Courir sans m'arrêter, courir comme si ma vie en dépendait. Courir comme une détraquée pied nus dans les couloirs froids et sombres du château endormi, les chaussures dans une main, la baguette dans l'autre, j'éclate de rire avant de me reprendre de justesse. Personne ne se doute de ma présence ou du moins pas encore, ce n'est vraiment pas le moment de tout gâcher. Pourtant, je ne peux retenir un rire hystérique de s'échapper de mes lèvres. C'est si bon d'enfreindre le règlement et de courir à pieds nu. J'ai toujours adoré sentir la pierre froide sous mes pieds alors que je m'échappe de mon dortoir ou que je fuis un préfet. Cette pierre, froide, brute, chargée d'histoire sous mes pieds est généralement singe d’une liberté toute proche. La forêt, le parc, Pré-au-Lard. Tous les endroits sont bons, tous les endroits me conviennent. Ma première "fugue" fut lorsque j'étais en première année et alors âgée de quatorze ans. A cette époque-ci je recevais encore bien trop régulièrement de longues lettres de sermons de père et mère et cette nuit-là, j'avais sur un coup de tête me caractérisant à merveille décidé d'aller dans la forêt interdite dans l'espoir que quelqu'un m'attrape, me punisse et secrètement espéré que le lendemain, lors du petit-déjeuner recevoir une magnifique beuglante de la part de mon père. Inutile de préciser que comme toujours, mon plan n'avait pas fonctionné. J’avais cependant, ce soir là, goûté à quelque chose de bien plus amusant que la rage de mes parents, alors que je m'étais enfoncée dans la sinistre forêt durant cette froide nuit d'hiver, la liberté. Un grand sourire étire mes lèvres alors que mon dos heurte violemment le mur froid. Bruits de pas trop proches. J'entends un cri indigné provenant d'un vieux portrait au-dessus de ma tête, la bonne femme qui y est représentée m'affirme que Rusard en sera averti. Mon sourire s'élargit, les pas s'éloignent. Sans adresser le moindre mot aux tableaux qui me susurrent quelques remarques des plus désagréables je déboule enfin dans le grand hall, le souffle haché par ma course effrénée. Petit regard vers la droite, petit regard vers la gauche. Je pousse un long soupire et enfile rapidement mes chaussures tout en restant vigilante au moindre bruit, ce n'est vraiment pas le bon moment pour me faire pincer ou pour récolter une heure de colle, j'en ai déjà eu assez depuis le début de l'année tout juste entamé. Après quelques secondes durant lesquelles je m'autorise à reprendre mon souffle, je sors du château sur la pointe des pieds. Pas le temps de l'attendre et puis elle le sait, je suis sans doutes la personne la moins patiente de tout Poudlard, je ne l'attends jamais aux points de rendez-vous. Instinctivement, mes pieds me guident jusqu'à l’orée de la forêt où je décide finalement de m'arrêter pour l'attendre. Mon regard se perd dans la contemplation de cette sombre forêt sans limites. Personne -ou du moins pas à ma connaissance- n'a jamais traversé en entier cette forêt. Un léger sourire naît aux coins de mes lèvres, un jour peut-être, je devrais y songer sérieusement, histoire d'entrer dans le livre des records sorciers, quoi que je risquerai plus d'être expulsée de Poudalrd et je n'en ai pas la moindre envie. Je n'ose même pas imaginer la tête des membres de ma famille si père ou mère me retrouveraient sur le pas de la porte, valises à la main. Les Dolohov, trop excédés par mon attitude « indigne du sang qui coule dans mes veines et de mon nom de famille » finiraient sans doute par m'exécuter en place publique ou me pendre. Je pousse un lourd soupire, secoue ma longue tignasse blonde. Imaginer les réactions de ma famille face à mes agissements à toujours été un petit jeu qui m'occupait ou me permettait de tenir le coup lors des vacances durant lesquelles Samaël et moi, étions obligés de rentrer et dans les moments durant lesquels je n'avais strictement personne pour me soutenir. Pourtant, l'éventualité qu'un membre de ma famille finisse par souhaiter ma mort m'a toujours parue plausible. Combien de gifles ai-je reçu depuis le début de mon long combat acharné contre les saletés de pros sang pur que forment ma famille ? Combien de menaces ? Combien de cris et de regards hostiles ? Le pire de tout, la pensée qui me retourne littéralement l'estomac et me qui me donne la nausée est que, lorsque ce jour arrivera -s'il arrive- il n'y aura personne pour m'aider. Malgré son amour maternel, ma mère n'arrivera jamais à s'interposer face aux membres de sa famille pour sauver sa fille, inutile de songer à mon père ou même à mes frères et sœurs, trop effrayés pour s'interposer eux aussi. Je baisse les yeux, me racle la gorge. Un long soupire m'échappe, au fond je ne devrais pas leur en vouloir, même si c'est plus fort que moi. Décevoir les Dolohov n'est pas quelque chose de simple à assumer, je suis plutôt bien placée pour le savoir et pourtant, l'idée que même Samaël ne me vienne pas en aide me laisse un gout amer dans la bouche. Nouveau raclement de gorge, une seconde, une heure, une année passe. Ma bouche est aussi sèche que du papier à musique, mes yeux perdus dans la contemplation de la cime des arbres qui s'étendent à perte de vue son ternes et puis soudain, un craquement derrière mon dos me fait revenir à la réalité dans un sursaut. Baguette à la main, je fixe durant un court instant la personne qui se tient devant moi avec méfiance puis me rappelle enfin pourquoi je poirote depuis bientôt une bonne quinzaine de minutes à la lisière de la forêt. J'abaisse ma baguette alors qu'un grand sourire étire mes lèvres. « Lumos. » Son visage est faiblement éclairé par le halo de lumière argenté produit par ma baguette. Isibeal reste l'une des rares personne avec qui je reste très câline et enfantine, vestiges des souvenirs et des épreuves que nous avons traversées toutes les deux lorsque nous n'étions que deux gamines perdues dans un monde trop rude, brutal pour elles. C'est pourquoi, l'espace d'un instant, ma main se glisse dans la sienne et je m'y agrippe avec force comme une noyée à une bouée de sauvetage. Pourtant, ce soir, je dois me montrer forte, assumer le rôle de bouée de sauvetage. Je me souvins du sentiment de malaise qui m'avait figée sur place lorsque, ce matin même j'avais reçu un bout de parchemin écrit de la main de mon amie de toujours m'indiquant l'heure et l'endroit de notre rendez-vous. A cet instant précis j'avais été certaine d'une chose ; Isibeal avait besoin de parler, d'une bouée pour ne pas couler, de quelqu’un sur qui compter et à qui se confier, de se changer les idées. Une pression sur sa main, je plonge mes yeux dans les siens pour lui montrer que je serais toujours là avant d'avancer en direction de la forêt. «J'ai failli attendre! » Un petit sourire complice naît aux coins de mes lèvres. « Et moi qui pensais avoir toujours été plus intéressante que Rosier. » Je lui lance un petit regard amusé. Isibeal me connait assez pour savoir que cette petite pique est une marque d'affection spéciale Alix et qu'elle a désormais toute mon attention.
Une nouvelle journée s'achève alors que le soleil glisse sur mes joues humides pour s'éteindre. Prisonnière de mes démons, je reste immobile dans ce monde que je déteste tant. Mes yeux se ferment par lassitude et voilà que c'est ton visage qui se voile devant mon regard. Tant de sentiments se mêlent dans mon âme à ta pensée qui me hante sans cesse. Il n'y a rien entre nous, juste un jeu morbide dont tu es le vainqueur. Pourtant je lutte de toute mes forces pour gagner cette guerre contre ma famille. Moi aussi je serais victorieuse mais à quel prix ? Me perdre pour elle ou bien me perdre pour toi. Quelle douce pensée que je ne peux accepter. Je ne suis pas comme ces autres qui roucoulent sur ton passage et qui n'attendent qu'un regard de ta part pour être heureuse. Je te déteste tant de me rabaisser à ce point alors que la nausée devient mienne quand je te vois en sa compagnie. Elle, qui m'a détruite pour porter dignement le nom de ma famille. Je te conjure préserve moi de la vérité, je t'en conjure garde pour toi tes préférences pour elle. Je te déteste tant. Tu peux avoir toutes les filles quelles soient de grande lignée ou non pourtant tu me chasse sans fin. Je te fuis dans chacun de mes souffles, mais plus je fuis plus l'envie d'expier dans tes bras deviennent forte. Tu ne me mérite pas ! Tu n'es qu'une ordure imbu d'elle même digne de ma rousse de sœur. Pourtant il ne t'a fallut qu'une seconde pour me salir ! Arrêtons le jeu tout de suite avant que je ne devienne l'ombre de moi même mais je ne le peux alors que le goût de la victoire fait vibrer mon âme de bonheur. Je soupire avant de trouver la force de me lever alors que la nuit est tombée depuis un petit moment. Mes larmes ne sont qu'un lointain souvenir alors que sortant du cocon de mon lit je fais face à toutes ces filles qui me scrutent dans l'espoir d'y trouver une faiblesse. Au lieu de ça, elles n'ont qu'une regard hautain teinté d'indifférence. J'ai besoin de prendre l'air, de sortir pour retrouver mon âme sœur. A peine arrivée dans la salle commune que je sens le malaise m'envahir devant la vision qui s'anime devant moi. Tu es là, avachis dans un canapé comme tu as tant l'habitude d'y être. Oui tout serait normal si tu n'avais pas la greluche rousse sur tes genoux. L'espace d'une seconde, je rêve d'être à sa place mais c'est avant de croiser ton regard fier. Tu me scrute, tu apprécie la vue vu le sourire qui éclaire ton visage. Le monde semble s'arrêter sous ton regard alors que prisonnière je sens l'air me manquer. La seconde d'après, je suis devenu transparente alors que tout ton attention est portée sur ma sœur. J'aimerais crier le monstre que tu es malheureusement au lieu de ça je prend la fuite dans l'espoir que tu vienne à remarquer mon absence.
Sortir est une épreuve qui m'aide à me sentir mieux. Je deviens une autre dans l'ombre loin des regards. Je retrouve ma liberté l'espace de quelques heures. Au bout de quelques minutes je me retrouve dehors sans grande surprise alors qu'Alix aurait dût être là pour m'attendre. Le mot ponctuel n'a jamais été dans mon vocabulaire tout comme le mot patience pour ma meilleure amie. Sans réfléchir, je laisse mes pieds fouler l'herbe de poudlard tout comme ressentant l'excitation de ne l'avoir rien que pour moi. Nous n'avons qu'une âme sœur et même si la plupart pense qu'elle lie deux personnes amoureuses, je peux affirmer qu'Alix est la mienne. Nous sommes tellement différentes mais aussi tellement similaires telle le revers d'une pièce. J'ai besoin d'elle dans tous les instants de mon existence. Pire je veux quelle soit présente derrière chacun de mes pas. Et alors qu'elle éclaire d'une faible lumière mon visage, je ne peux retenir l'immense sourire qui étire mes lèvres. Sa main emprisonne la mienne dans une promesse muette. Je serais là toujours là pour elle, pire je ferais tout pour elle quitte à me perdre. Nous avons traversé tellement d'épreuves alors que nous n'étions que des enfants innocents. A deux nous sommes plus forte et même si nous n'avons pas eut la chance de naitre dans une même famille, Alix est pour la sœur que je n'ai jamais eus.«J'ai failli attendre! » Je ne peux retenir un léger ricanement devant le petit pique de mon amie. Notre amitié n'a jamais été rose au contraire, les disputes sont fréquentes entre nous tout comme les piques. On se déchire, pour mieux se retrouver la seconde d'après. « On ne change pas une équipe qui gagne. » Malgré le temps qui passe, nous sommes toujours les même. J'aime penser que dans dix ans nous serions toujours là main dans la main. Mais je ne peux te retenir … Que serais-je sans toi ? « Et moi qui pensais avoir toujours été plus intéressante que Rosier. » sans même s'en apercevoir elle vient d'enfoncer un poignard dans mon cœur. Je blêmis alors que mon regard se fane tout comme mon sourire. Devant les autres j'aurais gardé ma mine indifférente mais elle n'est les autres. Devant elle, je n'ai pas peur de me montrer sous mon vrai visage pire je n'ai pas peur de laisser mes sentiments s'exprimer. Le masque tombe sous son regard qui semble lire en moi comme dans un livre ouvert. « Rosier est une ordure ! Pas envie d'en parler juste d'oublier. » Sans même attendre sa réponse je l'emmène aux abords de la foret. Nous allons vivre une nouvelle aventure … Bonne ou mauvaise seul l'avenir nous le dira.
« On ne change pas une équipe qui gagne. » Vrai, tellement vrai. Un sourire naît aux coins de mes lèvres. A nous deux, nous pourrions devenir les reines de l'univers, à nous deux nous pourrions diriger le monde, soulever les montages. Invincible. Voilà comment je me sens à l'instant précis alors qu'elle serre ma main dans la sienne en retour. Nous protéger mutuellement a toujours fait partie du pacte, passé lorsque nous étions encore que deux gamines innocentes, perdues, dans un monde trop sauvage pour elles. Les épreuves ont le dont de rendre plus fort et je peux affirmer sans aucune hésitation que j'ai la peau dure. Pourtant, lorsque je vois son visage se décomposer dans la lueur argentée de ma baguette mon sang se glace et je n'ai qu'une envie de meurtre monte peu à peu en moi. Je pousse un grognement digne d'un chiant enragé alors qu'elle me tire vers la Forêt pour sans doutes m'empêcher d'aller régler son compte à ce furoncle de Goule de Rosier. « Rosier est une ordure ! Pas envie d'en parler juste d'oublier. » Cette fois-ci je ne peux empêcher un rictus de déformer mes lèvres. Ça, ma chère, ça ne me calme pas, loin de là. Je grogne une dernière fois alors qu'Isibeal et la pression qu'elle exerce sur ma main pour que m'avance vers la sombre forêt ont raison de moi. Une chose à la fois. Elle est bien plus importante que lui, elle a toujours été plus importante que n'importe qui, moi y compris.
J'inspire et j'expire. Je revis et je sais que mon amie qui marche silencieusement à mes côtés se sent plus légère elle aussi. La forêt a toujours eu cet effet bénéfique, réparateur presque sur nous. Je n'arrive plus à compter le nombre de fois ou nous nous sommes retrouvées ici pour oublier les problèmes familiaux, pour rire aux éclats toute la nuit éclairée par la lumière des étoiles, pour se déchirer, se retrouver. Durant un court instant, alors que nous nous enfonçons en silence dans la Forêt Interdite toutes les pensées négatives, ma fouge, toute la rage, la haine, tout le surplus habituel d'énergie qui m'habite s'en vont alors que mon regard se perd dans la contemplation des ambres centenaires. Je me permets une dernière bouffé d'air frais avant de poser mon regard sur Isibeal. Mes yeux se plongent dans les siens pour ne plus s'en détacher. Je veux qu'elle comprenne, qu'elle le ressente au plus profond d'elle-même. Elle et moi, contre le monde, pour toujours et à jamais. « C'est si moche que ça ? » Jamais mon amie ne m'aurait envoyé une lettre pour donner rendez-vous sans raisons. Je baisse les yeux et shoot avec hargne un petit caillou qui a le malheur de se trouver mon chemin. « Parfois, je me demande pourquoi tu ne les envoies pas tous se faire foutre. C'est tellement plus simple... Après tout, ce ne sont qu'un ramassis de cons qui s'appliquent à gâcher ton existence depuis des années. Et Rosier en fait partie. Tu devrais lui dire que ta très chère amie n'aime vraiment pas la façon dont il joue avec toi. Tu devrais même cesser ce petit cirque avec lui. Sinon ce fils de goule risquerait bien de finir sa vie de blaireau en chaleur à St-Mangouste et moi à Azkaban. » Les mots ''tact'' ou même ''délicatesse'' ne font pas partie de mon vocabulaire, Isibeal le sait, tout le monde le sait et pourtant je ne peux m'empêcher de pousser un petit soupire. Ma main se glisse une nouvelle fois dans la sienne. « Tu ne devrais pas leur laisser t'infliger ça. Ils ne le méritent pas Isi'. Ils n'ont pas le droit ! Ne les laisse pas d'atteindre, ne le laisse plus t'atteindre. Petit trou du ...» Je me mords la lèvre, consciente que je ne l'aide pas, consciente d'avoir déjà poussé le bouchon trop loin, et pourtant je ne peux résister. « Ils ne te méritent pas ! Tous autant qu'ils le sont. Et le pire dans tout ça, c'est.. ». Et là, plantée au milieu de la forêt, avec et pour seule alliées ma baguette et mon amie je me stoppe tout net dans ma phrase. Un large sourire vient éclairer mon visage me donnant des aires de folle furieuse échappée de l'asile. Je me plante devant Isibeal, pose avec brusquerie mes mains sur ses épaules et éclate d'un rire rauque. J'ai sans doute l'air d'une barge et j'ai sans doute éloigné toutes les créatures maléfiques qui peuplent ces bois sombres en éclatant de rire pareillement mais je m'en moque totalement. Après quelques secondes durant lesquelles je parviens à reprendre mon calme, je m'éloigne de quelques pas, le sourire toujours accroché aux lèvres. « Je vais partir. Loin, très loin d'eux. Je me contre fous de savoir comment, où j'irai vivre. C'est décidé je me barre très loin d'eux. Et... j'veux que tu viennes avec moi.» Elle va certainement me prendre pour une folle, me dire que c'est impossible, complètement fou mais elle me connait mieux que personne. Elle sait que je le ferai, avec ou sans elle.