Tu veux l'aider, peu importe comment, peu importe ce que ça t'en coûtera. Ton regard dépourvu de dédain ou de pitié, simplement ampli de cet amour que tu fais toujours mourir dans ta gorge, est posé sur lui. Il secoue sa tête et ses mèches brunes, joue dans ses cheveux où tu voudrais bien jouer toi aussi, mais Lysander n'est pas un garçon comme les autres. Il te l'avait bien dit, tout au début de la soirée. Une garçon blessé, un garçon à guérir, s'il le voulait bien. «Ne pas me regarder. » Exige-t-il comme celui qui se croit monstrueux, brûlé au visage et qui voudrait que plus jamais personne ne pose un regard sur lui, mais ce n'est pas possible. Ce peut-être, maintenant, tu t'exécutes. Ton regard le quittes, fixant devant toi, à regret. «J'veux pas que tu me regardes. » Répètes-tu tandis que tu t'es déjà exécutée, malgré tous les efforts que vos montagnes russe te demandent. Tu soupires doucement. Si c'est ce qu'il veut, tu ne peux pas lui refuser, même si tu trouves que cette requête est étrange. Même si le pourquoi germe sur tes lèvres avant qu'il ne réponde à ta question muette. « J'veux pas, parce que j'imagine même pas ce que je pourrais lire dans tes yeux. Si j'te dégoûte ou si t'as juste pitié. Et ça ça me débecte. » Ton coeur se serre, avec l'envie puissante de prendre son visage entre tes mains, de l'obliger à te regarder pour qu'il voit ce qui hurle au travers de tes yeux et ton âme blessée. Ce n'est pourtant pas dit comment il réagirait, autant à ton contact que par ce qu'il interpréterait dans tes yeux. Tu ravales tes envies, pour son bien. Le silence plane au dessus de votre tête encore un peu, te laissant de déchirer les entrailles en cachette, sans que personne en sache, ne voit. « Y a pas de remèdes. Pas de guérison. J'ai essayé. J'essaie tous les jours. » C'est une bouffée de révolte qui t'avales à ses paroles, entêtée comme pas deux, tu es persuadé qu'il y a un moyen de lui faire oublier, quelques instants seulement s'il le faut, puis de plus en plus. Il doit être possible de le voir sourire de nouveau. Notre passé est-il obligé de nous forgé entièrement ? Ne décidons-nous pas de qui nous allons être à chaque moment, nous laissant le droit de changer brutalement, sans raisons, parce que cette vie et ce que nous en faisons sont nôtres ? Tandis que ta pensée se forge sur ses réflexions, celle de Lys glisse sur autre chose, qu'il te révèle en partie. « Mais j'arrive à rien. Je peux pas envisager de poser mes mains sur quelqu'un d'autre sans penser à elle. Putain qu'elle me dégoûte. Tout ce qu'il y a autour, ça me bloque. Le désir et le reste. » Ton regard désobéis et se pose de nouveau sur lui, une bestiole inconnue faisait des pirouettes dans ton ventre. T'as envie de l'aider, tu sais que tu peux l'aider et tu es prête à le faire. Tu sais que cela te coûtera peut-être cher. Ton objectification alors qu'il te reléguerais probablement au rang de catin. Au final il ferait peut-être comme tous les autres mecs, profitant de ton corps sans jamais croquer ton coeur. Peut-être qu'il se retournerait vers une autre fille, plus douce et plus touchante qu'il apprécierait et qu'il t'oublierais d'un coup de vent. Tu tentais de chasser tes inquiétudes, ne pas y penser. Devenir aveugle, comme cette petite fille qui croyait encore à l'amour. Et qui y croyait fort, si fort qu'elle s'en poignarderais le coeur, petit Juliette idiote. Tu te déplaces doucement pour prendre place à ses côtés, près du muret, ravalant tes peurs et tes angoisses. Ton regard se pose de nouveau sur lui, ne voyant qu'un jeune homme, beau dans sa blessure, sa beauté amplifiée par le fait qu'il était touchant et qu'il t'atteignait sans filtres.
« Je peux t'aider. Doucement. Si tu veux... »
Lui proposes-tu, sans pour autant étaler les termes du contrat muet. C'est lui qui imposera les limites. Te diras ce qu'il aime et ce qu'il détestes, ce qui le blesses un lui rappelant son bourreau, ce qui est nouveau, ce qu'elle ne lui a jamais fait. Quand arrêter, quand il n'en pouvait plus, quand il ne voulait plus. Tu te fichais bien que vos avancés ne soient que de minuscules frasques. Tu te foutais d'y mettre des années avant qu'il ne pose de lui-même un baiser sur tes lèvres, par simple envie de le faire. Tu t'en foutais de tomber amoureuse, toute seule, encore une fois et qu'on s'en fiche, qu'on jette ton coeur à la poubelle comme si tu étais une pomme. Ta main ce lèves vers lui, pomme tendue vers sa personne pour qu'il y mette la sienne. Ton regard doux posé sur lui, un faible sourire aux lèvres, un sourire timide. Tu t'en fiches de te foutre à nue devant lui, d'être affreusement dépourvue d'armure, il est tout ce qui compte, ce soir et probablement demain aussi.
« Est-ce que tu veux me donner ta main ? S'il te plait... » Lui demandes-tu calmement, tes yeux attendris posés sur son visage, attendant de croiser son regard pour que ton sourire ne grandisse, rassurant, promettant de ne lui faire aucun mal. Lorsqu'il s'exécute, tes doigts effleurent les siens avec toute la douceur que tu possèdes. Il se glissent entre les siens tout lentement, réchauffant sa peau glacée par l'air ambiant. Tu te rapproches un peu plus de lui, sans pour autant te serrer contre lui. Pas maintenant, une chose à la fois, pas après pas. Tu attires délicatement vos mains vers toi, vers ta bouche. Déposant un baiser docile et chaste sur sa main. Tes lèvres glissent paisiblement sur celle-ci, remontant vers ses doigts que tu embrasses tout aussi tranquillement. Pourtant tu les embrasses avec cet amour, ce dangereux amour qui pourrait te faire perdre la vie. Tu attires vos main vers ta joue, serrant légèrement sa main contre toi, ty y dépose un autre baiser, puis tu caresses tranquillement sa peau de tes doigts. Tu es douce comme tu ne l'as jamais été avec personne. Le coeur au bord des lèvres, ce coeur ensanglanté, faible, fébrile de tout cette amour que tu lui donnes, sans condition, sans promesses de retour. Ton regard se relèves vers lui dans un sourires pour voir s'il vas bien, s'il apprécie ou si au contraire, il est empli d'un dégoût qui te sera mortel.
"Je fuis celle qui me plaît, j'ai peur de ce qui m'attire, j'évite celle qui m'aime, je drague celles qui s'en foutent." ~ L'égoïste romantique.
« Je peux t'aider. Doucement. Si tu veux... » Il a bien fallu qu'il porte sur elle son regard, qu'il plante ses prunelles dans les siennes et qu'il assume la probable lueur dégoûtée ayant pu se loger dans la pupille féminine. Mais il n'y trouva rien. Ni mépris ni aversion, seulement un éclat un peu trop beau pour être véritable ; semblant de tendresse et d'amour coupable. Rien qui ne put ressembler à cette pitié qu'il arborait. Néanmoins Lysander ne daigne pas encore s'ouvrir, il se rembrunit sous le joug de la méfiance, se renferme légèrement comme dernier instinct de survie. C'est con, n'est-ce pas. Cette faculté qu'il a soudain de se barricader derrière une froideur imposant la distance, alors qu'il a probablement l'ascendance sur Majkalena. Du moins est-il plus fort physiquement, et de ce simple constat pourrait-il user de force plutôt que d'esquiver tel le couard qu'il n'est pas. Lysander n'ignore pas qu'il pourrait user de chantage, s'emporter voire la secouer, lui imposer le silence et la distance par une sommation violente. Cette simple idée le répugne pourtant, ce modus operandi est l'apanage des plus méprisables. Ainsi préfère-t-il l'assaillir de sa voix aussi glacée que son regard qui se plisse comme il crache ses palabres. Un fusil pour tout assaut, tandis qu'il déverse volontiers ses balles blanches tout contre le plastron de la jeune fille : « J'veux pas de psychologie de comptoir. » Déjà, il se braque. Est persuadé qu'elle tentera de lui parler, lui dire que ce n'est pas si grave et que cela passera. Autant de mots aussi stupides que blessants, preuve qu'elle n'aurait rien compris. Quelque part, Lysander espère qu'elle n'en fera rien, car il se sent soulagé d'avoir cette épaule complice – bien que hasardeuse et dont il se méfie – et ne veut guère la voir s'ériger comme ennemie involontaire. Ses yeux se font défiants tandis qu'il ne daigne pas ciller ; Lysander la challenge de ses pupilles pugnaces. Ose seulement me dire que tout ira bien et que je peux passer outre, semble t-il vociférer silencieusement, prompt à s'emporter si la vipère venait à le trahir ainsi. Mais il n'en est rien pourtant.
Lorsque Majkalena lui demande de lui tendre sa main, c'est un éclat aussi sceptique qu'étonné qui flamboie dans ses yeux chocolat. Lysander hésite un instant, toise les doigts oblongs de la jeune fille afin d'en jauger la menace – des mains si fines et si graciles, peut-être joue-t-elle du piano. Se dit-il au même titre qu'il jugule sa peur absurde. C'est une longue hésitation qui s'installe alors que le Gryffondor lutte contre ses craintes passées : après tout ce n'est qu'un toucher, une caresse n'invoquant ni désir ni érotisme et en cela devrait-il s'en retrouver rassuré. Mais le fantôme de la marâtre, convoquée par l'appel de ses souvenirs indésirables, plane tout autour de lui. Il la revoit s'approprier sa chair, la sent se presser tout contre lui, sa voix et son odeur, mélange infâme d'alcool et de parfum bon marché, le rendent nauséeux. Ainsi sa main se crispe, s'avance doucement et se stoppe. La réflexion s'engage, la lutte contre ses démons également. Finalement, après quelques longues secondes d'hésitation, Lysander finit par lui donner sa main. Et son regard, un peu suspicieux, de se perdre sur Majkalena comme il espère y trouver quelque chose. De l'aide, une révélation, un soutien ou un soulagement. Qu'importe, pourvu qu'il n'y trouve ni dégoût ni crainte.
Il a la posture d'une bête sauvage fraîchement recueillie par une bonne âme le sauvant des braconniers. Et ça le rend malade plus que de raison. La virilité du mâle, ce machisme un peu latent qu'il porte quotidiennement sur ses épaules, s'est brisé contre sa faiblesse psychologique. Mais Lysander se ragaillardit quelque peu lorsqu'il pense à la mort de sa génitrice : c'est lui, qui l'a mise en œuvre. Lui qui l'a envoyé six pieds sous terre. Lui qui aurait aimé que l'explosion ne démembre le cadavre, qu'on l'enterre laide et difforme. Le gibier se fait lion lorsque la confiance s'insuffle de nouveau en lui, et qu'il toise Majkalena d'une oeillade moins méfiante que déconcertée. Voire séduite.
Ce n'est pas tant la caresse sur une peau féminine qui le perturbe. Car le jeune homme s'est quelque fois perdu dans les frôlements agréables sans s'en sentir confondu. C'est cette autre dimension, cet érotisme latent, violent dans ce qu'il a d'apaisant. Ce courant électrique lui parcourant les doigts alors qu'elle les embrasse et les idolâtre à sa manière, cette tendresse amoureuse, ce regard languissant. Cette façon qu'elle a de lui faire l'amour sans vraiment le toucher, n'impactant jamais sur cet espace vital qu'il conserve encore jalousement. Pour preuve de ses retranchements imposant la distance, les jeunes gens demeurent encore loin l'un de l'autre. Quand bien même la demoiselle s'est approchée sans lui demander la permission. Quand bien même elle lutta contre ses propres peurs, contre ce vide qui l'affole et l'effraie, sans que Lysander ne s'aperçoive de rien. Trop perturbé par les fantômes de son passé pour y porter un œil neuf et objectif. Les baisers chauds et féminins lui arrachent autant de frissons agréables que d'interrogations salvatrices : à côté de quelle vie est-il passé, lui qui pourtant est gangrené par des maux qu'il sait incurable ? Il ne se blâme pas, pas plus qu'il ne regrette. Il se rend compte seulement que, peut-être, une guérison n'est pas à exclure. Sans doute faudra-t-il s'armer de patience, envisager les obstacles et les quelques retours en arrière, mais rien n'est véritablement perdu. Et ses yeux qui se noient dans ceux de Majkalena, s'emplissent autant de plaisir que de désir, de soulagement et de remerciement. Une étincelle craintive éclate parfois sur sa cornée un peu méfiante, mais rien qui ne soit rédhibitoire.
Puis il y a son sourire. Celui qui abat ses dernières spéculations et crève ses premières rancoeurs à son encontre. Les pommettes de Majkalena se creusent d'un peu plus de lumière, un peu de couleur pastel pour le rassurer, lorsqu'enfin Lysander daigne ôter sa main de la sienne. Ses pupilles se figent au creux de son regard tendre, et comme il ravale sa suspicion est d'avantage enclin à la remercier. Un peu de reconnaissance pour tant de patience dont elle sut faire preuve, le Gryffondor pose sa main sur la hanche féminine et la rapproche. La love tout contre lui, dans une étreinte aussi apaisante que silencieuse pour tout remerciement.