Père et Mère ne s'aimaient pas. Je ne dis pas qu'ils se détestaient cordialement non, ils n'étaient juste pas épris l'un de l'autre. Il est même possible qu'ils aient tous les deux eu des amants, et ils ne s'en tiennent pas rigueur semble t'il. Ils ont quand même eu des enfants ensemble, deux filles et un garçon, ma soeur, mon frère, et moi. Et si ils ne s'aimaient pas, je crois qu'ils aiment tout de même les enfants qu'ils ont eu ensemble, mais à leur façon. Je n'ai jamais reçu de ma mère le moindre calin affectueux, et mon père ne m'a jamais promenée sur ses épaules. J'ai tout de même droit à des sourires approbateurs quand ils sont fiers de moi. Mais il en va ainsi dans notre famille de sang-pur, que ce soit chez nous, ou chez nos cousins. Nous vouvoyons nos parents et sommes éduqués comme des aristocrates. C'est ainsi.

Je suis née un mercredi, dans l'après midi. Dernier enfant de Elijah et Ireen Buckley, cadette d'un frère et d'une soeur, j'étais la petite perle pâle, le petit ange qui gazouillait dans son petit berceau de dentelle. Je dirai que c'est tout naturellement que l'on me nomma Eden Pearl, mais je ne pense pas que ce soit la réalité. Car plus je grandissais, moins j'avais l'air d'un ange, sur le plan du caractère en tous cas. Physiquement, j'ai toujours été mignonne à croquer en souriant, pâle de peau, rousse aux yeux bleus, et surtout de petite taille, ce qui contribue, je pense, à entretenir l'image de la petite fille éternelle enfant. Non, je suis casse-cou et tête brûlée, je réagis aux pulsions, à ce que me dicte mes sentiments souvent violents. J'étais donc souvent sujette à des colères, à des coups de tête. J'aimais transgresser les règles et faire des bêtises. J'étais une enfant terrible, turbulente, mais pas méchante. J'aimais ma famille et j'essayait de ne pas trop les embêter, juste les taquiner. En grandissant, je cessai. Cela ne me rendais pas vraiment heureuse, et n'étais donc pas vraiment utile. Seulement, cela a marqué l'image que les autres avaient de moi. Mes parents me tenaient pour une enfant difficile qu'il fallait surveiller et ma fratrie adorée me pensais la petite soeur susceptible de leur rendre la vie infernale. Nos jeunes années sont déterminantes, je l'ai appris à mes dépents. Je traîne derrière moi la réputation que j'avais à six ans encore aujourd'hui, tout du moins dans ma famille. Mes parents font attention à mes notes, à mon comportement, et à mes relations, pour éviter que je ne devienne la petite rebelle qui romperait la parfaite lignée pûre des Buckley en m'éprenant d'un né-moldu très cancre. Car c'est ainsi que l'on me présentait souvent les né-moldus : des cancres qui apprenaient ce qu'était un sorcier, et dont le sang s'épurerait au fil des générations, après des mariages avec des sorciers. Naïvement, je demandai s'il n'était pas plus rapide pour purifier ce sang, d'épouser un sang-pur. Ce à quoi on me répondit que seulement un nombre très réduit de sang-purs laissaient certains enfants épouser des né-moldus ou même des sang-mêlés. Je compris alors que je ne dérogerai pas à la règle et que mon père me trouverait un mari de bon lignage. J'avais huit ans, et je fis une moue sceptique, répondant que je souhaitais épouser mon amoureux. Patient, mon père n'avais pas insisté, mais n'en pensais pas moins qu'il fallait que sa lignée se perpétue. Jusqu'à savoir si je serais mariée de force, impossible à savoir. La seule solution était d'attendre, d'oublier, sans s'arrêter de vivre.

J'avais d'ailleurs huit ans quand ma grande soeur entra à Poudlard. Jusqu'à ce moment, je n'avais jamais pensé à l'école. Mes parents m'avaient dispensé une excellente éducation, digne de mon sang, comme ils disaient, ayant engagé un professeur particulier extrêmement sévère pour s'en assurer. Je n'étais pas du tout mauvaise élève, mais ce genre d'éducation de l'excellence ne m'avais pas vraiment plue. Les méthodes pédagogiques de mon professeur ne me paraissaient pas vraiment judicieuses (les lignes à copier, les sermons, parfois des coups de règle en bois sur les doigts) et j'en fis encore une fois les frais en me risquant à les discuter. Mes parents avaient approuvé ce professeur, et je n'avais plus qu'à attendre mon entrée à Poudlard. Cette même année, je prouvai enfin que j'étais bien une sorcière, je ne pensais pas être cracmole, mais ça fait du bien de vérifier c'est peu de le dire. J'avais même, plus jeune, été demander en pleurant si ils m'abandonneraient si j'étais cracmole. Ils avaient bien évidemment répondu que non, mais qu'ils seraient plutôt extrêmement déçus, à méditer. Le temps me parut long jusqu'à la réception de la lettre en parchemin avec le seau de l'école. Mes parents m'offrirent même le luxe d'aller avec moi acheter les meilleures fournitures et me doter d'un peu d'argent de poche, alors que je n'en avais jamais disposé. En m'accompagnant au train, ils m'expliquèrent que quelqu'un de mon rang se devait d'être à Serdaigle ou Serpentard. Naïvement, je les croyais, mes parents étaient ceux qui savaient ce qu'il fallait faire. Seulement, l'idée de vivre encore au milieu de mes semblables sang-purs ne m'emballait guère. Je souhaitais côtoyer d'autres jeunes d'autres origines, né-moldus et sang-mêlés. Mon voeu se réalisa, au grand dam de mes parents. Je fus reçue à Gryffondor. Ils me félicitèrent tout de même d'avoir évité Poufsouffle, la maison des cancres à les croire, dans un courrier le lendemain (ils étaient au courant de tout). Je me plu chez les rouge et or, et encore plus dans les différents cours que je suivis. J'adorai les potions. Au début, je ne faisais que produire des explosions, pour mon plus grand plaisir, mais je compris vite que ce n'était pas synonyme de bonnes notes. J'aime toutes les matières, en fait, et si j'avais pu, j'aurai pris toutes les options possibles.

J'avais gardé cependant un caractère de risque-tout. Quand les tensions entre sang-purs et nés moldus sont apparues, je ne restais pas les bras croisés, quitte à être traitée de traître à mon sang. Je m'attaquais souvent à plus grand que moi, aussi je collectionnais les bleus. Mes parents m'avaient conjuré de ne pas m'en mêler, seulement voilà, je réagis selon mes convictions. Et ces tensions ne font qu'empirer. Aujourd'hui, je suis en troisième année. Le bilan des deux premières est plutôt positif. J'ai de bonnes notes et des amis, donc c'est bien. J'ai choisi deux options pour ne pas être surchargée de travail, car il n'y a pas que le travail dans la vie, j'aime rigoler et m'amuser. Je pris Etude des Runes et Etude des Moldus. Mes parents ont bien soulevé un sourcil en voyant ce second choix, mais tant pis. Quitte à être prise pour la petite dernière rebelle, autant assumer jusqu'au bout.