- Maman, pourquoi j’ai pas de papa ?
- Tu en as un Patsy.
- Bah pourquoi il est pas là ?
- C’est compliqué… il ne voulait pas de petite fille.
- Mais… Si j’avais eu un kiki, il serait là ?
- Non, ma puce. Il ne voulait pas de garçon non plus.
- Bah, il voulait quoi alors ?
- … Du plaisir. Et il a eu mon désarroi.
- C’est quoi ça maman ?
- Quand tu seras plus grande, je t’expliquerai.
*****
Courir. Encore et encore en travers les dunes. Le sable humide colle à tes orteils et tes poumons se remplissent d’air salé à chaque inspiration. T’as l'impression de voler. Pas des bonbons ou des livres, mais de voler dans le ciel. Avec des petites ailes comme celles des papillons. C’est mignon les papillons. Pourtant, tu sais que tu n’auras jamais l’étoffe d’un être aussi joli parce qu’eux sont si purs. Si éphémères. Alors tu restes une humaine. Une humaine qui regarde le ciel, les pieds collés au sol. Au sable. La magie, c’est bien beau, mais ça serait tellement mieux si elle pouvait te faire pousser des ailes. Pour toucher les étoiles tout au loin dans la nuit. La nuit qui grâce à la lune te fait moins peur.
Tu n’arrives toujours pas à croire ta mère lorsqu’elle te dit qu’il n’y a pas de danger dans le noir. C’est faux, t’aimes pas ne pas voir les couleurs ou les formes. Ça te fait peur et t’as pas peur de dire que ça te fait peur. Alors tous les soirs tu combats cette peur, quelquefois à l’aide de ta baguette.
Lumos. C’est bien l’un des sortilèges que tu sais faire le mieux.
*****
« Mademoiselle Raine, à la fin de l’année vous allez quitter Poudlard. Vous serez considérée comme une adulte. Ne pensez-vous qu’il est temps d’agir comme telle ? » Menteur. Ça sert à rien de grandir, on est tout seul après. Livré à soi-même. C’est trop triste.
« Je t’aime une fois, je t’aime deux fois, je t’aime plus que le riz et les petits pois. » Joli poème. Tout craquant. Tu l’aimes tellement que tu l’écris souvent à côté de tes dessins. Tout collé à tes griffoullis.
« Elle est vraiment trop bizarre c’te fille. Qu’est-ce qu’elle peut bien foutre ici. En plus, elle est nulle dans quasi toutes les matières, elle couche avec le dirlo ou quoi ? » Chut. C’est pas vrai, t’es normale. Rien de plus normale, t’es quelconque même. Invisible comme l’une des reliques du conte que ta mère te lisait étant plus jeune. C’est tout.
« Y’a quoi à bouffer ce soir ? J’ai faim. » Toi aussi t’as faim. Faim de jolies choses, de sourires, de douces paroles. Même que quelquefois ton cœur crie famine. Tu sais qu’il t’arrive d’être un peu trop sensible. Ou carrément déconnectée de la réalité. De ton corps. Ça te fait toujours bizarre. Alors tu fermes les yeux pis tu continues à écouter les paroles des autres. Comme ça. Pour passer le temps. Quelquefois tu y réponds. Peut-être trop souvent, qui sait ?
*****
« Il fait froid dans les couloirs.
L’hiver s’installe. Avec tout plein de neige. J’ai ressorti l'écharpe qui gratte, mais comme je l'aime pas, j’essaye de rester le plus souvent dans les coins chaud pour éviter de la mettre. Du coup je suis toujours dans la bibliothèque entrain de dormir ou dans un coin de la salle commune pour dessiner. A chaque fois, je me mets de la couleur partout, j’suis sûre qu’on doit me prendre pour un arc-en-ciel.
Mais bon, comme tu n’es pas la pluie et mon papa le soleil, je peux pas être un arc-en-ciel. Je suis juste moi.
Au fait, je t’aime maman.
Patsy. » *****
Une pâquerette. Puis une autre.
Un champ de pâquerettes ploie sur le parchemin froissé. C’est pas bien, tu devrais te mettre à écouter le professeur. Et aussi écrire son cours, ça serait une bonne idée. Pourtant, t’y arrives pas, t’as jamais réussi à faire fonctionner tes neurones en potions. C’est trop dur. Alors tu continues à dessiner des fleurs à la place d’écrire la recette du véritaserum. Elles ont toutes cinq pétales mais quelquefois, tu te fais des petites folies en leur en donnant six. C’est joli six. Ça fait bien. Mais c’est plus facile d’en faire cinq. Toi et la facilité, vous vous connaissez bien, alors t’en fais cinq le plus souvent. Pis dès fois tu leurs fais de la compagnie en dessinant des oiseaux ou des papillons. Elles se sentent moins seules du coup. Pourtant, le professeur il comprend pas ça. Il se dit pas que c’est bien joli ton petit jardin. Il voit pas ça. Pour lui c’est que des gribouillis mais tu t’en fiches. C’est
tes gribouillis. Alors il en parle à ta mère, ta toute gentille mère, avec ce petit ton condescendant que t’épargnes à tout le monde seulement parce que les femmes de joie sont mal vues. Mais au moins, ta maman elle te défend face à cet intolérant. Il ne peut rien dire face à sa poitrine. C’est qu’un homme, pas vrai ? Et elle s’en sert, comme avec tous les hommes. Tout ça pour toi. Pour t’acheter tes fournitures scolaires, ou tes vêtements. Sans ça, tu serais à la rue. Tu l’aimes ta mère même si tout le monde la prend pour un rebut de la société. Alors tu continues à dessiner pour elle, pour toi, pour l’art, pour le parchemin. Pour quelque chose au moins.
*****
Soirée dans la salle commune. Comme toujours, il y a de l’alcool illicite. Des gens qui rient. Des blagues. Des sourires. De la chaleur. Et même des garçons et des filles.
Pour toi, c’est la première fois que tu acceptes à boire. C’est bizarre parce que ça brûle la gorge. T’as l’impression de t’être transformée en dragon. Est-ce ta forme animagus ? Tu en doutes, t’es nulle en métamorphose. Ou alors y’a des clous dans ta boisson. Tu y jettes un regard méfiant. Y’a pas l’air. Tu hausses les épaules avant de t’ennuyer à nouveau. Personne vient réellement discuter avec toi. T’as l’air d’une sauvage avec tes cheveux mal peignés et ta robe de traviole. Ou bien c’est toi qui est de traviole ? Hypothèse possible. Tu regardes autour de toi ; beaucoup n’ont pas plus d’allure que toi, ça t’arrange. A nouveau tu te fonds dans la masse. La foule. Cette foule habituellement si sobre.
Mais bon si on parle de ce qui est habituel, tu serais déjà dans ton lit à l’heure qu’il est, parce que tu restes jamais longtemps à ces soirées. C’est vrai que là, l’alcool la rend moins longue et ennuyeuse. Et dire que demain c’est la fin de la semaine. Tu pourras peut-être squatter la bibliothèque à nouveau, avec un peu de chance Leslie y sera. Ou tu devras aller à l’infirmerie pour demander une potion contre le mal de tête. La honte. Vaut mieux dormir pour faire ça, c’est moins suspect.
En plus, y’a ce garçon qui te regarde depuis le début de la fête. T’as une miette de gâteau au coin de la bouche, c’est ça ?
Il s’approche doucement. Il est mignon même s’il a l’air bien imbibé. Comme toi.
Pis vous commencer à discuter. Les gens autour vous regardent. Vous devez faire un beau couple d’éponges. Sûr.
Il met lentement sa main sur ta cuisse. C’est
chaud. Ça paume est grande, il a une main de géant.
Géant de papier. Géant de garçon.
Et il te prend la main vers les dortoirs. Toi tu vois flou de plus en plus. T’aurais pas dû boire le reste de ton verre cul sec. Il était à moitié plein.
Il t’allonge sur le lit. Tu sais même pas à qui il est. Tant pis.
Pis tu lui souris, un sourire flou. Tremblant d’alcool et de fièvre.
Tu soupires.
Ses lèvres sont chaudes sur ta pâle poitrine
dénudée.
*****
- Patsy, tu m’écoutes ?
- … Pardon maitresse.
- De quoi est composé le ciel ?
- Hum… d’étoiles ?
- Oui, mais encore ?
- De poussière d’étoile. De lumière. De mots.
De couleurs. De la vie.
- Je pense que tu n’as pas appris correctement ton cours.
*****
Il tient ta main dans les siennes, la caressant doucement et avec application. Ça pourrait paraitre romantique, un peu comme dans les livres fleur bleue. Ça pourrait bien être ça, avec un regard plongé dans celui de l’autre.
Mais ce n’est pas le cas.
Il est juste professionnel. Là, à t’appliquer du baume anti-coupure sur les mains parce que t’es tombée bêtement sous ses yeux et qu’il s’est chargé de te soigner. Tu ne te fais pas d’idées, il fait juste son travail d’infirmier de l’école. Tu fermes les yeux, parce qu’étonnement ses mains sont douces, malgré les quelques cals présentes à cause du travail. Il te demande si ça va, si c’est pas trop froid.
Oui, non. Peut-bien bien. Tu ne sais pas quoi répondre. Alors tu repasses tout en revue.
Le repas ce midi était vraiment bon. Les cours de métamorphoses t’ont tuée, surtout le contrôle surprise. L’une des filles de ton dortoir ronfle et c’est agaçant, malgré toutes ces années. Ton écharpe te gratte déjà alors que tu ne l’as pas encore mise ce mois-ci. T’as reçu un exemplaire de
« artist’magic » ce matin. Hier soir, il n’y avait plus de gâteau à la citrouille donc t’as pas pu en avoir. Le devoir d’histoire de la magie t’a pris la tête hier, c't'histoire a fini en dessin magistral. On t’a encore insulté, même les troisième année s’y mettent. Les yeux de l’infirmier sont vraiment très beaux. Ton prochain cours de potions n’est pas avant deux jours et demi. Les égratignures sur tes genoux te grattent sans arrêt depuis deux jours.T’as fini ta réserve de fizwizbiz. Demain c’est le week-end. T’a eu une jolie discussion avec une fille de ta maison, c’était agréable. Bref.
« Ça va. Je… ça va. C’est que des égratignures. »