« PUTAIN, DEGAGE !! » furent les premiers mots sortis de la bouche pâteuse et mal odorante de Lysander lorsqu’il se réveilla ce matin-là. Tout en finesse et délicatesse, comme tous les matins du monde. Mais le jeune professeur avait de quoi pestiférer : son énorme chat lui avait sauté au visage dans une série de feulements et de crachotements parce qu’il avait osé ronfler trop fort. Après avoir envoyé le démon valser à l’autre bout de la pièce, Lysander prit du temps pour reprendre ses esprits. Quelques égratignures ornaient son doux visage matinal (les yeux rouges, presque clos, la barbe mal rasée qui pique, la bave séchée au coin de la bouche… vrai canon), mais ce n’était rien qu’il ne puisse guérir. Un bout d’un long moment nécessaire à se réveiller complètement, Lysander jeta un œil à sa montre et constata qu’il était en retard. Il se doucha en vitesse et revêtit sa cape chaude par-dessus sa robe de sorcier. Il donnait son premier cours de la journée à neuf heures et il faisait encore frais à cause du vent monstrueux dehors, bien qu’ils seraient à l’abri des arbres durant le cours, il valait mieux être couvert. Lysander détestait tomber malade si bien que c’en devenait presque une phobie. Il ne s’inquiétait guère des griffures du chat car à force de se faire réveiller de la sorte, son corps commençait à être immunisé contre toutes les saloperies que ce foutu chat pouvait lui refiler. Il eut encore du mal à mettre ses chaussures car le chat jouait avec les lacets. « Tu m’agaces. » déclara Lysander en regardant son animal démoniaque dans les yeux.
Quelques instants plus tard, le jeune professeur était enfin parvenu à se glisser hors de ses appartements pour se mettre en direction de la Grande Salle, le chat sur ses pas. Il n’était pas inhabituel de voir Lysander se promener avec son chat, ou ce qui semblait plutôt parfois de voir le chat se promener avec Lysander. Presque tout Poudlard possédait des animaux de compagnie, mais il fallait avouer que celui que Lysander était particulier. Il le suivait même en cours. En tant que professeur de soins aux créatures magiques, Lysander connaissait les bêtes et savait communiquer avec. Mais entre eux, même entre des espèces différentes, la communication était plus évidente, plus forte. Ainsi le chat était l’élève le plus assidu du cours, mais pas toujours le plus sage, au grand dam de son propriétaire.
Lysander avala son déjeuner en vitesse en jetant des regards de parts et d’autres de la Grande Salle. Il aimait beaucoup observer les élèves dans leur quotidien, sans l’autorité personnifiée à proximité. Qui parle à qui, qui mange avec qui, qui rit, qui pleure, qui parait heureux, qui parait aimer… C’était une manière inconsciente de se positionner en supériorité du commun des mortels (oui, ses chevilles étaient enflées). Il termina en donnant un bout de lard au chat et se leva de table en direction de la sortie.
Dehors, l’air été – comme il l’avait prévu- frais mais doux. Il avait pu rattraper quelques minutes de retard mais lorsqu’il arriva à l’orée de la forêt interdite où le cours devait se dérouler – les cours se donnaient juste à la lisière, les élèves et son professeur étaient en sécurité- la plupart des étudiants étaient déjà là et bavardaient joyeusement en attendant Lysander. Celui-ci arriva à leur hauteur essouflé, les cheveux en bataille et encore un peu humides de la douche prise vingt minutes avant.
- Bonjour  à tous ! Désolé pour le retard… - il jeta un œil mauvais à son chat qui s’était assis à ses pieds, l’air satisfait. Bien, vous êtes au complet je crois, oui, je vois que Miss Yaxley est revenue ! – il affichait un large sourire sincère en regardant la jeune élève dans les yeux. J’espère que vous parvenez à reprendre le rythme facilement. Aujourd’hui nous allons étudier… - il s’adressait de nouveau à la classe entière- les Clabberts ! Quelqu’un peut me dire quelque chose à son sujet ? Vous en avez peut-être aperçu lors de vos balades nocturnes en forêt interdite qui sont, je le rappelle, interdites.
Avec un petit sourire narquois signifiant qu’il n’était pas dupe et devant la mine grise de certains à l’annonce d’une éventuelle prochaine punition, il fit volte-face et d’un coup de baguette magique dévoila quatre grosses caisses en bois qui avaient subi un sortilège de désillusion la veille au soir pour un effet de surprise (et de sécurité, certes). Lysander les ouvrit toutes en même temps d’un nouveau coup de baguette et quatre créatures vertes ressemblant à un singe bondirent hors de leur cage et sautèrent sur le premier tronc d’arbre qu’elles virent.
- Cette créature vivant dans les arbres ressemble au croisement d'un singe et d'une grenouille, expliqua Lysander tandis que ses élèves s’étaient approchés de l’arbre pour voir les Clabberts de plus près. Vous voyez, leur peau tachetée est lisse et dépourvue de fourrure. Ils sont dotés de courtes cornes et leur large gueule est munie de dents coupantes comme des rasoirs. Leurs longs bras ainsi que leurs mains et pieds palmés leur permettent de se balancer facilement d'une branche à l'autre. Le Clabbert possède sur son front une large pustule qui devient écarlate et clignote lorsqu'un danger approche, comme par exemple à proximité d'un Moldu.*
Soudain, un bruit assourdissant se fit entendre. L’action, selon Lysander, s’était déroulée très vite. Il entendit le cri de l’un des singes mêlé à des feulements et sifflements de chat. Il crut voir des coups de griffes partir dans tous les sens, et puis une réaction groupée des élèves qui lançaient un grand « Haaaaaaaaaaaah ! » Lysander comprit alors que le chat n’avait pas apprécié ses nouveaux copains et leur avait déclaré la guerre, et que, se sentant menacé, le singe pris pour proie avait enrôlé les trois autres dans sa panique. Lysander tenta discrètement de rattraper sa bestiole démoniaque mais celle-ci semblait fixée dans l’idée de rester assister au cours et de foutre le bordel. Comme d’habitude. D’ailleurs, lorsque l’on interrogeait les élèves sur la raison pour laquelle ils continuaient d’assister aux cours de soins aux créatures magiques, c’était parce qu’il y avait très souvent de l’animation et des distractions. Lysander s’était habitué à tant de tumulte dans son cours – surtout parce qu’il en était presque toujours la cause- mais son but était d’enseigner, quelle qu’en soit la manière.
Après avoir remis les bestioles en cage (Lysander en avait fait apparaitre une cinquième pour y enfermer le chat), il promit à ses élèves qu’il s’arrangerait la semaine suivante pour ne pas « subir de dérangement » afin de pouvoir mieux observer les Clabberts. Le cours se poursuivit donc sur de la théorie – ce qui avait littéralement coupé toute motivation au sein de élèves, même après que Lysander ait fait apparaitre une quinzaine de sièges confortables. Cela ne dérangeait pas Lysander. Il savait que même derrière ces regards éteints et ces volontés de « plutôt mourir que de rester une minute de plus ici », Lysander était un professeur apprécié et respecté. Lysander termina donc sa partie théorique concernant les Clabberts et signala aux étudiants qu’ils pouvaient repartir, et qu’ils devaient lui rendre un devoir sur le cours du jour.
Le jeune homme resta debout à les observer s’en aller tout en donnant des coups de pieds dans la caisse en bois contenant le chat pour lui signifier de se taire. Lysander remarqua que cette technique ne fonctionnait pas tant, mais au moins, cela détendait ses nerfs.
Et puis il la vit. La jeune Yaxley aux cheveux d’un roux léger que Lysander aimait beaucoup. Il aimait les cheveux, pas Yaxley. Enfin si, il aimait bien Yaxley, enfin il l’appréciait en tant qu’étudiante, mais ses cheveux étaient jolis…
- Ça ne va pas Miss Yaxley ?
En effet, Zephir Yaxley s’était détachée du peloton et trainais doucement les pieds à la suite de ses camarades, mais elle était tellement lente qu’elle était presque restée à la hauteur de son professeur.
- Vous êtes revenue récemment, j’imagine que ça ne doit pas être facile tout le temps, dit-il d’un air compréhensif.
Il jeta un œil à sa montre avant de relever les yeux vers la jeune fille.
- J’ai encore un peu de temps avant mon prochain cours. On peut discuter un moment si vous voulez, proposa-t-il, arborant un large sourire bienveillant.

* source ; EHP Bestiaire