Le dortoir des septièmes années de Serdaigle était plongé dans une douce pénombre et le silence qui y régnait n’était troublé que par les respirations paisibles de mes camarades profondément endormis. J’avais attendu un long moment, car je savais que le préfet mettait parfois un certain temps à s’endormir, vue qu’il était au fait de mes escapades nocturnes régulières. Mais il avait le sommeil lourd. Lorsque sa respiration se fit plus régulière et plus lente, je me glissais enfin hors de mes draps. Je savais que je ne risquais plus rien. J’enfilai rapidement un pantalon, un t-shirt et un pull et quittai la tour de Serdaigle.
Quelques centaines de marches plus bas, je gagnai discrètement la bibliothèque, sans encombres. Je me glissai jusqu’à la réserve que je connaissais par cœur à présent. Ce n’était pas pour autant que je ne devais pas me montrer vigilant. Le gardien arpentait les couloirs de l’école, la nuit, lorsqu’il ne s’agissait pas des préfets, des professeurs, ou encore d’autres élèves. C’était fou le nombre de gens que l’on était susceptibles de croiser en pleine nuit, après le couvre-feu ! Et je n’avais pas particulièrement envie de faire une rencontre cette nuit.
Après avoir trouvé les dernières informations qu’il me manquait à l’établissement d’une potion tout à fait expérimentale, je quittai les lieux en quête d’un endroit propice, pour mettre en pratique ce que le livre venait de m’apprendre. Pour cela, j’avais besoin de récupérer ce que j’avais collecté lors de mes escapades nocturnes précédentes et de me rendre dans la salle déserte du troisième étage où, dans un vieux chaudron d’argent, mijotait une potion, à feu doux, depuis deux jours. En premier lieu, je décidai d’aller chercher les derniers ingrédients manquants, que je trouvais en salle des potions. Je fis un détour pour éviter le gardien en remontant. Il ne m’avait pas vu, mais il avançait tout de même dans ma direction. Je pressai le pas et poussai la première poignée de porte qui me passa sous la main dans le couloir menant à la galerie des armures. Un placard à balais ! Fort bien !
J’attendis patiemment qu’il fusse passé puis quittai ma cachette, direction la salle du méfait. Je pressai le pas, mais voilà que je distinguai une autre silhouette au bout du couloir ! « C’est pas vrai ! Nox !» pestai-je entre mes dents serrées. Je n’avais pas eu le temps de voir de qui il s’agissait, mais je craignais que lui, en revanche, m’ait vu. Je n’avais pas vraiment le choix, si je voulais éviter de me retrouver dans le bureau de l’opportun. Je bifurquai à gauche et dans l’obscurité, je ne vis pas la grande armure au heaume souriant que je percutais de plein fouet. Il y eut un bruit de taule froissée, suivi d’un grincement sonore, puis de plusieurs. « Oups ! Silen…»
KLONG ! BAM ! SHLING ! SBLAM !
« Outch ! » L’armure s’était effondrée sur moi et les pièces s’étaient répandues un peu partout dans le couloir. C’était bien ma veine ! J’allais me faire tuer ! J’essayai de me redresser pour détaler au plus vite, avant que l’opportun ne débarque. « Repulso ! » Le plastron fut éjecté et entra en collision avec l’armure qui se tenait juste derrière. Un nouveau bruit de fatras assourdissant résonna dans toute la galerie. Bien joué Benedict ! Je me redressai, et une voix retentit à mon oreille : « Je suis d’humeur pour une joute matinale ! Pas toi ? » « HA ! » J’ôtai rapidement le heaume et le jetai n’importe où dans un bruit de conserve métallique. « Plus tard pour la joute ! » Puis je détalais. Du moins, j’en avais eu l’intention. Mais je venais de percuter autre chose, ou plutôt quelqu’un.
Dernière édition par Benedict O'Carley le Jeu 22 Sep - 20:31, édité 1 fois
Ezra Scodelario
LA BLESSURE DE L'INSOMNIE
+ SORCIER DEPUIS LE : 24/01/2013 + PARCHEMINS : 358 + LOCALISATION : Principalement dans l'enceinte du château de Poudlard depuis septembre dernier
See the show tonight Prepare to be astounded No ghost or poltergeist ⊹ Comme souvent, le sommeil me fuit comme la peste. Notre petit duo est d’ailleurs tellement rodé que je sais sans trop me prendre la tête que passé un certain horaire, je n’arriverais plus à le trouver. Alors à quoi bon me tourner et me retourner dans mon lit à la recherche de la position la plus confortable quand l’on sait d’avance qu’à par perdre du temps, cela ne conduira à rien. Surtout quand un fond de douleur s’invite à la fête. Cette nuit ressemble à tant d’autres qui se sont déjà déroulées par le passé, que je ne me berce plus d’illusions. Sans réfléchir plus, je décide de potasser un peu le prochain atelier de vol que j’aimerais rendre accessible à tous les élèves de Poudlard. Il me semble important de valoriser chacun des étudiants et de revenir sur leurs difficultés. Après tout, je n’apprends à voler qu’aux premières années et ensuite j’interviens auprès des équipes de quidditch. Ces derniers ne sont d’ailleurs pas loin d’être des pros en vol. Mais personne ne se préoccupe de ceux qui n’ont jamais excellés et qui du coup, n’ont pas forcément remis une fesse sur un balais depuis leur première année. C’était déjà une démarche que j’avais à cœur en arrivant à ce poste en septembre et je sais que le directeur me soutient en ce sens. La découverte de mes nouvelles fonctions ne pas pour l’instant pas permis de ficeler un atelier comme je le souhaiterais. Il faut que je m’y mette sérieusement. Et encore plus en ces temps incertains, je pense qu’il est primordial pour chacun d’entre eux de savoir voler. Peut-être que cela leur sauvera la vie un jour, qui sait…
Deux petites heures se sont déjà écoulées depuis que je me suis posé à mon bureau. Des feuilles sont éparpillées un peu partout autour de moi. Les idées fusent, j’ai remplis à la fois la pile pour ce fameux atelier qui me tient à cœur, et j’ai également dérivé vers de nouvelles idées pour mes premières années ou encore de nouvelles méthodes d’entrainement pour les équipes. Je pourrais discuter de tout cela avec les différents capitaines. La fatigue est loin de me gagner, bien au contraire, mon cerveau bouillonne tellement que je suis parti pour faire nuit blanche. Le sommeil n’est jamais très généreux avec moi, mais mon estomac lui ne fait jamais de pause. J’ai toujours de quoi grignoter dans mes appartements, mais là j’ai également envie de me dégourdir un peu les jambes. La nuit va être longue alors autant la faire passer tranquillement. Je me demande même si je ne vais pas faire un saut par la bibliothèque pour récupérer un bouquin.
Je sors alors de chez moi et sens tout de suite la brise fraiche nocturne. Je ne suis pas du genre frileux, mais je ressers tout de même ma veste en coton autour de moi. Le couvre-feu est passé depuis longtemps et il est tellement tard qu’à part le concierge je ne devrais croiser personne. Je prends le chemin des cuisines, en claudiquant légèrement, afin de soudoyer les quelques elfes de maison restant de mets délicieux. Ils ont l’habitude de me voir leur rendre visite régulièrement, c’est devenu une petite routine. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’un petit panier m’attende dans un coin, s’ils sont déjà tous partis se coucher. Et c’est ce qu’il se passe cette nuit, quand après avoir gratouillé le ventre de la jolie poire du tableau, je n’entends aucuns bruits me parvenir de la pièce. Je regarde rapidement ce qu’il se cache dans mon panier de la nuit : du thé bien chaud comme je l’aime, de la limonade à la fleur de sureau et des petits biscuits aux noix de pécans et noix du Brésil. Je ne sais pas trop comment ils s’y prennent, mais depuis que je leur ai parlé de mes voyages et de mes souvenirs alimentaires d’enfance, ils arrivent toujours à me préparer des petites choses qui me rappellent ma mère. Le sourire aux lèvres, je prends un premier biscuit et tout en le grignotant, je me lance dans l’ascension des escaliers direction la bibliothèque. Clopin-clopant, je prends mon temps. Depuis l’attaque de la banque, je ne suis pas au mieux de ma forme. J’ai la vague impression d’être retourné aux suites de mon accident, quand j’étais en rééducation. En moins sévère certes, mais le sort que je me suis pris m’a bien ramené à la réalité de mon corps et des séquelles que je garderais toujours. Arrivé sur le palier du troisième étage, je vais pour poursuivre vers le quatrième et la bibliothèque, quand un éclair lumineux attire mon regard. Je ressers instinctivement la prise sur ma baguette, plus jamais je ne me retrouverais sans défense comme à la banque. La lumière s’éteint aussi vite qu’elle est apparue et j’entends des pas feutrées s’enfoncer dans le couloir. Je ne sais pas qui est le petit opportun qui cherche à s’échapper mais il est clair que ce n’est pas une attaque. Mon état n’est pas au mieux pour me lancer dans une course poursuite dans le château et je me tâte à continuer ma petite route quand un vacarme retenti. Je me dirige alors dans cette direction, curieux de voir ce qu’il se passe et je tamise un peu la lumière provenant de ma baguette pour me faire discret. Je distingue rapidement une voix prononcer le sort permettant de repousser les objets. Un nouveau bruit atroce vient troubler le calme environnant et je réprime un rire quand j’entends une armure proposer au pauvre malheureux une joute matinale. Je ne peux qu’imaginer la scène. « Plus tard pour la joute ! » Au moment où je lève ma baguette pour braquer la lumière sur l’élève, je le sens littéralement me rentrer dedans. Mon petit panier fait un tour et s’écrase lamentablement au sol. Je reconnais immédiatement le jeune homme et me permet donc une petite boutade : « Pour la discrétion dans cet étage du silence, on repassera Mr O’Carley. » Je rigole en me penchant pour attraper mon pauvre panier de victuailles et en ramassant la poche de biscuit, ma main tombe sur quelque chose que je ne pensais pas voir ici. Je me redresse et tend à mon élève l’ingrédient qui ne fait certainement pas partie d’une potion innocente : « Tu peux m’expliquer ce que tu fais ici à deux heures du matin, Benedict ?J'espère que tu ne t'attires pas trop d'ennuis avec ça ? »
J’avais le don pour m’attirer les ennuis et avec le vacarme que je venais de faire, si je n’avais pas réveillé toute l’école, je pourrais m’estimer heureux ! Je n’avais pas spécialement envie de m’attarder pour le savoir et ce fut dans la précipitation que je percutai le mec que j’avais aperçu dans le couloir de plein fouet. Mon cœur manqua un battement et je sentis comme un millier d’accromantules fourmiller le long de ma colonne vertébrale. Horreur ! Malheur ! J’étais fait ! Pris la main dans le sac !... Encore. J’allais me faire tuer. Par lui, assurément. Puis par Clarence ensuite.
Je reculai d’un pas, ébloui par la lumière de sa baguette magique, la bouche ouverte comme un poisson en dehors de son bocal, mitigé entre l’idée de me fondre en explications foireuses et celle de détaler comme un lapin. Mais il m’avait vu. Trop tard. J’allais ramer ensuite pour expliquer ma fuite à mon directeur de maison. Assume maintenant Benedict ! Conduit-toi en adulte ! Cette pensée me fit sourire.
Je levai une main pour me protéger les yeux du faisceau lumineux et tenter de voir à qui j’avais affaire. Mais avant que je ne discerne l’individu qui se tenait devant moi, sa voix familière me parvint aux oreilles et me rassura légèrement. Scodelario ! J’avais probablement une chance de m’en tirer sans trop de bobo avec lui. Il avait l’air de bonne humeur. Je souris à sa raillerie en jetant un coup d’œil derrière moi pour contempler l’étendue des dégâts. Trois armures étaient éparpillées au sol, en pièces détachées. « C’est à celui qui a ensorcelé ces armures qu’il faut le dire. » répondis-je en haussant les épaules. Ma mauvaise foi n’était pas ostensible et mon sourire en coin plaidait coupable. Je ne cherchais pas particulièrement à jouer au plus malin avec le professeur de vol car j’avais de l’estime pour lui, plus que pour n’importe quel autre professeur. Je ne cherchais pas non plus à nier, ni à l’entourlouper, d’ailleurs, j’avais dit cela sur un ton proche de celui qu’il avait employé pour m’aborder. Ce n’était pas de l’insolence, même si d’aucun professeur plus à cheval sur les principes que lui auraient pu qualifier mon comportement de tel. Ezra me connaissait suffisamment maintenant pour savoir que je ne pouvais m’empêcher d’avoir réponse à tout, du moins, pour moi c’était une évidence, mais je ne pouvais pas délibérément assumer ma connerie. Question d’égo.
J’ouvris la bouche pour répliquer, car bien-sûr, j’avais toujours une très bonne explication pour me trouver hors de mon lit. Je n’allais pas lui resservir ma salade ô combien préférée sur mes crises de somnambulisme car je la lui avais déjà servie une ou deux fois, il fallait varier un peu les plaisirs. Mais ce qu’il me mit sous le nez refréna quelque peu mon enthousiasme retrouvé.
Ma réjouissance fut de courte durée. J’avais oublié de refermer ma besace et il semblerait que quelques uns des ingrédients qu’elle contenait se soient fait la malle. « Ca ? Heuuuum… » dis-je avec une petite moue, le temps de réfléchir vite et bien à ce que j’allais pouvoir baratiner pour me sortir de ce bourbier, tout en posant mes prunelles claires sur les racines d’ellébore que j’avais dérobées dans la salle de potion. Je songeai un instant à me faire passer pour un idiot en prétextant m’être trompé de plante. Il existait peu de potions connues à base de ces racines. Le seul usage connu dans les manuels de potion traditionnels était destiné à la confection d’un philtre de Paix. Bien-sûr, la potion à laquelle je m’essayais avait une toute autre utilité. C’était en réalité une potion visant à reproduire un des effets de la magie vaudou sur laquelle monsieur Hamilton m’avait demandé d’enquêter. Ô, bien-sûr, il ne m’avait pas demandé de pousser mes investigations aussi loin. Mais j’éprouvais le besoin de l’impressionner, de lui prouver que je pouvais être un assistant autonome et efficace.
Cependant, là, en l’occurrence, je prenais un risque en mentant ouvertement à Scodelario. Il n’était pas né de la dernière pluie et si notre rapprochement jouait en ma faveur d’un certain côté, il me desservait lorsqu’il s’agissait de faire passer des vessies pour des lanternes. « Des ennuis ? Pour un excès de zèle ? Je ne trouvais pas le sommeil alors, plutôt que d’ennuyer mes camarades j’ai préféré réviser mes connaissances en matière de…de… de potions. » Je décidai de jouer la carte de la franchise. Tout était vrai qui plus est. Puis plongeant mon regard dans celui du professeur, j’ajoutai avec aplomb : « C’est une racine d’ellébore. Oui, je sais, c’est très rare, excessivement cher et horriblement dangereux. Mais elle est l’ingrédient indispensable du philtre de Paix comme vous le savez sûrement. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles la confection de ce Philtre ne nous est pas enseignée en classe. Enfin, nous en étudions la composition, mais on nous apprend aussi que les effets de l’ellébore sont très hasardeux. Mais en fait, c’est parce qu’il en existe différentes sortes vous savez. C’est juste qu’elles sont très similaires et de ce fait très difficiles à dissocier. Il faut être un expert en herboristerie pour le voir à l’œil nu. Et même les experts arrivent à se tromper. C’est dire ! Et imagine ! Si même les experts confondent la black ellébore avec la white, les résultats pourraient être désastreux. D’ailleurs, j’ai lu un article là-dessus. Des herboristes ont voulu mettre au point une potion pour soigner contre la constipation. Et bien figure-toi que ça a été un vrai désastre ! Le poison de cette plante est si puissant que même à dose infime, il a flanqué une diarrhée monstrueuse à tous les cobayes sur qui la potion a été testée. Pas étonnant qu’on ne laisse pas le loisir aux élèves de faire quelques travaux pratiques avec ça. » terminai-je en riant. Je m’interrompis, me rendant compte que j’avais sans doute été un peu trop loin. Une fois n’était pas coutume, j’étais bien renseigné sur la chose. C’était comme si j’avais absorbé l’encyclopédie que j’avais lue. J’aurais pu encore m’étendre sur les propriétés purgatives de la Black Ellébore ou encore, sur les autres propriétés qui m’intéressaient, à savoir l’éloignement contre les mauvais sorts par exemple. Mais ça, je m’en gardais bien d’en parler pour l’instant. Je m’étais suffisamment emballé pour faire un mini exposé, à un professeur qui plus est, sans compter la familiarité dont j’avais fait montre et qui s’était insidieusement glissée dans mon anecdote très raffinée. N’est-ce pas ?
En observant sa mine, je soupçonnais aussi quelques tracas, ou bien tout simplement de la fatigue. Mais mon petit doigt me disait qu’il n’y avait pas que cela. « Et t…vous ? Que faites vous dans les couloirs en pleine nuit ? » C’était fichtrement gonflé de lui demander ça alors que toute l’école était sur le qui vive suite à ce qu’il s’était passé. Mais nous savions, lui et moi, que ses déambulations dans les couloirs n’étaient pas une nouveauté. Il ne me ferait pas croire qu’il faisait simplement une ronde. Nous avions suffisamment joué au chat et à la souris toute l’année. Car même si je m’étais toujours débrouillé pour ne pas me faire prendre, je savais pertinemment que c’était lui, qui avait manqué de m’épingler à plusieurs reprises lors de mes innombrables maraudes nocturnes.
J’avisais son panier de victuailles.« Ils servent encore à manger dans les cuisines à cette heure-ci ? » demandai-je avec un air mutin. J’avais toujours du mal à savoir où Ezra se positionnait par rapport à la relation prof élève que nous entretenions, ou si parfois… comme ce fameux jour où les ateliers avaient viré au cauchemar et que j’avais une fois de plus été la cible de propos haineux, il était un peu plus que cela.
Ezra Scodelario
LA BLESSURE DE L'INSOMNIE
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See the show tonight Prepare to be astounded No ghost or poltergeist ⊹ L’inquiétude passagère qui m’avait étreint au moment d’apercevoir le rail lumineux a rapidement fait place à de l’amusement en approchant de l’élève qui se battait littéralement avec une des armures du château. Et je ne peux m’empêcher de rire franchement en reconnaissant Benedict lorsqu’il me rentre dedans en entamant un mouvement de fuite. Il se recule, pris sur le fait. Ébloui par la lumière de ma baguette, il a les yeux plissés, la bouche grande ouverte et me fait irrémédiablement l’effet d’une biche aux abois, qui se retrouverait entre les phares d’une automobile, prête à détaler à tout moment. Je ne peux m’empêcher de le railler sur le vacarme assourdissant qu’il n’a pas manqué de faire avec brio et au même moment, il lève sa main en visière pour se protéger de la lumière. Je vois tout de suite dans son regard qu’il est soulagé que ce soit moi et pas un autre professeur, ou pire le concierge qui est particulièrement louche, il faut l’avouer. Je baisse ma baguette, maintenant toutefois la lumière pour voir.
Benedict ne manque pas de répondre à ma raillerie par une jolie plaisanterie avec un petit sourire au coin des lèvres qui veut tout dire. Je ris de nouveau tout en me baissant pour ramasser mon petit panier, qui s’est éparpillé au sol au moment de l’impact, quand je tombe sur un ingrédient qui ne devrait pas se trouver en possession de mon élève. « Tu peux m’expliquer ce que tu fais ici à deux heures du matin, Benedict ? » Mon ton est tout de suite plus sérieux, je le sais. En plantant la racine devant le visage du jeune homme, je vois en un instant que son humeur change également d’expression. « Ça ? Heuuuum… » Je le vois à ça petite moue qu’il cherche une explication valable à me sortir pour encore une fois m’entourlouper. Mais à vrai dire, il m’a déjà eu plusieurs fois par le passé et j’ai appris à le connaitre au fil des derniers mois écoulés. Je ne peux alors que m’inquiéter pour lui. « J’espère que tu ne t’attires pas trop d’ennuis avec ça ? » « Des ennuis ? Pour un excès de zèle ? Je ne trouvais pas le sommeil alors, plutôt que d’ennuyer mes camardes j’ai préféré réviser mes connaissances en matière de…de… de potions. » Son incertitude est traite et le desserre aisément. Il n’est pas du genre hésitant d’ordinaire. Il est celui qui explique tout et parfois même cela lui est préjudiciable car ça peut être particulièrement agaçant d’avoir un monsieur-je-sais-tout à ses côtés. Pour autant, je commence à cerner un peu le personnage, et ce trait de caractère n’est pas une manière hautaine, pour lui, d’assoir sa supériorité. Je crois qu’il a juste plaisir à partager et que son flot verbal lui permet aussi de se canaliser et de se donner une certaine contenance. C’est d’ailleurs ce qu’il ne manque pas de faire. « C’est une racine d’hellébore. Oui, je sais, c’est très rare, excessivement cher et horriblement dangereux. Mais elle est l’ingrédient indispensable du philtre de paix comme vous le savez sûrement. C’est sans doute… » Je l’écoute attentivement débiter son savoir. Le jeune serdaigle est particulièrement brillant et semble retenir tout ce qu’il lit, entend ou étudie. Toutefois, je suis un peu surpris qu’il s’intéresse si passionnément à cette plante. L'hellébore, comme il le dit si bien, n’est pas à prendre à la légère. Je ne suis pas un expert en potion, mais je sais que c’est un ingrédient qui peut rapidement se transformer en venin très toxique pour quiconque ingère la décoction et l’utilise à mauvais escient. « Ce n’est pas le genre de plante que l’on utilise à la légère effectivement. Tu fais quoi avec ça Benedict ? » J’essaie de ne pas montrer trop d’inquiétude, mais avec tout ce qu’il se passe dans le monde sorcier depuis quelques temps, je ne peux m’empêcher de me faire du souci pour mon jeune élève que j’ai appris à apprécier cette année. Je ne voudrais pas qu’il se retrouve dans le pétrin. Je réfléchis un instant, mais je n’arrive pas à voir qui dans ses fréquentations pourraient le conduire sous un mauvais chemin. Par contre, je le revois parfaitement zapper mon autorité et se jeter à corps perdu dans les couloirs du château lors de l’incident des mannequins. Je crois que c’est d’ailleurs à cet instant que je me suis rendu compte que notre relation commençait doucement à devenir plus que celle normale entre un professeur et son élève. Je me suis fait énormément de soucis, et mon choix de raccompagner les serdaigles n’étaient pas un hasard. Je me passe une main sur le visage. J’ai envie de l’aider, tout simplement.
« Et t… vous ? Que faites-vous dans les couloirs en pleine nuit ? » Sa nouvelle hésitation me fait doucement sourire. C’est la première fois que Benedict se permet autant de familiarité avec moi, mais cela ne me dérange pas, tant que cela reste respectueux. Et après tout, j’ai été le premier à le tutoyer. Sans doute qu’il ressent lui aussi que notre relation évolue. Il pourrait presque être mon petit frère, un petit frère qu’il faut soutenir, accompagner et protéger. Mais pour en revenir au moment présent, il détourne visiblement la conversation essayant de m’amener loin de la racine que je tiens encore dans ma main. Je la glisse dans ma poche, il n’est pas question de lui redonner cet ingrédient dangereux et encore moins d’oublier cette affaire. Néanmoins, s’il faut le mettre en confiance et parler d’autre chose pour sonder tranquillement le jeune homme, je ferais à son rythme. La confrontation n’a jamais donné rien de bon et il est évident qu’il cache des choses dont il ne veut pas me faire part pour l’instant. Ce n’est pas bien grave, après tout, chacun à son jardin secret, mais je continuerais à le surveiller. Je lève alors mon petit panier pour lui montrer et lui répond gentiment. « Comme tu peux le voir, j’ai été chercher des victuailles pour combler mon petit creux de la nuit. » Je lui envoie un grand sourire, malgré le fait que je sente ma fatigue physique se faire de plus en plus sentir. « Ils servent encore à manger dans les cuisines à cette heure-ci ? » Son petit air canaille est revenu. Cela lui arrive souvent de passer par l’ironie pour s’en sortir. « Les elfes de maison ont pris l’habitude de me laisser des petites douceurs pour les nuits où je ne dors pas. Ils sont charmants quand on prend le temps de les découvrir et ils aiment faire plaisir. Je trouve toujours quelques mets merveilleux dans ces paniers. » Je lui renvoi son sourire et en changeant de position, je n’arrive pas franchement à réprimer un mouvement pour me maintenir debout sur mes jambes. Mes genoux flanchent, un petit éclair de douleur me traverse et je ne peux retenir un soupir de faiblesse. Je laisse alors tomber mon panier et ma baguette, et dans un élan de survie, je plante mes deux mains sur les épaules de Benedict afin de me maintenir debout. Presque aussitôt je les retire, je ne suis pas certain qu’en présence de témoin ce geste soit vraiment apprécié. Et pour contenir mon instabilité, je m’approche doucement du mur et y pose l’une de mes mains. « Excuse-moi Benedict. Je ne suis pas au mieux de ma forme comme tu peux le voir. J’aurais peut-être dû m’abstenir de sortir aux cuisines cette nuit. »
Je ne manquais jamais d’assurance. Du moins en apparence. Je trouvais toujours réponse à tout, même dans les situations les plus critiques, lorsqu’il s’agissait d’embobiner un professeur ou un camarade pour me tirer d’une mauvaise passe par exemple. Mentir avec aplomb dans ces cas là, c’était salvateur et facile. C’était ce qui me rendait si imbuvable d’ailleurs, car rien ne semblait jamais me déconcerter. Mais tout cela n’était qu’une façade cachant en réalité, un cruel manque de confiance en moi. Qui l’aurait cru ?
Présentement, on ne pouvait pas vraiment dire que c’était la surprise qui m’avait fait perdre mes moyens. J’avais pleinement conscience des risques que je prenais en m’aventurant hors de la tour de Serdaigle la nuit, et croiser un opportun dans les couloirs faisait partie du jeu. On ne pouvait pas gagner à tous les coups et ce soir, j’avais perdu. Jusqu’à maintenant, j’avais toujours eu la répartie pour rebondir et me tirer d’affaire. Même face à Scodelario. Cependant, cette fois, c’était différent.
Il s’était passé trop de choses dernièrement et les horreurs qu’étaient capable de faire mes camarades m’avaient atteint, une fois de plus. Je faisais un bouc émissaire parfait. Même si je m’évertuais à continuer de faire comme si de rien n’était, mon moral et mon aplomb étaient entamés. J’étais moins souriant et moins bavard qu’à l’ordinaire ces jours-ci et la nouvelle de l’attaque de la banque Gringotts avait fini de miner mon moral. Voilà de quoi fissurer le plus beau masque que j’étais à même de pouvoir porter. Je m’étais donc focalisé sur la mission pour laquelle j’étais investi. Mais je n’avais pas prévu de tomber sur Scodelario. Je n’avais pas eu beaucoup l’occasion de rediscuter avec lui depuis l’incident. Mais je gardais encore en mémoire son attitude à mon égard ce jour là. C’était ce qui m’avait fait bafouiller et je lui avais laissé entrevoir sans le vouloir, le début de ma plus grande faiblesse, ce qu’il avait pris pour une tentative de me jouer de lui.
Je m’étais vite rattrapé cela-dit, en lui faisant un exposé sur la racine qu’il m’agitait sous le nez. C’était un bon moyen pour moi de recouvrer un semblant d’assurance. Mais de toute évidence, j’en avais trop dit. La sincérité n’était pas mon fort. Piqué au vif par sa question que je trouvais soupçonneuse, je ne me laissais pas distancer. Le regard flambant d’une lueur pouvant se confondre avec celle de la passion et je répondis du tac-o-tac : « Un philtre de paix ! » Rien que ça ! Ben voyons ! C’était un mensonge, naturellement. Et j’avais honte. Mais je ne pouvais délibérément lui dire que je comptais l’utiliser à des fins expérimentales pour monsieur Hamilton, qu’il ne connaissait même pas, du reste.
Mon empressement à vouloir faire bonne figure me fit bafouiller encore. J’en devenais presque trop familier. Scodelario me faisait perdre tous mes moyens ce soir et cela semblait l’amuser en plus. Mais je ne devais pas perdre la face. C’était essentiel. Je l’amenais donc sur un autre terrain moins glissant que celui de la plante qu’il tenait toujours et qu’il glissa dans sa poche. Je pris considérablement sur moi pour contraindre mon regard à soutenir celui d’Ezra et le plus dur fut de contenir mes véhémentes protestations. Je ne jetai qu’un coup d’œil distrait au panier qu’il me montra, obnubilé que j’étais par l’idée de récupérer mes racines d’ellebore. Je pris mon mal en patience en le taquinant sur ses curieuses occupations nocturnes. Il fallait que je la joue fine si je voulais récupérer mes racines. « Les elfes de maison vous ont à la bonne ! » fis-je remarquer sans me défaire de mon sourire. « Je ne pensais pas d’ailleurs qu’il y en avait encore en cuisine à cette heure. » Je notai la grimace sur le visage du professeur et mon sourire se figea. « Quelque chose ne v… » et il lâcha panier et baguette magique, nous plongeant de nouveau dans une clarté obscure. La salle des armures n’était plus éclairée que par quelques faisceaux provenant des bougies magiques aux deux extrémités du couloir. Je sentis les mains de Scodelario sur mes épaules et j’eus le réflexe naturel de l’agripper sur le flanc gauche, pensant qu’il allait s’effondrer. « Professeur ! » J’avais blêmi. Il se redressa aussitôt, se confondant en excuses. Abasourdi, je n’avais pas eu le réflexe de desserrer ma poigne sur son habit. J’aurais sans doute senti le feu empourprer mes joues si je m’étais rendu compte de sa proximité plus que soudaine et si je n’avais compris le malaise qui venait de le saisir. Je desserrai légèrement ma prise et spontanément je lui avais offert mon épaule pour l'accompagner contre le mur. « Qu’est ce qui t’arrives ? » Ça m’avait échappé cette fois-ci. Ce n’était pas par manque de respect, mais la situation était telle que l’étiquette s’était faite la malle. « Tu n’te sens pas bien ? » demandai-je dans la précipitation. Tout en gardant une main sur l’épaule d’Ezra pour le maintenir contre le mur, des fois qu’il lui serait venu l’envie de glisser, je cherchais à tâtons ma propre baguette sous mon pull.
« Lumos ! » J’éclairai son visage et je constatai avec inquiétude son triste état. « Tu t’es fait attaquer par une bande de strangulos ou quoi ! » Ma remarque lancée à la va-vite sur le ton de la franche camaraderie était absurde et complètement déplacée, je le savais bien. Il m’avait tout l’air d’avoir été passé à tabac par je ne savais quoi et je sentais mes entrailles se nouer à mesure que des théories farfelues se formaient dans ma tête. Je me fis une représentation mentale de ses agresseurs qui ressemblaient fort à des mangemorts et l’espace d’un instant, je fis même le rapprochement avec le cambriolage de Gringotts. Je chassai aussitôt cette idée saugrenue de mon esprit, les yeux rivés sur le visage d’Ezra. Il était professeur à Poudlard, il y avait peu de chances pour qu’il se soit retrouvé là-bas. Mais maintenant que l'idée avait germé dans mon esprit retord, il fallait que je sache.
Puis, je pris du recul sur la situation et me rendis compte de la barrière que je venais de franchir en agissant comme je venais de le faire. La paume de ma main posée sur l'épaule d'Ezra me paru soudain brûlante. Je la retirai aussitôt, profondément gêné. « P…Pardon. Je… ca va aller ? Je suis… dés... » Non, je ne l’étais pas vraiment. J’étais juste troublé et je me sentais gauche. Je n’avais jamais été doué pour ces choses là. Puis j’eus peur qu’il s’effondre ou pire, qu'il m'en veuille. J’avais envie de reculer d’un bond, de partir en courant tellement je me sentais mal à l’aise. Mais je n’y arrivais pas. J’éloignais ma baguette et fuyais son regard. Je me forçai à sourire. « Voilà ce qui arrive quand on ne mange pas assez au repas du soir. » plaisantai-je, pour dédramatiser. Redoutant de m’attirer ses foudres, je glissai un regard à son expression avant d’ajouter : « Peux-être vaudrait-il mieux aller à l’infirmerie. Je peux t’acc… vous… accompagner. »suggérais-je, confus. Je savais que c’était une idée idiote car je n’avais rien à faire là et l’accompagner à l’infirmerie risquait d’aggraver mon cas. Mais je ne pouvais pas décemment le laisser planter là.. D’une certaine manière, je me sentais redevable d’une dette envers lui.
Ezra Scodelario
LA BLESSURE DE L'INSOMNIE
+ SORCIER DEPUIS LE : 24/01/2013 + PARCHEMINS : 358 + LOCALISATION : Principalement dans l'enceinte du château de Poudlard depuis septembre dernier
See the show tonight Prepare to be astounded No ghost or poltergeist ⊹ Reconnaitre un mensonge quand il a lieu est un art que peu de personne peuvent se targuer de posséder. Je ne pense pas être particulièrement doué à ce petit jeu de la vérité, mais quand je commence à connaitre quelqu’un, j’arrive à déceler les petites incertitudes qui laissent planer le doute. Et quand doute il y a, toujours un mensonge tu trouveras. Ma grand-mère aimait proclamer ce mantra et nous étions tellement turbulents avec Belize que plus d’une fois elle a réussi à nous épingler avec cette phrase ! Formaté depuis l’enfance, j’arrive de ce fait assez rapidement à sentir quand une personne ne veut pas me dire la vérité. Gros ou petit mensonge, peu importe, je ne suis pas du genre à acculer la personne pour lui soutirer des informations. Après-tout chacun a bien le droit de garder des secrets pour lui, c'est la définition même du mot. Mais quand j’ai le pressentiment que le dit mensonge est dangereux pour la personne, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter et de vouloir aider. Et c’est exactement ce qu’il se passe dans le cas présent. Benedict O’Carley est le genre de jeune qui pourrait facilement se retrouver dans des situations compromettantes sans s’en rendre compte et en pensant bien faire. Sa curiosité presque maladive pourrait aisément le conduire dans une direction qui ne serait pas bonne pour lui et j’ai du mal à croire qu’il a trouvé l’idée tout seul d’utiliser une racine d’Hellébore. Alors quand je lui demande des explications et qu’il me ressort avec un peu trop d’empressement son histoire de filtre de paix, je ne peux m’empêcher d’être soupçonneux. Toutefois je le laisse m’amener gentiment vers un terrain certainement moins glissant pour lui. Chaque chose en son temps, je suis loin d’être bête et j’ai une très bonne mémoire. Et puis ça ne sert à rien de précipiter les choses et de risquer de perdre sa confiance. D’autant plus que j’ai l’impression qu’avec le jeune serdaigle, la multitude d’heures passée ensemble ces derniers mois aux abords du terrain de quidditch nous a permis de lier une relation que je sens changer ces derniers temps. En restant à ses côtés, il finira peut-être par se confier à moi.
Et comme pour appuyer mes pensées dérivant sur notre relation changeante, Benedict ne manque pas de me taquiner gentiment, chose qu’il ne pourrait pas se permettre avec tous les professeurs. « Les Elfes de maison vous ont à la bonne ! Je ne pensais pas d'ailleurs qu'il y en avait encore en cuisine à cette heure. » Je laisse échapper un petit rire à cette remarque. Il est vrai que les elfes de maison m’apprécient, mais cela date de mes années d’étude. J’étais déjà soumis à mes insomnies à l’époque et assez rapidement je me suis retrouvé à me promener la nuit dans les couloirs du château pour m’occuper. Mes pas, et mon ventre surtout, m’ont conduit vers l’antre de ces chers petites créatures sympathiques. Curieux de nature, plus les mois filaient et plus j’en apprenais sur eux. Et petit à petit des habitudes se sont créées. Les paniers gourmands ne sont arrivés que cette année, parce qu’en étant professeur je me permets plus facilement de venir en plein milieu de la nuit. « Ils ne sont plus en cuisine forcément quand je passe, d’où le panier ! Les elfes de maison sont pleins de petites attentions… » La fin de ma phrase se coince dans ma gorge lorsque ma condition physique reprend le dessus. « Quelque chose ne v... » Et la sienne s’arrête en même temps que le rail lumineux de ma baguette nous plonge dans une semi-obscurité. Par pur réflexe, je tente de m’accrocher à la première chose qui me tombe sous les mains et ce sont les épaules de mon jeune élève qui en réponse s’accroche à mon flan gauche pour tenter de maintenir mon équilibre. « Professeur ! » Son interpellation est comme un rappel à l’ordre et je le lâche aussitôt me répandant en excuses et en marmonnant une petite blague pour essayer de détendre l’atmosphère. Notre proximité est trop grande, je n’ai pas le droit, je… Je chancelle un peu sur place et je sens Benedict desserrer légèrement sa poigne sur mon flan et me présenter son épaule pour m’accompagner près du mur. « Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu n'te sens pas bien ? » A croire que nos places changent en un clin d’œil et qu’il devient la personne forte sur laquelle s’appuyer, alors que ça devrait être mon rôle d’adulte et professeur. Je sens sa main me plaquer l’épaule contre la paroi froide du château pour m’aider à rester debout tandis que je réprime une nouvelle grimace de douleur. Cette dernière aurait pu passer inaperçue si le jeune serdaigle n’avait pas choisi ce moment pour m’envoyer son lumos en pleine figure. Et sa réaction est immédiate en voyant mon visage que je sais tiré par la douleur et marqué par l’attaque de Gringotts. « Tu t'es fait attaquer par une bande de strangulos ou quoi ! » Je laisse échapper un petit rire doux face à sa sollicitude. « Tu veux bien baisser ta baguette Benedict ? Je suis déjà assez mal comme ça, je ne voudrais pas perdre également un œil. » J’accompagne ma phrase en posant ma main sur sa baguette pour entamer le mouvement de descente et je peux de nouveau apercevoir son regard qui ne me plait pas du tout. J’y lis une multitude de sentiments avec en première ligne un mélange de gêne et d’inquiétude. Au moment où j’ouvre la bouche pour tenter de le rassurer, il retire sa main comme si j’étais le pire des inféris et reprend la parole : « P...Pardon, Je... ça va aller ? Je suis... dés... » « Pourquoi tu t’excuses je devrais plutôt te remercier de m’avoir aidé. » Il éloigne enfin sa baguette de mon visage et détourne les yeux. Je fronce les sourcils, pas satisfait de la tournure que prennent les événements.
Je n’ai pas de honte des séquelles de mon accident, ça a été difficile à l’adolescence mais maintenant j’ai accepté et appris à vivre avec. Mais certains jours, comme à cet instant, je suis en colère contre mon corps de ne pas être plus résistant. Je n’ai pas envie d’ennuyer les gens autour de moi, d’être pris en pitié ou encore de susciter de l’inquiétude. Et pourtant je sais que c’est exactement ce qu’il se passe en ce moment, Benedict a exactement le même regard que Bony m’a lancé l’autre nuit quand je me suis effondré dans ses appartements complètement délirant. Je n’aime pas être faible. Ego démesuré ou machisme proche du crétinisme, peu importe comment vous pouvez l’appeler, ce n’est pas un caprice de ma part, je vis très bien avec mon handicap, je déteste juste être dépendant et créer des situations gênantes. « Voilà ce qui arrive quand on ne manque pas assez au repas du soir. » Il redirige sa tête vers moi et je croise de nouveau son regard. Je lui lance un petit sourire et d’une voix tranquille je lui lance ces quelques mots : « Je vais bien Benedict. » L’inquiétude transpire de ses traits. « Peut-être vaudrait-il mieux aller à l'infirmerie. Je peux t'acc... vous... accompagner. » Le revoilà qui recommence à bafouiller et à s’emmêler les pinceaux avec la distinction tutoiement-vouvoiement. Je pose ma main gauche sur la paroi froide du mur pour soulager un peu mon corps et ma main droite rejoint l'épaule de mon jeune élève. Je la presse légèrement tout en répétant ma dernière phrase, à la fois pour nous rassurer tous les deux. Après un sourire que j'essaie réconfortant, je lâche le serdaigle. « Tu permets je m’installe. J’ai un peu de mal à tenir sur mes jambes en ce moment. » Puis je me laisse glisser sur le sol afin d'éviter toute nouvelle instabilité. Je laisse échapper un soupire de soulagement quand je me retrouve assis à même le sol froid que je ne sens même pas tellement cette installation est synonyme de délivrance. Les jambes étendues devant moi, le dos collé au mur, je me sens bien. Je récupère mon pauvre panier qui a déjà vécu deux chutes ce soir. C'est dommage, la bouteille de thé a du se briser à un moment. Je laisse la bouteille de limonade de côté pour l'instant, récupère les biscuits aux deux noix et en tend un à Benedict. « Tiens, mange. » En levant les yeux pour accompagner mon geste, je perçois de nouveau toute la gène et l'inquiétude du jeune homme. « Ne t'inquiète pas pour moi Benedict, j'en ai vu d'autre tu sais. Et te stresse pas trop avec le tutoiement, ça ne me gêne pas. Tant que tu t'abstiens devant les autres élèves, ça me va. Tu ne voudrais pas être pris pour le chouchou du prof ? » Je tente une petite blague pour détendre l'atmosphère entre nous. C'est bien la première fois que nous nous retrouvons dans une situation si tendue et je ne sais pas très bien quoi faire pour le rassurer suffisamment. Je croque dans un des biscuits et savoure le goût unique de la noix du Brésil associé à la noix de pécan. « Ça va d’ailleurs depuis les ateliers ? On n’a pas eu le temps de reparler depuis, et tu n’es pas obligé de me répondre, mais ça ne doit pas être facile pour toi d’être stigmatisé ? » Je croque de nouveau dans mon gâteau dans un geste désinvolte comme si rien ne c'était passé. Et je plonge mon regard dans le sien, un regard dénué de curiosité, de jugement, juste un regard d'intérêt sincère pour lui.
Le sujet des elfes de maison était quelque plus léger que celui de mes ingrédients de potions. Mais cela n’allait pas m’aider à les récupérer. Patience Benedict !
« Ils n’ont pas vraiment le choix non ? Ce sont des elfes de maison. » fis-je remarquer en haussant les épaules. Nous étions encore bien loin de l’époque ou quelqu’un se soucierait de considérer les elfes de maison comme des êtres libres. Je n’étais pas spécialement partisan de cette lubie qu’avaient certains sorciers de s’octroyer les service de pareille créature – chez moi, nous n’en avions pas – mais je concevais tout à fait que leur présence soient indispensables à Poudlard.
Mais cette conversation fascinante serait remise à plus tard, pour l’heure, il y avait plus urgent, comme… rattraper mon professeur qui menaçait de s’effondrer par terre. J’avais réagit spontanément et sans vraiment réfléchir aux conséquences de mes actes, comme je l’aurais fait pour n’importe qui. Mon empathie m’avait rendu plus familier avec lui que je ne l’aurais voulu et pour couronner le tout, j’avais fini par l’éblouir avec ma baguette. J’ouvris de grands yeux et ne me dis pas prier pour baisser mon faisceau lumineux. Je me confondis en excuses lorsque je me rendis compte de la barrière élève/professeur que je venais de franchir. Autant cela ne me dérangeait pas de lui lancer des vannes, autant dans de pareilles circonstances, je ne savais plus où me mettre. C’était surtout que j’étais déstabilisé par cette proximité nouvelle et que je me rendais compte que je l’aimais bien ce prof. « Pourquoi ? » me remercier ? C’était plus une question de rhétorique qu’autre chose. J’avais réagit sous le coup de l’impulsion, mais ça serait à refaire, je referais probablement la même. « Pas besoin, c’est normal. » Enfin, pour moi, c’était évident.
Je finis par croiser de nouveau le regard d’Ezra après une nouvelle boutade pour détendre un peu l’atmosphère que je trouvais quelque peu pesante. Il m’affirma aller bien et tout en soutenant son regard, je répliquai du tac-o-tac : « Permet-moi d’en douter ! » Parce qu’en plus de causer tout le temps, j’avais parfois tendance à être franc du collier. Ce n’était pas du tout de l’effronterie, même si cela pouvait s’y apparenter. J’avais un peu perdu de vue le cadre scolaire et je m’adressai à lui comme je l’aurais fait avec n’importe quel camarade de classe. Me rendant compte que j’allais un peu loin, je m’empressais d’ajouter : « Avec tout le respect que je te…vous dois. » Je m’enfonçais… je me repris aussitôt pour lui proposer de l’accompagner à l’infirmerie. Mais il persistait à vouloir me rassurer et sans doute se rassurer lui-même qu’il allait bien. J’acquiesçai du chef lorsqu’il proposa de s’asseoir et je m’accroupis en face de lui à mesure qu’il se laissait glisser contre le mur. Je l’aidai à rassembler les éléments encore intacts de son panier et j’affichai un air surpris lorsqu’il me tendit un biscuit. Mon hésitation était aussi palpable que mon inquiétude et je me détendis quelque peu lorsqu’il m’autorisa à le tutoyer. Je retrouvais mon sourire, mi-gêné, mi amusé. « Ça ne me dérange pas non plus d’être le chouchou du prof. » dis-je en toute franchise. Et en plus c’était sincère. De nombreuses questions me brûlaient la langue et je ne savais pas laquelle commencer. Je croquai dans le biscuit pour les structurer mais Ezra me devança et sa question frappa en plein dans le mille, tirant sur la corde sensible. « Je vais bien. » J’avais répondu sur le même ton que lui. C’était sans doute une manière de lui signifier que tout comme lui, ça n’allait pas et que je n’étais pas dupe. Il n’était pas le seul à avoir un égo démesuré proche du crétinisme. « On s’y fait. » ajoutai-je avec nonchalance en haussant les épaules. Les réponses courtes et concises n’étaient pas ce à quoi je l’avais habitué. J’étais bien plus disert sur des tas de sujets, mais dès lors que cela me touchait d’un peu trop près, je devenais étrangement discret. Ajoutez à cela une baisse de morale considérable et vous obtiendrez un O’Carley silencieux proche du mutisme. Si si, c’est possible ! Et c’est pas bon signe, généralement. Seuls mes amis les plus proches s'en étaient rendus compte.
Je préférais parler d’autre chose. « Pour quelqu’un qui va bien, tu n’as tout de même pas l’air super en forme. Sans vouloir te vexer. » ajoutai-je pour lui renvoyer la balle. J’avais essayé de lui lancer cela sur un ton léger pour ne pas lui donner l’impression de l’attaquer de front. Mais je brûlais d’une curiosité maladive de savoir ce qui avait bien pu lui arriver.
Ezra Scodelario
LA BLESSURE DE L'INSOMNIE
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See the show tonight Prepare to be astounded No ghost or poltergeist ⊹ Si j’avais su que je me retrouverais en pleine nuit dans cette situation, je n’aurais pas prédit ce contexte dans une pénombre presque trop pesante, je n’aurais pas imaginé vaciller de nouveau à cause de mes séquelles au point de m’installer à même le sol pour me laisser le temps de récupérer et je n’aurais pas pensé papoter avec un élève de manière plus que familière, surtout pas avec un élève qui ne faisait même pas partie de mes cours. Avec du recul, je n’aurais même pas fait de parie sur Benedict O’Carley, ce jeune curieux je-sais-tout qui passe son temps à y aller de sa petite remarque pas toujours dite avec tact. Depuis le début de l’année, il n’a pas été rare qu’ils viennent me déranger pendant des entrainements de quidditch, me glissant telles ou telles idées pas toujours totalement idiotes, mais pas toujours réalisables non plus. C’est d’ailleurs comme cela que nous nous sommes rencontrés. Aussi, de nombreuses fois, nous avons joué au chat et à la souris dans les couloirs du château après le couvre-feu et il a été rare que j’arrive à mettre la main sur lui. Alors tomber sur lui justement ce soir où je suis une vraie épave serait presque humoristique, si je n’avais pas le sentiment que justement ça nous permettrait de nous rapprocher. Je devrais le punir pour l’avoir trouvé à errer dans les couloirs du château et encore plus suite au désagrément causé à la statue, mais quelque chose dans son attitude me retient. Au-delà du fait qu’il s’inquiète visiblement pour moi et mon état plus que déplorable il faut bien l’avouer, j’ai cru lire dans son regard bien autre chose que de l’inquiétude. Avant que je défaille, il aurait dû avoir des craintes pour lui, pour sa punition, mais ce n’est pas ça que j’ai lu dans ses yeux. Il était bien plus préoccupé par cette racine dangereuse et je suis d’autant plus inquiet à son sujet, qu’il pourrait facilement se faire manipuler par n’importe qui. Benedict a beau avoir un savoir indiscutable, il n’en reste pas moins un adolescent qui n’a pas encore le recul et la maturité pour s’éviter de se retrouver dans une mauvaise situation et sa curiosité pourrait le pousser n’importe où, j’en suis persuadé. Alors, même si j’avais la force de le sanctionner, je ne pense pas que ça serai la solution pour m’ôter les doutes de la tête, surtout que j’ai l’impression que notre relation évolue et que je n’ai pas envie de briser cette confiance nouvelle.
Le jeune homme se permet de plus en plus de familiarité, il me tutoie, me rudoie un peu également en mettant en doute ma parole quand je lui certifie que je vais bien, il me soutient et surtout accompagne mon mouvement quand je me laisse glisse au sol, se retrouvant accroupi face à moi. Il m’observe attentivement, m’aidant à regrouper les denrées de mon petit panier, il prend visiblement à cœur mon intérêt. Et sa surprise est manifeste quand je lui tends un des biscuits. Un nouvel instant de flottement passe entre nous et je tente de l’effacer d’un coup de baguette en le rassurant quant à la familiarité dont il a fait preuve à mon égard depuis quelques minutes. Sa réponse m’amuse. Il récupère son sourire, nous permettant immédiatement de nous retrouver dans une dynamique proche de d’habitude. Je ne l’imagine pas très bien dans le rôle du chouchou de service, pour autant je sens que ce constat énoncé à voix haute est libérateur pour la tension accumulée entre nous. Le jeune serdaigle est le genre d’élève qui pourrait faire enrager bien plus d’un professeur, mais je l’apprécie et j’ai l’impression de le comprendre. Je me revois en lui par certains aspects. J’ai été fougueux et avide de connaissance à mon époque Poudlard, j’ai eu à cœur d’aider mon prochain et j’ai pas mal lutté pour mes idées, mais j’ai aussi été longtemps rudoyé et moqué pour mes ambitions et mes séquelles irréversibles. J’aurais pu mal tourner, me complaire dans mes malheurs, m’enfoncer dans ma tristesse ou même ruminer mes rancœurs et bâtir un schéma de vendetta à l’encontre de mes détracteurs pour nettoyer mon honneur. Mais je ne l’ai pas fait. Ma chance a été d’être toujours extrêmement positif et tourné vers l’avenir, et surtout terriblement bien accompagné. A l’époque je n’avais pas le recul pour faire cette analyse et je ne pense pas que Benedict en soit pourvu, la jeunesse est contre lui. Je ne connais pas non plus suffisamment son entourage pour savoir s’il est guidé dans la bonne direction. La tournure de notre lien prend peut-être un tournant un peu trop personnel, mais je ne peux m’empêcher de vouloir le meilleur pour lui. J’ai envie de l’aider, de le protéger. Les temps sont durs en ce moment et les enfants d’aujourd’hui, mes élèves de maintenant, sont le monde de demain, ils sont l’avenir. C’est en partie pour assurer leur sécurité dans tous les domaines que j’ai accepté ce poste de professeur. Je ne peux alors pas m’empêcher de lui demander comment il va, voulant sincèrement connaitre la vérité sur son état. Et sa réponse est immédiate. Comme moi un peu plus tôt, il esquive la question en répondant qu’il va bien. Je sens qu’il ment ou tout du moins qu’il omet une partie de la vérité. « On s’y fait. » Cette petite phrase associée à son haussement nonchalant d’épaule ne fait qu’appuyer mon idée qu’il ne va pas si bien qu’il veut le laisser penser. Et le voilà qui évite la confrontation « Pour quelqu’un qui va bien, tu n’as tout de même pas l’air super en forme. Sans vouloir te vexer. » Quand je vous dis qu’il me ressemble…
Je l’observe attentivement. Mon jeune élève est mutique, tendu et son regard est quelque peu fuyant. Son ton reste léger, certainement pour garder bonne figure, mais il est clair qu’il garde des choses pour lui. Adoptant un ton ironique, je lui réponds gentiment, espérant le faire réagir. « Et toi ? Pour quelqu’un qui a l’habitude de te lancer dans des explications très pointues avec un flot de paroles continu qu’on ne peut que rarement arrêter si tu n’as pas terminé, tu ne trouves pas que tes réponses à mes questions sont étonnement courtes et dénuées de détails ? » Je lui lance un sourire taquin pour qu’il ne se méprenne pas et comprenne bien que je ne lui veux que du bien. Je le charrie gentiment pour l’amener à me parler, en aucun cas j’ai envie qu’il pense que je le gronde pour une quelconque raison. Ce soir, à cet instant précis, nous avons dépassés et de très loin nos relations habituelles d’enseignant à étudiant, et j’aimerais qu’il profite de ce moment pour décharger un peu le poids qu’il semble constamment garder sur ses épaules. Je le regarde toujours et je sens mes traits s’adoucir en le contemplant, lui perdu de la tournure que prend la situation. « Tu n’es pas obligé de te confier à moi Benedict, sache juste que si tu as besoin, je peux peut-être t’aider. J’étais présent, je sais ce qu’il s’est passé et parfois ça fait du bien de parler à une personne neutre, mais à qui on n’a pas besoin de tout décrire. Et je ne te parle pas de professeur à élève quand je te dis ça. » Je laisse passer quelques secondes pour lui laisser le temps de bien saisir le sens de chaque mot employé. Je pose ensuite ma main sur son épaule et la presse légèrement pour capter toute son attention. J’attends qu’il relève les yeux et les plonge dans les miens pour continuer. J’aimerais qu’il se sente suffisamment en confiance pour soulager ses inquiétudes et me faire part de ses doutes. « J’admets que je sors un peu du cadre, et je comprendrais si tu n’as pas envie de me parler, après tout, je ne suis pas un de tes amis, mais j’ai l’impression que toute cette soirée est propice à l’échange. » En effet, tout est calme autour de nous. Depuis le vacarme qu’il a causé tout à l’heure, seules nos paroles transpercent le silence de la nuit. Un léger rayon de lumière sort encore de la baguette du jeune homme face à moi, nous permettant de nous voir suffisamment, tout en conservant une ambiance feutrée propice aux secrets. Je laisse un doux silence nous envelopper. Parfois, ne rien dire est plus salvateur que de trop parler. Les mots échangés avant prennent sens et l’interlocuteur peut alors avoir envie de répondre. Mais je ne laisse pas trop le temps s’installer. S’il n’est pas prêt à me parler ce soir, au moins aura-t-il entendu que je peux être une oreille attentive en cas de besoin. En posant de nouveau mes yeux sur le panier à mes côtés, je tombe sur la bouteille de limonade et en un instant un sourire franc et heureux surgit sur mes lèvres. Je choisi donc de détourner un peu la conversation et de partager avec lui un petit pan de mon enfance. « Tiens goutte ça, c’est de la limonade à la fleur de sureau. C’est ma boisson préférée. Elle me rappelle ma mère. » Les elfes de maison semblent toujours savoir quand m’en préparer, quand ça ne va pas, quand j’ai besoin d’un souvenir réconfortant... « Elle me rappelle combien il faut chérir les bonheurs simples quand ils se présentent. Et qu’ils sont notre force lorsque tout va mal. »
Je savais que jouer à ce petit jeu ne me mènerait nulle part. Mais c'était plus fort que moi. Je n'avais pu m'empêcher de renvoyer la balle à Ezra lorsque l'ironie de la situation avait inversé nos rôles. Je n'avais pas spécialement cherché à le convaincre, du reste. Je m'étais simplement contenté de jouer au plus malin. Comme souvent. Ce qui aurait pu me coûter s'il s'était agit d'un autre professeur que lui. Avec Scodelario, les choses avaient toujours été différentes. Sans doute était-ce du à la matière qu'il enseignait ? Ou au fait que je n'ai jamais été son élève. Cela changeait les rapports. Forcément. E il se trouvait que me concernant, il n'était visiblement pas du genre à lâcher le morceau aussi facilement et il me renvoyait déjà ma remarque en pleine figure. Je souris, amusé. A ce rythme là, demain, nous y serions encore.
Sa perspicacité à mon égard me surpris, même si je n'en montrais rien. Il m'avait atteint. Je ne pensais pas qu'il m'avait aussi bien cerné d'ailleurs. Il était le seul à l'avoir remarqué. Je me laissai aller à un rire d'auto dérision. Un point pour lui. "C'est drôle, d'habitude on me demande plutôt de me taire. Vous devriez vous estimer heureux que je ne la ramène pas trop, je risquerais de te filer la migraine en prime. T'imagine ?" dis-je avec une nonchalance que j'avais de plus en plus de mal à feindre. Déconcerté d'avoir si facilement été mis à nu, j'oscillais encore entre le vouvoiement et le tutoiement.
"Je risque de te manquer l'année prochaine." lâchai-je, tel un pavé dans la mare. Même si elle était vouée à attirer son attention sur autre chose, cette simple boutade n'était pas si anodine que cela. Elle n'était que le reflet d'une infime partie de l'ensemble de mes tracas présents. Mais elle en était le cœur. Le fait de devoir quitter Poudlard l'année prochaine me pesait déjà énormément et je n'avais pas besoin de me prendre un troisième coup de batte pour me rappeler une énième fois pourquoi j'avais frôlé l'expulsion en cinquième année. J'aurais aimé finir ma scolarité sur une note plus joyeuse, sans raviver les soupçons de tout le monde à mon égard. C'était déjà assez pénible comme cela. Mais ça, Ezra l'avait déjà compris puisqu'il avait été témoin de toute la scène. Ses paroles rejoignirent d'ailleurs mes pensées sur ce point.
Je restai silencieux. J'avais bien vu la main qu'il me tendait verbalement. Je me montrais juste un peu hésitant à la saisir, soutenant son regard; dubitatif. Je détournai les yeux pour suivre le fil de mes pensées que je tentais d'organiser. Pouvais-je lui parler en toute franchise de ce qui me turlupinait ? Est-ce que cela se faisait de parler de ses doutes et de ses faiblesses ? Comment me considèrerait-il après cela ? Mais le professeur les interrompit d'un geste. Ce même geste qu'il avait eu alors; quand j'avais senti le sol s'écrouler sous mes pieds face à ces accusations injustes. Ce geste inespéré qui m'avait canalisé et rassuré devant la salle des trophées. Je reportai mon attention sur Ezra. Son attitude bienveillante me touchait autant qu'elle me troublait. Il avait l'attitude que j'aurais probablement eue vis-à-vis de mes sœurs ou de Clarence. Dit un truc Benedict ! C'était peine perdue, ma gorge s'était nouée. Tout se mélangeait dans ma tête et mes maudites émotions prenaient le dessus. Je fus contraint de rester muet encore un instant.
Je pris le gobelet qu'il me tendit. Ses paroles continuaient de s'infiltrer par les fissures qu'il avait faites dans mon épaisse carapace. Je bu une gorgée de limonade. Les paroles d'Ezra trouvèrent de l'écho chez moi. Je souris, timidement. Des plaisirs simples comme une boisson gazeuse au goût subtil, une main tendue, une accolade, un proche, un ami. Mes proches amis se comptaient sur les doigts d'une seule main et l'un d'eux venait de quitter l'école pour faire carrière dans l'équipe de quidditch d'Ecosse. C'était la chance de sa vie et je ne pouvais qu'être heureux pour lui. Cependant, il me manquait cruellement. Surtout dans des moments comme ceux-là où je me serais volontiers laissé aller à débiter des conneries jusqu'à finir en fou-rire libérateur.
"Il est parfois difficile de trouver des bonheurs simples quand tout se conjugue pour rappeler à son bon souvenir que rien n'est simple, justement." lâchai-je à mi-voix. Cela sonnait comme le début d'une confession et ce genre de discours ne ressemblait pas vraiment au Benedict que tout le monde connaissait. Moi qui avait l'air de ne rien prendre au sérieux, en dehors des études. "Le mieux, c'est encore de ne pas y penser et de se consacrer pleinement à ce dans quoi l'on excelle." dis-je en souriant légèrement. C'était ce que je faisais, en me consacrant à la pseudo mission que monsieur Hamilton m'avait confiée. C'était ce que j'avais toujours fait. J'avais tendance à me réfugier dans mes études lorsque mon environnement me dépassait. Parce que j'étais un passionné, d'une part, mais aussi parce que cette quête du savoir, de la connaissance, était ce que j'avais de plus concret, avec des objectifs clairs et immuables; en d'autres termes : c'était ce qui me rassurait et ce qui me conférait un sentiment de stabilité. Du moins, c'était ce que je croyais. Sauf qu'en ce moment, j'avais de plus en plus de mal à rester concentré tant les aléas prenaient le pas sur tout le reste. Que je le veuille ou non, les regards des autres me pesaient. Ils m'avaient toujours pesé. J'avais su garder la tête haute jusqu'à maintenant, mais l'accumulation et l'acharnement ébréchaient ma volonté. "Je ne dois pas me laisser atteindre. Tu y étais. Tu l'as vu, je n'y suis pour rien." J'essayai de me convaincre par la même occasion et de renforcer mes convictions. Mais je savais bien pourquoi j'étais dans cet état de fatigue nerveuse. J'étais las. Le vase était sur le point de déborder. "Même si c'est agaçant... à force." avouais-je à peine. Je souris légèrement puis je levais de nouveau les yeux sur Ezra : "Je fais avec. Le conflit ne m'intéresse pas. Je ne suis pas celui qu'ils diabolisent. Ils se trompent. Ils peuvent dire ce qu'ils veulent. Je..." ma voix se brisa. Je lui adressai un nouveau sourire contrit pour contenir l'émotion qui me submergeait puis détournai les yeux. Mais j'avais enclenché la machine et je ne pu m'empêcher d'ajouter : "C'est dans l'air du temps... il faut croire... d'abord l'agression de Carter, puis le marché nocturne... puis ça... puis Gringotts... " Si j'avais voulu avoir l'air pragmatique au début pour relativiser, ma voix chevrotait sur la fin. Je sentis de nouveau cette violente émotion m'envahir et mes yeux commencèrent à me brûler. Je tentais une fois de plus de tout refouler d'un sourire qui ne duperait personne. J'étais bouleversé et je ne parvenais plus à le cacher. J'étais vulnérable aussi, car complètement à vif. Peut-être que finalement, j'avais effectivement besoin de m'ouvrir à quelqu'un d'autre que Clarence ou Chris. Mais j'avais peur. Peur d'être jugé, peur d'être incompris ou pire, peur d'être moqué.