fois avait-elle fait l'erreur elle-même ? Elle ne les comptait plus depuis longtemps.