Baguette : héritée de son arrière grand-père paternel, sa baguette est taillée dans du bois de châtaignier et contient un crin de licorne. Elle mesure vingt-trois centimètres, et le nom Moran est gravé dans son manche en lettre gothiques. Daniel se souvient parfaitement du jour où son père la lui a remise, délicatement enveloppée dans une gaine de velours pourpre : « Elle appartenait à Jim Moran, ton arrière grand-père, membre éminent du Mangemort. Il me l’a remise avant de rendre son dernier souffle, en me priant de l’offrir à mon premier enfant. Prends-en grand soin, et puisses-tu suivre les traces de ton aïeul ! » Assis dans son minuscule bureau du service des détournements de l’artisanat Moldu, Daniel repense parfois à ses paroles en observant le bois bosselé et couvert de traces de doigt et de brûlures de sa baguette, en éprouvant un douloureux pincement au coeur.

Patronus : une tortue.

Amortentia : une flagrance de vieux parchemin nappé de poussière, l’odeur musquée et capiteuse du whisky mélangée à celle de sa pipe, et les parfums entêtants d’hommes et femmes qu’il a connus, écrin de chaleur éphémères....

Epouvantard : les fantômes de ses aïeuls, grandes formes veloutées et nimbées d’une lumière argentée, qui l’observent avec un mélange de mépris et de déception.

Animal de compagnie : Ouranos, un hibou grand-duc qu’il possède depuis plusieurs années et qui est depuis longtemps sa seule source de compagnie. Daniel a pris l’habitude de lui parler comme s’il s’agissait d’un humain. Le hibou se nourrit essentiellement de miettes de toast et de jus de citrouille.

Magie :

• Sortilèges : Acceptable ; tout juste ! Daniel a quelques problèmes d’autorité avec sa baguette magique (ce qui est probablement dû au fait qu’il ne l’a jamais choisie, et réciproquement), et il ne maîtrise que les Sortilèges les plus basiques ! Surtout Accio, très utile pour un tête-en-l’air comme lui.
  
• Défense contre les Forces du Mal : Piètre ; et encore...
  
• Métamorphose : Piètre ; il sait tout juste changer un verre à pied en verre à dent.
  
• Potions : Effort Exceptionnel ; il s’y connait assez bien en mélanges... surtout en mélanges peu recommandables, aux vapeurs étourdissantes... mais chut !
  
• Botanique : Acceptable ; c’est toujours utile de maîtriser les plantes lorsque l’on s’essaie aux Potions.
  
• Astronomie : Piètre ; on peut avoir la tête dans les étoiles et ne jamais réussir à les différencier...
  
• Histoire de la Magie : Effort Exceptionnel.
  
• Etude des Moldus : Optimal ; la seule matière où il brille ! Au plus grand désespoir de sa famille.
  
• Divination : Désolant ; on a le troisième oeil ou pas, et Daniel... ne l’a pas vraiment.
  

Les Moran sont une famille de sorciers de Sang-Mêlé qui ont toujours aspiré à la réussite et à la reconnaissance, et dont le plus grand souhait serait, dans l’avenir, de rejoindre la sphère privilégiée de l’aristocratie sorcière, principalement composée de Sang-Pur... mais avec Daniel, sur lequel reposaient énormément d’espoir, cette idée semble destinée à être mise entre parenthèses pour encore quelques générations !

Ses arrières-grands-parents paternels, Jim et Lisbeth Moran, étaient des magistrats du Magenmagot, affectés à la Cour de Justice Magique. Daniel ne les a jamais connus, mais ses parents lui en ont souvent parlé avec beaucoup de respect, appuyant leur paroles révérencieuses de photographies jaunies où l’on voyait deux adultes au regard sévère et à l’air indéchiffrable.
Leur fils, le grand-père de Daniel, se nomme Bartholomew Moran. Il fut également magistrat au Magenmagot, et a écrit de nombreux ouvrages qui ont marqué le monde de la justice magique ! Il est aujourd’hui retraité, mais garde une certaine influence dans le domaine ! C’est un homme intransigeant, qui exige de sa famille le meilleur d’elle-même. Sa femme Lysa est décédée en mettant au monde leur fils unique et le père de Daniel ; c’était une Moldue brillante, une universitaire chevronnée, et malgré son sang dépourvu de la moindre parcelle de magie, elle est toujours évoquée avec beaucoup d’admiration au sein de la famille.
Le père de Daniel, Richard Moran, n’a pas suivi le reste de sa famille dans le monde de la justice magique, mais il a fait une carrière tout aussi impressionnante, finissant directeur adjoint d’une célèbre marque de jus de citrouille. Il étudia à Poudlard, en compagnie des ambitieux Serpentard, et épousa une de ses camarades les plus talentueuses, Bérénice Terré, une jeune femme provenant d’une famille de Moldus très attachés à leurs racines bourgoises et qui est aujourd’hui une mère au foyer exemplaire, qui écrit de temps à autre des thèses en Histoire de la Magie.

Si la famille maternelle est plus difficile à reconstituer, Daniel a principalement retenu que ses grand-parents maternels, aujourd’hui décédés, étaient rentiers et possédaient un grand château qui a été vendu à leur mort, et qu’il possède quelques oncles et tantes aux emplois dont la dénomination est si ampoulée que Daniel ne les a jamais retenus.

Daniel possède également une soeur cadette, Rosalya Moran, âgée aujourd’hui de dix-sept ans, étudiante à Poudlard dans la maison des Gryffondor.

Tel est l’univers d’où provient Daniel... un univers de réussite et d’ambition !
Il évite du mieux qu’il peut tout contact avec eux. Il sait que s’ils venaient à découvrir le monde où il évolue désormais, ainsi que son véritable emploi, bien loin de tout ce qu’ils auraient pu imaginer, leur réaction serait terrible... Il est conscient que ses parents lui en veulent de ne pas leur donner plus de nouvelle et d’être plongés dans l’ignorance sur sa vie actuelle, mais il ne sait comment fait autrement. La seule avec laquelle il communique régulièrement est sa petite soeur Rosalya. Et c’est aussi la seule qui sait tout ce qu’il fait...


« Champagne ! »
Le liquide coula à flot dans les coupes finement ouvragées, deux mains s’en saisirent et trinquèrent gaiement. Le cristal tintinnabula dans l’air comme un éclat de rire moqueur.
« Prions pour que ton aîné soit à la hauteur de notre famille » lança Bartholomew Moran en portant la coupe à ses lèvres desséchées.
« Je n’ai pas d’inquiétude là-dessus » répondit nonchalamment Richard Moran, plantant son regard inquisiteur dans celui de son père. « Il suivra tes traces au sein du Magenmagot, j’en suis persuadé... ou peut-être qu’il réussira à me surpasser et à devenir directeur de l’entreprise ? Je suis sûr qu’il a beaucoup de ressources... En tout cas, Bérénice et moi avons décidé de donner à Daniel, en second prénom, celui de son arrière grand-père... Cela lui portera chance. »
« Jim Moran... un grand homme ! »
Les deux sorciers tournèrent leur regard vers l’un des tableaux accroché au mur de leur demeure, représentant un adulte aux tempes clairsemées et aux yeux d’un bleu particulièrement perçant, semblable à des poignards.
Ils levèrent leur verre simultanément en direction du portrait de leur ancêtre et s’écrièrent, d’une même voix :
« A Daniel Jim Moran ! »
Dans la pièce d’à côté, un nourrisson, recroquevillé dans les bras de sa mère épuisée, eut un sursaut.

***

Daniel Jim Moran naquit un soir de décembre, alors qu’un rideau de neige se déployait sur le pays et se déposait en pellicules glacées sur les branches nues des arbres et les toits des maisons. Ses parents vivaient dans une grande demeure de la campagne anglaise, retranchés de toute civilisation, en compagnie de son grand-père paternel et d’une tribu relativement impressionnante d’elfes de maison.

Dès son plus jeune âge, ses parents s’escrimèrent à offrir à leur précieuse progéniture la meilleure éducation possible. Ils firent venir des quatre coins du pays des précepteurs -pas les meilleurs, assignés d’office aux puissantes familles de Sang Pur, mais tout de même des très bons-, lui donnèrent des cours de cricket, de golf, d’équitation, lui apprirent l’anglais, la poésie, les mathématiques, mais aussi l’Histoire de la Magie et l’Astronomie, et lui apprirent les rudiments des Potions et de la Botanique. Mais Daniel ne se montra pas particulièrement réceptif à cette éducation... loin de là !

Ce n’était pas de la mauvaise volonté, mais son esprit avait une curieuse propension à être constamment en décalage avec la réalité. Les lèvres de ses professeurs remuaient, mais la litanie de paroles qui s’en échappait traversait sa tête sans y laisser de marque. Il se laissait porter par les mots et rêvait, le nez en l’air, ses yeux bleus perdus dans la contemplation de paysages que lui seul pouvait voir. Beaucoup furent désespérés par son cas ! Il était certes poli et bien élevé, mais distrait, tête en l’air, maladroit... il s’emmêlait dans ses dates, confondait les plantes magiques, voyait la Lune là où il y avait le Soleil et inversement... combien de cours lui passèrent au-dessus de la tête ? Et combien de bêtises fit-il ? Combien de fois brisa-t-il des objets précieux qui tapissaient sa maison et renversa-t-il des bouteilles de jus de citrouille sur ses pull ? Combien de fois ses parents durent-ils, pour le punir, l’assigner de force en cuisine, où il dut aider les elfes à faire la vaisselle, et sans magie ?
Il n’aurai su le dire.

Néanmoins, l’éducation stricte (et légèrement surannée) de ses parents porta quelques fruits ; il ne tarda pas à devenir un enfant très poli (et même trop ; il fit fuir beaucoup de petites filles en essayant de leur baiser la main pour les saluer), bien plus porté sur la lecture que sur les vagabondages dans le jardin, et expert aux échecs, au scrabble et à d’autres jeux loin des “chats” et “batailles explosives” de ses petits camarades !

A huit ans, il essaya tout de même de faire exploser un pétard, par curiosité ; un de ses cousins (Moldu, fils d’un des frères de sa mère) lui en avait donné un et lui avait assuré qu’il allait bien s’amuser, avec. Le résultat fut sans appel : après avoir mis le feu au tapis du salon, Daniel comprit que ce genre d’amusement n’était pas fait pour lui.
Néanmoins, cet épisode eut le mérite d’être porteur d’une étonnante et merveilleuse nouvelle...

***

« DANIEL JIM MORAN !!! JEUNE HOMME, VENEZ ICI TOUT DE SUITE ! EST-CE VOUS QUI AVEZ TROUÉ MON BEAU TAPIS ? »
La mère de Daniel élevait peu la voix, mais lorsque cela était le cas, l’enfant savait qu’il valait mieux ne pas être dans la même pièce. Voire dans le même pays.
« JE MONTRERAIS CELA À VOTRE PÈRE, LORSQU’IL REVIENDRA DE SON TRAVAIL, ET J’ESPÈRE QU’IL PRENDRA LES MESURES NÉCESSAIRES POUR VOUS PUNIR ! »
Cette menace terrorisa le petit garçon. Son père n’était pas tendre, lorsqu’il s’agissait de prendre des mesures répressives ; sa joue gauche le brûlait encore en pensant à sa dernière bévue... sa mère lui décocha un regard féroce et fit volte-face, le laissant seul face à son méfait : un trou béant, aux recoins noircis, qui décorait désormais le tapis du salon. Le petit garçon, tremblant comme une feuille, ferma les paupières et pria de toutes ses forces pour que le trou disparaisse, que cela ne soit jamais arrivé, et qu’il n’y ait plus aucune trace de sa bêtise, que son père n’ait rien à lui reprocher... lorsqu’il rouvrit les paupières, transpercé par un espoir fou, il n’osa tout d’abord par y croire.

Et pourtant, si : le trou avait disparu. Le tapis était intact, toutes ses fibres présentes, et rien ne semblait s’être passé.

Il crut tout d’abord à un rêve éveillé, et il mit un long moment à comprendre qu’il avait réalisé un acte de magie involontaire. Son premier acte de magie... des flux magiques bouillonnaient dans ses veines, il était un sorcier !

***

Cela fut confirmé par une lettre de Poudlard, qui arriva chez lui quelques années plus tard.

Mais avant d’entrer à l’école de sorcellerie, un nouvel évènement vint faire basculer sa vie : sa mère s’était soudainement arrondie comme l’une des citrouilles que l’on cultivait dans le potager, et attendait visiblement un enfant !! Daniel surprit alors des chuchotements et des messes basses, des regards en coin lourds de sous-entendu, et il crut recevoir un coup de poing en plein plexus lorsqu’il comprit que ses parents espéraient secrètement avoir un deuxième fils... au cas où lui-même les décevrait dans le futur. Un “plan de secours”...

Ce fut une fille. Ses parents l’appelèrent Rosalya, et malgré la tendresse qui se lisaient dans les regards qu’ils posaient sur elle et qui l’enveloppaient tout entière, Daniel comprit qu’ils étaient déçus de ne pas avoir eu un autre garçon...

Mais son départ pour Poudlard eut le mérite de lui changer les idées. Dans le train qui le mena au château, il rencontra un garçon de son âge, Tolkien Kolorenko. Daniel le salua poliment, lui serrant tout naturellement la main en lui faisant remarquer que sa cravate n’était pas très bien nouée, et fut surpris par les regards perplexes qui se posèrent sur lui à ce geste. Il ne comprit pas que les jeunes de son âge préféraient largement se sauter dessus pour se saluer, et il sentit son corps frémir lorsqu’un garçon plus âgé passa derrière lui et lui ébouriffa les cheveux en lui demandant de quelle époque il s’était échappé. Il grimaça, peu habitué à ce genre de contact et partit se réfugier dans un compartiment vide. Tolkien finit par le rejoindre, et les deux garçons sympathisèrent vite, malgré la manie de son camarade à l’appeler Danny, chose que Daniel avait commencé à corriger, puis avait abandonné, au bout du trente-sixième “hé, Danny, file-moi une Chocogrenouille, s’il te plaît !”

***

« Hmmm... je lis en toi une certaine sagesse, et une imagination débordante... hm, tu es quelqu’un de calme, aussi, et de réfléchi... oui, je ne vois qu’une maison pour toi : SERDAIGLE !! »
Le cri du Choixpeau magique se répercuta en échos sur les murs de la Grande Salle, et une salve d’applaudissement suivit.
Le teint cramoisi, Daniel retira le couvre-chef qui lui obscurcissait la vue et se hâta de rejoindre sa table bariolée de bleu&bronze.

***

Réparti à Serdaigle, Daniel s’intégra plus ou moins facilement dans sa maison. Il réussit à nouer quelques contacts avec les élèves, malgré ses manières quelque peu guindées et sa propension à disparaître dès qu’il y avait un peu d’action, et réussit même à décrocher quelques bonnes notes. Mais ces-dernières furent facilement noyées au milieu de ses résultats catastrophiques en défense contre les forces du mal, en sortilèges, en métamorphose et en astronomie, et les Beuglantes ne tardèrent pas à pleuvoir à sa table !!

Les années d’étude finirent par s’égrener, certaines plus mouvementées que d’autres.
Chaque année qui se passait lui semblait dresser nouvelle barrière entre ses parents, leurs espoirs démesurés et lui, et lorsqu’il rata lamentablement la moitié de ses BUSEs, les regards dédaigneux et les moues suspicieuses qui accompagnèrent son été lui donnèrent une irrépressible envie de fuir. Fuir, ne plus être le porteur de leurs espoirs, ne plus sentir leur déception, leur tristesse, abandonner, trouver un endroit où il se sentait envie chez lui, à sa place...

L’année qui qui suivit fut particulièrement morose. Ou presque...

***

Il n’avait jamais embrassé personne. Jamais.
Il avait voulu faire les choses bien ; il avait donné rendez-vous à la jeune fille grâce à une lettre accompagnée d’un mouchoir qui portait son parfum, avait sorti les chandelles enchantées, et demandé aux elfes de l’aide pour lui concocter un repas. Il lui avait offert une rose, des chocolats, un petit ourson en peluche. Ils étaient dans une salle de cours libre, à l’heure où leurs camarades mangeaient dans la grande salle, et il ne savait plus que faire pour rendre ce rendez-vous parfait, absolument inconscient que les garçons de son âge n’en faisaient pas autant et se contentaient d’une Bièraubeurre aux Trois Balais pour conquérir leur dulcinée.
Il avait crut que son coeur allait exploser lorsqu’elle l’avait remercié pour tout cela, lui avait demandé s’il avait trouvé son costume dans les placards de son grand-père (ce qui était par ailleurs le cas) et s’était penchée vers lui pour l’embrasser.
Il avait fermé les yeux avec délice, grisé par le contact de ses lèvres contre les siennes. Un brasier inconnu bouillonnait dans chaque fibre de son corps, et une ivresse délicieuse s’était propagée dans ses veines...

Ils étaient restés ensembles quelques semaines. Jusqu’au jour où il avait cédé à un autre regard, à d’autres lèvres, à un autre corps... Celui d’un garçon. C’était lors d’une soirée organisée par les élèves. Il n’aimait pas les soirées, mais il aimait se perdre dans les volutes de fumée qui s’y déployaient et dans les liqueurs que l’on y dénichait. Il n’avait pas réfléchi avant de prendre le visage du garçon entre ses mains et d’emprisonner ses lèvres entre les siennes. Et cela lui avait parut tout aussi délicieux...

***

Et puis arriva la fin de Poudlard. Lorsque Daniel rentra chez lui, son père lui annonça une grande nouvelle : il avait réussit à lui dénicher un stage au Magenmagot, grâce à ses contacts, et il lui avait réservé des cours dans une grande faculté de justice magique !
Daniel fit ce que l’on attendait de lui, déboussolé, mais il ne tarda pas à accumuler les mauvais points, comme du temps de Poudlard ; il oubliait sans cesse d’aller à son stage, et ses cours à la faculté ne se déroulaient pas vraiment très bien... il s’emmêlait, confondait tout, ne parvenait pas à comprendre la logique des lois sorcières.
Il s’ennuyait, et se demanda si sa vie n’était pas déjà toute tracée jusqu’à sa mort...
Jusqu’à ce qu’il rencontre un garçon de son âge, dans sa classe. Il l’invitait sans cesse à des soirées, et Daniel finit par céder, davantage pour le faire taire que par réelle envie. Il finit par y aller une fois, deux fois, trois fois. A se perdre dans des substances peu recommandables, à oublier l’ennui et l’échec qu’était sa vie comme il le pouvait. Le garçon et lui finirent par s’embrasser, à s’abandonner l’un avec l’autre, une fois, plusieurs fois...
Cela continua quelques années, jusqu’à ce que les frasques de Daniel parviennent aux oreilles de son père...

***

« Une HONTE ! Daniel, as-tu conscience que c’est aujourd’hui que tout se joue ? Que ta réputation, tu es en train de la bâtir en ce moment même ??? Quelle réputation veux-tu, celle d’un voyou, d’un drogué, d’un dépravé ??? Plus jamais !!! Je ne veux plus jamais entendre parler de cela, ou tu ne mettras plus jamais un pied dans cette maison !!! »
Ce jour-là, pour la première fois de sa vie, Daniel fut traversé par un élan de courage et décida de prendre les choses en main.
Il fit ses valises et quitta la large demeure des Moran, sous les regards noyés de larmes et de déception de son père, sa mère et son grand-père. Seule sa petite soeur semblait le comprendre et compatir...

***

Il quitta en même temps son stage, ses études, tout. Il emménagea dans une chambre décrépie sous les toits du Chemin de Traverse, et il décida de prendre sa vie en main. Il cessa les soirées, les substances, les amours d’un soir. Il remplit sa chambre de livres et de nouveaux costumes, s’efforça de devenir un parfait gentleman, de cacher les brèches que sa famille avait ouverts en, paradoxalement, faisant ce qu’ils avaient toujours voulu de lui : en devenant quelqu’un de poli, convenable, révérencieux. Quelqu'un un peu vieux jeu, un peu ennuyeux, d'après beaucoup de monde, mais quelqu'un de bien. Même si parfois, il se laissait encore entraîner par ses anciens démons...

Il trouva un travail au Ministère, au service de détournements des artisanats Moldus. Il avait toujours été fasciné par le monde Moldu, leurs inventions, leurs objets insolites. Il finit par envoyer un hibou à ses parents pour leur dire qu’il était devenu quelqu’un de rangé, et que ses aventures passées étaient définitivement closes, mais il refusa de leur avouer son nouveau travail ou son adresse.

Il continua sa vie... revit Tolkien, son seul ami du temps de Poudlard, prit ses habitudes au Chaudron Baveur, où il discute encore aujourd’hui de temps à autre avec sa serveuse, et finit par apprécier à son travail.

Mais aujourd’hui, à l’aube de ses 27 ans, le monde semble menacé, les fronts se creusent de rides et la crainte se lit sur les visages... on parle de mages noirs, d’heures sombres à venir, de monde sur le moins de basculer...
Alors Daniel tend l’oreille, dans son petit appartement, au milieu de son fatras moldu et de ses costumes poussiéreux. Il tend l’oreille, sentant que sa vie va peut-être connaître un nouveau tournant...


Daniel est quelqu’un que l’on qualifie sans vergogne de vieux jeu, de personnage guindé (voire coincé, ou, pour les langues moins apprêtées, “souffrant d’un baobab bien profondément implanté dans son fondement”), de papy avant l’âge ou de “gros relou qui ne sait pas s’amuser”. Et il faut bien avouer qu’il a un fond de vérité dans ces affirmations...
D’une politesse et d’une courtoisie exacerbées, c’est un homme particulièrement révérencieux, dont l’éducation bourgeoise lui colle encore à la peau, malgré les années qui le séparent de la dernière fois où il a posé un pied dans la sphère familiale ! Il s’efforce d’être toujours courtois, quitte à en faire des montagnes d’obséquiosité ! Jamais le moindre “bordel de troll sa mère en string de guerre” ne s’échappera de ses lèvres ! Il est droit, poli, tient la porte à ceux qui le précèdent (quitte à se transformer en portier), fait des baisemains aux dames pour les saluer, ne se sépare jamais de ses cigares et de sa pipe et se promène toujours avec un grand mouchoir à carreaux nimbé de parfum dans la poche ! Un gentleman échappé d’une autre époque, en diront plus d’un !

Mais il suffit de le fréquenter un peu pour que cette façade s’effondre comme un château de cartes. Trop distrait, trop rêveur. Pas assez travailleur. Son corps est là, mais on aimerait bien que l’esprit suive ! Semble être entré dans la salle de cours parce qu’il y a vu de la lumière, martelaient ses professeurs, du temps de Poudlard. Pas assez sociable. A du mal à s’intégrer. Peut-être est-il trop timide ? Et ils n’avaient pas totalement tort ! Daniel se laisse souvent emporter par le tourbillon de ses pensées, à tel point qu’il s’y perd souvent, comme un marin pris dans la tourmente ! Il a toujours fait partie de la catégorie des rêveurs, des timides, malgré lui. Ses parents affirmaient qu’il lui manquait trois qualités essentielles pour réussir dans le monde : l’ambition, le courage, la persévérance. Rejoindre les plus hautes sphères de la société sorcière ? Lui, cet homme distrait et maladroit, qui a quelques soucis relationnels ? Être courageux, se battre ? Il n’a jamais particulièrement aimé cela, et a toujours fui les confrontations... La persévérance, s’accrocher comme une huître s’accroche à sa coquille ? Il se sent comme une huître, certes, mais sans la coquille.

Non, Daniel est loin d’être un homme volontaire, courageux, battant. Mais cela ne le dérange pas, il préfère l’ombre à la lumière aveuglante des projecteurs. Il se laisse emporter, soupire parfois, dans son bureau du service des détournements de l’artisanat Moldu, se noie dans les apparences et vit dans ses rêves et dans son monde ; il fume sa pipe, ajuste son noeud papillon, s’efforce d’être poli et attentionné, va dans son club d’échec et de scrabble et ignore les regards de ceux qui se demandent s’il est né comme ça ou s’il a perdu son humour et sa jeunesse en chemin... Il vit, joue les gentleman et évite de s’attacher ! Ou alors, seulement avec sa cravate, mais c’est une autre histoire... ou plutôt d’autres histoires, des histoires d’hommes et de femmes, de liqueurs et de fumées porteuses de promesse d’autres univers, qu’il préfère ne pas évoquer ! Ce qu’il fait de ses heures libres, il préfère le garder pour lui... même si sa peau et ses lèvres s’en souviennent très bien...

Mais le jour où son monde éclatera et où la réalité se rappellera à lui, s’enfonçant en lui pour lui ouvrir les yeux, qui sait ce qu’il se passera ?... Il préfère ne pas y songer...

Il aime : jouer les gentlemen, rester dans l’ombre, rêver, son meilleur ami Tolkien, les pipes (en tout bien tout honneur !) et les cigares, le monde Moldu, les noeuds papillons, les échecs, le scrabble, la tranquillité, les hommes&les femmes, les vieux grimoires...

Il déteste : la pression que sa famille lui met sur les épaules, les surnoms (il n’y a bien que Tolkien qui a le droit de l’appeler Dany !), être sous le feu des projecteurs, qu’on critique ses vêtements ou son parfum, les examens, être obligé d’utiliser sa baguette (qui lui obéit une fois sur dix), les fêtes, ne pas comprendre une blague...