ϟ Un joyeux non-anniversaire... À toi ! À moi ? À nous !
Il faisait particulièrement froid ce jour-là, et le sol gelé faisait tomber plus d'un élève sur la route menant à Pré-au-Lard ! Maxine éclatait de rire à chaque fois qu'une scène du genre se déroulait sous ses yeux, peu importait la victime dans ces cas-là, c'était la chute en elle-même qui amusait la Serpentard. De l'amusement, voilà ce qu'elle recherchait en ce jour particulier. Une chance, donc, qu'une sortie jusqu'au village bordant Poudlard eût été organisée par la prestigieuse école cette même journée ! Violet et Maxine avaient alors passé une bonne partie de la matinée à revoir leur plan et leurs tenues pour que les deux héritières Blackstone puissent profiter de l'occasion et, finalement, ce fut un jeu d'enfant pour elles que de passer devant les surveillants, à croire qu'ils avaient fait exprès de ne pas poser de question, aujourd'hui... Peu importait à Max de connaître leurs motivations : l'important c'était qu'elle puisse passer la journée avec sa sœur à jouer des mauvais tours aux autres élèves, remplir leurs poches de bonbons provenant de chez Honeydukes et se prélasser devant une bonne bièraubeurre aux Trois Balais en résumant leur journée.
Comme elles avaient du se séparer pour passer devant Rusard, les jumelles avaient convenu de se retrouver devant la cabane hurlante. Max n'avait jamais vraiment compris pourquoi le lieu effrayait autant les gens. D'accord, c'était sombre, vieux et décrépi, ça menaçait de s'effondrer à chaque instant et le vent sifflait entre les planches de la bâtisse... Mais ça restait une vieille cabane rongée par la pourriture, vide et sans attrait. Pas de quoi en faire tout un flan, du coup, car il existait des centaines de vieilles planches abandonnées comme celle-ci, et jamais personne ne semblait y penser ! Elle fixait la bâtisse en soupirant, attendant Violet dans le froid. Son souffle régulier se dissipait en nuages de fumée, ses lèvres à peine franchies, signe révélateur d'une température basse. La jeune sorcière avait hâte de voir la neige tomber, la Forêt Interdite était toujours plus belle sous la neige, bien que peu de personne eurent osé s'y aventurer jusqu'à présent, et ce peu importe le temps ou la saison ! Penser à la forêt la fit sourire, c'était étrange de savoir qu'un lieu qui lui était si familier après plus de cinq ans restait encore un sombre mystère pour la plupart des élèves. Évidemment, elle avait raconté en détails ce qu'elle avait appris de la forêt à sa sœur, elle le faisait chaque mois en revenant de sa petite excursion lunaire... Max n'avait pas perdu cette fascination pour les bois, même après l'attaque durant leur jeunesse, elle considérait toujours ces lieux comme des havres de paix, comme son chez elle, et ce peu importe la réputation de la-dite forêt.
Des rires attirèrent son attention et elle tourna la tête en direction d'un petit groupe de Premières Années, des Serdaigles d'après ce qu'elle pouvait voir de leur uniforme. Ils gloussaient allègrement, jusqu'à ce qu'elle vienne se poster devant eux. Les Serdaigles n'étaient que trois, et Maxine ne put empêcher un sourire sadique de se dessiner sur ses lèvres quand elle vit leurs mines joyeuses se décomposer en la reconnaissant. Si elle se souvenait bien, Violet et elle leur avait donné une petite « leçon de vol » en prenant le contrôle de leurs balais pas plus tard que la semaine dernière, et elle ne semblait pas être la seule à s'en rappeler...
▬ Alors les mioches, on veut se faire peur ? Moi qui croyais pourtant que vous n'aimiez pas les sensations fortes...
Les Premières Années blêmirent, se mirent à bafouiller une excuse pour partir de là et rebroussèrent à toutes jambes par le chemin qui les avait amenés là, laissant une Maxine hilare assister à leur fuite. Soupirant, elle eut à peine le temps de reporter son attention sur la vieille bicoque de bois qu'une autre silhouette se dessina sur le chemin que les enfants venaient d'emprunter. La Serpentard n'eut besoin que d'un rapide coup d’œil pour reconnaître la nouvelle venue. Souriant de toutes ses dents, elle s'avança vers sa sœur, histoire qu'elle ne fasse pas tout le chemin pour rien.
▬ C'est pas trop tôt ! J'en ai marre de voir ce tas de bois miteux, moi ! T'as eu un soucis en route, Vivi ?
S'il y avait bien une chose que Max ne supportait pas, c'était qu'on s'en prenne au peu de personnes qui avaient de l'importance à ses yeux, et Violet arrivait en tête de liste ! Elle laissa sa jumelle se justifier tandis que toutes deux remontaient le petit chemin de terre jusqu'aux rues principales de Pré-au-Lard. Instinctivement, les deux demoiselles s'engouffrèrent dans la boutique d'Honeydukes, leur confiserie favorite. Un parfum sucré et fruité embaumait l'air du magasin, et les héritières Blackstone avaient toujours adoré y passer des heures. Renflouant leurs stocks de dragées surprises, plumes en sucre, crapauds à la menthe, chocogrenouilles, baguettes à la réglisse mais aussi gnomes au poivre, fizwizbiz, bulles baveuses et autres farces comestibles destinées à piéger leurs camarades, Maxine acheta une extra-portion de patacitrouille en cachette, connaissant l'amour de sa jumelle pour ces bonbons. Elles s'arrêtèrent ensuite chez Zonko, histoire de racheter quelques bombabouses, tasses à thé mordeuses et boîtes à flemme, bien que seule Maxine utilisait ces dernières. Une fois leurs emplettes terminées, elles décidèrent de se rendre aux Trois Balais, histoire de se réchauffer devant une bonne Bièraubeurre.
Les jumelles s'installèrent à une table éloignée de la porte, ignorant les regards méfiants des autres élèves sur leur passage. Max se porta volontaire pour aller passer commande au comptoir et revient avec deux grandes chopes fumantes qu'elle posa sur leur table. Elle en fit glisser une vers sa sœur en souriant avant de trifouiller dans ses poches pour en sortir le paquet de patacitrouilles qu'elle avait acheté moins d'une demi-heure plus tôt. Elle le tendit à Violet en affichant un sourire gêné.
▬ Je sais que c'est pas grand-chose mais... Bon anniversaire, Vivi !
Maxine haïssait leurs parents d'avoir bloqué son accès à son compte à Gringotts, sous prétexte qu'elle n'était pas digne de confiance et inapte à gérer de l'argent avec son caractère impulsif. À cause d'eux, elle était incapable d'acheter un cadeau plus approprié à sa jumelle, elles qui s'arrangeaient toujours pour fêter dignement ce jour qui les avait vues naître. Oh, bien sûr, Silas et Blythe Blackstone ne manquaient jamais d'envoyer un petit quelque chose à leur fille favorite chaque année, un geste de mauvais goût considérant le fait qu'ils mettaient un point d'honneur à ignorer leur première née à chaque fois et que leurs cadeaux visaient toujours à éloigner Violet du danger public qu'était sa sœur. Ce matin encore, lors de la distribution du courrier, un majestueux hibou que Max reconnut comme appartenant à la famille avait apporté un paquet finement emballé à sa jumelle. La lycanthrope avait alors baissé les yeux sur son bol de chocolat chaud, prétextant ne pas avoir remarqué le grand oiseau et avait souri tristement en devinant les efforts de Violet pour ne pas qu'elle soit blessée par la fourberie de leurs géniteurs. Revenant à l'instant présent, Max but une gorgée de Bièraubeurre pour se remonter le moral, et se brûla la langue avec le liquide brunâtre, par la même occasion.
▬ Mille Gorgones, ce truc est trop chaud !
Elle reposa sa chope en grimaçant. Tant pis, il lui faudrait patienter encore quelques minutes avant de pouvoir boire son précieux nectar ! Cette diversion, cependant, détendit un peu l'atmosphère morose qui commençait à prendre racine dans l'esprit de Maxine, et elle en profita pour prendre son courage à deux mains et poser la question qui tournait et retournait dans son esprit depuis l'épisode du petit déjeuner. Soupirant, elle adopta une attitude désinvolte et prit un ton qui laissait à peine transparaître une curiosité polie pour reprendre la parole.
▬ Alors... Ils t'ont envoyé quoi, cette année ? Un poignard en argent ?
Elle avait chuchoté cette dernière partie, ne voulant pas que tout l'établissement puisse entendre leur conversation, et elle s'était efforcée de rire, comme si c'était une blague, comme si toutes ces manigances pour monter Violet contre elle ne l'atteignaient pas. C'était faux, bien sûr, et si elle ne pouvait pas tromper sa jumelle sur ce point, au moins faisait-elle bonne figure pour le reste du monde. Que leurs parents la rejettent et lui mettent des bâtons dans les roues était une chose qu'elle avait fini par accepter et encaisser sans en être réellement touchée, mais qu'ils se servent de la seule personne qui refusait de la quitter tout en sachant la vérité, qu'ils blessent Violet en voulant la forcer à rejeter Maxine, ça... Elle avait toujours autant de mal à le supporter. S'en prendre à sa jumelle était impardonnable. Après tout, elles étaient une, elle l'avaient toujours été et comptaient bien le rester, quoi que puissent en penser ou en dire le monde entier.
Violet était atterrée par l’imbécillité chronique de certains membres du personnel de Poudlard. Elles ne s'étaient pourtant pas montrées particulièrement ingénieuses ce jour-là pour se rendre toutes les deux à Pré-Au-Lard. Le village était interdit à Maxine parce qu'elle n'avait pas reçu la signature de leurs parents sur l'autorisation de sortie, et comme d'ordinaire elles avaient pris le temps de discuter d'un plan plus ou moins ingénieux afin de ne pas éveiller les soupçons de qui que ce soit sur leurs activités. Les jumelles s'étaient levées et préparées dans un silence quasi religieux et l'atmosphère avait été pesante jusqu'au petit déjeuner. Là, un hibou magnifique lui avait déposé un paquet avant de picorer dans son assiette et de repartir. Et selon la tradition, Max avait détourné les yeux comme pour faire semblant de ne rien avoir remarqué. Si durant leurs premières années à l'école Violet s'était demandé si elle ne se doutait vraiment de rien ou si elle faisait comme si, la jeune femme avait fini par se rendre à l'évidence : comment Diable pouvait-on manquer un rapace aussi imposant que celui de la famille Blackstone ? Non, sa jumelle savait que leurs parents omettaient volontairement de lui envoyer un présent. Chaque année. Pour leur anniversaire.
Alors naturellement elles avaient continué de faire semblant. L'aînée avait détourné les yeux cependant que la cadette s'était empressée de mettre le paquet dans son sac. Elle ne l'avait pas ouvert avant d'avoir regagné l'abri de la salle des Trophées. Personne ne s'aventurait jamais là-bas, et c'était rapidement devenu le sanctuaire de l'adolescente. Et tout le monde le savait : mieux valait ne pas essayer de lui tenir compagnie. Même les Serpentards car même maison ou non, elle n'hésiterait pas une seule seconde à attaquer l'élève qui oserait la déranger. Elle était une garce, personne ne devait l'oublier. La jeune sorcière avait hésité un instant à ouvrir le paquet, comme elle le faisait chaque année. Mais la curiosité l'emportant, elle avait finalement déchiré le papier d'un geste rageur avec le sentiment de trahir sa sœur. Et elle avait encore détesté ses parents davantage. Combien de temps cela durerait-il ? Elle ignorait jusqu'où sa haine pouvait aller mais elle savait que celle qu'elle éprouvait pour Blythe et Silas Blackstone était directement proportionnelle à l'amour qu'elle ressentait pour Maxine. Elle n'avait même pas pris la peine de lire la lettre qui avait accompagné le cadeau offensant et, après avoir fait un tour des trophées pour se calmer, elle avait retrouvé Max dans leur dortoir.
Une visite à Pré-Au-Lard était exactement ce dont elles avaient besoin. Le château était trop plein d'imbéciles, de sang de bourbe et de traîtres à leur sang. Elles y étouffaient parfois, malgré le fait que l'école était davantage leur foyer que le manoir Blackstone. Elles n'étaient véritablement chez elles nulle part, mais au moins Poudlard les acceptait toutes les deux. Une dernière inspection, et Maxine avait pris le chemin du parc. Sa sœur avait attendu un petit moment avant de suivre ses traces et de passer le lourd portail en fer forgé qui marquait la limite de l'école. Cet idiot de concierge n'avait même pas fait de remarque, aussi n'avait-elle pas eu à se justifier. Les joues rosies par le froid offrait un contraste étonnant avec l'habituelle pâleur de la sorcière et celle-ci resserra sa cape sur ses épaules. Le sol était gelé et de-ci de-là certains élèves retardataires comme elle glissaient pour se retrouver au sol l'air hagard. Un sourire cruellement moqueur étirait alors les lèvres rouges et pleines de Violet, et elle les dépassait avec un air hautain. Décidément, le célèbre collège de sorcellerie n'était plus aussi sélectif qu'autre fois s'il acceptait des étudiants incapables de tenir sur leurs pieds !
Vi' arriva enfin dans le village, et commença à le traverser de part en part. A mi-chemin, elle aperçut le cousin Dorkins qui lui sourit timidement. Haussant des sourcils, la Serpentard lui lança un regard glacial et le jeune homme s'empressa de regarder ailleurs. Pour faire bonne mesure, elle sortit sa baguette sans s'arrêter une seule seconde de marcher et pétrifia l'imbécile heureux. Elle devait se dépêcher, Maxine devait l'attendre depuis un petit moment maintenant. Les jumelles s'étaient donné rendez-vous à la Cabane Hurlante cette fois-ci, mais par cette température, peut-être auraient-elles eut mieux fait de se rejoindre aux Trois Balais. De toute façon, les élèves ne se risqueraient jamais à dire au personnel de Poudlard que Max s'était rendu au village, et les rares qui auraient pu – Serpentards, évidemment – s'en fichaient comme de leur premier balai. Alors qu'elle était presque arrivée, trois Serdaigles faillirent lui rentrer dedans dans leur hâte de s'éloigner de la maison la plus hanté de Grand-Bretagne. Ils s'arrêtèrent juste à temps et leurs yeux s'écarquillèrent lorsqu'ils reconnurent la jeune femme. Il s'agissait des premières années avec lesquels les jumelles s'étaient amusées la semaine précédente. Les pauvres n'étaient pas prêts de remonter sur un balai de sitôt.
''Bouh !''
Les trois sorciers reprirent leur course cependant que Violet ricanait. Elle se doutait que ce n'était pas la Cabane Hurlante qui les avait effrayé, mais plutôt une autre sorcière. Arrivée au point de rendez-vous, elle aperçut sa sœur qui l'observait en retour. Un sourire en tout point identique étira les lèvres des deux jeunes Blackstone, un sourire aimant et chaleureux. Max s'avança et commença à se plaindre. Levant les yeux au ciel, Vi' prit le bras de sa sœur et l'entraîna avec elle vers la rue principale de Pré-Au-Lard tout en lui répondant.
''Quelques minutes de retard et te voilà prête à brûler le château ? J'ai simplement voulu mon chapitre avant de venir. Et en route j'ai croisé le Dorkins et nos trois apprentis aigles, alors j'ai voulu jouer un peu.''
Elles quittèrent rapidement le chemin de terre et, une fois de retour dans le village sorcier, entrèrent immédiatement chez Honeydukes. La riche odeur de sucre les frappa et aussitôt elles salivèrent. Les filles Blackstone se mirent en tête d'acheter un peu de chaque sorte de bonbon, hormis peut-être ceux destinés aux vampires : c'était dégoûtant. Vio pourtant résista à trop en acheter et lança un regard presque larmoyant au bac rempli de Patacitrouille. Elle aurait voulu toutes les acheter, mais elle voulait refaire son stock de farces et attrapes chez Zonko. Ce fut le prochain arrêt des jumelles, et la plus jeune s'en donna à cœur joie. Lorsqu'elles eurent payé, les sorcières se rendirent finalement aux Trois Balais pour une Bièraubeurre bien méritée.
Il y avait foule, et Violet sentit les regards de leurs camarades converger vers elles comme autant d'animaux évaluant le danger. Elle les ignora superbement et se trouvèrent une petite table de l'autre côté de la taverne afin de pouvoir guetter l'arrivée éventuelle de leurs professeurs. Alors que Maxine partit commander les boissons, elle vérifia qu'elle avait bien emporté le petit rouleau qu'elle avait préparé juste avant de quitter son dortoir. Satisfaite, elle leva les yeux juste à temps pour voir sa sœur se rasseoir et lui faire glisser sa commande. Puis l'aînée des Blackstone fouilla un moment dans ses poches avant d'en sortir un paquet de Patacirouille pour le donner à sa jumelle.
''Je sais que c'est pas grand chose mais... Bon anniversaire, Vivi !''
Un sourire illumina les traits de la jeune femme qui prit son cadeau, les yeux brillants. Max s'excusait chaque année du cadeau qu'elle lui offrait, mais un paquet de bonbon de sa part valait tous les cadeaux honteusement chers du monde. Elle se retint de prendre sa sœur dans ses bras, de lui sauter dessus pour la remercier, lui dire que c'était bien assez. Elles avaient un public. Mais elle savait que son aînée comprenait, elle comprenait toujours. A la place, la sorcière sortit le rouleau et le posa devant sa sœur. Sous le regard interrogateur de celle-ci, Vi' déclara:
''Je voulais t'acheter un livre mais je sais que tu n'as toujours pas ouvert le Roueries et fourberies pour sorciers hardis que je t'ai offert l'an dernier. Alors à la place je t'ai fait ça. Bon anniversaire.''
Elle ne dit rien de plus, amusée par l'air perdu de sa sœur et finalement elle déplia le rouleau qui s'avéra n'être qu'un simple parchemin vierge.
''Il est ensorcelé. J'ai le même alors quand tu t'ennuies et que tu veux me parler, tu n'as qu'à écrire dessus et les mots s'écriront aussi sur mon parchemin et inversement et le papier chauffera. C'est un sortilège Protéiforme, pratique quand on n'a pas les mêmes cours ou quand on est en retenue. Ou en examen... Et quand tu voudras effacer les messages tu n'auras qu'à le tapoter trois fois avec ta baguette, comme ça.''
Violet lui montra avec sa baguette comment faire. Ce n'était certes pas grand chose non plus, mais elle se serait sentie mal d'user de l'argent de son compte alors que Max ne pouvait même pas accéder au sien. Elle ne voulait pas mettre sa jumelle mal à l'aise, et pensait également que ce cadeau pourrait leur être utile. Ne serait-ce que pour les notes de Maxine... Elle rangea sa baguette. D'un même mouvement, les sorcières prirent un gorgée de leur Bièraubeurre et l'aînée formula à haute voix ce que la cadette hurlait intérieurement. Si leurs boissons avaient été plus chaudes, les chopes auraient fondu ! Alors elles entendirent que l'air ambiant les rafraîchisse un peu et Vi' entendit la voix de son aînée s'élever à nouveau, lui demanda d'un air – faussement, elle le savait – détaché ce que leurs parents lui avait offert cette fois. Inspirant profondément, elle répondit, lasse:
''Arrête Max. Tu te fais du mal pour rien.''
De toute façon elle savait bien que jamais aucun des présents qu'ils lui avaient offert ne les sépareraient. Tantôt des objets pour la prévenir d'un danger quelconque, tantôt des armes mortelles contre des loups-garous, ils n'avaient de cesse d'essayer de l'éloigner de sa jumelle. Ils ne comprenaient rien à rien, elles étaient une. Devant l'air plus insistant de Maxine, elle reprit froidement la parole.
''Un Scrutoscope de poche. Ils m'ont envoyé un Scrutoscope de poche.''
ϟ You & I are equals, breathing the same air, with our heart beating in the same harmony
Maxine était forte pour râler alors que sa sœur préférait garder son avis pour elle, lancer un regard assassin à la personne ou à l'objet qui était à l'origine de son irritation et manigancer une vengeance effroyable. Violet connaissait sa jumelle par cœur et, par conséquent, elle ignora royalement ses supplications, lui agrippa le bras pour la ramener vers la rue principale du village magique et fournit comme vague excuse une histoire de personnes croisées dont... Gabriel. Max avait grimacé en entendant sa sœur mentionner son nom et la chair de poule s'était emparée de sa peau. Heureusement pour elle, son double était trop focalisée sur leur destination pour s'en rendre compte. Elle n'y pouvait rien, Maxine, si le simple fait d'évoquer ce garçon provoquait une réaction bizarre chez elle. Encore un coup de son instinct lycanthrope, et comme par hasard il avait fallu que ça tombe sur lui entre tous les garçons de Poudlard, le seul qu'elle voulait éviter à tout prix. Elle le chassa le plus rapidement possible de ses pensées tandis que le temps passait et l'après-midi défilait à une vitesse folle sous ses yeux. Elle aimait beaucoup les sorties à Pré-Au-Lard et elle en était d'autant plus reconnaissante envers Violet que, sans elle, elle n'aurait pas pu y mettre les pieds avant sa majorité.
Leurs achats étaient terminés, à présent, et les jumelles se prélassaient dans un coin des Trois Balais. Certains élèves de Poudlard avaient eu assez de courage pour regarder Maxine effectuer l'aller-retour entre leur table et le comptoir le temps de commander leurs boissons. Pour chaque tête levée en sa direction, la Serpentard distribuait un regard assassin qui persuadait rapidement la personne visée de baisser la tête ou, au moins, de prétendre n'avoir pas fait exprès de la regarder. Max sourit face à ces réactions, ils étaient pathétiques ! Regagnant le coin où Violet et elle s'étaient installées, elle ne tint pas longtemps avant de lui offrir le paquet de patacitrouilles. La joie qui avait illuminé le visage de sa sœur en cette instant valait bien tous les parents du monde et, sans avoir besoin de se donner en spectacle en laissant éclater de grandes effusions de sentiments, l'aînée Blackstone sut que Violet se contenterait de ce cadeau avec satisfaction. Elle ne jugerait pas sur le ridicule de la situation et de ses moyens, elle ne le faisait jamais.
Maxine n'eut pas le temps d'observer plus longtemps les réactions de sa jumelle que, déjà, Violet posa un rouleau sous son nez. Max l'observa quelques secondes avec un léger sourire au lèvre puis elle le prit entre ses doigts et le soupesa. Elle reconnut la texture rugueuse du parchemin et lança un regard plein d'interrogations en direction de sa cadette. Vivi sourit avant de déclarer :
▬ Je voulais t'acheter un livre mais je sais que tu n'as toujours pas ouvert le Roueries et fourberies pour sorciers hardis que je t'ai offert l'an dernier. Alors à la place je t'ai fait ça. Bon anniversaire.
Max grimaça un peu en entendant parler du livre. Il était vrai qu'elle n'avait pas encore trouvé l'occasion de le lire, mais elle avait promis de le faire un jour et n'avait pas encore abandonné l'idée de parvenir à ses fins. De plus, elle savait pourquoi sa sœur avait décidé de lui acheté un bouquin portant un titre pareil : dedans se trouvaient sans nul doute des centaines de farces et bêtises qu'elles pourraient reproduire au château. D'un coup, elle s'en voulut de faire retarder autant ces futurs moments de joie, pour elles, et de malheur, pour leurs victimes, qui redonneraient un coup de frais sur leur réputation de trublions : les jumelles Blackstone étaient définitivement les reines de la farce et du coup monté. Reportant son attention sur le rouleau, elle n'avait toujours pas décidé si elle devait l'ouvrir ici ou non, essayant d'imaginer ce qu'il pouvait contenir. Violet dut certainement s'impatienter car elle finit par avancer le bras pour dérouler elle-même le parchemin. Vide. Il n'y avait rien d'inscrit dessus. La lycanthrope fronça les sourcils et détacha son regard de la feuille de papier pour le poser sur sa jumelle, en quête de réponses.
▬ Il est ensorcelé. J'ai le même alors quand tu t'ennuies et que tu veux me parler, tu n'as qu'à écrire dessus et les mots s'écriront aussi sur mon parchemin et inversement et le papier chauffera. C'est un sortilège Protéiforme, pratique quand on n'a pas les mêmes cours ou quand on est en retenue. Ou en examen... Et quand tu voudras effacer les messages tu n'auras qu'à le tapoter trois fois avec ta baguette, comme ça.
Violet utilisa sa baguette pour lui faire une petite démonstration tandis que le sourire de Maxine n'avait cessé de s'étirer au fur et à mesure qu'elle avait entendu les explications de sa sœur. Cette idée était géniale ! Bon, évidemment, l'allusion aux examens ne lui échappa pas, et elle ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel pendant une fraction de secondes : Vivi ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter pour ses notes. Pourtant, Maxine n'était pas si mauvaise que ça... Elle savait que sa sœur aurait aimé la voir aussi studieuse qu'elle ou que leur cousine mais Max avait bien trop de mal à se concentrer sur ses leçons quand son corps tout entier lui réclamait de l'action toutes les cinq minutes ! Si on lui laissait le choix, sans doute passerait-elle le plus clair de son temps dehors, peu importait les températures et les conditions météorologiques, c'était ce que le loup demandait. Rester enfermées dans le château à longueur de journée la mettait sur les nerfs et c'est d'ailleurs pour cela qu'elle s'arrangeait pour trouver le temps d'aller dans le parc au moins une demi-heure chaque jour.
▬ Merci Vivi, je sens qu'on va vite les user, ceux-là !
Elle lui fit un clin d’œil et savait que, comme elle n'avait pas besoin de grand-chose pour voir quand sa sœur était heureuse, Violet pouvait en faire de même. Ce cadeau, par ailleurs, était fabuleux à ses yeux, ainsi le regard qu'elles échangèrent juste avant de boire une gorgée de bièraubeurre dans un geste parfaitement synchronisé transmit à chacune la gratitude que l'autre éprouvait et leur joie d'avoir pu passer un an de plus ensemble. Elles continuaient à faire face, elles contre le monde, quoi qu'il pût arriver ! Mais Max savait que le paquet de patacitrouilles n'était pas le seul présent que sa petite sœur avait reçu et elle ne put retenir sa question très longtemps, poussée par la curiosité. 'est sur un ton las que cette dernière lui répondit.
▬ Arrête Max. Tu te fais du mal pour rien.
Maxine soupira. Bien sûr, Violet voulait la préserver, mais bon... Elle voulait juste savoir jusqu'où leurs parents étaient prêts à aller pour essayer d'éloigner leur petite fille prodige de l'abomination de la famille. Ils n'avaient jamais compris qu'ils ne pourraient jamais parvenir à leurs fins, quoi qu'ils eurent décidé de dire ou de faire. Cela faisait bien longtemps que les jumelles s'étaient rendues compte que le lien qui les unissait était plus fort que tout, y compris tous les efforts du monde déployés par leur propre sang pour les séparer. Au contraire, tout ceci ne faisait qu'à renforcer leur lien, si ce n'était pas ironique ! Pour un peu, Max aurait eu envie de rire, mais le sujet n'avait rien de drôle. Elle ne posa pas la question une seconde fois mais son regard insistant en disait bien assez. Cette fois, la voix de Violet fut froide lorsqu'elle consentit à desserrer la mâchoire.
▬ Un Scrutoscope de poche. Ils m'ont envoyé un Scrutoscope de poche.
Pendant un instant, Maxine ne dit rien. Que pouvait-elle bien répondre à cela ? Finalement, Violet avait raison : même après toutes ces années, cela faisait encore un peu mal de se confronter aux cruelles machinations de leurs parents. Elle poussa un léger soupire puis, peu à peu, son sourire se redessina sur ses lèvres. Elle ne s'était même pas rendue compte qu'elle l'avait perdu au moment où sa cadette avait prononcé le nom du cadeau. Il ne lui fallut pas longtemps pour encaisser le coup et reprendre contenance.
▬ Oh, d'accord. C'est bien pensé, on pourra s'en servir pour voir arriver les surveillants lorsqu'on sera en mission !
Elle se mit à rire légèrement, quitte à avoir cette conversation, autant rester digne. Et puis, c'est vrai qu'elles pourraient trouver une utilité à ce cadeau, même si ce n'était pas celle que leurs parents auraient voulu. De toute manière, s'ils connaissaient vraiment violet, ils auraient su que le scrutoscope ne se serait jamais activé pour Maxine. Les jumelles n'avaient, pour ainsi dire, qu'uniquement confiance l'une en l'autre ! Pour un peu, la lycanthrope aurait pu rire en réalisant à quel point cette tentative de les éloigner était ratée, une vraie perte d'argent pour leurs géniteurs... Ils devaient manquer d'idées, apparemment, pour en venir à ça, ou alors ils n'avaient pas réfléchi, ce qui ne serait pas non plus une grande surprise pour Maxine ! Quoi qu'il en fut, le scrutoscope était là. Max pouvait voir que sa jumelle n'était pas à l'aise, elle s'en voulait toujours pour le comportement de leurs parents, et ce même après toutes les fois où l'aînée Blackstone lui avait répété que ce n'était pas de sa faute, qu'elle n'avait jamais rien fait pour que leur famille se retrouve dans cette situation, qu'elle n'avait rien à se reprocher.
Elle essaya donc d'apaiser Violet avec un léger sourire, elle glissa sa main jusqu'à son bras qu'elle serra doucement avant de le relâcher pour refaire une tentative avec sa bièraubeurre. La chope étant encore trop chaude pour elle, elle la reposa sur la table en grimaçant. Elle aurait voulu en faire plus et lui crier une fois encore qu'elle n'avait pas à s'en vouloir pour tout ceci, mais le fait d'être assise dans un lieu public avec, elle le savait, une bonne dizaine d'oreilles tendues dans leur direction, l'en empêchait. Pour un peu, elle avait presque envie de se lever, entrer dans une colère noire pour tous les faire fuir et ainsi pouvoir profiter d'un moment d'intimité avec sa sœur pour pouvoir discuter de leurs vies, de leurs ambitions et du sujet qui n'intervenait jamais en public : leur situation familiale. Elle se retint, cependant, et se contenta de dériver sur un sujet moins fâcheux, du moins pas pour elle..
▬ Alors... J'avais pensé faire un tour près du lac cette semaine. Tu sais qu'il est gelé et qu'ils vont ressortir les patins à glace... Tu crois qu'un sortilège protéiforme ferait assez chauffer la couche d'eau congelée pour pouvoir surprendre les abrutis sur glace avec un bain surprise ?
Une lueur de malice qui effrayait plus d'un élève illuminait son regard. Ce qui était bien dans le fait d'avoir une jumelle assidue en cours, c'était que lorsque Max balançait une idée farfelue, Vivi pouvait directement savoir si c'était faisable ou non, en fonction des sortilèges, potions et enchantements qu'elle maîtrisait, et que Maxine était aussi censée connaître... Et puis, même si la mission se révélait impossible, les jumelles trouvaient toujours une parade pour jouer tout de même un tour digne de ce nom à leurs cibles, en remplacement de leur idée de base. On n'aurait pas dit comme ça, mais chacun de leur plan était calculé au millimètre près, et c'est d'ailleurs pour cela qu'elles réussissaient à échapper aux punitions dans certains cas, ou à s'arranger pour n'avoir qu'une retenue minime. Tout faisait partie du plan, même les sanctions, et ce dès la préparation du mauvais coup. Seuls quelques méfaits échappaient à cette règle, il s'agissait des bêtises spontanées, le genre d'occasion servie sur un plateau d'argent que les filles ne peuvent pas décemment refuser de saisir lorsqu'elles apparaissent sous leurs yeux sous peine de le regretter pour le reste de leur existence !
▬ Imagine un peu leur tête en se rendant compte qu'il n'y a plus rien sous leurs pieds et là.. Plouf !
La Serpentard laissa un léger rire passer la barrière de ses lèvres à cette pensée, elle visualisait parfaitement la scène. Automatiquement, elle se mit à remplacer l'élève anonyme qui plongeait dans le lac malgré lui par des visages qui lui étaient insupportables. Ainsi, elle fit défiler Jamie-Hope, Ambre et bien d'autres et son esprit, comme pour lui rappeler à quel point il était dangereux de s'adonner à ce petit jeu, ne tarda pas à placer le visage de Gabriel sur celui de la victime. Cela sembla moins marrant, d'un coup. Elle s'empressa de chasser cette image de son esprit et se replongea dans la réalité du mieux qu'elle le put. Pourquoi fallait-il qu'il vienne tout gâcher, même ses petites jubilations ? Et puis pourquoi ne pouvait-elle pas savourer le fait de le voir plonger dans le lac, cet abruti ? De toute manière, ce n'était pas comme s'il était vraiment du genre à faire du patinage... Oh et puis, qu'est-ce qu'elle en savait, de son genre ? Elle ne voulait rien avoir à faire avec lui et ne pas y penser, surtout, donc tant pis pour lui si il devait se faire piéger par le lac, voilà qui était dit ! Histoire de faire définitivement passer cette résolution, Maxine porta une nouvelle fois sa chope à ses lèvre et avala deux grosses gorgées d'un trait. La température ne la gênait plus, à présent, et elle laissa la chaleur amie l'envahir pour l'aider à sortir de ses pensées avec délectation.