« ça va aller Chris. C'est qu'un jeu. Arrête d'essayer de mourir noyé sous la douche, tu sais qu'on te surveille. » « FOUS-MOI LA PAIX ! SI TU SAVAIS GARDER TES PUTAINS DE BUTS, ON EN SERAIT PAS LA ! »
Le gardien de l'équipe de Poufsouffle, qui était aussi un des types du dortoir de Christopher, grommela un « putain mais quel sale caractère » et laissa le batteur sous les douches du vestiaire de Quidditch de Poufsouffle. Qu'il se noie s'il voulait, cet entêté d'écossais, c'était pas son problème et ça créerait moins de soucis dans le dortoir, au moins y'aurait personne pour hurler que les Montrose Magpies étaient la meilleure équipe de tout le Royaume-Uni, ou que le football était un sport très sous-estimé par les sorciers qui comptaient tant sur leurs pouvoirs.
Chris daigna sortir des douches une bonne demi-heure après que tout le monde soit rhabillé et sorti du vestiaire, et se sécha à grands gestes brusques, marmonnant entre ses dents sur un ton sifflant tellement le mécontentement en exsudait.
« Rien qu'un jeu... j't'en foutrais du jeu. Savent pas jouer, c'est ça qui s'passe. J'me défonce à essayer de faire tomber les joueurs adverses, et à les protéger et ils sont pas foutus de marquer et de garder leurs buts... Et j'parle même pas de c'te grosse tanche d'attrapeur. C'pour ça qu'on a perdu... Rien qu'un jeu, tss ! Y'en a qui jouent leur avenir putain de... hum. »
Il se rhabilla d'un jeans droit et d'un t-shirt à l'effigie d'un groupe de rock, sans veste parce que bien sûr il n'avait pas pensé à en prendre. Il prit quelques minutes pour s'occuper de ses affaires de Quidditch – toujours s'occuper de son matériel – et sortit des vestiaires avec sa robe de Quidditch jaune poussin roulée en boule sous le bras, vu qu'elle devait partir au lavage. Non, il ne s'était pas roulé par terre de frustration dans la boue, mais il était descendu tellement vite de son balai pour aller engueuler l'attrapeur de son équipe qu'il avait glissé. Il avait laissé l'ensemble en cuir à l'intérieur des vestiaires, suffirait de laisser sécher la boue avant de la gratter, il avait fait ça des milliers de fois. Des Serpentards, sans doute mis en confiance par le fait qu'il ne se baladait pas avec sa batte mais avec un paquet de linge sale et son balai, profitèrent de son passage pour le siffler moqueusement. Ils arrêtèrent tout de go quand l'écossais bondit comme un fauve, crocs au clair :
« VOUS, ALLEZ VOIR DANS VOS CACHOTS SI J'Y SUIS ! »
Comme il se caillait sérieusement dans le vent glacial écossais, il enfila sa tenue de Quidditch tachée par-dessus son t-shirt, et remit son balai à son épaule pour prendre la direction du château. Et sur le chemin, il croisa un regard bleu glace fixe, qui le fit s'arrêter – petit miracle ! – dans ses récriminations sur la nullité de son équipe et le fait que personne ne l'aide, et que quand même, pour un jeu d'équipe c'était un comble. Il prit la direction du propriétaire du regard bleu, n'essayant même pas de paraître cool et détendu. C'était pas ça qui allait effrayant Cillian Dolohov en personne !
« Hey. Alors t'as assisté à la claque qu'on s'est pris ? Ravi pour toi. J'espère que t'as bien ri. »
Il jeta un regard fauve critique sur son ami. Non, en fait pas sûr qu'il ait ri...
Cillian A. Dolohov
+ SORCIER DEPUIS LE : 31/12/2015 + PARCHEMINS : 153 + LOCALISATION : Douche des vestiaires du terrain de Quidditch
Rire ? Cillian ne savait même pas comment il fallait procéder.
L'héritier des Dolohov n'éprouvait qu'un plaisir rationnel à assister aux matches de Quidditch. Il était parfaitement hermétique à la passion que ce sport pouvait susciter chez ses congénères et ne voyait pour sa part qu'un série de combinaisons trop maladroitement choisies et exécutées. Les imperfections stratégiques rendaient les tournois pénibles pour un esprit brillant comme le sien. Il était capable d'analyser en temps réel les meilleures opportunités de jeu possibles et voir constamment les joueurs choisir les mauvaises (ou en tous cas pas les plus pertinentes dans une situation donnée) lui filait la migraine et lui faisait grincer les dents. D'habitude, il fuyait donc les terrains pour ne avoir à s'infliger le supplice de la stupidité des autres. La mesure pouvait sembler arrogante mais il n'en était rien et il n'y avait aucune gloire à se faire passer pour moins intelligent que l'on est juste pour ne pas froisser la susceptibilité des autres. Il fallait savoir reconnaître honnêtement ses mérites, surtout qu'ils ne présentaient pas toujours comme des avantages. D'ailleurs, Cillian n'était jamais en reste pour reconnaître ceux des autres et c'était bien la raison pour laquelle il se faisait violence pour aller assister aux matches de l'équipe de Poufsouffle. Non, pas Serdaigle, pas sa propre Maison. Vous avez bien lu : Poufsouffle. Pour être juste, il fallait dire que le jeune homme ne s'intéressait pas à toute l'équipe des jaunes – en réalité la plupart de ses joueurs étaient assez médiocres – non, il s'intéressait à une personne en particulier. Un batteur nommé Christopher Carmichael qui avait tout l'air de manger du lion au petit-déjeuner. Pas parce que c'était un grand blond au visage d'ange plutôt (je vous vois venir), mais parce qu'il mettait dans la pratique de ce sport un entrain et une fougue tels que Cillian n'en avait jamais vu. Et comme lui même était tout à fait incapable d'exprimer ses émotions, voir Christopher s'enthousiasmer ou s'énerver, jamais dans la mi-mesure, le fascinait profondément.
Si le Carmichael était déjà insupportablement heureux quand son équipe gagnait, il fallait bien avouer qu'il était encore pire lorsqu'elle perdait. Il ne valait mieux pas se trouver sur son chemin le cas échéant car vous pourriez bien être rhabillé pour l'hiver, même en plein été. Cela ne posait aucun problème à Cillian (qui avait toujours froid de toutes manières) et, à dire vrai, il trouvait la colère et la frustration plus intéressantes à étudier que le banal sentiment de supériorité. En effet, il avait déjà remarqué que l'échec actionnait des mécanismes différents chez le jeune Carmichael selon l'équipe qui avait vaincu la sienne, le nombre de points inscrit au tableau des scores, sa réussite à la batte et une foultitude d'autres petits critères qu'il était probablement le seul élève de Poudlard à pouvoir analyser. A l'issue de ce match-là, Cillian suspectait que Chris serait dans un état d'énervement très intéressant et c'était la raison pour laquelle il s'était posté sur le chemin qui menait du stade au château, dans l'attente du passage de son joueur préféré. Enfin, le seul digne de son intérêt du moins.
Quand le Poufsouffle repéra enfin Cillian et commença à s'adresser à lui, les quelques élèves qui passaient à leur hauteur au même moment jetèrent des regards presque horrifiés au jaune et noir. Non mais ça allait bien dans sa tête ?! S'adresser comme ça, librement, au Dolohov. Ils se pressèrent le pas pour s'éloigner le plus vite possible. Cillian les ignora. Il décolla son dos de l'arbre du rocher qui avait soutenu sa présence et s'approcha de Christopher. Sa démarche était raide, comme s'il portait un corset et une minerve en toutes circonstances. Il ne présenta pas sa main aux doigts interminablement longs au jeune homme pour qu'il la serre. Il avait beau être un enfant prodige, de petites choses comme les règles de la société continuaient à lui échapper.
« Le match avait effectivement l'air douloureux pour ton équipe » commenta-t-il de sa voix étrangement douce et pourtant sans affection dans le timbre. Oh, il ne cherchait à pas attiser l'énervement de son camarade. Simplement, Cillian disait toujours exactement ce qu'il pensait. Parfois, on l'appréciait pour cela et, d'autres fois... « Je maintiens que votre entraîneur devrait échanger les postes de l'attrapeur et de la poursuiveuse blonde.»Il le lui avait déjà dit lors qu'un précédent match. « La vitesse de cette dernière a encore augmenté pendant cette démonstration, ce qui la rend inefficace au jeu court qui nécessite la capacité de prendre des angles plus serrés, disons inférieurs à 60°. Elle en vient même à perturber le jeu de ses propres collègues, accroissant leur difficulté à lui faire des passes ou simplement à déterminer sa trajectoire. En revanche, elle ferait des merveilles au poste d'attrapeur. Pour ce match en tous cas, puisque sa vitesse était supérieure à celle de l'attrapeur adverse de 3,67% et que ce dernier avait une gêne dans le bras droit, dont il essayait de se servir le moins possible. Probablement une tendinite du coude, si on en juge par la manière dont il le tenait pour amoindrir la douleur. »
Oui, Cillian était un jeune homme étrange. Les chiffres, les statistiques, les informations... Tout pouvait être vérifié. C'était des calculs qu'il faisait dans sa tête, en temps réel, et qui ne tombaient jamais à coté. Pourtant, loin de s'enorgueillir de son intellect hors du commun, l'héritier des Dolohov fixait ses deux iris bleu glace sur le visage de son interlocuteur avec une sérénité de maître yogi.
« Si cela peut te consoler, tu es celui qui a le mieux joué. Statistiquement. » Il aurait pu s'arrêter là mais son goût pour l'exactitude le poussa à ajouter, ruinant ainsi ce qui aurait pu être un compliment : « Tu n'as pris que 64% de mauvaises décisions. » Ça n'allait sûrement pas faire plaisir à notre beau joueur de Poufsouffle mais, d'un autre coté, il devait déjà savoir que Cillian pouvait prouver ce qu'il avançait en refaisant tout le match avec lui sur parchemin et en lui montrant les meilleurs mouvements pour chacune des situations qu'il avait rencontré. Le problème, c'est que dans le feu de l'action c'était toujours difficile de faire les bons choix. Et puis, Cillian était sincère quand il disait qu'il était celui qui avait le mieux joué. Le pourcentage de mauvaises décisions de ses coéquipiers avoisinait les 85 aujourd'hui.
Dernière édition par Cillian A. Dolohov le Mar 3 Mai - 22:20, édité 1 fois
En fait, Christopher avait été prévenu de nombreuses fois par des personnes bien ou malintentionnées qu'il ne devrait pas adresser la parole comme ça à un Dolohov – et surtout pas celui-là qui avait l'air de pouvoir congeler quelqu'un rien qu'en le regardant. Sauf que Chris était égal à lui-même, et les avertissements grosso modo, il s'en foutait complètement. Il n'allait pas se laisser impressionner par un bête anglais à l'intellect franchement surdéveloppé non ? Ça restait un anglais, nom de Nessie. Et puis, il était franchement utile, parce que si Cillian était d'une nullité crasse pour ce qui était des sentiments de victoire et des fêtes les célébrant – non, vraiment, crasse –, pour ce qui était de la stratégie, son insupportable manie de tout réduire en chiffres était utile. Christopher, qu'on s'entende, était un bon joueur, mais il agissait à l'instinct. Il était foutrement incapable d'expliquer comment il arrivait à faire ce qu'il venait de réaliser sur le terrain, c'était hm... Une impression, un fluide, l'instinct, le talent, qu'on appelle ça comme on veut. Et de nombreuses personnes l'avaient dit, le talent était certes bien souvent nécessaire, mais n'était en aucun cas suffisant. C'était là que Cillian entrait en jeu, depuis qu'il avait approché Chris une fois pour lui expliquer quelles erreurs il avait commis. Bon bien sûr, sur le coup l'écossais l'avait envoyé balader à coup d'accents et d'insultes colorées qui avait fait craindre à toute son équipe que la glorieuse carrière de Carmichael se finirait là, sous la baguette d'un Dolohov. Ça ne s'était pas du tout passé comme ça, non seulement Cillian avait foutu une paix royale au batteur vexé, mais en plus Chris avait fini par réfléchir et admettre qu'il ne racontait pas que des conneries. Depuis, Cillian était devenu, pour ainsi dire, son consultant ès tactiques de Quidditch, et Chris en échange tentait de l'ouvrir un peu au monde, aux joies de la compétition, et ce genre de choses. Autant dire qu'il y avait du boulot, mais c'était pas ça qui faisait peur à Christopher. Tout à son rôle, il tendit donc la main au Dolohov avec insistance, pouvant apparemment rester comme ça pendant 107 ans si la situation l'exigeait.
« Je sais, je sais, elle va trop vite. Moi aussi j'ai du mal à savoir où elle va, et encore heureux que je suis dans son équipe sinon je lui aurais envoyé un bon cognard dans la tête pour la calmer. Les deux autres se retrouvent à jouer à deux, et c'est.... bah il en manque un, quoi. Mais t'avoueras quand même que celui qui a été le plus nul c'est le gardien ! J'crois qu'il est amoureux. Quelle tanche. Je vais le peler vivant ! »
Il fit signe à Cillian de le suivre, rassemblant son balai et sa batte sur la même épaule dans un geste qui sentait l'habitude à des lieues.
« Viens, on va pas rester là. J'en ai marre de ces gens qui te mattent en coin comme si t'allais exploser, ça me rend nerveux à force. Et j'ai pas b'soin d'être nerveux. Et en fait oui ça me console d'avoir été celui qui n'a pris que 64% de mauvaises décisions dans le match. J'ai joué en regardant toujours du mauvais côté ou quoi ?... »
Bon, assez avec la mauvaise foi et les récriminations. Il avait passé son temps à rager depuis qu'il était descendu de son balai, et la présence glaciale et stable de Cillian lui rappelait qu'il était peut-être temps de passer à plus productif : la stratégie et l'amélioration. Christopher inspira donc profondément, marchant vers le château aux côtés du Dolohov.
« Ok. Déjà le match était un classique entre une équipe plutôt défensive – la mienne – et la leur, clairement offensive. J'ai trouvé leur trio d'attrapeurs hyper en forme, et ils fonctionnaient bien ensemble. J'me suis probablement trop concentré sur eux pour envoyer mes cognards, c'est ça ?... Et passé trop de temps à hurler sur mes propres coéquipiers, ça je veux bien l'admettre. »
Les matches de Poufsouffle n'étaient jamais ennuyeux à suivre, parce qu'il y avait Carmichael dans l'équipe, et qu'il trouvait toujours quelque chose à faire au cours d'un match pour mettre l'ambiance. Il fallait bien dire que cette fois-ci, il s'en était surtout pris à son équipe, ce qui avait forcé le professeur en charge de surveiller le match de lui demander de se calmer et de rester poli plusieurs fois de suite. Les élèves étaient en général assez fans de ce genre de débordements dus au caractère tout feu tout flamme de Chris.
« Et comme nos attrapeurs ont assez peu eu le souaffle ou l'ont perdu à cause des... virages trop longs disons ça comme ça, leur gardien n'a pas eu beaucoup de travail à fournir. Leurs batteurs se défendent, mais ils sont pas exceptionnels, on est d'accord ? Ils osent pas tirer sur les autres joueurs, c'est pourtant une bonne option. »
Il fallait dire aussi, à la décharge des autres batteurs de l'école, que Chris avait un style de jeu particulièrement agressif pour un jeu étudiant. C'était le syndrome du mec qui veut devenir joueur professionnel ça, on ne se fait pas remarquer par les équipes en détournant simplement les cognards, il fallait encore les utiliser pour servir le jeu ; et c'était bien ce que Christopher tentait, soit en allumant les joueurs adverses, soit en gênant les passes en faisant débouler un cognard à pleine vitesse au milieu.
« Quant à nous, l'offensive, c'est pas trop notre truc, mais la défense s'est écroulée. J'ai assez mal joué parce que je me suis énervé environ à la moitié du match... et le gardien a fait n'importe quoi. En gros c'est ça non ? »
Cillian A. Dolohov
+ SORCIER DEPUIS LE : 31/12/2015 + PARCHEMINS : 153 + LOCALISATION : Douche des vestiaires du terrain de Quidditch
Cillian considéra longuement en silence la main que Christopher lui tendait. Il savait qu'il ne la retirerait pas avant d'avoir obtenu une poignée de mains et il savait aussi pourquoi le Poufsouffle voulait lui imposer ce contact. C'était un peu comme une thérapie et, quelque part, il lui en était reconnaissant. La mâchoire serrée, le serdaigle plia le coude. Ses doigts fins et interminablement longs glissèrent sur ceux de son interlocuteur avec une douceur caressante, à la fois étrangement caractéristique et aussi très étonnante. Il se soustrayait toujours aux contacts physiques quand il le pouvait. Une habitude héritée de son éducation qui en avait été dépourvue. Les Dolohov n'étaient pas exactement une famille de bisounours. Il avait l'impression, quand sa peau nue entrait en contact avec celle d'un autre, qu'il devenait de plus en plus humain. Ce qui était dangereux lorsqu'on était destiné à devenir un mage noir sans cœur.
Ai-je déjà mentionné que Christopher était beau ? Parce que Cillian le trouvait très beau. Sans doute la raison pour laquelle lâcha-t-il assez rapidement sa main. Bref !
On pouvait aisément compter les amis de Cillian sur les doigts d'une seule main. C'était facile. Il n'en fallait que deux. Un pour Clarence Macmillan et un pour Nocturnus Morguelune. Il songea à cet instant-là qu'il lui faudrait peut-être en réserver un pour le Carmichael qui venait de proposer de bouger pour échapper aux regards critiques que ne manquait pas d'attirer leur conciliabule. On avait sûrement mis en garde le poufsouffle contre lui mais, par chance, c'était une vraie bourrique et il avait pu voir au dela des apparences. Cillian n'allait pas exploser. Au contraire, il était remarquablement zen face aux sentiments mitigés qu'il suscitait chez les autres. S'il ne faisait rien pour dissiper la peur que son nom motivait, il ne releva pas non plus les bravades ridicules des adolescents qui se croyaient courageux parce qu'ils osaient l'insulter. A moins que leur formulation ne comporte quelques incohérences ou erreurs que son amour pour l'exactitude exige de le voir rectifier.
Le serdaigle s'engagea sur le chemin à coté de son camarade et l'écouta mener sa propre analyse des faiblesses du jeu que ses coéquipiers et lui avaient livré une heure plus tôt.
« Tu t'es beaucoup époumoné contre tes coéquipiers, en effet. Je suis surpris, à vrai dire, qu'ils ne t'aient pas exclu de l'effectif depuis le temps que tu leur ramones les oreilles avec ton acrimonie. Vos batteurs remplaçants doivent être mauvais. »
Heureusement que Christopher était habitué au franc-parlé du Dolohov. Sans doute saurait-il qu'il ne pensait pas à mal en disant cela. Le public, évidemment, avait un avis tout autre. C'était quelque chose d'ailleurs que de voir celui des poufsouffles et celui de l'équipe adverse s'allier derrière les reproches fleuris du batteur vedette des jaunes.
« Tu as raison sur l'analyse primaire concluant que leur équipe était plus enclin à attaquer et la tienne à défendre. La meilleure preuve en est encore la statistique de réussite aux tirs. 72% pour eux, 42% pour vous. Ça et le fait que votre gardien était aussi efficace qu'une passoire avec des trous de la taille d'un boursouf obèse. Tu sais, je crois que tu as vu juste concernant le fait qu'il soit amoureux. Cela justifierait le fait que son attention était souvent fixée sur la tribune des gryffondors, à sa gauche. Il n'arrêtait pas de se remettre les cheveux en plus. »
Cillian resta songeur quelques instants. Les béguins, ça rendait vraiment les gens stupides. Il repensa furtivement à son plan pour s'accaparer la compagnie du petit Morguelune demain. Immanquable. Pathétique aussi, mais tellement irrésistible. Il poussa un discret soupir. Si ce n'était pas honteux de confier à un esprit aussi brillant que le sien l'élaboration d'un bête rendez-vous secrètement amoureux... Enfin, il avait encore le temps. Pour le moment, il devait se pencher sur le problème de Christopher.
« Le problème quand tu passes du temps à crier sur tes coéquipiers, c'est qu'il te reste moins de temps pour analyser le match qui se joue. Admettons que, pour une situation donnée, il y ait cinq solutions de résolution et que, pour toutes les voir, il te faille dix secondes avant de faire ton choix de mouvement. Si tu passes déjà quatre secondes à engueuler les autres, tu n'as plus que six secondes pour voir trois solutions. Trois solutions, ça semble suffisant pour faire ton choix, n'est-ce pas ? Ca l'est pour les joueurs médiocres sans doute, sauf que tu ne veux pas être un joueur médiocre, Christopher. Et dans les deux autres solutions que tu n'avais plus le temps de voir, il y avait peut-être LA meilleure solution. »
Le jeune homme pressa ses lèvres l'une contre l'autre, conscient d'être encore parti dans ses délires mathématiques auxquels les gens n'aimaient pas être confrontés. Surtout parce qu'il avait toujours raison. Il haussa les épaules avant d'ajouter néanmoins.
« Il y a toujours une solution optimale. LA solution qui est préférable à toutes les autres. Je regarde le jeu et je la vois. C'est comme si elle clignotait en rouge dans mon esprit. Je peux t'entraîner à les reconnaître, si tu veux. »
Heureusement que Cillian n'aimait pas jouer au Quidditch. Il aurait fait un adversaire redoutable. Il pourrait. Il savait voler sur un balai et tout, mais il ne préférait pas s'engager dans un sport collectif. Déjà, fréquenter assiduement des êtres humains lui filaient un mal de crâne pas possible et, ensuite – c'était inévitable – devoir supporter leur non-excellence était impossible à la longue. L'imprécision lui hérissait les poils des bras, il n'y pouvait rien.
Les deux jeunes hommes étaient arrivées aux abords des lourdes portes du château. Appuyé contre un battant, le gardien de l'équipe de Poufsouffle (qui devait avoir les oreilles qui sifflent) était en train de compter fleurette à une blondinette rouge et or. Cillian retint un rictus. Le joueur s'interrompit pour lancer à son coéquipier :
« Hey, Chris ! C'est bon, t'es calmé ? Tu veux v'nir boire un verre de jus de citrouille avec nous dans la Grande Salle ? Y a tous les autres déjà. »
Comme s'ils avaient quelque chose à fêter. Il avait du lire le tableau des scores dans le mauvais sens. Jetant un regard critique à Cillian, il décida d'impressionner sa nouvelle poule en osant parler du grand méchant héritier des mages noirs devant lui :
« Qu'est-ce t'as à traîner avec le Dolohov ? Vous êtes quand même pas potes. Fais gaffe, y va te convertir. »
C'était drôle. Ironique, plutôt. Quand on savait que, secrètement encore, Cillian était en désaccord total avec les idéologies de ses parents concernant la pureté du sang. Il attendait le moment propice pour le leur faire savoir. A la fin de ses études sans doute, quand il n'aurait plus besoin de vivre sous leur toit. Car, il en était bien conscient, à la seconde où Helven Dolohov apprendrait que son fils préférait se ranger du coté des aurors que des mangemorts, il voudrait sa mort. Mieux valait un fils mort qu'un fils traître à leur sang.