« Nous allons décoller dans quelques instants. Merci d’attacher vos ceintures. » Paloma, qui était tranquillement installée entre ses deux parents, était absorbée par son magazine pour enfants. A sept ans, elle prenait déjà tous les six mois environ l’avion, changeant de pays. Si officiellement les Walden vivaient à Londres, ils n’y mettaient quasiment jamais les pieds, toujours vagabondant d’hôtel en hôtel -et pas forcément les plus confortables d’ailleurs. C’était un choix de vie que Julia et Richard Walden assumaient parfaitement. L’éducation de Paloma était assez aléatoire, et se faisait par l’intermédiaire de sa nourrice, Violeta, qui suivait Paloma depuis sa naissance dans tous ses déplacements. C’était d’ailleurs elle, qui l’avait nommé ainsi, Paloma : colombe en espagnol.

Julia et Richard Walden étaient tous deux issus de familles de sang-pur, et s’étaient mariés par amour. Il n’avait jamais été question d’autre chose, malgré tous les préjugés et les mariages arrangés que l’on retrouve dans de telles familles… En revanche, il était vrai qu’ils se connaissaient depuis leur enfance, à travers des réunions de familles un peu trop conservatrices… ils n’ont jamais cessé de croire en un avenir meilleur, où chaque être resterait à sa place.

Leur métier à proprement parler était « chercheur de créatures magiques ». Ils voyageaient de pays en pays en quêtes de nouvelles créatures à étudier… Malgré leurs idéaux peu communs, ils étaient très curieux, et le moins qu’on puisse dire était que Paloma avait hérité de leur ouverture d’esprit et leur volonté de s’instruire. Elle passait son temps le nez à l’air, à regarder les alentours et inspecter chaque détail de la vie. Ou alors le nez dans un bouquin, à essayer de comprendre le monde. Tout était bon pour apprendre, sa curiosité était sans limite.

Mais leur métier, bien qu’étant réel, était également une couverture. Le jour, ils étaient d’honnête chercheurs, et la nuit, ils organisaient des réunions clandestines avec des sorciers soigneusement choisis selon les pays pour diffuser les idéaux de Gordon Clark à travers le monde. Gordon Clark était plus ou moins l'homme qui les avait inspiré les Walden, au cours d'un de leurs voyages à Melbourne. Ses idées leur paraissaient révolutionnaires, mais ne voulant pas arrêter pour autant leur métier, ils décidèrent, avec l'accord de Clark, d'étendre son influence à travers le monde sorcier.

S’il se passait quelque chose, le lendemain ils pliaient bagage et s’en allaient, sans un mot. Leur vie de nomade leur permettait d’être utiles à Clark qui cherchait à étendre son influence parmi les sorciers de sang-pur du monde entier… Et, en tant que représentants officiels, les Walden n’étaient que plus fiers de la tâche qui leur avait été confiée.

Plus tard, ils entendraient parler de Lord Voldemort et retourneraient dans leur Angleterre natale, le temps d'un été. Séduits par les idées du Lord, ils deviendraient Mangemorts par la suite. Et continueraient leur activité, mais pour Voldemort, après avoir rallié Clark à leur cause.

Le truc, c’était qu’ils étaient à fond dans leurs idées. Et qu’ils ne prenaient pas la peine de juger si Voldemort était vraiment l’avenir du monde sorcier. Ils avaient beau beaucoup voyager, ils n’étaient pas du tout ouverts question politique. Ils avaient grandi en pensant qu’ils étaient dans la bonne voie ; pourquoi serait-ce la mauvaise ? Le monde des sorciers étaient pour les sorciers. Ils étaient nés pour dominer le monde. Les moldus n’avaient qu’à bien se tenir, au même titre que les nés-moldus et les cracmols.

« Dors ma colombe, le vol risque d’être très long… » Paloma ferma les yeux et s’endormit presque aussitôt, plongée dans le milieu des rêves.


Pérou, 1992.

« Violeta, regarde ! Un bébé dragon ! » Paloma sautait de partout, en tenant la créature rougeâtre qu’elle avait bien du mal à contenir dans ses bras. Violeta leva les yeux aux ciels « Doux Jésus ! Lâche moi ça tout de suite, il risque de… » FFFFFFFUUU « te brû…ler ? Dios mio ! Señora Walden ! »

(...)

Paloma riait à présent aux éclats, pataugeant aux berges du lac Titicaca, en aspergeant au passage sa nourrice qui la grondait sévèrement. Paloma portait dans son cœur tout ce qui était plus ou moins lié à la nature. Elle n’avait presque jamais rencontré d’enfants de son âge, et avait pour ainsi dire pour seule amie Violeta. Elle savait cependant que lorsqu’elle irait à Poudlard ce serait différent, alors elle ne s’en plaignait pas. Si elle n’avait pas une telle vie de voyages, elle aurait été malheureuse, à rester toujours à Londres, une ville qu’elle était loin de porter dans son cœur. Elle était toutefois vraiment curieuse de savoir ce que ça faisait, d’avoir des amis, une vie stable…


Paloma a eu des difficultés à s’intégrer à Poudlard et à sa nouvelle vie, mais au fur et à mesure, elle s’y habitua, et elle lui plut presque plus que son ancienne vie de « bohème ». Très studieuse et très rêveuse, elle côtoyait un peu plus les bouquins que les humains, et était loin d’être la plus fêtarde… Elle était d’ailleurs souvent qualifiée de miss-je-sais-tout et de rabat joie. Ça ne l’empêchait pas d’avoir quelques amis à qui elle tenait beaucoup.

Il y avait cependant quelque chose qui clochait. Une nuit sur quatre, elle rêvait d’un évènement qui se produirait dans la journée suivante. Un détail, rien de bien grave, mais c’était troublant. Une tasse de café qui se casse. Un élève qui perd son chat. Une amie qui a un énorme bouton en plein milieu du front.

Enfin, ça allait jusqu’à ce qu’elle rêve de l’agression de Bluenn, lors du bal d’Halloween. Elle a tout fait pour l’en empêcher. Paloma a passé le reste de la soirée à pleurer. Pleurer, parce qu’elle n’y était pas parvenue, mais pleurer aussi parce qu’elle risquait de prévoir d’autres malheurs, tout aussi pires, pleurer encore parce qu’elle ne pouvait pas contrôler cette malédiction. Elle écrivit le lendemain à ses parents, leur expliquant enfin ce qui la hantait depuis des années. Tous ces flashs, ces cauchemars, ces voix qu’elle entendait, ces paroles qu’elle disait en des moments incongrus, avec une voix qui n’était pas la sienne…

(…) Ton arrière-grand-père, avait le don de voyance. Il est mort de manière la plus noble possible. Son don ne l’a pas empêché de vivre pour autant. Tu es parfaitement normale ma colombe, tu es juste différente. (…) Lui avait écrit sa mère. Cependant, Paloma ne savait pas qu’en écrivant ces mots, sa mère tremblait d’inquiétude. Le don de voyance conduisait bien que trop souvent à la folie.


« C’est qui, ce garçon ? Son air béat ne me dit rien qui vaille. » Richard regarda sa fille d’un air dubitatif. Il pointait du doigt des photos qu’elle avait prises tout au long de sa scolarité à Poudlard et regroupé dans un album. « C’est un ami, né-moldu. Mais ne t’inquiètes pas. Tu sais très que je me ferais la marque de ténèbres l’été prochain, dès que je serais majeure. Ce n'est plus qu'une question de temps. Ce n’est pas parce que je les fréquente que j’ai envie qu’ils restent dans le monde magique. Tout simplement, je ne vois pas l’intérêt de les éviter. » Richard referma l’album, les lèvres serrées, convaincu qu’à moitié. « C’est bien ce que je pensais. Je suis fier de toi, Paloma. »

Est-ce vraiment ce que je veux ? Mon destin est-il vraiment entre les mains de cet homme ? Non, mon destin est entre mes mains. Mais suivre le Seigneur est la chose la plus sage à faire. La révolution, le renouveau du monde magique. Un monde où chacun serait bien rangé à sa place… Quand je vois les nés-moldus se faire brutaliser de la sorte, ça devient difficile de continuer à croire en cet avenir… Mais pourquoi le Lord serait plus mauvais qu’un autre ? Et si le monde magique se trompait depuis le début ?