Elle tremblait cette vie tournoyante, cette matinée fragile d'une journée comme tant d'autres s'en écoulaient entre les murs si vivants de la bâtisse éternelle. Le château et les êtres fantomatiques témoignaient de cette respiration à peine tacite que l'on pouvait presque deviner lorsque l'on se promenait dans les couloirs des cachots, la fraîcheur humide et transpirante de l'éclat d'émeraude qui enveloppait la salle commune des verts et argents. Un univers à part entière, une vue délicate sur une toute autre existence... en arrivant à Poudlard, Augustine ne savait pas vraiment dans quelle maison se rendre, et le choixpeau avait hésité sur sa tête, murmurant des paroles qu'il ne destinait qu'à elle, alors qu'elle s'était contentée de rester silencieuse, attentive, le laissant fouiller son esprit pour la diriger vers la maison qui lui semblait la plus appropriée. A croire que son sale caractère, sa rancœur et son ambition avaient eu raison de ses autres qualités qui auraient pu l'entraîner sur d'autres venelles, d'autres ruelles incertaines, sans que cela pourtant ne scelle son destin dans la pénombre des croyances sournoises des sangs purs. La virginale créature avait bien d'autres pensées qui la poussaient vers tels ou tels comportements, et la juger trop sommairement ne rendait pas justice à la complexité qui était la sienne. A ce qu'elle portait sur ses frêles épaules, cette ressemblance presque abyssale avec sa propre mère, la menace taciturne de son père, et cette crainte qui lui lacérait les entrailles, comme si les papillons la dévoraient de l'intérieur et que le désir serait le fardeau qui la ferait chavirer à l'image de celle dont était presque le reflet.
Elle était cette rose aux épines empoisonnées, à la verve trop incisive pour ne pas pousser certains êtres à la haïr sans même chercher à la comprendre, à saisir ce qu'elle dissimulait derrière ce mur d'arrogance. Sans percevoir la fragilité de ses pétales et cette crainte douceâtre qu'elle ressentait face à ce paternel auquel elle tenait pourtant tête avec opiniâtreté lorsqu'ils étaient en comité restreint et familial. Notamment sur cette éternelle discorde de ce que les enfants du patriarche devaient penser des autres sangs... indépendante et butée, la délectable créature aux lèvres cramoisies préférait se tenir à ses propres convictions, à ses propres rancunes, et rejeter la noirceur de certains êtres partageant les nouveaux idéaux de "père". D'ailleurs, elle craignait, dernièrement, que ce dernier finisse par appliquer sa toute dernière lubie... chercher à l'influencer de la même manière qu'Ezekiel, en lui trouvant un fiancé digne de son nom et capable de la tenir. Mais elle n'en voulait pas de ces épousailles, n'était pas prête à sacrifier son innocence à celui que son paternel lui désignerait comme digne de le faire. Elle en était malade rien que d'y penser, et assise sur ce canapé, les pieds recroquevillés sous elle, elle repensait à la dernière discussion mouvementée qu'ils avaient eu, alors qu'elle tentait de lire un livre quelconque... Discussion où elle lui avait dit qu'elle ne serait pas son instrument, de laisser Ezekiel en paix et qu'elle penserait et verrait qui bon lui semble, n'ayant nullement besoin de son approbation pour cela.
Et pour preuve, malgré cette guerre tenace et mortifère qui se dressait entre ces murs, mais pas tant entre les maisons, de par les alliances troublantes de certains élèves, que cela soit une histoire d'amitié ou de famille, cela n'arrêtait nullement la délicate silhouette de voir et de parler à quiconque en valait la peine à ses yeux... Nés-moldus y compris, même si ces derniers étaient des exceptions se comptant sur les doigts de ses mains. Car pour cela, il fallait qu'elle ne les considère pas comme des menaces, que ce soit par affiliation, ou directement, mais également qu'elle leur trouve un intérêt quelconque. Il ne s'agissait pas ici de manipulation, juste de cette affinité qui pousse les gens à entamer quelques mots, passer quelques instants ensemble. Son frère, lui, volait au secours de certains nés-moldus en digne gryffondor qu'il était... détail qui n'arrivait que trop rarement pour Augustine, de sorte que cela, au moins, n'était parvenus aux oreilles de leurs pères que rarement. Mais il semblait que le patriarche Rosendale avait des oreilles et des yeux partout depuis ces dernières années, comme s'il rôdait lui-même à la manière d'un loup prêt à arracher des gorges ou enfermer en digne barbe-bleue une fille désobéissante. Mais ses quelques relations éparses avec des nés-moldus ne passaient pas inaperçu, tout comme l'attitude d'Ezekiel, pourtant il ne semblait plus vraiment y porter d'attention ces derniers temps, à peine quelques lettres... en ce qui la concernait. Lettres qui parlaient de prochaines fiançailles, murmuraient des menaces à demi-mots, celles auxquelles elle ne faisait presque plus attention, ne lui ressortant qu'inlassablement ce même discours se déversant de ses lèvres avec acidité, ou bien de sa plume avec vivacité. Mais il lui faudrait parler à Ezekiel de son changement de ces dernières semaines... il devait tenir, croire en ses propres pensées, se satisfaire de ses propres positions sans se laisser manipuler.
"Vu que la dernière fois que je suis passé dans cette pièce tu en étais encore à la même page, c'est qu'elle doit être sacrément intéressante !" s'exclama l'un de ses amis, la faisant sursauter à cette voix à laquelle elle ne s'attendait pas vraiment, pourtant la salle commune était sujette au passage à cette heure si précise, avant de déjeuner et de se rendre à la prochaine heure de cours. "Ou pas." répliqua-t-elle d'une moue, en claquant le livre pour le refermer, le déposant sur une table voisine avant de se lever pour emboîter le pas au garçon qui ralentit naturellement pour la laisser parvenir à ses côtés et prendre la direction du rez-de-chaussés et de la grande salle. Lieu qu'ils ne tardèrent pas à rejoindre, s'installant tranquillement à leur table, tandis qu'elle adressait un sourire à son frère qui se trouvait à la table des gryffondors. La haine ne s'érigeait pas entre eux, et comme pour le sang, l'élégante blondinette s'en moquait, indifférente aux qu'on dira-t-on et aux guerres intestines. Elle tenait à lui plus qu'à nul autre être en ce monde, ce frère, ultime famille qui lui restait de par la folie maladive de ce père qu'elle craignait tant sans pourtant qu'elle ne courbe l'échine. Puis, chassant une mèche qui lui retombait devant les yeux, elle se laissa bercer par les discours de ses camarades, souriant par instant, lançant des regards complices avec son voisin de chaise, les minutes s'écoulant doucement mais sûrement... jusqu'à l'arrivée du courrier. Et si la rose ne reçut rien, son regard resta fixé sur la lettre rouge sang que son frère venait de recevoir. Se crispant immédiatement sur son siège, elle serra les poings, laissant ses phalanges blanchir à vue d’œil, tandis qu'elle sentait cette impression d'étouffer, comme si des mains enveloppaient sa gorge et serraient. Elle se moquait de ce que le monde pensait d'elle, elle redoutait l'impact que cela pouvait avoir sur Ezekiel. Elle resterait indifférente, si quelque chose la concernant était dévoilé au regard de tous, même si elle veillait à garder sa vie privée, secrète, mais elle refusait que cela puisse faire divaguer la stabilité du seul être de sang qu'elle aimait de toutes ses maigres forces. La main de son voisin de table vint envelopper ce poing, mais elle n'y réagit pas, la laissant se contenter de murmurer à l'intention de ce frère qui ne pouvait l'entendre de là où elle se tenait : "N'ouvre pas."