Le couloir était presque désert. Quelques étudiants prestes avançaient d'un pas décidé vers les escaliers, des bouquins dans les bras. Des serdaigles pour la plupart à en juger par les écussons sur leur robe noire. Ils ne lui accordaient pas un regard alors qu'elle n'hésitait pas à les dévisager avec intérêt. Eden aimait bien regarder les visages, les imprimer dans sa tête, et après les reconnaitre en les croisant au hasard de ses pérégrinations, cela lui donnait l'impression de connaitre tout le monde. Et de ce fait, il n'existait guère plus de visages qu'elle ne connaissait pas dans cette école. Elle, avait tout son temps devant elle, enfin une ou deux heures avant de rejoindre la grande salle avant le dîner. La plupart des personnes avec lesquelles elle trainait habituellement étaient en arithmancie ou en divination, matières qui n'avaient pas retenu son intérêt lors du choix des options. D'autres avaient décidé d'aller étudier à la bibliothèque pour bénéficier du renfort de quelques ouvrages sur certains sortilèges au programme de troisième année. Une atmosphère studieuse à souhait, mais bien malheureusement trop silencieuse pour la jeune Gryffondor qui s'était fait jeter dehors plus d'une fois, n'ayant pas réussit à rester assez discrète aux yeux du gardien des lieux, dans cet air qui sentait la poussière et un je-ne-sais-quoi de moisi qui lui faisait froncer les narines.
N'ayant rien de mieux à faire, elle s'amusait à marcher de dalle de pierre en dalle en pierre, en évitant les interstices, les yeux fixés au sol et une mélodie incompréhensible sortant de ses lèvres serrée, une sorte de concerto pour marmonnements et grognements. Elle tenait son sac sous le bras, un sac étonnamment léger pour son emploi du temps du jour. Juste un livre de métamorphose et de quoi écrire, et pour cause, elle avait oublié la plupart de son matériel dans la salle commune et s'était découvert une flemme monstre qui l'empêchait de retourner les chercher. Cela lui avait valut des regards courroucés à la fois de la part de ses professeurs et de ses voisins de tables qui n'avaient pas non plus leur matériel. Elle n'avait pu répondre que par un regard éloquent où se mêlait une surprise qui pourrait passer pour sincère et une innocence très enfantine qui, petite fille, lui avait plusieurs fois valut le pardon de ses parents. Quand on a un visage de poupée, autant en profiter, s'était-elle dit en haussant les épaules.
Ses jeux gamins la menèrent dans le couloir où trônait la prodigieuse collection d'armure qui appartenait au château. Aucune armure n'était identique, mais de chacune se dégageait une certaine noblesse dans la tenue. La première pensée qu'avait eu Eden en entrant dans ce couloir, en première année, c'était que les moldus du Moyen-Age étaient d'une stature plutôt modeste. Car il s'agissait bien de moldus, les sorciers n'ayant à l'époque certainement pas eu besoin de porter un tel assortiment de casseroles pour être bien protégé. Un sortilège du bouclier suffisait, ou alors rien. Ou peut-être quelques potions ou des vêtements aux pouvoirs particuliers face à des sortilèges. Elle avait eu une pensée amusante en imaginant les membres du club de duel affublés de pareils accoutrements. En tous cas, jamais ses parents ne s'étaient vantés d'avoir eu un quelconque chevalier parmi leurs ancêtres au sang-pur. Toute gamine, elle s'était même coupée avec un couteau pour vérifier si son sang était d'une couleur spéciale et pas rouge, car si elle avait un sang si particulier, si important, cela devait se voir. Elle avait été surprise autant par la couleur rouge sombre de son sang que par la douleur qui l'avait fait pleurer à chaudes larmes. Ce jour là, ses parents s'étaient inquiétés qu'elle ne soit folle. Heureusement, il n'en était rien.
Jamais Eden n'avait osé soulever la visière des lourds heaumes de fer, ignorant si il était autorisé de les toucher, et craignant que le bruit n'alerte ce cher concierge qui courrait, d'après ce qu'on disait, très vite, trop vite pour ses petites jambes en tous cas. Le noir que l'on percevait derrière les fentes étaient pourtant pour le moins énigmatiques et on mourait presque d'envie de voir ce qu'il pouvait bien y avoir derrière. Eden remarqua alors qu'elle était seule : c'était le moment ou jamais de satisfaire enfin sa curiosité. Elle choisit l'armure la plus petite ayant apparemment la visière la plus légère et se mit sur la pointe des pieds. Elle commença à soulever le morceau de fer quand elle entendit des pas se diriger vers elle dans le couloir. Réagissant sans doute à une espèce d'instinct de conservation, elle relâcha la visière, qui crissa dans un affreux et terrifant bruit avant de s'abattre sur son reposoir dans un bruit de casseroles. Gênée, elle eut pour unique réflexe de croiser ses mains dans son dos, tout en fixant l'angle de couloir par lequel la personne qui qu'elle soit, et qui avait forcément entendu ce boucant au milieu d'un silence de plomb, allait bien finir par passer.
Elle finit par arriver, et c'était bien elle. Une fille qu'Eden avait déjà vu. Une sang-pur de Serdaigle qui se tenait dans l'encadrement du couloir et qui la voyait elle, également bien au centre, et attirant autant l'oeil avec ses longs cheveux roux en bataille que les antiques armures alignées contre les murs. Eden ne connaissait pas son nom, mais avait retenu son visage : une très jolie blonde aux yeux bleus, de quelques années son aînée à ce qui lui semblait. Ne sachant plus ou se mettre, la petite Gryffondor ne réussit qu'à bafouiller pour garder un semblant de contenance.
- Heu ... salut !
Pâle diversion à vrai dire. Elle sentit le rouge lui monter aux joues, ce qui devait affreusement jurer avec ses cheveux. Mais au lieu de ressentir une quelconque honte, elle se demanda plutôt si son interlocutrice n'allait pas la rabrouer ou refuser de discuter avec une plus jeune, et donc tourner les talons, oubliant le bruit suspect et les bafouillements, ce qui était pour elle sans doute la meilleure issue avec comme morale principale : "Eden, ne touche plus jamais, au grand jamais, à ses maudites armures !".
« A l’aide ! S’il vous plait les gens ! Aidez-moi ! » Paloma était désespérée. Elle avait encore mis Mimi Geignarde en colère et… elle le lui rendait bien. Tout ça, parce qu’elle avait eu le culot d’oublier de fermer la porte derrière elle en rentrant pour se laver les mains. Faut dire que ce n’était visiblement pas la première à lui faire ça aujourd’hui, donc Mimi n’avait pas mâché ses mots, lui balançant des absurdités comme quoi on ne lui prêtait plus aucun respect parce qu’elle était mort… Tout ça pour des toilettes par Melin ! Paloma avait soupiré, inspiré un bon coup… Avant de répliquer qu’elle n’avait pas que ça à faire, qu’on l’attendait pour le diner et que, franchement, elle la faisait chier. Paloma n’était pas du genre à avoir la langue dans sa poche, et c’était peut-être son plus grand défaut… Faisant que beaucoup de personnes la trouvaient souvent arrogante. Et là, BADABOUM la bombe avait explosé. Mimi, visiblement très irritée, avait fait fuir toutes les personnes présentes sur le trône en quatrième vitesse, fermé la grande porte à clef, bouché tous les conduits d’évacuation… avant d’ouvrir tous les robinets. Paloma en était restée bouche bée. « Tu déconnes là ? Ouvre-moi vite ça, je t’ai dis que j’ai pas ton temps… » « ESPECE D’IMPERTINENTE. AUCUN RESPECT POUR MA MORT. JE VAIS TE MONTRER… » Elle tournait en cercle dans les toilettes, brandissant son poing menaçant, qui ne pourrait de toute manière jamais atteindre Paloma. Elle rit. « Qu’est-ce que tu comptes faire ? Me noyer ? La blague ! » Cependant, Paloma était beaucoup moins sure d’elle. L’eau montait vraiment beaucoup plus rapidement qu’elle ne l’aurait imaginé… En quelques minutes, l’eau lui arrivait déjà aux chevilles. Et on ne pouvait pas dire que ça aidait à réduire les odeurs nauséabondes du coin, d’ailleurs. « Tu riras moins quand on te retrouvera à moitié noyée. Ne t’inquiète pas, tu ne mourras pas. Je ne tiens pas à voir ta sale tête blonde pendant le reste de l’éternité avec moi dans MES toilettes. Mais prépare-toi à en morfler. VOILA. C’est ce qui arrive quand on joue avec mes nerfs, A MOI ! » Poussant un cri d’indignation, elle tourna les talons, le nez en l’air. Pal se mordit la lèvre. Il fallait agir au plus vite. Pas sur que, même si elle affirmait le contraire, elle réussisse à empêcher sa noyade, en tant que fantôme…
Son premier réflexe a été de tenter de refermer les robinets. En vain. Mimi avait apparemment un certain pouvoir sur ses toilettes. Elle chercha sa baguette et tenta de se remémorer un sortilège qui pourrait l’aider… Paloma en testa une dizaine sur les robinets. Aucun ne semblait avoir d’effet concret, sauf changer la couleur du lavabo. Elle s’appuya sur un mur, histoire de réfléchir sérieusement à la situation. Elle analysa l’espace, le rythme auquel l’eau remontait… D’ici vingt minutes, l’eau lui arriverait au cou. Paloma ne pouvait pas compter sur Mimi. Il fallait agir tout de suite. Mais dans quel pétrin s’était-elle fourrée ! Elle s’était donc mise à appeler à l’aide, collée contre la grande porte, en tambourinant. Encore une fois, sans résultat apparent : l’eau qui coulait devait couvrir ses cris. En poussant un juron, elle tapa du pied, ce qui eut pour conséquence s’asperger son pantalon jusqu’aux genoux… De mieux en mieux.
Paloma leva les yeux aux ciels. Il n’y avait plus d’autre solution. « Peeves ? » murmurra-t-elle, prudemment cependant. De tous les fantômes du château, il fallait croire que le plus farceur était celui qui avait le plus de chances de répondre à son appel. Ce n’était pas celui avec lequel elle avait le plus d’affinités mais… Zut. Il lui fallait de l’aide, et dans ce cas, toute aide était bonne à prendre. Ca ne pouvait pas être pire que ça. Un rire strident résonna dans les toilettes. « Ma jolie, t’es dans de beaux draps ! Même moi je n’aurais pas osé mettre Mimi dans un tel état ! Elle est en train de remonter tout le château contre toi… Les tableaux du château je veux dire. » « Grand bien lui fasse. Peeves, ouvre-moi juste la porte de l’extérieur, trouve moi la clef. » « ET…? » Paloma avait un mauvais pressentiment. « Quoi ? » « ET… j’ai quoi en échange ? » « Je t’en prie ! Ne me refais pas le coup. La dernière fois que j’ai fais une course pour toi, j’ai failli me faire croquée en deux par une plante carnivore géante… Tu sais très bien que ce n’est pas mon genre de briser les règles… » Peeves pencha sa tête sur le côte et eut un sourire malicieux, affreux à en faire fuir plus d’un. « Tu me dois un service, retiens ça, Walden. Je vais voir ce que je peux faire pour toi… » Tandis que le fantôme disparaissait, Paloma se tapa la main sur le front. Voici des siècles que Peeves semait la panique dans le château, et visiblement il n’en n’avait toujours pas assez… L’eau lui arrivait désormais mi-cuisse. Un déclic se fit entendre, qui la fit sursauter. HALLELUJAH. La porte était ouverte. PEEVES EPOUSE MOI. Trop heureuse d’être enfin sortie de ce pétrin, elle ouvrit la porte en oubliant que l’eau hum, n’était pas censée à rester à l’intérieur… Bientôt, une véritable rivière se créa dans le couloir du deuxième étage. Paloma plaqua ses mains contre sa bouche. Elle qui était si perspicace d’ordinaire, elle avait été vraiment stupide. « Oh Merlin, qu’est-ce que j’ai fais ? » pensa-t-elle. Paniquée, elle tenta de fermer la porte le plus vite possible, mais c’était vraiment dur de ce côté-ci. C’est alors qu’elle perçut la voit suraigüe de Mimi Geignarde. « RHAAAAA DEGUERPIS D’ICI TOUT DE SUITEEEE ESPECE DE… ESPECE DE… » « Ok j’ai compris le message… ! » eut-elle à peine le temps de bredouiller, le cœur battant, tandis qu’elle cherchait un endroit où se planquer. Elle grimpa instinctivement les escaliers, et se planqua dans la première salle qui s’offrait à elle, afin de souffler un bon coup. Elle avait laissé Mimi Geignarde gérer toute seule le problème de l’eau… Ce n’était vraiment pas son genre. Elle avait été irresponsable. Elle regretta amèrement son inconscience. D’un côté, c’était Mimi qui avait abimé ses propres toilettes. Mais d’un autre, Paloma l’avait cherché. Si elle n’avait pas été raisonnable, si elle avait tout simplement obéit à Mimi… Elle n’aurait pas ramené le deuxième étage et les toilettes du pauvre fantôme à l’état sauvage.
Paloma entendit un bruit de ferraille depuis la salle à côté… Elle frissonna. Mimi l’avait donc suivi ? Elle sentit comme des sueurs froides. Si ça se trouve, elle l’avait dénoncé, et elle aurait des problèmes… Elle allait être de retenue ! A cette pensée, le moral de Paloma retomba dans ses chaussettes. TOUT sauf ça. Prenant son courage à deux mains et la curiosité l’emportant sur le reste, elle se décida à jeter un coup d’œil à la galerie des armures. Cette salle l’avait toujours intriguée. Elle regorgeait d’armures de grands chevaliers, appartenant pour la plupart à de grands sorciers du Moyen-âge… Passionnée d’histoire, elle avait souvent passé ses après-midi dans ce lieu et connaissait la petite histoire de presque chaque armure et de leur propriétaire. C’est alors qu’elle remarqua la tignasse rousse puis poussa un bref soupir de soulagement, la main sur le cœur. La Gryffondor, qui semblait plus jeune d’un an ou deux semblait mal à l’aise, comme si elle avait fait une grosse bêtise. Au moins, elles étaient deux.
« Heu… Salut ! » Visiblement, elle était à l’origine du vacarme, et en était gênée. « C’est toi qui a fait ce bruit ? » Demanda Paloma. « Tu peux pas savoir à quel point tu m’a fichu la frousse ! Je… Laisse tomber c’est une longue histoire. » Paloma jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Elle se demanda si c’était une bonne idée de sortir maintenant. Peeves passa devant la porte, lui fit un sourire entendu, auquel Paloma ne répondit pas, et s’en alla. Non, peut-être pas… Elle referma la porte derrière elle. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Ajouta-t-elle, histoire de faire la conversation. Elle ne savait pas pour Eden, mais elle n’avait pas l’intention de sortir maintenant de la salle. Au cas où Mimi Geignarde était encore à sa rechercher. Elle s’avança vers Eden et regarda le socle de l’armure, l’air interrogateur. Elle était partie pour rester un bon moment planquée ici.
Spoiler:
Je m'excuse du retard, j'étais en pleine période de révisions du bac blanc... Heureusement, c'est fini, je pourrais répondre plus vite ! Et sinon ouais, j'aime bien délirer sur les débuts Par contre j'ai pas trop compris si la seconde phrase en gras était une pensée dite toute haute ?