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 Les dangers de l'ethnographie de proximité (Lysander)

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Message Sujet: Les dangers de l'ethnographie de proximité (Lysander)   Les dangers de l'ethnographie de proximité (Lysander) Icon_minitimeJeu 13 Déc - 11:56

Joan avait de très nombreuses qualités, sans aucun doute, mais tout talentueux et généreux qu’il fût, il n’avait jamais su entièrement se détacher de certaines habitudes propres à la classe sociale qui était la sienne et, forgé par des siècles de hiérarchie britannique solidement ancrée, le jeune homme avait tendance à ne pas se mêler très aisément, quelque effort sincère qu’il fît pour cela, avec ceux qui n’étaient pas nés dans l’opulence.

La division, certes, était moins sensible dans le monde sorcier. Si, dans l’univers de Moldus, il sentait, souvent de façon douloureuse, le fossé qui existait entre lui et les gens qui prenaient le bus (car il avait pris le bus, une fois, pour l’expérience), à Poudlard, les choses étaient un peu différentes ; il y avait occupé pendant un certain temps, en raison de son ascendance presque entièrement dépourvue de sorciers, une position légèrement marginale, qui l’avait aidé à relativiser les choses.

Mais ce n’était pas encore suffisant. Joan n’avait aucune envie d’être un jour comme son père, et son grand-père, et le père de son grand-père : un grand bourgeois tout à fait enfermé dans son monde et incapable de comprendre les plus élémentaires réalités du quotidien commun. Souvent, quand il songeait que des choses aussi simples que le prix d’une brique de lait lui échappaient, il se reprochait de vivre dans sa cage dorée et ses aspirations progressistes le poussaient à chercher des moyens de s’en tirer.

Alors, comme un week-end libre se profilait à l’horizon du calendrier, Joan avait pris une résolution : il irait au Chaudron Baveur. Là, il commanderait un verre de jus de citrouille, il s’assiérait, il écouterait les conversations, bref, il prendrait le pouls d’un monde dont il était destiné à devenir l’un des diplomates ou des grands administrateurs. Ce serait une noble et courageuse entreprise et, vraiment, il ne voyait pas ce qui pouvait lui arriver de fâcheux dans un endroit fréquenté perpétuellement par tant et tant de sorciers.

Seulement, à mesure que la date approchait, il n’était plus si sûr que cela. D’abord, il n’était pas habitué à faire les choses tout seul. Ce n’était pas qu’on s’occupât perpétuellement de lui, seulement, il était presque toujours entouré : sa famille, ses (très) nombreux amis, ses camarades, enfin, le monde. Tout seul, c’était un peu différent. Il y avait quelque chose d’intimidant dans cette histoire, presque comme une aventure. Ensuite, il n’était pas certain de savoir la manière de se comporter — issu d’un monde entièrement régi par des codes et des règles tacites, il supposait machinalement que tout espace répondait à la même organisation et que sa maladresse le désignerait aussitôt comme un étranger.

Il s’était donc mis à tenter de susciter des volontés, mais ses camarades, tous, avaient d’autres projets : ils rentraient chez eux, pour la plupart, aux quatre coins de la Grande-Bretagne. Certains restaient à Poudlard et profiteraient du calme inespéré dans lequel le château serait plongé pour travailler paisiblement à leurs futurs examens. Le jour fatidique, Joan se sépara donc de ses amis à Pré-au-Lard et transplana à Londres, dans sa chambre de la demeure familiale.

Après avoir fait frôler la crise cardiaque à la gouvernante qui « n’avait pas entendu Monsieur rentrer » (tiens donc) et s’être informé sur les nouvelles de la famille, qui lui furent offertes, en même temps que de nombreuses et copieuses tartines de confiture, avec un luxe de détails plus ou moins intéressants, le jeune homme passa dans la bibliothèque, tira un gros volume des rayonnages et se mit à lire, en jetant de fréquents coups d’œil à l’horloge murale.

Car, pour que son projet fût parfait, il avait décidé de n’aller au Chaudron Baveur que le soir. A mesure que la journée passait, après un déjeuner pris en solitaire parce que son père était à ses affaires et sa mère à la réunion d’une fondation de charité, Joan sentait s’effriter ses bonnes résolutions et l’envie de retourner à Poudlard sans demander son reste s’instillait de plus en plus dans son esprit.

Pour tenter de trouver une distraction à la hauteur de sa nervosité trop puérile pour ne pas l’agacer, il rendit visite à Matthew, fils d’un diplomate français, qui faisait des études d’arts à Londres et que le voyant avait rencontré lors d’un dîner mondain, quelques mois plus tôt. Les deux jeunes hommes entretenaient une relation décousue, qui tenait plus de l’entente sexuelle que de la réelle complicité sentimentale et laissait toujours à Joan, après les instants de plaisir, une certaine amertume.

A vingt heures, il s’éclipsa, revint chez lui, prit une douche, s’habilla aussi normalement que possible, se changea trois fois et prit le chemin du Chaudron Baveur. A vingt-et-une heure, il poussait la porte de l’établissement et pénétrait dans la salle enfumée où les conversations allaient bon train, parmi la population bigarrée qui fréquentait habituellement les lieux : voyageurs de passage, employés du ministère qui noyaient leur chagrin administratif dans un bon verre, commerçants du Chemin de Traverse, piliers de comptoir.

Derrière le bar, personne — le serveur probablement était allé chercher quelque chose dans l’arrière-boutique. Joan avisa une table déserte, dans une partie obscure de l’établissement. Là, au moins, personne ne le verrait. Sans songer que d’autres pouvaient se réfugier dans l’obscurité pour des raisons moins louables que les siennes, le jeune homme se dirigea d’un bon pas vers la place qu’il avait élu et, sans y prendre garde, bouscula un peu un sorcier d’une quarantaine d’années (et qu’une quarantaine de verres), qui commençait à somnoler au-dessus de sa liqueur.


— Désolé !

L’homme leva un regard incendiaire vers le jeune homme, qui recula prudemment d’un pas. Passablement aviné, le sorcier se redressa — et il dépassait d’une bonne tête l’infortuné Poufsouffle. Joan déglutit péniblement. Il n’était certes pas trop mauvais en duels, mais c’était une chose que de s’affronter dans les salles de cours de Poudlard, c’en était une autre que de réagir rationnellement dans une pareille citation.

D’une main forte, l’ivrogne le poussa contre le mur — Joan sentit son dos heurter violemment les pierres froides et réprima tant bien que mal une grimace de douleur.


— Allons, allons… Inutile de… S’énerver. Je peux peut-être… Vous offrir… Un autre verre…

La plupart des autres clients, absorbés dans leur conversation, ne prêtaient guère attention à ce qui se passait dans le détour de la salle, qu’ils ne pouvaient pas apercevoir, du reste. Ceux qui étaient près d’eux, soit qu’ils fussent imbibés, soit qu’ils préférassent ne pas se mêler d’une histoire qui ne les regardait pas, gardaient les yeux fixés sur leur verre. Finalement, le seul à s’intéresser à Joan était son agresseur, qui déjà levait le poing.
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