Une fois de plus. Je ne comptais plus les nuits où je peinais à trouver le sommeil. Cela était devenu habituel, pour ne pas dire quotidien. Toute la journée, pourtant, je luttais pour ne pas m’endormir. Une fois la nuit tombée, c’était tout l’inverse. Difficile d’occuper ces heures nocturnes alors que la plupart des étudiants avaient déjà rejoint le pays des rêves. De toute manière, je mentirais si je vous disais que ça changeait quelque chose. Mes journées je les passais seul et c’était sans doute mieux ainsi. Me mélanger à cette masse d’adolescents attardés était tout bonnement inconcevable. Alors je tournais en rond, dans cette salle commune encore plus calme qu’elle ne l’était d’habitude. En effet, le repère des Serdaigle était réputé pour son silence, propice au sérieux et aux révisions qui nous caractérisaient tant. Cette nuit, j’étais seul. Installé sur un fauteuil auprès du feu, je m’occupais en regardant les quelques morceaux de bois qui brûlaient. A vrai dire, j’étais davantage perdu dans mes pensées que je n’étais captivé par le spectacle que m’offraient les flammes. J’étais préoccupé. Parfois, j’aurais aimé pouvoir transplaner au domicile familial, afin de savoir ce qui s’y passait. Je m’inquiétais pour ma mère. Elle ne m’avait jamais semblé si détruite. Je lui écrivais dès que j’en avais l’occasion, mais cela faisait deux jours que mon hibou ne m’avait apporté aucune lettre. Pourquoi mettait-elle tant de temps à me répondre ? Habituellement j’avais sa réponse sous vingt-quatre heures. C’était décidé. Si demain, je n’avais toujours aucune nouvelle, je la relancerais. Ou peut-être même cette nuit ? Je ne parvenais plus à attendre. Je m’imaginais tout et n’importe quoi. Je craignais la colère de l’homme qui se disait mon père ; et celle de ses progénitures. J’étais bien placé pour connaître leur agressivité, et je ne supporterais pas qu’ils agissent avec elle comme ils avaient agis avec moi. S’attaquer à ma mère était la pire des douleurs que l’on pouvait me faire subir, et j’en avais fait les frais il y a quelques semaines. Cela m’avait mis hors de moi, et je sais que dans de telles circonstances, je perdais toute trace de raison et étais capable du pire. Personne n’avait le droit de s’en prendre à elle, et j’étais bien décidé à le leur prouver s’ils allaient trop loin. Mais il persistait une ombre au tableau. Je n’étais pas là. Il pouvait se passer n’importe quoi, je restais dans l’ignorance. Par ailleurs, ma mère avait la fâcheuse manie de me cacher sa souffrance pour me ménager. Je la savais mal, et j’espérais sincèrement qu’elle tienne le coup. Et si ça n’était pas le cas ? Une larme s’écoula lentement le long de ma joue, mais n’eut le temps de finir son parcours. C'est alors que j'entendis un bruit derrière moi. Je me hâtai donc de passer discrètement ma main sur mon visage pour cacher ce signe de faiblesse. J’avais appris à ne jamais pleurer devant personne. En vérité, il était rare que j’en arrive là, mais ces dernières semaines étaient l’exception qui confirmait la règle. Quoi qu’il en soit, jamais je ne m’abaissais à faire part de mon mal-être à qui que ce soit. Cela ne regardait personne. Ainsi, toujours tourné en direction du feu, je m’assurai de ne rien laisser paraître. Je décidai alors d'enfin assouvir ma curiosité, c'est donc avec un regard glacial et les lèvres pincées que je me retournai vers la personne qui m’avait dérangée.
Impulsive : Personne qui agit selon ses impulsions, sans réfléchir.
Cela faisait bien longtemps que ce mot faisait parti de mon dictionnaire. C’était même un des mots que j’utilisais le plus souvent surtout en pratique. Et seul Merlin sait que beaucoup de personnes ont été victime de mon défaut. Et comme si cela ne le suffisait pas, j’étais lunatique, le genre de fille qui changeait d’humeur à la minute. On ne savait pas quel pied danser avec moi, et je dois avouer que j’aime énormément ça. Avant j’avais une peur bleue de l’inconnu, mais maintenant j’aime ça. Être dans l’incapacité de dire si on pourrait s’en sortir sans conséquence ou non.
Les conséquences, c’était ça le problème. Après une situation, on peut ne plus avoir du tout la même vie, perdre un ami, ou encore se faire un ennemi. C’est ce qui s’est passé cette nuit-là avec Shawn Enfin ennemi c’est un bien grand mot, mais je ne pense pas qu’il a vraiment apprécié le fait que je l’ai complètement pourrie juste car il a ramassé la boite à musique de Mademoiselle M. En même temps c’était l’objet que je tenais le plus au monde. D’accord, c’était qu’une boite à musique miteuse et abîmée. Mais personne n’avait le droit de la toucher. C’était la seule chose qui me liait à Mademoiselle M. C’était LA boite à souvenir, celle qui a bercée mon enfance, celle qui a accompagné ma Mademoiselle pour me consoler, pour m’endormir. Alors oui, je détestais que quelqu’un d’autre que moi la touche, l’utilise, c’était comme si il s’introduisait dans mon intimité sans ma permission. Après m’être comportée comme une furie sans trop lui expliquer le pourquoi du comment j’étais énervée, je suis partie dans mon dortoir. Le pauvre, il n’a pas dû savoir ce qui lui arrive. En même temps jamais je ne révélerai à un inconnu la valeur de cette boite, quitte à me rendre ridicule. Depuis j’ai jamais revu ce Shawn que je connaissais que de vu. Tant mieux, je n’avais aucune envie de m’expliquer sur mon comportement.
Aujourd’hui, j’avais décidé de me promener près du lac. Le couvre feu était déjà débuté depuis un petit moment, mais avec un peu de chance, je trouverai un groupe qui s’amusait. Mais non, tout était très calme, tout le monde paraissait bien calme. Je soupirai, j’allais encore passer une nuit ennuyante. Maudit insomnie ! Après une petite heure de promenade, je décidai enfin de rentrer avant qu’un prof me surprend. Ce qui m’étonne d’ailleurs. Je sortais fréquemment le soir, et très peu de profs m’ont surpris. Et ce n’était pas comme si j’étais discrète. J’avais sûrement une bonne étoile, Mademoiselle M…
En rentrant, j’eus surprise de voir que quelqu’un était encore debout, en m’approchant, je remarquai que c’était Shawn, le garçon qui avait ramassé ma boite. Sauf qu’il s’est retourné avant que je puisse faire un geste. De toute manière, je devais lui parler pour lui montrer que je n’étais pas une sang pure capricieuse et colérique de base. Une parole, vite, une phrase, aussi débile qu’elle soit, mais au moins dit un truc
« - Tu vas bien ? »
J’ai dis débile, mais il y a des limites… Là, je poussais un peu fort l’absurdité. Je m’assis alors dans un fauteuil, que toute manière je n’allais pas réussir à dormir.
Je n’eus aucun mal à reconnaître la personne qui me faisait face à présent. Je ne connaissais pas son nom, mais son visage m’était familier. Je l’avais déjà croisée plusieurs fois dans notre salle commune, et la dernière de nos rencontres fut celle qui m’a le plus marqué. Nous ne nous étions jamais parlés avant cette fameuse nuit où elle s’est assoupie sur le canapé où j’étais actuellement installé. Une étrange boîte était alors sur le sol, et avait attisé mon attention. Imaginant à tort que la jeune fille dormait profondément, j’avais ramassé l’objet en question mais n’avais même pas eu le temps de l’identifier que l’adolescente se réveilla et me le pris violemment des mains, avant de regagner sauvagement son dortoir. Son attitude m’avait laissé perplexe je l’avoue, je m’étais interrogé un instant sur ce qui avait pu motiver cette réaction. Agissait-elle toujours de la sorte où avais-je touché un point sensible ? Je n’en savais rien, et à vrai dire, cette mésaventure sortit bien vite de mon esprit.
Une chose demeurait certaine, je n’avais aucune envie de supporter un tel élan d’impulsivité ce soir-là, aussi mon regard ne s’adoucit pas lorsque je parvins à identifier la jeune fille. Aucun mot ne sortit de ma bouche, je n’avais rien à lui dire et encore moins cette nuit. La dernière chose que je souhaitais, c’était bien avoir de la compagnie. « Tu vas bien ? » me demanda-t-elle avant de s’asseoir dans un fauteuil voisin de celui dans lequel j’étais installé. Elle semblait maladroite, et beaucoup moins sûre d’elle que lors de notre précédente rencontre. Je la fixai quelques instants, m’interrogeant sur ses intentions. Elles ne semblaient pas mauvaises, mais j’avais la fâcheuse manie d’envoyer tout balader lorsque je n’avais pas le moral, et d’autant plus lorsque cela concernait ma mère.
Je m’assurai toutefois de ne laisser paraître aucune émotion sur mon visage. Là était ma vertu, j’étais occlumens. J’avais consacré beaucoup de temps et d’énergie à l’apprentissage de ce don mais notre union était apparue comme une évidence à mes yeux. J’avais besoin de cette protection face au monde extérieur. J’avais trop longtemps laissé paraître mon mal être. Désormais, je n’étais plus cette personne vulnérable, et j’appréciais me convaincre que plus rien ne pouvait m’atteindre. En tout cas, c’est l’image que je laissais de moi aux gens, et mon impassibilité faisait partie de mes plus grands atouts. « On ne peut mieux, et toi ? », lui répondis-je sur un ton détaché. Mes paroles s’accompagnèrent d’un léger sourire, quelques peu ironique, un brin provocateur. J’avais cette fâcheuse manie de toujours mettre de côté ce qui n’allait pas lorsque je n’étais pas seul.
Je la détaillai alors un instant. Malgré ma première mauvaise impression, j’appréciais sa manière de s’habiller, sa morphologie, l’image qu’elle dégageait. D’un simple coup d’œil, j’avais l’impression que nous avions des similitudes. Elle était fine, très fine, et quelque chose me disait que nous avions peut-être le même rapport avec la nourriture. Quant à son style, elle semblait marginale, et cela ne pouvait que me plaire. Je méprisais les stéréotypes, elle ne semblait pas en faire partie. Mon regard se porta bien vite sur celui de mon interlocutrice, à nouveau ; je n’avais aucune envie qu’elle ait l’impression qu’elle me plaisait. J’aimais défier autrui du regard, lui qui m’avait si souvent intimidé. Avec le temps j’avais su affronter le « miroir de l’âme » de mes semblables et désormais, c’était à mon tour d’en jouer.
Dernière édition par A. Shawn Sykes-Evildead le Lun 24 Déc - 4:37, édité 2 fois
Je le fixai, longuement… Il ressemblait quelque peu à ma mère. Ce visage fermé, qui cachait des souffrances, je le connais par cœur. Cela ne m’intimidait plus. Je n’étais même pas déboussolée par son regard qui me scrutait. Je m’en fichais, j’avais l’habitude, que ce soit un regard de dégoût, un regard d’envie ou un regard de pitié, je ne faisais plus attention. L’avis des inconnus ne m’intéressent guère.
« On ne peut mieux, et toi ? »
Par contre, son petit sourire provocateur accompagné de cette phrase aurait dû m’agacer amplement, mais ce n’était pas le cas. J’ai eu un petit sourire amusé. Ce petit jeu m’était familier, je le faisais toujours. La provocation, c’était mon fort. Attaquer avant d’être attaqué. C’était la défense parfaite pour se protéger des gens, des inconnus. Je m’enfonçai alors dans mon fauteuil avant de plier mes jambes afin de les entourer de mes bras. Ayant fait beaucoup de danse et notamment de la danse classique, je savais toujours rester gracieuse et souple. De toute manière c’était ma mère qui voulait ça. Elle voulait que je sois une parfaite fille de bonne famille, cultivée, distinguée, droite et fière. Sauf que j’avais décidé d’être juste cultivée et fière. C’est pour cela que je touche à tout, et étant donné que je suis très perfectionniste, je réussis tout ce que j’entreprends. Quand j’échoue, je suis frustrée et je recommence jusqu’à la réussite. C’était pour cela qu’avant j’étais une bonne élève, mais maintenant je pense que je me perfectionne surtout en accumulation de bêtises. Il allait un peu mieux ? Je lui offris son même sourire provocateur pour répondre à sa question
« - Je me disais bien que ma présence te plaisait »
Oui je ne me prenais pas au sérieux. Oui il pourrait me prendre pour une dingue, je m’en fichais. Mais son côté neutre, impassible m’intriguait. Je savais mieux que personne que cela cachait quelque chose. Et j’aimerais bien creuser un peu plus pour le savoir. Je roulai les yeux avant de continuer
« - En faite cette question est débile. Après tout ce n’est pas comme si on ne connaissait pas la réponse de l’autre prématurément. Qui est assez idiot pour répondre non avant de raconter ses problèmes. L’autre voulait juste rester poli. »
Puis je le fixai de nouveau, impassible. Je voulais regarder sa réaction. Et puis j’ai réussi à éviter de lui répondre. A chaque fois que quelqu’un me demandait si j’allais bien, je réussissais avec brio d’éviter de répondre. Même si cela paraissait débile, un simple « oui » irait pour m’en débarrasser. Mais je n’aimais pas mentir, et je ne voulais pas dire que j’allais bien alors que ce n’était pas le cas, juste par respect pour Mademoiselle M. Elle m’avait interdit de mentir, alors je ne le faisais pas. Je ne disais pas pour autant que j’allais mal, je gardai ça pour moi. Je me présentai comme si jamais je ne l’avais pourrie.
« -Je suis Roksiann Assetan. On s’est déjà entrevue »
La jeune fille qui me faisait face semblait elle aussi se trouver dans une phase d’observation, d’analyse. Ma réponse n’eut pas l’effet escompté, c’est en effet de l’amusement qui se dégagea du sourire de l’adolescente. Mon visage ne laissa rien paraître, je m’efforçais de rester indifférent au moindre de ses faits et gestes. Le sourire amusé de la jeune fille mua peu à peu vers de la provocation, et il atteint son optimum lorsqu’elle me répondit « Je me disais bien que ma présence te plaisait. ». Ses mimiques étaient similaires aux miennes et j’ignorais s’il s’agissait ou non d’une coïncidence. Ce que j’allais bien pouvoir lui répondre m’apparût comme une évidence, il s’agissait de l’une de mes répliques favorites lorsque quelqu’un se plaçait un peu trop haut dans sa propre estime. « Le principal est d’en être convaincue. » Un sourire apparut de nouveau sur mon visage, plus naturel, sans que je ne puisse en définir la véritable nature.
La jeune fille ne tarda pas à poursuivre. Elle esquiva la question qu’elle m’avait elle-même préalablement posée sans même que je ne m’en rende compte. « En fait cette question est débile. Après tout ce n’est pas comme si on ne connaissait pas la réponse de l’autre prématurément. Qui est assez idiot pour répondre non avant de raconter ses problèmes. L’autre voulait juste rester poli. » Elle me fixa, comme pour me tester. Je haussai un sourcil, sceptique. Ses dires étaient fondés mais ils n’avaient rien d’exceptionnel, tout être humain était conscient de ce fait mais continuait de poser la question. C’était une question d’usage, de formalité. « Je te l’accorde. » me contentais-je de répondre, d’un air tout aussi détaché. Je réagissais toujours de la sorte avec les inconnus, du moment que ce dont il était question ne m’interpellait pas. Il en avait déjà été autrement.
Vint enfin le moment des présentations. « Je suis Roksiann Assetan. On s’est déjà entrevus. » C’est ainsi que je pus mettre un nom sur son visage. La fin de sa phrase fit naître un nouveau sourire sur mon visage, ironique. « Shawn, enchanté. » Je n’avais pas jugé nécessaire de lui faire mention de mon premier prénom. Seul mon « paternel » et les professeurs me donnaient cette dénomination, autant dire que ça ne me rappelait pas que de bons souvenirs. J’ai toujours préféré Shawn à Andréa, il en est ainsi. Quant à mon nom de famille ; la connaissance que pouvait en avoir la jeune fille était tout aussi dénuée d’utilité. La première partie de mon nom m’avait été attribuée à la naissance, à l’orphelinat. La seconde était le nom de mon père adoptif, un moldu, donc inconnu de tout sorcier. Concernant le fait que je sois « enchanté », il s’agissait là encore d’une formalité, d’une marque de politesse. Il était trop tôt pour que je puisse me prononcer là-dessus. « Je n’ai pas oublié notre première rencontre, ne t’en fais pas. » ajoutai-je enfin avec une pointe d'ironie, avant d’adresser un regard fixant à la jeune fille. Elle avait souhaité faire mention de cet évènement, j’attendais donc de savoir ce qu’elle avait à ajouter sur le sujet.
Dernière édition par A. Shawn Sykes-Evildead le Lun 24 Déc - 4:38, édité 2 fois
Mon sourire s’élargissait. Je commençais à avoir un minimum de considération pour ce jeune homme. Il avait de la répartie. Mais cela ne me suffisait pas, il me fallait un petit truc qui me montrait qu’il valait la peine de m’intéresser à lui. Je déteste perdre du temps avec des gens insipide et inculte. Je passai ma main dans mes cheveux avant de lui répondre
« - Bien répondu ! Tu gagnes un point »
J’aimais ça, établir des règles sans que l’autre ne puisse faire quelque chose. J’aimais rendre ma vie comme un terrain de jeu. Ne rien prendre au premier degré facilite tellement la vie. On est moins triste. Je crois que c’est un bon système de défensif pour la vie. Et puis surtout la seule qui me connaissait le plus et qui pouvait potentiellement me remettre en question était partie. Alors les autres pouvaient venir me critiquer, me donner des conseils ou quoi qu’ils veulent, pour moi, c’était du vent. Leurs paroles, leurs gestes ou leurs comportement n’étaient qu’un jeu pour moi. Je mettais en place un jeu de rôle où j’étais moi-même dedans, et j’étais le maître. J’étais consciente qu’un jour j’allais perdre pieds, je n’arriverai plus contrôler la situation, le jeu ou tout simplement des conséquences de mes actes. Et là, j’assumerai car je ne suis pas lâche, je ne fuirai jamais devant l’adversaire.
Puis ma réponse pour détourner sa question avait l’air de marcher. Il ne s’est rendu compte de rien. Je manipulai mon petit monde avec un talent certain. Merci à l’hérédité. Pardon à ma Mademoiselle. Dans mes moments de lucidité, c’est-à-dire, tard dans le soir, je culpabilisai. Je me disais que ma Mademoiselle devait être bien triste de voir mon comportement en haut. Elle devait avoir honte de moi. Alors je prie, je pleure, je lui implore de revenir, je lui promais de changer le lendemain. Mais rien à faire, j’étais dans un cercle vicieux et j’aimais trop ça. J’aimais être bancale, être toujours à la limite de tomber, je me sentais vivante. C’était les seuls moments où je savais que ce n’était pas mon père mais uniquement moi qui pouvait décider de mes actes.
« -Je te l’accorde. »
Je levai un sourcil, il ne se comportait pas comme tous les autres élèves suite une de mes réponses un peu évasives. J’étais surprise, mais je le cachai sous un petit regard malicieux. Normalement il y avait deux catégories de personnes. La première essayait de me prouver de A à Z que j’avais tord et l’autre éclatait de rire en disant que j’étais bien trop franche et que ça allait me perdre. J’ai connu cette nuit une troisième catégorie. Celle qui se comportait la plus intelligemment.
Puis je me présentai, il a eu un petit sourire ironique après ma dernière phrase. C’était normal, c’était fait exprès. Puis il se présenta à son tour
« - Shawn, enchanté. Je n’ai pas oublié notre première rencontre, ne t’en fais pas. »
Il me fixait, je ne détournai aucunement mon regard, je répondais à son regard. Je détestai perdre au jeu du regard. Il ne m’intimidait pas, et c’était la meilleure façon de lui montrer.
« - Je ne suis pas persuadé que tu m’as véritablement rencontré. Tu as dû rencontrer mon moi maléfique. Elle n'aime pas qu'on la réveille... »
Dernière édition par Roksiann L. Assetan le Ven 8 Mar - 22:32, édité 2 fois
Je n’avais toujours eu que peu de considération pour les personnes orgueilleuses. Malgré les apparences, j’avais toujours été quelqu’un de très peu sûr de moi, et je voyais d’un très mauvais œil les surplus d’assurance. Certes ne pas avoir confiance en soi s’avérait être un handicap ; cela restait à mes yeux une qualité qui m’avait toujours attiré chez autrui. En l’occurrence, je faisais face à son opposé. C’est ainsi sans surprise que je mis en cause les insinuations de la jeune fille. N’étant déjà initialement peu fier de ma réplique, la réponse de la jeune fille ne fit qu’accentuer ma satisfaction. « Bien répondu ! Tu gagnes un point. » En vérité, c’était elle qui en marquait un en me répondant de la sorte, flatter mon ego était sans doute la meilleure des approches, d’autant plus lorsque les premiers contacts furent difficiles.
La jeune fille passa la main dans ses cheveux. Je continuais de la fixer, m’interrogeant sur sa personnalité. Elle semblait pleine de mystères, et j’étais bien décidé à les élucider. La curiosité était l’un de mes vilains défauts, mais après tout elle pouvait être assimilée à une forme d’intérêt, non ? Qu’importe, je comptais faire dans la subtilité. Ma réponse quant à son point de vue sur les questions d’usage sembla la troubler. Je n’avais pourtant pas fait dans l’originalité. J’aimais pourtant philosopher, d’habitude ; mais je n’avais pas la tête à ce genre de questions existentielles.
Les marques de politesse n’étaient décidément pas notre fort, aussi nous avions omis de nous présenter, ce à quoi l’adolescente remédia finalement. J’eus alors la confirmation que son identité m’était jusqu’alors inconnue. Elle me fit à cette occasion mention de notre première rencontre, allusion à laquelle je répondis brièvement après m’être à mon tour présenté. Cette soirée était encore gravée dans ma mémoire, à vrai dire on pouvait sans mal la qualifier de fait récent. J’étais d’ailleurs resté perplexe devant la réaction de la jeune fille qui fut, il faut l’avouer, assez imbuvable cette nuit-là. Je ne tardai pas à en découvrir les raisons. « Je ne suis pas persuadée que tu m’as véritablement rencontrée. Tu as dû rencontrer mon moi maléfique. Elle n'aime pas qu'on la réveille... » Je ne pus dissimuler un discret sourire. J’étais moi-même assez sauvage au réveil, et d’ailleurs il me fallait chaque matin un bon moment pour émerger. Je savais ce qu’était ne pas être matinal. Le discours de la jeune fille m’amusa assez. L’image de « bad girl » qui se dégageait de son portrait était presque attendrissante. J’étais bien placé pour savoir que les personnes les plus mauvaises n’avaient pas pour habitude de s’en vanter. Toutefois je gardai ma réflexion pour moi, et portai de nouveau mon regard en direction du sien pour lui répondre. « La schizophrénie est un fléau. Je peux le comprendre, je suis moi-même peu civilisé de si bon matin. », ajoutais-je en lui adressant un bref sourire. J’étais entré dans son jeu et son histoire de dédoublement de personnalités. On avait tous différentes facettes, celles que l’on montrait et celles que l’on s’efforçait de cacher, mais qui pourtant revenaient toujours à la charge. Peut-être ne pouvait-on pas fuir sa véritable personnalité. Toutefois, j’avais pour fâcheuse habitude de jouer des apparences tant que j’en avais la possibilité. L’occlumencie était à ce jeu ma plus fidèle alliée.
Peu bavard jusqu’alors, je pris la décision de tendre vers un semblant de sociabilité. « Visiblement le même schéma se reproduit. Ce sont les deux mêmes qui veillent. Souffririez-vous d’insomnies Mademoiselle Assetan ? ». Malgré l’éducation que m’avait inculquée ma famille, je n’avais pas pour habitude de vouvoyer les personnes de mon âge. Il s’agissait là simplement d’un divertissement. Un sourire mutin accompagna mes paroles. Je me replaçais alors dans mon fauteuil, attendant la réponse de mon interlocutrice. Notre discussion avait au moins le mérite de dissiper momentanément les sombres pensées qui préoccupaient jusqu’alors mon esprit.
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Ven 23 Nov - 13:27
