A trois ans, on croit encore que le père noël n'est pas un vieux pervers et que la fée des dents n'est pas un étrange collectionneur.
"C'est moi maman ?" demanda la petite fille en collant presque son nez sur la photo animée qu'elle tenait entre les mains. Mais elle n'arrivait pas à se souvenir où cette photo avait pu être prise, même si elle était certaine de se reconnaître sur l'image. Des yeux du même bleu que le sien la regardaient par moment avec intensité, alors que les mêmes cheveux blonds cascadant comme une rivière sur ses épaules, virevoltaient en même temps que les volants de la robe qu'elle portait. Mais elle ne se souvenait pas, et puis, non, ce n'était pas exactement le même regard que le sien, il y avait quelque chose qui ne collait pas avec la réalité de la petite fille, qui releva ses prunelles en direction de sa mère.
"Non ma chérie, c'est moi à ton âge." "Ce que tu me ressembles !" s'exclama la petite fille sans même percevoir le non sens de sa réflexion. C'était elle qui ressemblait à sa mère, elle qui avait hérité de trop de similitudes avec sa génitrice pour pouvoir un jour mettre en doute le fait qu'elle était bel et bien sa fille. La gamine immobile sur le siège qui était le sien n'esquissait pas un geste de plus, ses prunelles revenant se jouer de l'image avec attention, elle n'en revenait pas, c'était tout simplement impossible. Et pourtant, alors que sa mère lui brossait ces mêmes cheveux blonds qu'elles avaient en commun, la couleur de leurs yeux si semblables se perdait dans ces questions idiotes entre une mère et sa fille, ces instants qui seraient incapables de présager de l'avenir, de prédire ce que le destin prévoyait pour elles, et pour ce petit frère à la chevelure aussi sombre que celle de leur père en comparaison. Mais cela n'avait pas grande importance, chacun était heureux entre ces murs, se moquant des murmures moqueurs de certains autres n'appréciant pas que des sangs purs puissent être si ouverts d'esprits, tandis que la petite blondinette trouvait cela tout à fait normal, puisqu'elle était élevée en ce sens, qu'elle voyait l'exemple de ses parents...
"Zek..." commença-t-elle, parce qu'elle n'arrivait pas à prononcer son prénom dans son entier sans trébucher sur certaines sillabes.
"... va ressembler à père ?" Le rire léger de sa mère lui répondit, alors qu'elle parlait de son petit frère, ce petit garçon de deux ans son cadet qu'elle s'était juré de toujours protéger, quoiqu'il advienne. Il avait l'air si fragile dans son berceau lorsqu'elle se l'était juré, de ses deux ans et demi, de ce regard éveillé et intelligent qui le fixait.
"Il a l'air d'avoir ton nez, tu ne crois pas ?" La petite fille le plissa justement à cet instant où elle en parlait. Le même nez ? Elle n'en était pas certaine, il était encore si petit alors qu'elle avait eu ses trois ans récemment. Et puis...
"Il peut pas ! C'est un garçon !" s'exclama-t-elle alors subitement en réalisant qu'elle était une fille et lui un petit mec, impossible qu'il ait son nez, sinon il aurait l'air d'une fille, et ce serait tout simplement dramatique ! Du moins le pensait-elle à cet instant, alors que sa mère éclatait de rire en continuant à laisser la brosse divaguer dans sa blonde chevelure aussi lumineuse qu'un champ de blé en plein été. Tout simplement parce que la petite fille pensait qu'elle ne pourrait pas le protéger d'avoir un nez de fille... L'air dramatique qu'elle affichait à cette seconde, sous l'air ambiant chargé de cette petite fumée gracile d'une bougie magique qui ne s'éteindrait que lorsqu'on le déciderait, sans même avoir versé une larme de cire sur sa peau délicate et si lisse.
A six ans, Maman a foutu le camp avec son moldu d'amant, et lui ressembler c'était juste un mauvais plan.
Six frêles printemps décharnés d'un matin où il n'y avait personne à la maison, personne à l'exception d'un paternel irascible et de son petit frère. Et elle eut l'étrange impression d'être seule, vraiment toute seule, n'ayant trouvé sur sa table de chevet que cette brosse que sa mère utilisait le soir lors de ce moment qu'elles avaient toujours partagées quelques jours plus tôt. Mais pas un mot, pas un adieu, pas un au revoir, elle était simplement partie après une violente dispute avec leur père au sujet d'un moldu. L'impression de sentir son cœur s'immobiliser dans sa poitrine, alors qu'elle n'était qu'une douce petite fille sous le regard que lui lança son père lorsqu'elle pénétra dans son bureau, l'observant, lui et ce verre déjà presque vide, tout comme la bouteille qui se tenait à l’extrémité du meuble en chaîne. L'odeur rance de l'alcool hantait les lieux tout comme son regard, alors qu'elle avait l'impression de sentir sa gorge s'assécher sous l’œillade persistante et le silence presque brutal, comme une claque, une gifle qui lui brûlait les lèvres, lui crevait les yeux. Son cœur, palpitant saccadé recommença à battre et à s'agiter sous sa peau, la douleur de ne pas voir revenir sa mère la taraudait. Mais elle était déjà intelligente et fine, elle savait qu'elle ne reviendrait pas, que la dispute avait révélé la trahison, faisant trembler les murs, brisant l'équilibre précaire sur lequel il se trouvait. Ce n'était pas tant l'alcool qui vrillait l'âme de l'homme, puisqu'il n'avait rien d'un alcoolique, il perdait juste la capacité de garder la tête hors de l'eau, de ne pas divaguer dans les méandres de la folie que la gamine sentait ramper sur sa peau, comme un serpent à la caresse presque malsaine.
Plutôt que de rebrousser chemin comme un moineau terrifié, elle préféra ouvrir les lèvres, savoir, connaître, comme une obsession toute aussi malsaine.
"Mère..." "Est partie et elle ne reviendra pas." claqua la langue de son paternel, mettant un terme à ce qu'elle avait voulu dire. Même si elle avait voulu lui dire qu'elle avait mal agi, qu'elle n'aurait pas dû les abandonner ou une autre pensée que la petite fille pensait au fond de son être, son père préféra sombrer dans les méandres de ses propres pensées à la frontière d'une paranoïa aigrie. Il la regardait cette gamine aux cheveux aussi blonds que ceux de sa mère, la fixait cette créature à la silhouette gracile et délicate qui tendait à promettre sous ses traits si fins, qu'elle lui ressemblerait, beauté douceâtre qui le hanterait dans chaque regard qu'il daignerait déposer sur elle. Augustine restait une enfant de six ans, incapable de comprendre ce qu'elle ne lisait pas dans ses prunelles, ce qu'elle ne devinait pas alors qu'il la fixait intensément, laissant des pensées sournoises divaguer et songer à l'avenir obséquieux que sa progéniture pourrait emprunter, si elle lui ressemblait un peu trop. Et de cela, il n'en était tout simplement pas question, lui si ouvert auparavant, se refusait déjà à ce que sa fille se lie d'une manière trop charnelle avec l'un de ces profanes incapables de voir la puissance de la magie, l'importance, cette dominance qu'ils avaient sur eux, cette supériorité qui brillait dans ces prunelles déjà malades sous ces idées sournoises.
"Et je t'interdis de vouloir lui ressembler." déclara-t-il, se redressant avec souplesse mais raideur, le visage teinté de la colère violente qui brûlait l'intérieur de son être, cette rancune, cette folie qui le détruisait petit à petit, le rongeait comme un poison au goût de vomissure. Il traversa vivement la pièce, rejoignant en quelques enjambées la silhouette si ténue en comparaison, ses doigts enserrant son bras avec violence.
"Si elle te manque trop, dis-toi que cette chienne a préféré aller s'offrir à un moldu plutôt que de vous élever. Les moldus ont détruit cette famille et si tu t'avises..." La douleur fit monter des larmes à ses yeux si bleus, elle ne les retenait pas, les laissant rouler, dévaler la rondeur de sa joue, tandis que sa voix s'éleva pour qu'il arrête de lui faire mal.
"Je suis pas maman..."Brusquement, presque aussi brutalement qu'il l'avait saisie, il la relâcha, non sans l'avoir fixée quelques secondes, ses doigts venant se caler derrière sa nuque et attirer l'enfant contre ses jambes.
"Non, bien sûr que non tu ne l'es pas." laissa-t-il filer d'une voix presque songeuse. Une chape de plomb noyait la gamine dans l'odeur trop familière de son paternel, la douleur persistait sur son bras, à l'endroit où il l'avait tenue, et quelque chose lui disait qu'elle avait aussi perdu son père lorsque sa mère avait pris la poudre d'escampette pour s'enfuir loin de cette maison, laissant derrière elle ces enfants qu'elle disait tant aimer, adorer, vouloir préserver de tous les malheurs. Mais aujourd'hui, il ne restait plus qu'Augustine et Ezekiel... juste eux deux, et elle le protégerait de ses maigres moyens, de son jeune âge, et de l'instable position qu'elle occupait face à leur père.
A quelques printemps de plus, on réalise que la pureté ne protège pas de la connerie.
Furieuse, elle entendait leurs rires qui résonnaient, malsains, à ses oreilles, tandis qu'elle les avait sous les yeux, ces gamins attardés et ces autres qui étaient un peu plus grand, ces sangs purs chez qui ils se trouvaient pour une réception toute aussi débile. Quelle idée... mais leur père se faisait de drôles d'amis depuis le départ de leur mère, sombrant sous cette haine que sa trahison avait fait naître en lui, sous les regards appuyés qu'il dardait dans la direction de cette fille qu'il avait bien l'intention de promettre pour éviter qu'elle ne s'éloigne du chemin qu'il voulait pour ses enfants. Il ne voulait pas d'une deuxième chienne dans sa famille, quand bien même elle n'était encore qu'une petite fille, il sentait la force de caractère qui brûlait derrière les prunelles assassines de cette enfant trop déterminée à ne penser que ce qu'elle voulait, loin d'être assez naïve pour croire son père sur parole, celui qui avait parfois du mal à ne pas totalement la confondre avec sa mère. Son souffle lui brûlait la gorge, l'inquiétude lui nouait le ventre de ne pas apercevoir Ezekiel avec ceux qui l'avaient éloigné des autres. Où est-ce qu'il se trouvait ? Qu'est-ce qu'ils en avaient fait ? Le menton fièrement relevé, deux iris furieux se posèrent sur le premier gamin, un peu plus âgé qu'elle, qui se tenait le plus proche d'elle et qui avait immédiatement été sa cible, comme pour prouver à ces attardés qu'elle n'avait pas peur d'eux.
"Où est mon frère ?" le timbre assuré, la voix brûlante d'une étrange maîtrise, elle se tenait là, arrogante demoiselle au sang si pur qu'elle pourrait très bien être promise à n'importe lequel de ces crétins dès le lendemain, que cela ne surprendrait personne.
"Qui ça princesse ?" "Arrête de jouer au crétin dégénéré et réponds-moi ! Où est Ezekiel ?" s'agaça-t-elle, son timbre trahissant une subtile colère trop passionnée pour passer inaperçue.
"Très bien." commença-t-il, lorgnant en direction de ses copains d'un air entendu, alors qu'elle était plus jeune que lui, mais possédait déjà ces étincelles, et cette languissante promesse d'être un jour plutôt appétissante, puisqu'elle l'était déjà.
"Un baiser et je te dis ce que tu veux savoir." Sauf qu'elle était encore trop jeune pour avoir envie de...
"Plutôt embrasser un scrout à pétard !" s'exclama-t-elle, après qu'une légère grimace ait marqué ses traits. Embrasser un garçon ne la tentait absolument pas, mais alors un garçon qui avait embêté son frère et qui lui avait fait elle ne savait quoi... cela lui donnait plutôt envie de l'envoyer manger des limaces. D'ailleurs sa bande de copains se mit à rire, mais il ne se démonta pas pour autant, très certainement parce que perdre la face devant les autres n'étaient pas quelque chose d'envisageable.
"Comme tu voudras." laissa-t-il filer en se détournant, comme s'il sous-entendait qu'elle pensait que son frère valait moins qu'un tout petit baiser de rien du tout. Sauf que cela méritait réflexion... c'était tout de même son tout premier baiser qu'elle s'apprêtait à vendre en échange d'informations. Si les moldus étaient des voleurs de femme, les sangs purs étaient sans aucun doute les pires connards du monde.
"Bon d'accord. Un baiser et tu me dis. J'ai ta parole ?" demanda-t-elle alors qu'il pivotait à nouveau vers elle, un sourire victorieux sur ses lèvres. Elle avait cédé.
"Promis." Plus âgé qu'elle, moins maladroit également puisque ce n'était pas son premier baiser, contrairement à elle, il se rapprocha, glissa une main sur sa taille, une autre derrière sa nuque et il l'embrassa vraiment, alors qu'elle s'attendait à l'un de ces baisers volés, forçant ses lèvres. Lorsqu'il y mit fin, elle recula d'un pas pour mettre de la distance entre eux, et il souriait... de ce sourire qu'elle avait envie de lui arracher de ses ongles.
"C'était si terrible que ça ?" Roulant des yeux en direction du ciel, elle croisa les bras, le fixant pour une toute autre raison.
"Mon frère." "Ah oui... il prend un bain chez un moldu." Il n'y eut même pas une seconde de plus avant que la main délicate ne percute avec force la joue masculine de son vis-à-vis.
"Bande de débiles profonds !" s'exclama-t-elle avant de pivoter et de se mettre à courir en direction du manoir pour y retrouver son père, pour tenter de retrouver Ezekiel avant qu'il ne se noie à cause de ces crétins dégénérés.
A 16 ans, on croit qu'on est invincible, que tout est possible et que les cons sont peut-être un peu sensibles.
Crétin. Connard. Enfoiré de merde. Les mots envahissaient son esprit comme une ritournelle irrépressible qui hantait ses songes et son esprit, tandis qu'elle restait là, sous la pluie, le visage tourné vers le ciel, la pluie ayant depuis de longues minutes transpercé ses vêtements. Elle tremblait sous la fraicheur qui la saisissait, elle frissonnait, sans doute déjà malade à rester sous cette pluie torrentielle alors que tous les élèves avaient préféré rentrer. Tous, sauf elle, incapable, elle froissait l'herbe trempée de ses pieds enlacés de ses chaussures, elle se laissait porter par le hasard d'un destin frondeur et capricieux. Tout plutôt que de rentrer à l'intérieur... elle l'avait entendu, ce garçon qui lui plaisait, lui souffler ce
Hey princesse des roses, t'as perdu le petit prince ? Elle ne s'était pas démontée, avait joué la carte de l'arrogance, arborant le rôle outrageux d'une Esméralda, mais aussi virginale que l'était alors la bohémienne ventant le ciel et ses dérives. Les deux créatures n'avaient vendu que du rêve... elle s'était laissée bercer par ce garçon plutôt pas mal, se disant que peut-être ils auraient pu apprendre à se connaître, et que peut-être... Pourtant, comme une malédiction malsaine, il avait cru pouvoir aller aussi loin que la langue acerbe de la Rosendale s'était permise de lui faire l'outrage, sauf que bien évidemment, elle avait arrêté ses doigts, chassé son corps acculant le sien, giflant sa joue pour le faire redescendre de son nuage de pauvre pervers ne pensant qu'à s'enhardir à l'intérieur de son être. Il s'était écarté, raide et distant, rouge d'une colère redoutable, l'accusant de n'être qu'une roulure incapable de tenir ses promesses, lui disant qu'il ne resterait pas avec une fille de ce genre, qu'eux deux c'était fini. Elle avait ouvert les lèvres, lui rendant la monnaie de sa pièce avant de le planter et de disparaître jusqu'à cet instant où elle s'était immobilisée au bord du lac, les yeux fixant le ciel, trainant des pieds dans l'herbe humide, ayant l'impression d'étouffer. Elle n'était même pas blessée, preuve qu'elle ne l'aimait pas, que l'amour n'était qu'un mensonge prétexté pour que les corps se chevauchent et s'étreignent d'une passion destructrice, celle-là même à laquelle sa mère avait cédée en préférant partir avec un moldu. Sauf que là, c'était un sang mêlé qui s'était conduit comme un connard, la décevant plus qu'autre chose.
Au fond, elle ne savait pas vraiment ce qui la retenait de froisser des draps avec un garçon ou bien un autre, de s'enliser contre un corps qui lui ferait ressentir ce à quoi sa mère avait semblé s'agripper comme à une terre promise. Peut-être la hantise de lui ressembler, peut-être la peur d'avoir mal, peut-être... qu'il n'y avait pas d'explication, qu'il manquait simplement cette étincelle qui lui murmurerait que c'était le moment, le garçon. Elle n'était simplement pas le genre de fille à s'allonger pour écarter les cuisses, si les contacts lui faisaient parfois du bien, ils étaient si purs, si chastes que c'en devenait presque perturbant quand on écoutait la créature capable de prétendre dans le plus absolu des mensonges qu'untel ne mériterait tout simplement d'avoir l'honneur de se glisser contre elle dans une nudité parfaite. Mais elle n'était pas ainsi, la raison était plus profonde, presque inaccessible pour celle qui se tenait là, sous la pluie, à se laisser dévorer par l'élément aqueux qui divaguait sur sa chair et la connaissait mieux que nul autre en ce bas monde. Un bruit ténu de pas la rejoignant lui fit brièvement tourner la tête pour voir l'une de ses amies arriver, se dissimulant sous une cape quelconque pour ne pas finir totalement trempée.
"Tu vas finir par être malade ! Tu sais, les gens normaux ne restent pas des heures sous la pluie, combien même un connard raconte partout qu'il est parvenu à avoir ce qu'il voulait avec toi avant de te jeter comme une vieille chaussette !" Il semblait avoir l'art de créer une réputation de fille facile en quelques secondes, quelques paroles échappées de lèvres trop arrogantes et un téléphone arabe juste assez bien rôdé pour grossir l'information.
"Ah oui ?" demanda-t-elle, sans même s'étonner de ce que son amie venait de lui raconter. Il fanfaronnait déjà, considérant qu'elle aurait sans doute trop honte pour le contredire de n'être qu'une petite pucelle incapable d'offrir ce qu'elle avait pu promettre. Ses prunelles retombant sur sa nouvelle compagne de cet instant, un sourire sournois étira ses lèvres si délicates, si fines et pourtant si gourmandes.
"Alors il faudra sûrement que j'ajoute que 'si c'est vrai, il devait en avoir une si petite que je n'ai rien senti et que je ne m'en souviens même pas.'" Elle appuya sur chaque mot de cette explication qu'elle servait avec exagération, mais à l'éclat tellement vrai qui enlaçait ses paroles, son amie éclata de rire.
"Il va regretter de t'avoir mis sur sa liste." "S'il en a vraiment une et que ce ne sont pas que des bobards de petit coq frustré."A 20 ans, on ouvre grand les yeux, et on se dit que c'est peut-être bien le moment d'être heureux.
Lovée dans les bras d'un garçon sur l'un des canapés de sa salle commune, Augustine lisait un livre sur les potions, alors qu'elle avait terminé ses devoirs depuis déjà un petit moment. Tandis que son coussin improvisé, écrivait de sa main droite quelques réponses sur un parchemin, mais sa main resta en suspend à la suivante, fixant la question durant quelques secondes avant d'ouvrir les lèvres.
"C'est quoi la réponse ?" Sans bouger d'un millimètre, relevant juste le nez de son livre, elle se contenta de répondre avec une simplicité presque déconcertante :
"Tu la connais déjà. Le prof l'a donné hier durant le cours." Un soupir lui répondit, tandis qu'il laissait son regard se poser sur la jeune femme toujours tranquillement installée entre ses bras.
"J'écoutais pas, c'était chiant, et ce prof est juste soporifique." Avant même qu'elle n'ait le temps d'ouvrir la bouche, il poursuivait déjà.
"Et si tu me sors que j'avais qu'à écouter, je te jette par terre." Le front de la jeune fille se plissa immédiatement face à ce garçon qui faisait parti de ses amis et qui fort heureusement ne laissait voir aucune ambiguïté entre eux puisqu'il était foncièrement attiré par les garçons et qu'elle n'était qu'une peluche improvisée tout au plus entre ses bras.
"T'oserais pas." Un petit sourire moqueur lui répondit, comme une menace à peine voilée, un chantage éhonté qu'elle lui ferait amèrement regretter à coup de grimaces ou de chatouilles d'ici la fin de cette conversation. Mais ce fut à cette seconde précise qu'un autre ami passe la porte, laissant la seule fille de la pièce qu'elle était se tordre le cou pour apercevoir le nouvel arrivant.
"Tu veux que je te pose par terre, tu verrais mieux." se moqua-t-il encore, ne récoltant qu'un coup de coude dans les cotes, déversant un grognement sourd accompagné d'une...
"Garce." Le nouvel arrivant aurait pu commenter, mais il semblait impatient de changer de sujet, chassant l'ancien d'un vague geste de la main.
"J'ai croisé ton frère !" "A poudlard ? Trop bizarre de croiser un cinquième année dans les couloirs dis-donc." Une œillade lourde d'un "tu veux savoir ou pas ?" lui fit lever les yeux en direction du plafond tandis qu'elle ajoutait simplement qu'elle l'écoutait, qu'il déverse sa grande révélation.
"Qu'est-ce qu'il faisait ?" "Il était avec sa dulcinée."Comme si un vent glacial venait de souffler sur la pièce, Augustine perdit son sourire à peine ces paroles s'étaient-elles envolées dans la pièce. Elle détestait l'influence de la fiancée de son frère sur ce dernier, elle avait l'impression qu'il perdait tout repère, qu'il ne parvenait plus à réfléchir par lui-même. Déjà avec leur père, le problème se posait régulièrement, mais elle était capable de se montrer acerbe avec leur paternel, et ce à plus d'une raison, dans l'intimité de leur famille, mais cette fille... c'était un tout autre problème qui semblait attirer son cadet dans la torpeur d'une réalité qu'elle ne voulait pas qu'il embrasse sous prétexte que d'autres y croyaient un peu trop fort. Se dégageant brusquement des bras qui l'enlaçait comme si elle n'était finalement plus qu'une poupée de porcelaine un peu trop fragile, elle lissa les vêtements qu'elle portait pour prendre la direction de la sortie tout en abandonnant son livre et ses amis derrière elle avec l'envie de simplement marcher. Elle n'avait même pas pris le temps de demander où il avait pu les apercevoir, et c'était bien évidemment volontaire, sinon elle s'y serait sûrement rendu, demandant à parler à Ezekiel, détestant qu'il puisse traîner avec elle, qu'il semble se perdre et s'égarer pour des yeux de biches aux éclats mille fois trop sombres et tentateurs. Il allait peut-être l'épouser, tout comme elle serait sans doute promise à quelqu'un bientôt, mais ce n'était pas une raison pour devoir devenir ce que ces autres espéreraient... Elle, serait même plutôt du genre à vouloir devenir cette plaie insupportable qui ne pense que par elle-même et se refuse à être asservie par un garçon quel qu'il soit. L'épouser ne voudrait pas dire la contrôler... avoir l'autorisation néfaste et malsaine de pouvoir la toucher... il n'était même pas certain qu'elle honore une décision de ce genre, quitte à s'aliéner son propre père, mais elle n'était pas certaine non plus d'être capable d'aller si loin dans l'opposition. Et puis, ce n'était pas encore une réalité qui se déversait dans son univers. Il n'y avait que la promesse du futur mariage de son frère avec cette fille, et cette influence qu'elle devinait dans la perdition de son cadet.
Aussi continuait-elle à avancer, furieuse de cette situation, du fait qu'elle avait l'impression qu'elle le perdrait si cela continuait, mais pire encore, qu'elle ne parvenait pas à le protéger de cette influence, à lui permettre de persister dans sa propre opinion sans divaguer dans des milliers d'autres. Elle en était là de ses réflexions, quand prenant un virage un peu trop rapidement, elle manqua de percuter un né-moldu, les doigts de ce dernier l'empêchant sans aucun doute de finir les fesses par terre en perdant l'équilibre. Mais la colère rampait sous sa peau, la consumait de l'intérieur, et puis elle-même ne savait pas quoi réellement penser de ces êtres, incapable de vouloir être agréable alors que c'était peut-être son père qui lui avait pris sa mère.
"Tu peux pas regarder où tu vas ? Et ne me touche pas." persiffla-t-elle en se dégageant, se noyant sous l'arrogance de cet instant, le regardant de haut, combien même elle était définitivement plus petite, d'une silhouette plus fluette et délicate, la virginale apparition aux allures de sang pur trop fière pour considérer ces raclures de basse extraction qui ne valaient rien. Sauf que son attitude sonnait faux, qu'il lui arrivait de parler simplement avec des sangs de bourbe et que cela ne semblait pas être un si grand outrage. Quelque chose ne tournait pas si rond, comme si les aiguilles avaient simplement décidé d'inverser leur course pour donner l'illusion d'une apparence que n'importe qui d'assez observateur aurait déjà saisi. Cette comédie, ce mur dressé pour ne pas être approchée par des descendants de moldus.