Mes émotions se décuplent, mes sens me jouent des tours. Mon regard divague, je ne sais plus très bien ce que j'observe. Et à vrai dire, je ne cherche pas à le savoir. Le monde me plait, tel que je le perçois actuellement. A l'image des idées qui s'entremêlent dans mon esprit ; ce monde est complètement anarchique. Sans règles, contraintes, préoccupations, méchanceté, ni injustice. Je me sens si léger que j'ai l'impression de voler. Je souris, encore et encore. Aux personnes que je croise, alors que je ne les connais pas. Ou peut-être que si, en fait. Nous mettrons cela sur le compte de l'obscurité, ou sur celui de la fatigue ; au choix. Ces sourires, qui pourraient sembler habituels, sont loin d'être banals. Ils sont à l'opposé de ceux que je décroche quotidiennement ; ces sourires d'usage, calculés, presque forcés. Non, ce soir-là, que je le veuille ou non, le naturel refait surface...
Je pris alors place sur le rebord de la fenêtre, dans le fond de la pièce, une bouteille à la main. Celle-ci était presque vide, et même si j'avais partagé son contenu avec la plupart des personnes que j'avais croisées, je devais en avoir bu une bonne partie. J'essayais tant bien que mal de me poser un peu, espérant que cela suffirait à ce que je reprenne mes esprits. Je regardais les gens danser, la musique était présente dans la pièce mais surtout dans ma tête. J'avais envie de danser, encore. J'avais passé une bonne partie de la soirée à m'agiter au rythme de la musique, ma bouteille à la main, à enflammer la piste de danse. J'avais même dansé sur la table avec l'une de mes amis, sans ressentir la moindre gêne. L'alcool m'offrait cette faculté de me moquer complètement du regard des autres. Et c'était tellement plaisant de se sentir pousser des ailes. Là encore, je commençais à vaciller. Mon regard dansait, lui aussi. Il s'arrêta tant bien que mal sur une personne qui semblait se diriger de moi. J'éprouvais des difficultés à l'identifier.
C'est alors que je compris de qui il s'agissait. Je reconnaissais ce garçon aux allures atypiques. De ma maison, forcément. Je l'avais déjà croisé dans la salle commune, sans que nous n'ayons jamais saisi l'une de ces occasions pour discuter. Il m'avait toujours intrigué de par son apparence. Il me faisait penser à moi à certains égards. Je reconnais que ma curiosité m'incitait à aller lui parler, mais j'avais toujours préféré feindre l'indifférence. Ce soir, nous avions finalement fait connaissance, dans un contexte tout à fait singulier. Nous avons joué au jeu de la bouteille. Je détestais pourtant ce jeu habituellement, mais je m'y étais prêté ce soir. Il eut bien sûr fallu que la bouteille me désigne, lorsque l'adolescent en question l'eut faite tourner. Contre toute attente, j'ai relevé le défi, chose que je n'aurais évidemment pas faite en étant sobre. Nous nous étions alors contentés d'échanger un furtif baiser, sous les encouragements amusés de nos amis. D'un côté je m'en voulais d'avoir pris part à ce jeu, je me trouvais bien inconscient. Mais d'un autre côté, j'avais pris un certain plaisir non seulement à relever ce défi, à étonner les autres, mais surtout à échanger ce baiser avec ce garçon si mystérieux. Mes souvenirs étaient incomplets, erronés, confus. Un seul demeurait intact : celui de la sensation que j'ai ressenti lorsque nous nous sommes regardés, puis embrassés.
Après ce baiser, j'avais esquissé un sourire un peu gêné. Nous nous étions alors échangé un bref regard, sans rien dire. J'avais pourtant été parcouru par le dangereux désir d'aller ensuite lui parler, sans néanmoins oser le faire. Je m'étais alors résolu à me taire, me contentant de lui adresser quelques regards discrets au cours de la soirée.
Je sortis soudainement de mes pensées, lançant quelques regards aux alentours, furtivement. Le garçon en question se dirigeait-il réellement vers moi ? Il n'y avait personne de chaque côté. De toute évidence, il allait me rejoindre. Je lui adressai alors un sourire, à la fois gêné et malicieux. Je me sentais niais. Je m'efforçai alors de regarder droit, de paraître à peu près sobre. J'avais bien des choses à lui dire, tant de questions à lui poser. J'étais très sociable lorsque j'avais bu. Très franc aussi, sans doute un peu trop. Et pourtant, et comme à chaque fois, il y avait cette petite voix au fond de moi qui me disait de me taire lorsque j'allais dire des bêtises. Et je décidai cette fois de l'écouter, gardant ainsi le silence. Je préférais laisser mon hypothétique nouvel ami engager la conversation, cela me permettrait sans doute de prendre la température. J'étais curieux de savoir ce que me valait l'honneur de sa visite.
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Dernière édition par A. Shawn Nicholson-Powell le Mer 15 Oct - 18:55, édité 4 fois
We were born to be alone Everybody all alone Born alone to be alone We'll stand alone forever♫
La musique porte le Lestrange. Cela fait bien longtemps qu'il ne s'est pas senti aussi mal. C'est sans doute la faute de l'adolescence, comme le disent si souvent les adultes. Impulsif, irréfléchi et pourtant si intelligent. Du haut de ses seize ans avec une bouteille de whisky à la main, Néron semble perdu. Il erre dans ce monde, sans trouver de réponses à ses questions. Est-ce que c'est bien, est-ce que c'est mal ? Qu'est-ce qui définit cette notion de bien ou de mal d'ailleurs ? Sa condition sociale de sang-pur, son patronyme, son éducation, la société ? Que risquerait-il à dire non ? A part la mort et l'humiliation pas grand chose. Mais pourrait-il endurer tout ça ? Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?... Rien n'est moins sur. Ne pas avoir de réponses à ses questions est sans doute la pire chose qui soit pour un Serdaigle. D'ordinaire, Néron préfère ne pas trop y penser. Il se contente de changer de petite amie le plus souvent possible, afin d'avoir l'air d'être un adolescent normal. Un garçon qui n'aime que la chaire féminine, et qui se fiche bien de briser le cœur des demoiselles. Pourtant, ce dont Néron à peur c'est bel et bien d'aimer. De s'attacher, et de souffrir à nouveau tout comme avec Marlowe. Marlowe, un homme, avec qui ses relations étaient bien plus qu'amicales. Depuis cet été, et malgré son jeune âge l'aiglon savait désormais avec certitude qu'il aimait aussi bien la compagnie féminine que masculine. Les deux lui convenaient, et il ne voulait pas vraiment avoir à faire un choix entre les deux. Seulement, il ne vaut mieux pas crier sur tout les toits que l'on est bisexuel.
Seulement, les adolescents qu'ils soient sorciers ou moldus ont tous des jeux stupides. Quand on a seize ans et que l'on est ivre, même si l'on veut faire croire à qui veut bien l'entendre que l'on est un adulte responsable en devenir, on commet toujours des erreurs. On fait toujours des bêtises. Peut-être pas les mêmes que lorsqu'on est un enfant de quatre ans, mais tout de même. Néron regrette déjà de s'être assis avec d'autres élèves, en cercle, autour d'une bouteille vide. Lui qui croyait qu'il embrasserait seulement des filles s'est retrouvé jumelé à un autre garçon. Un grand brun, avec des yeux aussi bleus que les siens. Shawn. Il ne savait pas grand chose du jeune homme, simplement qu'il était plus âgé que lui de quelques années. Après un rapide et chaste baiser, tous les deux s'étaient longuement regardés. Le Lestrange sentait que son regard avait laissé sous entendre quelque chose. Quelque chose de terrible, qui devait rester secret. Bien entendu, beaucoup de gens avaient des doutes face à son look. Un garçon qui porte du maquillage et qui vernis ses ongles ? Il y a cachalot sous gravillon. Néron s'était toujours farouchement défendu, affirmant être hétérosexuel. Et pourtant... S'il aimais les femmes, il aimait tout autant les hommes.
Shawn était assis seul, sur le rebord en pierre froide d'une fenêtre. S'approchant d'un pas décidé tout en regardant autour de lui, il constata que personne ne faisait attention à lui. Aucun des élèves ne semblait se soucier de ce qu'il allait faire. S'asseyant lentement aux côtés de Shawn, l'aiglon observa son camarade quelques instants. Ils se ressemblaient légèrement, sans pour autant qu'ils aient l'air d'être des frères en cherchant un peu, on pourrait tout à fait les prendre pour des cousins. Le nom Nicholson-Powell ne lui était pas famillier. Ainsi, le batteur savait dores et déjà que son camarade ne venait pas d'une illustre et ancienne maison de sang-pur. Peut-être bien qu'il était de sang-mêlé. Ou même né-moldu. Allez savoir. Tout en sortant une cigarette, et tendant son paquet pour en proposer une, il esquissa un sourire gêné. « On a pas vraiment eu le temps de se présenter toi et moi... On a un peu griller les étapes. Rigolant légèrement pour cacher son mal aise, le Serdaigle alluma sa cigarette. Moi c'est Néron. Néron Lestrange. Je suis en troisième année. Et toi, Shawn ? »
Le jeune garçon qui me tenait compagnie ne resta pas bien longtemps face à moi, il prit place à son tour sur le rebord de la fenêtre. C'était peut-être mieux que nous ne puissions nous regarder. Je me sentais déjà gêné lorsqu'il s'agissait de regarder quelqu'un alors que j'avais l'impression de le voir en double en raison de l'alcool, ma gêne n'aurait été que décuplée face à lui en raison du contexte.
Il se sortit une cigarette, visiblement pour l'allumer. Il me tendit le paquet. Généreuse attention. Je lui souris, de nouveau. Mon sourire, même s'il se voulait reconnaissant, trahissait mon taux d'alcoolémie, malgré moi. Je lui fis un signe négatif de la tête. « Non merci. Je préfère l'alcool à la cigarette », lui dis-je, amusé. Et c'est vrai que je n'avais jamais vraiment fumé. A mes yeux, ça n'était qu'un phénomène de mode, si bien que je n'en voyais pas tellement l'intérêt. Alors c'est vrai, parfois, je me laissais aller à quelques cigarettes, mais cela n'avait jamais été excessif. En revanche, je tenais toujours ma bouteille à la main. Je m'étais promis de faire une pause. C'était toujours lorsque je m'asseyais au calme que je me rendais compte de l'état dans lequel j'étais. Bien souvent, il était trop tard, j'avais atteint un point de non-retour. Et c'était un peu le cas ce soir, mais je faisais mon possible pour ne pas le laisser paraître aux yeux de mon mystérieux interlocuteur.
C'est vrai qu'il l'était. De par son apparence, tout d'abord. Et puis, je ne connaissais rien de lui. Il me semblait avoir retenu qu'il s'appelait Néron. Je n'en avais pas la certitude. A vrai dire, rares étaient mes certitudes à l'heure actuelle. L'adolescent me facilita la tâche en engageant davantage la conversation « On n'a pas vraiment eu le temps de se présenter toi et moi... On a un peu grillé les étapes. » Mon interlocuteur laissa échapper un léger rire. Je lui souris de nouveau, un peu moins timidement que la fois précédente, avant de lui répondre, amusé « Comme tu dis... »
Brève réponse, mais je ne savais qu'ajouter. Je me posais beaucoup de questions que je n'osais poser. Je me demandais bien ce qu'il avait pensé de ce jeu, s'il regrettait son geste. J'essayais par ailleurs de me remémorer ce qu'il s'était passé, mais mes souvenirs demeuraient superficiels et incomplets. Je concluais néanmoins que s'il venait me parler de la sorte, il ne pouvait vraiment m'en vouloir et ne cherchait pas spécialement à m'éviter. Ou peut-être était-ce simplement l'alcool qui le poussait à venir me parler comme il l'aurait fait avec n'importe qui. Je sortis alors de mes pensées, l'observant en train d'allumer sa cigarette.
« Moi c'est Néron. Néron Lestrange. Je suis en troisième année. Et toi, Shawn ? » J'avais correctement retenu son prénom. Comme quoi, alcool ou non, il y avait certaines choses que je parvenais à mémoriser. Lestrange, j'avais déjà entendu ce nom, et pas vraiment en bien, au contraire. Mais pour l'heure, cela ne me préoccupait pas vraiment. Je restai silencieux un instant, me rendant compte qu'il avait, lui aussi, retenu mon prénom. J'en étais flatté. Je lui souris alors de nouveau, croisant son regard un bref instant avant de lui répondre « Oui, je m'appelle Shawn. Je ne suis pas si jeune que toi. Je suis en sixième année. » Je me mis à rire légèrement, amusé. Comme si l'on était vieux à dix-neuf ans. Je ressentais pourtant cette impression parfois, ainsi qu'une certaine mélancolie à l'égard de mes jeunes années. Je redoutais de m'approcher peu à peu de l'âge des responsabilités, m'éloignant par la même occasion de l'innocence qui caractérisait l'enfance. J'aurais alors voulu pouvoir faire marche-arrière, ou tout simplement arrêter le temps. La jeunesse me plaisait, ainsi que la liberté qu'elle impliquait. Mais vous savez aussi bien que moi que ce genre de choses est impossible ; et c'est justement la raison pour laquelle j'étais là, ce soir-là, assis sur un muret, une bouteille à la main, titubant légèrement en raison des deux grammes et demi que j'avais dans chaque bras, à parler avec un inconnu que j'avais embrassé au cours d'un jeu quelques heures plus tôt.
Le silence s'installa quelques instants. Je n'aimais pas ces moments, qui étaient toujours gênants. C'était bien connu pourtant, l'alcool aidait à la sociabilité. Et cela avait toujours été le cas pour moi. Mais étrangement, à ce moment précis, rien de pertinent ne me venait à l'esprit. D'habitude, cela n'avait aucune importance. Mais là, chacune de mes idées me semblait complètement idiote, si bien que je m'abstenais de parler, de peur de dire des bêtises. « Drôle de soirée, n'est-ce pas ? » Phrase bateau bonjour. J'aurais sans doute mieux fait de ne pas réfléchir, le résultat n'aurait pas pu être pire. Je lui souris, une fois de plus, en croisant son regard. Mon sourire avait quelque chose d'enfantin, à la fois espiègle, amusé, gêné. Je me sentais léger malgré tout. J'avais l'impression de planer. Si bien que tout cela n'avait finalement pas tant d'importance.
Je n'avais aucune idée de ce que j'attendais de lui, ni même à quoi me mènerait cette conversation. Ma bisexualité n'avait pas toujours été un sujet facile à accepter, mais je m'étais aujourd'hui fait à cette idée. Pour autant, je n'en avais pas réellement fait la confidence. J'étais ainsi, je n'aimais pas parler de moi. En laissant ma vie et mes problèmes de côté, j'avais l'impression d'être plus fort. Mais après tout, ce soir, tout était différent. J'étais moins dans le paraître, davantage dans la sincérité.
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Dernière édition par A. Shawn Nicholson-Powell le Mer 15 Oct - 19:09, édité 3 fois
We were born to be alone Everybody all alone Born alone to be alone We'll stand alone forever♫
Shawn, c'était donc bien son prénom. Néron l'avait correctement retenu. Pourtant, c'était un prénom plutôt commun, à l'instar de Néron qui à vrai dire était assez excentrique. Mais après tout c'était bien une manie de sang-pur, que de donner des noms imprononcables, compliqués, excentriques voir même élogieux à leurs enfants. Les enfants de Moldus avaient souvent des prénoms plus courants, mis à part Bluenn qui avait visiblement des parents souhaitant être originaux. Il aurait pu citer une liste longue comme le bras de prénoms insolites dont ses amis de sang-pur étaient affublés. Certains étaient même carrément ridicules, et clairement désuets. Shwan était il donc d'ascendance moldue ? A vrai dire à ce moment précis de la nuit, Néron se fichait bien d'avoir embrasser un né moldu. Ce n'était après tout pas un cas sans précédent. Il avait aussi embrassé Bluenn. Et de manière bien plus approfondie que le baiser qu'il avait échangé quelques instants plus tôt avec son camarade. Les deux garçons n'avaient finalement qu'échangé un simple smack. Un petit bisou sur la bouche. Pas le genre de baiser que l'on se donne normalement quand on entre dans l'adolescence, et dans l'age adulte.
Tout en tirant longuement sur sa cigarette, il esquissa un sourire à la remarque du brun. « C'est sur. J'imaginais pas que j'allais embrasser un autre garçon... » Et surtout pas en publique. Surtout pas devant des témoins. Beaucoup de gens se posaient des questions sur sa sexualité, de part son look plutôt excentrique. Porter du maquillage au quotidien et se vernir les ongles ? C'est tout de même peu commun pour un garçon. Pourtant, jusqu'à présent il n'avait été aperçu qu'en compagnie féminine, éradiquant ainsi les doutes de la plupart des sceptiques. Mais ce soir, Néron savait très bien que dès demain des rumeurs courraient à son sujet. Peut-être même que certain jureraient que les deux garçons avaient échangé plus d'un simple smack au court de la nuit. Frissonnant d’effroi à cette réflexion il observa un instant son camarade. « J'espère que... enfin, je suis un peu gêné de t'avoir embrasser devant tout le monde. »
Replaçant délicatement une mèche de ses cheveux d'ébène d'humeur rebelle, le serdaigle ne put s'empêcher de se mordre légèrement la lèvre. Il avait tendance à faire ce genre de mimiques lorsqu'il était nerveux, ou tout du moins embarrassé. Tout en regardant furtivement si personne ne les écoutait il prit la précaution de se rapprocher légèrement de Shawn. « C'est pas parce que je te trouve moche hein. Loin de là même... Mais j'ai pas envie que tout le monde saches tu sais quoi. » Si ça se trouve, Shawn ne savait même pas de quoi Néron pouvait bien parler. Le plus jeune des deux évoquait bien évidement ce regard, plein de sous entendu. Plein de tension, mais aussi d'envie. Il espérait que personne d'autre présent dans le cercle n'avait capté cet échange visuel qui ne trompait en rien sur la véritable sexualité du Lestrange. Préférant préciser, lâchant un long soupir du à l'inconfort et à l'absurdité de la situation, il parla assez bas pour que seul son camarade puisse l'entendre « Tu vois à quoi je fait allusion ?... N'en parle à personne. ça doit rester entre nous. Je veux pas que tout le château soit au courant. »
Je n'avais pas fait dans l'originalité en soulignant le chemin curieux qu'empruntait cette soirée. Mon intervention laissait à Néron bien des possibilités de réponse, mais également de nombreuses possibilités d'intervention. Je pouvais simplement vouloir parler de l'aspect festif de cette soirée, ou bien de la quantité astronomique d'alcool que nous avions consommé, ou encore du jeu étrange qui nous avait lié d'un baiser, lors d'un court instant. A vrai dire, ma réplique revêtait une portée générale. Je parlais de toutes ces choses dans leur globalité, en portant tout de même un accent sur la dernière de ces données.
Je m'interrogeais évidemment sur le ressenti de Néron concernant la singulière issue de ce jeu auquel nous avions participé. Fort heureusement, ma curiosité allait rapidement être assouvie. En effet, le jeune homme ne tarda néanmoins pas à mettre le sujet sur la table. « C'est sûr. J'imaginais pas que j'allais embrasser un autre garçon... » J'esquissai un sourire un peu gêné. « Je veux bien te croire, moi non plus en vérité. » Je peinais à cerner le sens de ces répliques. Il était normal que cela l'ait surpris, je ne connaissais pas au jeune homme une orientation sexuelle divergente, même si je m'étais parfois posé la question, en raison de son apparence. J'imaginais par conséquent qu'il regrettait ce geste, comme tout hétérosexuel cherchant à préserver sa virilité. Après tout, l'alcool pouvait pousser à beaucoup de choses, et c'est sans doute le prétexte que j'utiliserais, dès le lendemain, si quelqu'un abordait le sujet.
Alors que j'étais perdu dans mes pensées, Néron poursuivit : « J'espère que... enfin, je suis un peu gêné de t'avoir embrassé devant tout le monde. ». Je croisai son regard un instant, mon interlocuteur se mordait présentement la lèvre. Une habitude que nous partagions, visiblement. Je lui souris légèrement, à nouveau gêné. En temps normal j'aurais sans doute été très mal à l'aise. Je l'étais certes un peu, mais sans excès, et je ne remercierai jamais assez l'alcool pour cela. Il m'était si agréable de ne pas être paniqué continuellement. Je me décidai alors à lui répondre. « Je le suis aussi. Excuse-moi si ça t'a mis mal à l'aise. Je t'avoue qu'avec l'alcool, je n'ai pas vraiment compris ce qui se passait. » Il s'agissait certes d'un prétexte, mais mon interlocuteur n'était pas censé le savoir. Je ne tenais surtout pas à me confier à quelqu'un qui était peut-être un hétérosexuel pur et dur. J'aimais imaginer qu'il puisse cacher le même secret que moi, mais je savais d'expérience qu'il fallait toujours se méfier des apparences, et que nous étions finalement peu à porter ce lourd secret.
Mais le mystérieux adolescent qui me tenait compagnie ne s'arrêta pas là. Il s'approcha légèrement de moi, pour me murmurer, presque à l'oreille : « C'est pas parce que je te trouve moche hein. Loin de là même... Mais j'ai pas envie que tout le monde saches tu sais quoi. » Cette phrase fit tilt, raisonnant quelques instants dans ma tête. Avais-je bien compris ? Il me semblait que oui, même si, comme à mon habitude, je doutais même de l'évidence. L'incertitude était sans doute l'un des noms qui me caractérisait le mieux. L'ivresse n'arrangeait rien, je me demandais si j'avais bien compris, bien entendu, bien interprété. Si tel était le cas, j'appréciais sa remarque. Elle sonnait plutôt comme un compliment. Je souris un peu timidement. Je ne savais que répondre. Devais-je me confier à lui ? Serait-il le même, une fois sobre ? Essayait-il de me tester ? Peut-être se comportait-il ainsi avec moi juste pour me tester ? Après tout, il portait le nom de Lestrange. Je le regardai à nouveau. Il fallait définitivement que je cesse de me faire des films. Je décidai de garder le silence, indécis.
L'adolescent soupira, avant de poursuivre, sans doute dans l'attente d'une réponse que j'avais bien du mal à lui donner. « Tu vois à quoi je fais allusion... ? N'en parle à personne. ça doit rester entre nous. Je veux pas que tout le château soit au courant. » Cela ne faisait que confirmer ses paroles, et ce que j'en avais compris. Néron semblait bel et bien me faire des confidences de bisexualité, d'homosexualité. Qu'en savais-je ? Au fond, cela avait peu d'importance. Je me sentais soudainement plus léger. Je n'étais donc pas le seul à porter cela, et à en souffrir, de toute évidence. Je restai silencieux un instant, toujours dans l'hésitation. Je me décidai finalement à une demi-confidence, restant volontairement dans l'implicite. Je demeurais méfiant, livrant des confidences au compte-goutte comme je l'avais toujours fait. A l'exception près que cette fois, il s'agissait d'informations que je n'avais encore jamais révélées. « J'ai ma petite idée oui. Et si elle s'avérait être juste ; n'aies crainte. Je n'ai aucun intérêt à la révéler. » Je lui adressai un sourire qui se voulait rassurant, contrastant sans nul doute avec mon regard qui laissait paraître une certaine inquiétude. Il fallait bien que je sois dans sa situation pour comprendre le sens de ses paroles. J'espérais juste ne pas être en train de faire une bêtise. Me souvenant que je tenais toujours ma bouteille d'alcool à la main, je la portai à mes lèvres et en bus quelques gorgées, non sans difficulté. L'alcool pur, cela n'était jamais facile à ingurgiter. Mais je n'avais guère le choix, je sentais en effet l'alcool redescendre peu à peu, et cela n'était vraiment pas le moment idéal pour que je reprenne mes esprits.
We were born to be alone Everybody all alone Born alone to be alone We'll stand alone forever♫
Ne rien dire ? C’était essentiel. Personne ne devait jamais le savoir. Ce ne serait bon ni pour Néron ni pour Shawn. L’homosexualité ? Personne n’en parle. Pourtant, tout le monde sait que quelque part, il y a des homosexuels. Qui s’imaginerait que son voisin de dortoir l’est ? Qui serait prêt à vivre dans la peur ? Les gens craignent toujours ce qu’ils ne connaissent pas, cela fait partie de la nature humaine. Néron lui-même n’appréciait pas forcément toujours les nés moldus… Alors que finalement, ils n’étaient pas si différents les uns des autres. Tous humains, tous sorciers, la seule différence étant leur ascendance. Même s’il le savait pertinemment, il n’était pas prêt à avouer une telle chose en publique. Que diraient les gens, en apprenant que l’héritier de la famille Lestrange considère que tout le monde est sur un pied d’égalité ? Ils ne pensaient pas les impurs inférieurs intellectuellement. Ils étaient juste inférieurs sur l’échelle sociale. Chacun à sa place, et les hippogriffes seront bien gardés.
Il avait fallu un certain temps au Serdaigle pour accepter sa situation. Il avait d’abord discrètement regardé ses camarades pour savoir s’il était comme eux, pour savoir si tout était normal. Pour être certain qu’il n’était pas en dessous de la moyenne aussi. Une fois ces questions existentielles élucidées et son orgueil masculin rassuré, il avait continué de regarder. Se disant que finalement, un corps masculin peut être beau. Rougissant au début en ayant des pensées inappropriées devant le torse d’un autre garçon, il avait fini par céder l’été dernier, découvrant la sexualité en compagnie d’un autre homme. Quelqu’un de plus âgé, de bien plus âgé. Un homme ayant le double de son âge. S’il avait auparavent connu les joies des rapports intimes en compagnie de la sœur jumelle de Lullaby, l’adolescent s’était bien vite rendu compte qu’en compagnie d’un homme les choses étaient bien différentes. Son idylle avec le fils MacNair était bien entendue restée secrète. Seul lui, son amant et son meilleur ami étaient au courant des choses. Néron avait ressenti le besoin de se confier, après sa rupture. Avouer son pêcher n’avait pas été une chose facile… la peur du jugement et du rejet. Une peur qui l’avait longtemps paralysé avant qu’il ne finisse par céder et avouer tout en pleurant. Les toilettes hantées par Mimi geignarde étaient certainement le lieu de l’école ayant vu défiler le plus de confessions au cours des dernières années.
Sortant de ses songes pour reporter son attention sur son camarade, Néron esquissa un petit sourire. Est-ce que Shawn était comme lui ? Est-ce qu’il aimait aussi les garçons alors qu’il ne le devrait pas ? Passant une main dans ses longs cheveux noirs, le bleu et bronze soupira longuement en levant les yeux vers le plafond de pierre vouté. « Toi aussi, t’es comme ça ? » Une chance sur deux. Tout ce qu’espérait Néron, c’était que son camarade ne s’offusque pas de la question. Se mordant la lèvre, regrettant immédiatement d’avoir parlé sans avoir au préalable tourné sa langue sept fois dans sa bouche –et non pas dans celle de Shawn même si l’envie ne lui manquait pas- il ne put s’empêcher de rougir légèrement de honte « Merde, désolé c’est un peu indiscret. » Pourquoi fallait-il qu’il mette ainsi les pieds dans le plat, de manière systématique ? On lui avait dit assez souvent qu’il fallait parfois prendre des pincettes avec certains sujets sensibles. Mais cette leçon de vie, le batteur avait parfois du mal à la retenir et faisait souvent preuve d’autant de délicatesse que ses cognards. Jetant sa cigarette à présent terminée au fond d’un verre traînant non loin d’eux il observa Shawn un long moment.
Je n'étais pas certain de bien comprendre ce qui se passait. Mon manque évident de sobriété ne m'aidait pas dans cette lourde tâche. Il me semblait néanmoins que Néron abordait implicitement le sujet épineux qu'était l'homosexualité, ce qui me poussait par ailleurs à continuer à consommer le reste d'alcool qui se trouvait au fond de ma bouteille. Je ne tenais pas spécialement à en parler. Je n'étais pas très à l'aise avec mon orientation sexuelle. Il n'avait pas été facile pour moi de comprendre et d'accepter d'être attiré également par les garçons. Aujourd'hui, cela ne me posait plus vraiment de problèmes. Cependant, et sans vraiment savoir pourquoi, je gardais cela pour moi. Peut-être parce qu'il s'agissait, encore aujourd'hui, de quelque chose de mal vu. Peut-être n'avais-je pas envie de susciter la curiosité malsaine de mes camarades. C'était surtout cela, en réalité. Je n'avais pas envie de devenir cette bête de foire que l'on regardait étrangement, parfois avec dégoût, parfois avec pitié. Le regard des gens m'écœurait au plus haut point.
« Toi aussi, t’es comme ça ? » lâcha Néron après un long soupir. Je sortis immédiatement de mes pensées et me mordis discrètement la lèvre. Je ne savais plus exactement ce que je lui avais dit, je lui avais seulement promis de ne pas en parler. Mais après tout, si j'avais compris de quoi il était question, il devait être évident pour Néron que nous partagions le même secret. Je ne savais plus, et j'étais lassé de réfléchir. Je n'en étais plus capable.
Je ne savais pas quoi lui répondre. Qu'il me demande de rester silencieux, soit. Qu'il me pousse à me confier était une autre chose, bien plus difficile à concevoir pour moi. Je préférais de loin écouter les autres, les conseiller ; mais dès lors qu'il s'agissait d'aborder ma vie privée, je faisais preuve de beaucoup moins d'enthousiasme, et davantage de pudeur.
« Merde, désolé c’est un peu indiscret. » ajouta Néron un peu gêné. Je souris légèrement, malgré moi. En effet, ça l'était. Il était assez rare que l'on me pose la question. J'imagine que la plupart des personnes qui s'interrogeaient là-dessus devaient se contenter d'en discuter entre elles, évitant soigneusement d'aborder le sujet ma présence, et cela n'était finalement pas plus mal. J'étais toujours mal à l'aise lorsque l'on me posait la question. Je n'étais pas le plus viril des hommes, c'est vrai, je le reconnaissais. Et pourtant, cette question me blessait, en un sens, cela me faisait toujours un peu de peine lorsque l'on me la posait, si bien que j'avais toujours eu l'habitude de répondre par la négative. « Non... », répondis-je instinctivement.
Pourtant, j'hésitais quant au fait de me confier. D'un côté, il me semblait préférable de me taire. C'était un automatisme qu'il m'était difficile de remettre en cause. Je me savais ivre. Aussi, il était sans doute plus sage de ne faire des confessions que je pourrais finalement regretter. Et puis, je n'avais pas vraiment confiance en Néron. Je le connaissais peu. C'était un Lestrange, qui plus est. Cela en disait sans doute beaucoup sur sa personnalité.
D'un autre côté toutefois, je ressentais l'envie d'en parler. C'était l'occasion après tout. J'avais en face de moi un garçon qui était dans ma situation et qui, comme moi, préférait se cacher. Il était sans doute le plus à même de me comprendre. Et puis, il n'avait pas l'air de me vouloir du mal, au contraire... Il se montrait sous un jour plutôt sympathique avec moi. J'espérais simplement qu'il n'était pas en train de jouer en rôle. Au fond, je n'avais rien à perdre ; et l'alcool pouvait m'aider à parler, j'en étais conscient.
Je soupirai un court instant, avant de poser mon regard sur le beau jeune homme, occupé à jeter sa cigarette. « Peut-être que si en fait... » lui avouai-je finalement, hésitant, en baissant finalement les yeux.
Soudainement, je me sentais étrangement sobre. Comme si tout l'alcool que j'avais ingurgité s'était évaporé, et me faisait finalement faux bond. Je regrettais déjà cette confidence faite à demi mot. Je savais que je m'en voudrai d'en avoir ainsi parlé, à une personne qui m'était presque inconnue.
« Je ne sais même pas pourquoi je t'en parle. Je garde toujours tout pour moi d'habitude... » ajoutai-je en croisant son regard à nouveau, préoccupé. D'habitude, oui. Mais j'étais las de mentir continuellement.
Garder un secret, au début, c'est comme un défi à relever, c'est amusant, on a l'impression de jouer. Jusqu'au jour où le jeu a assez duré ; ce jour où jouer nous épuise, et ne nous amuse plus du tout. Le secret devient alors un lourd fardeau dont on donnerait tout pour se débarrasser. Mais une fois que les bases du jeu sont posées, il est très difficile de faire marche arrière. Je me risquai à le faire ce soir-là, auprès de Néron Lestrange, garçon de Serdaigle de 16 ans, rencontré lors d'une soirée un peu trop alcoolisée au cours de laquelle nous nous étions embrassés, sous le prétexte d'un jeu stupide. La seule chose que j'espérais, c'était d'avoir choisi la bonne personne pour en parler.
We were born to be alone Everybody all alone Born alone to be alone We'll stand alone forever♫
Oui non peut-être ? Soit Shawn n'était pas sur de lui, soit il avait honte. C'était surement un mélange de ces deux sentiments. Comment être sur et certain lorsque l'on est encore un adolescent ? C'est après tout à cet âge là que l'on découvre les choses. Sa mère lui avait toujours demandé de goûter avant de dire je n'aime pas. Néron avait donc pousser les limites de cette doctrine au delà de la nourriture. Comment pouvait-il être certain d'être hétérosexuel s'il n'essayait pas les hommes ? Finalement tout était encore plus confus. Il aimait les femmes mais aussi les hommes. Situation compliquée, qui mettait l'unique héritier de la famille Lestrange dans une position plus que délicate. Avec la renommée de son nom venaient les obligations. Il ne pourrait jamais passer sa vie aux côtés d'un autre homme. Le déshonneur ? C'était encore pire que la mort. Il ne voulait en aucun cas salir le nom des Lestrange. Son look était déjà bien assez humiliant aux yeux de ses parents. Borderick et Rohesia n'auraient pas un autre fils, ni même un autre enfant puisqu'ils ne s'aimaient pas et n'avaient sans doute copuler que pour assurer la perpétuité de la lignée. Il allait être celui qui hériterait de la fortune des Lestrange, ses oncles n'ayant pas eu d'héritier mâle. Du haut de ses seize ans, Néron croulait déjà sous le poids des responsabilités liées à son patronyme.
Posant une main sur l'épaule de son camarade qui semblait tout aussi confus, le brun esquissa un sourire torve « C'est mal, mais je pense qu'on y peux rien. » Chassez le naturel, il reviendra au galop. Même s'il savait très bien qu'il allait terminer sa vie aux côtés d'une femme, Néron savait qu'à un moment ou à un autre au cours de sa vie, il aurait certainement un amant. Pour échapper à la monotonie du mariage, à l’ennui, et à une vie conjugale inexistante. Passant une main dans ses épais cheveux noir de jais, buvant une gorgée de whisky il tendit la bouteille à Shawn « On pourra s'envoyer en l'air un jour si ça te dis. » Il avait dit ça comme ça, sans vraiment réfléchir. Certes même s'il couchait à l'occasion avec Miss Nightingale, le corps d'un homme est bien différent de celui d'une femme. Être intime avec un garçon, c'était tout autre chose. S'il n'avait absolument pas à se plaindre de sa liaison avec Rhapsody, tout au fond de lui l'aiglon savait dores et déjà qu'elle ne saurait jamais aussi bien lui donner du plaisir qu'un homme. Un autre garçon sait exactement où et comment vous toucher, sans que vous n'ayez à le guider. Voyant que son camarade semblait mal à l'aise, il haussa un sourcil « Si t'as pas envie on fera rien. Je proposait c'est tout. Même si t'es pas de sang pur... Enfin, personne n'en saura jamais rien alors j'en ai rien à foutre. »
Pour vivre heureux vivons cachés. Les sentiments, le Lestrange avait fait une croix dessus. Il ne voulait plus souffrir à cause de quelqu'un d'autre. S'attacher ne rendait la séparation que plus difficile. « ça soulage d'en parler à quelqu'un qui sait ce qu'on traverse. Quelqu'un qui est dans la même situation, dans la même hésitation, dans le même doute. Quelqu'un qui en a un peu honte aussi. Mon meilleur ami est au courant, je lui en ai parler. Mais je sais qu'il comprends pas vraiment ma situation. C'est pas normal d'aimer quelqu’un du même sexe. C'est contre nature, ça va a a l'encontre de la théorie de l'évolution. Tu peux pas te reproduire, tu peux pas assurer la survie de l'espèce et ça veut dire que t'emmerde la nature humaine et la logique de la biologie. » Néron avait la capacité de réfléchir, même en étant ivre mort. Piocher dans son cerveau quelques vagues souvenirs de ses lectures, cherchant la logique à tout prix. Il n'avait pas été envoyé à Serdaigle pour rien après tout.
electric bird.
Pardon pour le retard, et pour cette réponse qui ne me satisfait pas vraiment T___T mais bon, tu sais ce que c'est, c'est la période des exams ;_;
Jétais clairement gêné de la révélation que je venais de faire à mon acolyte. Les idées s'entremêlaient dans mon esprit soudainement redevenu lucide, comme si l'alcool s'était évaporé à l'instar du poids de ce secret qui pesait jusqu'alors sur mes épaules. Les traits de mon visage trahissaient sans nul doute mon tracas, ce qui incita sans doute le jeune Lestrange à me rassurer. Ce dernier posa une main sur mon épaule. Je n'avais jamais été quelqu'un de tactile, bien au contraire, et encore moins avec les hommes. Même ce geste pourtant insignifiant était inhabituel pour moi. Fort heureusement, grâce à l'alcool, il ne me troubla pas. Néron s'exclama alors « C'est mal, mais je pense qu'on n'y peut rien. »
J'haussai les épaules. Je ne partageais pas vraiment ce point de vue. Si j'avais longtemps considéré qu'éprouver une attirance pour une personne du même sexe était quelque chose de mal, j'adoptais aujourd'hui un tout autre point de vue. A mes yeux, désormais, la bisexualité et l'homosexualité ne représentaient en rien le mal, mais davantage la différence. Ni plus ni moins. Néron et moi étions différents des autres, mais je ne tolérais pas que l'on soit considérés comme inférieurs pour cette simple caractéristique, ni par les autres, et encore moins par Néron lui même. « Comme tu dis, on n'y peut rien. Contrairement à ce que pensent beaucoup de gens ce n'est pas un choix. En revanche je ne suis pas d'accord avec toi. Ça n'a rien de mal. C'est juste mal perçu. Le mal, c'est pas nous... » Sous-entendu, ce sont eux, c'est à dire toutes ces personnes qui stigmatisent et prônent la haine car la différence les effraie.
Alors que je lui répondais, Néron était occupé à boire. Il me tendit ensuite la bouteille. Je ne savais plus vraiment s'il était préférable que je continue à boire et risquer d'en dire trop où s'il valait mieux quitte à être gêné par la situation. Qu'importe, je la portai à mes lèvres et en but une gorgée. Boire de l'alcool pur n'était jamais agréable, mais à ce moment cela ne me paraissaît plus si terrible. « On pourra s'envoyer en l'air un jour si ça te dis. »
Je faillis recracher ma gorgée de whisky, étonné par cette soudaine proposition. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Néron n'y allait pas par quatre chemins. Etant quelqu'un de très réservé, je n'avais pas pour habitude que l'on me fasse ce genre de propositions. Ma surprise ne passa sans doute pas inaperçue, puisque Néron ne tarda pas à ajouter, après avoir haussé un sourcil : « Si t'as pas envie on fera rien. Je proposais c'est tout. Même si t'es pas de sang pur... Enfin, personne n'en saura jamais rien alors j'en ai rien à foutre. »
Encore et toujours cette histoire de sang pur. Je regardai le ciel un instant, cela n'était de toute manière pas le sujet. En toute franchise, la proposition de Néron n'était pas vraiment ce que j'attendais. Je ne me cherchais pas. J'étais certain de mon attirance pour la gente masculine, et je n'avais pas besoin de tester quoi que ce soit pour m'en assurer. « T'es mignon tu sais... Mais c'est pas tellement ce que je recherche. » Et je disais vrai. Néron m'attirait, et ça n'était sans doute pas l'alcool qui me ferait dire le contraire. Malgré tout, le sexe pour le sexe ne m'avait jamais intéressé. Beaucoup me considèreraient sans doute pour un saint pour cette raison mais cela m'importait finalement peu. Je préférais être considéré comme un coincé plutôt que comme un garçon facile.
Néron sembla ensuite davantage dans la confidence puisqu'il se lança dans une conversation presque philosophique « Ça soulage d'en parler à quelqu'un qui sait ce qu'on traverse. Quelqu'un qui est dans la même situation, dans la même hésitation, dans le même doute. Quelqu'un qui en a un peu honte aussi. Mon meilleur ami est au courant, je lui en ai parlé. Mais je sais qu'il comprend pas vraiment ma situation. C'est pas normal d'aimer quelqu’un du même sexe. C'est contre-nature, ça va à l'encontre de la théorie de l'évolution. Tu peux pas te reproduire, tu peux pas assurer la survie de l'espèce et ça veut dire que t'emmerdes la nature humaine et la logique de la biologie. » La fin de son discours me fit sourire. J'ignorais si c'est l'alcool qui le poussait à réfléchir à ce genre de choses, je n'avais pour ma part en tout cas jamais été aussi loin dans mes réflexions sur le sujet.
Je lui répondis alors, sur le même ton de la confidence, en croisant son regard. « Ça aide oui. C'est vrai qu'on pense toujours que les autres ne peuvent pas vraiment comprendre. Et puis j'ai l'impression qu'on est tellement peu nombreux à vivre ça. Je me sens différent, tout le temps et de tout le monde. C'est difficile de mentir. » Je m'arrêtai un instant, vivant les émotions à travers mes propres propos. Il fallait que je cesse d'y penser, j'avais tendance avec l'alcool à être plus sensible, et je n'avais en aucun cas l'envie de m'effondrer devant Néron. Il est vrai que j'avais souvent cette sensation d'être en décalage permanent avec les autres. Mon orientation sexuelle y était forcément pour quelque chose, mais je savais aussi que beaucoup d'autres facteurs entraient en compte. J'avais une personnalité à part, et il m'arrivait de mal le vivre. J'avais toujours espéré rencontrer un jour une personne qui me ressemble et me comprenne. Ce jour n'était sans doute pas arrivé. Après tout, j'avais appris à vivre avec.
Je ne concevais pas que Néron puisse avoir ce point de vue, qu'il puisse encore envisager son attirance pour les hommes comme quelque chose de mal, voire d'anormal. « Arrête de penser ça. On n'est pas contre-nature. Ouais, c'est pas logique ; mais comme tu dis, la logique et la biologie on les emmerde. Je pense qu'ils sont assez à faire des gosses pour ne pas venir nous faire chier. On est comme ça, que ça plaise ou non. C'est pas mieux, c'est pas moins bien. On est juste différent. » ajoutais-je en me voulant rassurant, en croisant à nouveau son beau regard.