Ses yeux parcourent le décor qui se dessine lentement devant elle. Comme une peinture qui devient tangible au fur et à mesure que ses yeux se posent dessus. C’est un rêve. Le rêve en réalité. Celui qui vient nuit après nuit depuis si longtemps. Celui qui la torture jusqu'à ce qu’elle crie grâce et s’effondre les larmes aux yeux un murmure d’horreur collé sur les lèvres. Ce n’est pas un de ces étranges rêves qu’elle fait d’habitude et qui lui livre l’avenir de parfaits inconnus comme des étranges lambeaux de futurs lui permettant de voir sans connaitre. D’ailleurs ce n’est pas vraiment un rêve. C’est plutôt un cauchemar. Un cauchemar qui met bout à bout de vieux souvenirs comme pour la faire souffrir encore d’avantage…

Comme si elle ne s’en voulait pas assez…

Elle est dans une rue. Une avenue plus exactement. Les pierres sont propres et es magasins attrayants. Tout semble gigantesque. Aussi fascinant qu’effrayant. Parce que dans ce souvenir, elle n’a que cinq ans. Devant elle se tend une petite main. De longs cheveux blondspâles délicatement bouclés virevoltent devant elle alors qu’une petite fille lui fait signe de la rattraper. Mais elle ne peut pas voir son visage. Pas encore du moins. Mais même si elle ne possède aucun contrôle dessus elle connait ce cauchemar. Parfaitement. Elle l’aime quelque part…comme on aime la douleur douce-amère d’un événement incertain. Lentement, comme au ralenti elle se voit courir, les pans de son épais manteau de cuir flottant derrière elle.

-Attend moi ! Lyla,attend moi !!

Maintenant elle sait que l’enfant devrait s’arrêter. Se retourner. Après tout c’est bien ainsi que cela
s’est passé pas vrai ? Elle ne sait pas. Elle ne sait plus. Déjà tout se brouille. Disparait. Comme une mare d’eau qui devient trouble. Et dans seul coup elle est ailleurs. Plus loin. Plus tard surtout. Elle à huit ans. Peut-être plus. Peut-être moins. Ses grands yeux clairs se lèvent vers le ciel pour l’admirer. C’est déjà le crépuscule. Autour d’elle le ciel devient joyau et se pare de milles couleurs vives. Comme si un peintre talentueux avait décidé de trainer ses pigments sur le firmament. Le rose poudré se mêle à l’orange doux veiné d’or un thème doux brusquement brisé par une trainée rouge vif. Des touches de violet vif viennent compléter le charmant tableau. Puis une touche de rouge sang. Belle dans sa terrifiante couleur.

Là encore elle n’est pas seule. Il y’a de nouveau cette enfant qui lui ressemble tant. Bien sûr puisque c’est sa jumelle. Lyla. Elle est assise sur la balançoire. Ses longs cheveux blonds semblent devenir rosés à la lumière du soleil couchant. Parce qu’ils sont quasiment translucides, ils semblent absorber la lumière pour mieux la renvoyer. Elle à le visage tourné vers le sol, absorbée dans la contemplation de quelque chose que Nocturne ne voit pas. Pourtant la balançoire se déplace lentement d’avant en arrière. Nocturne aimerait pouvoir bouger. Pouvoir aller contempler le visage de sa sœur. Mais elle ne peut pas. Il n’y a pas besoin d’explication…c’est simplement un rêve. Sa bouche s’ouvre sans qu’elle le décide pour prononcer des mots qu’elle ne pense pas.

-Tu crois qu’ils m’en veulent ? Tu crois qu’ils me détestent ?

Une petite main délicate se pose sur la sienne. Des doigts fins. Une peau aussi pâle que la neige. Une main de princesse

-Non. Ils ne t’aiment pas c’est différent. Tu n’a juste pas de valeur…pas d’importance mais ce n’est pas grave. Je t’aime moi…tu est la moitié de mon être tu compte et eux ? Eux ils ne sont rien…rien du tout.

A ces mots son cœur chauffe légèrement. Emplis de reconnaissance et de gratitude et un sourire plus lumineux que le soleil se dessine sur son visage. Elle ne se rend pas compte que sa sœur ne fait que la manipuler. Elle l’aime certes mais de cet amour malsain et dérangeant. D’avantage un désir de possession que de l’amour. Mais il n’y a que Nocturne pour ne s’apercevoir de rien. Pour faire comme s’il ne s’était rien passé. Parce qu’elle ne comprend pas…trop pure ? Peut-être …mais certainement plus pour longtemps


Ses doigts se resserrent sur ceux posés sur sa main. Tout est calme. Paisible en réalité. C’est un instant ou le temps semble s’étirer à l’infini. C’est doux et délicat. Et elle heureuse. Tellement heureuse. Peu importe leurs regards réprobateurs et leurs colère. Qu’importe puisque Lyla est là… Mais le moment s’en va déjà. Les souvenir disparait alors que ses yeux essayent désespérément de voir son visage.

Une dernière fois…juste une dernière fois…

Elle cligne des yeux. Étonnée. Le paysage qu’elle a devant elle n’a aucun sens. C’est une mer bleu grisâtre qui s’étend devant elle, mais avant il n’y a pas de plage. Uniquement une vaste étendue d’herbe argentée aussi douce que la soie, parsemée de violettes. Elle se penche lentement et s’assoit lentement dans l’herbe. Ses cheveux désormais blonds et lissent s’harmonisent parfaitement avec cette claire perfection qui l’entoure. Car elle est quasiment adulte désormais. Plus grande. Et devant elle se tient Lyla. Le dos tourné. Comme toujours. Lentement Nocturne lève la main pour venir la poser sur l’épaule de sa sœur.

-Pourquoi tu ne me regarde pas ?

Sa voix est plaintive .Elle veut voir son visage. Observer son sourire. Et se repaitre de ses traits si semblables aux siens mais pourtant si différents. C’est une voix flûtée qui lui répond et elle peut entendre un léger sourire se dessiner dans les paroles de sa jumelle. Elle est un peu plus grande elle aussi. Pas encore adolescente…juste avant .On peut le voir à son corps trop vite grandi mais ne possédant pas encore de forme.

-Ce n’est pas le moment…pas encore…du moins

L’enfant marque une pause, innocente dans le ton de sa voix mais horrifiante par ses paroles.

-C’est ta faute tu sais ? Je me demande si ça fait de toi un monstre…

Lyla laisse sa voix en suspens et hausse les épaules lentement. Puis sa voix se fait plus douce. Plus faible. Éraillée. Comme fatiguée d’avoir trop crié.

-Mais c’est comme ça pas vrai ? Peut-être que si tu avais été avec moi ce jour là ça n’aurait rien changé non plus…Qui sait ?

Et elle se retourne. Avec une terrible lenteur. Il y a soudain des feuilles dans ses cheveux et de la terre sur son visage si pâle. Trop pâle. Ses lèvres sont bleuies. Ses cheveux si doux semblent secs et cassants. Il y a du sang autour de sa bouche et des ecchymoses autour de son cou si frêle.ET ses yeux…ils sont si fixes…dépourvus de substances…uniquement remplis par les lambeaux d’un dernier cri.

Elle se redresse brusquement, les draps froissés autour d’elle, la respiration haletante. Encore. Des larmes cristallines roulent le long de ses joues, ses épaules se redressent à un rythme saccadé alors qu’elle hoquète envahie par la douleur au point de ne plus savoir comment crier. Nocturne reste de longues minutes, prostrée, ses bras enlaçant ses genoux dans une piètre tentative de réconfort. C’est toujours comme ça. Il y a toujours ces cauchemars qui reviennent. Inlassablement. Comme pour tester la force déjà vacillante de son psyché, troubler sons esprit jusqu'à le faire vaciller et éclater en morceaux. Et ce serait tellement facile….

Elle sort du lit rapidement, mue par cette envie irrationnelle de fuir aussi loin qu’elle peut. Pour oublier. Ses pas la conduisent dans la salle de bain et elle laisse l’eau ruisseler le long de son corps. Pour tout effacer. Sa respiration se calme lentement et elle pose son front contre le carrelage frais. Lyla… Sa jumelle. Elle l’a tellement aimé. Plus que ses parents…mais ça … c’est de la faute de Lyla faute pas vrai ? Pas de la sienne …Elle est née étrange…même pour une sorcière. Au début ce n’était rien. En fait cela n’a jamais été grand-chose. Juste une attitude plus étrange. Des traits plus froid et la haine qu’elle éprouvait pour quiconque pouvait approcher Nocturne . Elle à même éloignés leurs parents. Parce qu’elle voulait garder Nocturne pour elle seule. Prête à tout pour ce faire…les pires félonies que l’on aurait crues impossible pour une si jeune enfant. Mais pour Nocturne ça n’avait pas d’importance. Lyla était parfaite. Au points qu’elle était incapable de s’apercevoir que sa sœur ne l’aimait pas vraiment. Lyla la domine. La possède. Nocturne est son objet…évidemment puisqu’elle est sa jumelle. La moitié de son être !

Un sourire amer déforme ses lèvres. Peut-être qu’elle l’a en fait toujours su…mais c’était bon d’être acceptée. Inconditionnellement. Après tout ce n’est pas comme si ses parents ne l’avaient jamais vraiment aimé. Bien sûr ils n’avaient jamais été mauvais ni même violents seulement tout leur amour était dirigé en une unique direction. Leur fils ainé. Bien sûr Nocturne ne l’a jamais pris mal. Mais pour Lyla c’était bien différent. Elle ne comprenait pas pourquoi leurs parents ne voyaient en elles que des corps au joli visage. Car elle est belle Nocturne…si belle…

Nocturne c’est une fleur de serre. Incapable de vivre ailleurs que dans une cage. Elle est belle Nocturne, si belle et si fragile. Comme un verre de cristal prêt à se briser au moindre son. Fragile, même son physique correspond à cette description. Sa peau translucide, ses longs cheveux blonds et ondulés, sa bouche rose, pulpeuse et surtout ses yeux. Aussi grands et bleus que le ciel mais constamment mélancoliques. Alors quand on regarde Nocturne on a envie de la prendre dans ses bras et de lui dire que tout ira bien. Mais elle n’y croit plus Nocturne. Les promesses sont toujours rompues, bafouées. Elle avait aussi promis à Lyla de veiller sur elle ce jour-là. Elles avaient douze ans. C’était censé être juste une balade au bord du domaine familiale mais Nocturne était en retard. Et Lyla n’est jamais revenue. Elle s’en veut toujours. Se hait toujours. Surtout qu’ils n’ont jamais retrouvé son corps. Alors toutes les nuits elle rêve encore et encore. Imaginant comment elle est morte… Alors Nocturne devint une poupée. Une jolie poupée, capable de marcher de parler, de sourire. Mais vide. Elle fait ce que l’on attend d’elle. Sans protester. Mais gardant cette farouche envie de liberté au fond. Elle se replie sur elle-même. Bien sur elle a toujours de bonnes notes, parait toujours douce et souriante. Mais Nocturne est vide. Une poupée brisée.

Rien ne peut changer cela. Pas même Poudlard. Sans Lyla Nocturne n’a plus goût à la vie. Parce qu’elle ne sait pas…Elle ne crie jamais Nocturne. Ne pleure jamais. Nocturne sourit. Toujours. Parce que lorsqu’on est bien éduqué on sourit. Peu importe ce que dit l’interlocuteur. C’est comme ça. Elle est réservée, pas qu’elle n’ait pas d’amis non. Mais rares sont ceux qui la comprennent .Et plus encore ceux qui l’acceptent. On la trouve faible Nocturne pitoyable même alors on la méprise et on l’humilie. Ou alors on la trouve douce. Comme une peluche. Comme un jouet et on l’utilise. Mais peu de gens tentent de trouver réellement Nocturne. Elle s’en moque cela dit.Ca ne l’atteint plus. La seule chose qui compte pour elle c’est sa sœur. Son souvenir du moins… Le reste ne la touche pas, ne l’effleure même pas. Peut-être la détresse des autres et encore…si peu. Car Nocturne sait que ceux qui l’entourent ne sont pas faibles. Ils font juste semblant. Pour vaincre.

Pourtant elle est contre cette suprématie des sangs-purs. N’accorde jamais d’importance au sang d’une personne. Elle ne le montre pas bien sûr. Sauf dans de rares cas désespérés…lorsqu’une des rares personnes qu’elle aime est en danger. Alors elle devient sombre. Mauvaise. Cruelle. Son arme est le poison. Délicat raffiné…mais bien souvent elle ne fait rien. Se contente de se comporter comme la fille parfaite que l’on attend qu’elle soit. Ca lui suffit. Elle aimerait être libre Nocturne. Mais elle sait qu’elle ne peut pas. Pas maintenant. Pas dans alors que le monde est dans cet état…et c’est peut-être ce qui la poussera, un jour à agir…peut-être. Nocturne est triste pourtant, effacée. Mais pourtant, parfois la fleur éclot. Parfois. Quand elle est avec l’un de ses rares amis. Et là Nocturne devient superbe avec un sourire qui perce les nuages et une joie qui transporte ceux qui l’entourent. Mais ces moments n’existent quasiment plus.

Parce qu'elle est en train de faner Nocturne…