Christopher étant particulièrement frustré et préoccupé, il réagit comme il réagissait habituellement : il se vengea en faisant du sport. Beaucoup, beaucoup trop de sport. De l'avis général – et surtout de ses profs –, Chris aurait mieux fait parfois de s'intéresser à ses bouquins plutôt qu'à ses compétences en vol. Là, ça prit des proportions totalement hors de contrôle ; il passa le week-end à frapper des Cognards, crier sur ses pauvres équipiers qui avaient l'espace d'une heure décidé de s'entraîner avec lui et qui ne comprenaient rien à la beauté du sport. Il était plutôt tombé que descendu de son balai le samedi midi, et s'était vu traîner jusqu'à la grande salle par un Gryffondor serviable alors qu'il faisait une mémorable crise d'hypoglycémie. Et après avoir bouffé autant qu'un ours qui se prépare à hiberner, il était reparti aussi sec taper dans ses Cognards. Le poste de batteur était, et de loin, le plus adapté pour lui. Il n'avait pas été un mauvais poursuiveur lors de ses premières années à Poudlard – même plutôt un bon si on prenait en compte le fait qu'on parlait d'un type qui n'avait jamais vu un balai volant de sa vie avant d'arriver à l'école – mais l'esprit de compétition hyper développé de Chris le servait mieux au poste de batteur. Il était bien plus doué pour appréhender les mouvements d'un Cognard que de ses coéquipiers, et au moins les Cognards eux ne lui faisaient pas la tête quand il les insultait. Ajoutons à ça une force de frappe franchement respectable, et une capacité à viser la tête des autres joueurs qui aurait ravi plus d'un recruteur de tireur d'élite, et ça faisait de Christopher un batteur au style de jeu agressif, pénible, toujours surprenant et foutrement efficace.
Bref, toujours était-il qu'il avait passé le week-end à s'appliquer à ne pas penser en s'entraînant, et que ça avait plutôt bien fonctionné. Bon, il restait toujours les moments où il dormait, où il faisait des rêves... bizarres. A son grand désarroi, si son inconscient était aussi paniqué que lui à l'idée de relations sexuelles entre hommes, par contre il acceptait très bien l'idée d'un lien affectif qui ne serait pas franchement de l'amitié. Voire pas du tout. Et Chris tentait de se persuader que non c'était-pas-possible, en se fatiguant exagérément et en évitant plus ou moins volontairement ses potes. Il n'avait aucune, mais alors aucune, envie de parler de ça. Ça rendrait les choses beaucoup trop réelles.
Bon après, sûrement que le prof en question aurait changé d'avis d'ici peu de temps. Il venait juste de débarquer, et Christopher ne voyait vraiment pas pourquoi un mec qui s'intéressait à autant de choses dans le monde, et avait accessoirement 11 ans de plus que lui, s'intéresserait à lui. Hormis pour vérifier s'il faisait toujours de l'effet. Et là en général, Chris repensait à ses longs cils, ses airs de chat paresseux et prédateur, et sa main sur sa gorge, et... Bingo, il rougissait tout seul. Ah, il était tellement mal barré...
Le lundi matin, Christopher avait pris un oreiller dans la tête de la part d'un de ses petits camarades, qui lui hurlait accessoirement de se lever. Il roula dans ses couvertures, tentant de disparaître – mais on ne fait pas disparaître comme ça 1m85.
« J'veux pas y aller... » « Arrête Chris et bouge-toi. C'est pas comme ça que tu vas avoir tes ASPIC. » « C'est Benedict qui aura mes ASPIC », répondit en râlant le blond, après s'être extrait de son lit.
Après s'être lavé, et passé une robe de sorcier sur un jeans et un sorcier d'une des batteurs des Montrose Magpies, Chris descendit vers la grande salle avec l'attitude d'un condamné à mort. C'était horrible, c'était lundi matin et il était épuisé à cause de son week-end – trop – sportif, et en plus il avait étude des moldus dans l'après-midi. La poisse. Il entra dans la grande salle pour se diriger vers la table des Poufsouffles, où il s'assit non loin de son équipe de Quidditch. L'une des poursuiveuses, qui était rancunière, lui disputa une pomme en criaillant d'une voix aiguë, s'attirant donc très logiquement un regard franchement lourd de la part du batteur. Vu son expression, elle estima préférable de la fermer vite fait ; beaucoup de gens pensaient que les Poufsouffles étaient des êtres tranquilles, voire chiffes molles. Sans doutes trop de fricatives dans le nom de la maison. La plupart des sorciers ayant cet avis changeaient rapidement d'avis si jamais ils voyaient Christopher en action – les Pouffy pouvaient tout à fait avoir du caractère, en réalité. Et même un mauvais caractère !
Premier jour de cours. Premier jour de cours. Premier jour de cours. Tout. Va. Bien. Se. Passer ! Allez Keller. Tu ne vas pas enseigner à des cannibales quoi !
Devant son miroir, Sebastian faisait les cents pas, nerveux comme un première année à qui on n’a jamais parlé du Choixpeau et s’imagine devoir traverser des épreuves dignes du Tournoi des Trois Sorciers.
Malgré sa très plaisante arrivée à Pré Au Lard, il n’a quasiment rien dormi. Il aurait pu. Il aurait dû surtout. Mais jamais il n’avait voulu venir ce foutu sommeil. Jamais. Pas même après avoir pris une de ces potions légères qu’il savait faire et dont il avait toujours un échantillon.
Donc non, il avait dormi 3h, par bribes en plus. Et le pire du pire c’est que ce satané élève était dedans à chaque fois. Tout le temps. Et il était affreusement perturbé, repensant à ses lèvres beaucoup trop souvent pour ça soit honnête et raisonnable.
il avait fini par se lever trop tôt, sous une aube blafarde, regardant par la fenêtre le soleil qui peinait à s’élever. Quelques animaux semblaient se promener, profitant de l’absence d’élèves pour quitter la forêt interdite.
Sebastian se glissa dans sa salle de bain. Le luxe après des années de voyages et périples dans bien des contrées où avoir une douche froide était déjà une chance.
L’eau coulait dans la baignoire qui faisait la taille d’un jacuzzi. D’ailleurs, avec un sort bien lancé, ça le deviendrait. Il mit quelques sels de bain qu’on avait laissé là à sa disposition. Le geste était sympa. Même si ce n’était pas son truc à la base. Pas très viril en fait. Mais bon, l’odeur était agréable et ça le détendrait.
Après un bain, le choix laborieux de sa robe de sorcier, tout ça pour choisir au final une robe de sorcier de couleur franchement Serdaigle et un chapeau pointu assorti, avec pour seule fantaisie dans le style d’avoir Brigitte perchée sur son épaule.
La Mangouste, aussi curieuse qu’une pie, regardait partout. Jamais elle n’était entrée dans un château, encore moins de cet âge et de cette taille. Elle restait dans le col de la robe, au chaud, craignant cette humidité à laquelle elle n’était pas du tout habituée.
Finalement, Sebastian finit par faire son entrée dans la Grande Salle pour prendre son petit déjeuner. Il s’était préparé, du moins l’avait-il cru, à se faire scruter sous toutes les coutures et peut-être même autopsié tant qu’à faire. Mais le silence de mort qui s’abattit dans la pièce le tétanisa presque. Brigitte lui griffa gentiment la joue avant de descendre à toute vitesse. Elle se mit à aller renifler les chevilles de plus proches, mêlant cris inquiets devant un animal inconnu pour la plus part des sorciers, curiosité, gloussements. Certains se levaient à moitié des bancs pour scruter la minuscule bestiole qui finit par sauter sur une table avant de remonter l’allée, très à l’aise. Bah voyons. Elle lui montrait comme faire quoi. Du coup, après avoir pointé sa baguette sur sa gorge pour amplifier sa voix, Sebastian lança un tonitruant – et en prime il avait surement sous-estimé l’acoustique de la pièce - :
BONJOUR TOUT LE MONDE !!! Et il remonta, dans le plus grand des calmes, l’allée en faisant des saluts de la tête et de la main, digne britannique imitant sa Reine. Soudain, il entendit le cri de Brigitte qui sautillait sur place. Son regard se reporta sur elle et sur :
ça alors ! Ch… Monsieur Carmichael !
Oulaaaaa. Il s’était emballé sur l’accent allemand, sous le coup de l’émotion sans doute. Avec un grand sourire, il s’approcha avec la tranquillité du félin qui savait que de toute façon sa proie était acculée.
Comment ça va ? Décidément, Brigitte vous apprécie. Beaucoup.
Avec une nonchalance tranquille et un j’menfoutisme impérial, il s’installa à côté de lui. Il avait tout le temps de connaitre ses collègues de toute façon. Et puis ça faisait guindé, selon lui, de se tenir là bas au bout genre « hahaha on ne se mêle pas aux petites gens et on vous surveille ». Bref, en fait, l’idée de prendre ses repas avec ses élèves lui plaisait bien.
Une fois installé, il attrapa une assiette qu’un élève lui tendait, partagé entre curiosité, timidité et fayotage intensif – et qui battit en retraite immédiatement après, surement qu’il venait de se rappeler qu’il avait un parchemin à finir - et se servit.
ça ne vous dérange pas que je mange avec vous j’espère ? Des amis vont se joindre à vous ?
Chris avait beau être chiant avec sa mauvaise humeur récurrente du lundi, son équipe devait l'apprécier puisque quand Brigitte lui fonça dessus avec dans l'idée de gratter son jeans – sous sa robe de sorcier – pour le saluer, l'attrapeur s'écria : « ATTENTION ! » L'écossais protesta que non ça allait, tout en se penchant pour gratter la bestiole entre les deux oreilles :
« Salut toi. Tu vas bien ? »
Pendant ce temps, le gardien se foutait de l'attrapeur et tout ce petit monde criaillait joyeusement. Chris quant à lui prit une grande inspiration, parce que si Brigitte était dans la zone ça voulait dire que... Il releva le nez de la mangouste en entendant son nom de famille et oh, ouais, c'était bien lui. Le prof allemand qui avait des influences très bizarres – et forcément néfastes ! Très néfastes ! – sur lui. Il eut un faible sourire, se redressant en laissant la mangouste lui grimper sur les genoux.
« Monsieur... »
Et là se rendit qu'il ne connaissait absolument pas son nom de famille. Mais sérieusement comment avait-il pu croire ne serait-ce que quelques secondes que ce type jouait fair-play ? Pour cette fois-ci, heureusement, il était tellement paniqué par la confrontation immédiate de la team de Quidditch et du prof qu'il n'arrivait même pas à en rougir. Il se poussa légèrement sur le banc pour laisser de la place à Sebastian qui de toute façon ne lui avait clairement pas demandé son avis et eut un sourire nerveux. Il avait toujours sa pomme à la main et se sentait superbement, incroyablement con.
« Ouaip, je l'aime bien aussi. »
Brigitte posa les pattes sur la table, avec manifestement dans l'idée de chasser un petit déjeuner. La Poufsouffle de sixième année qui était en face de Christopher se recula avec un mouvement de frayeur, et le batteur eut l'obligeance de lui préciser :
« C'est une mangouste haïtienne, elle te fera rien de mal si tu l'embêtes pas. »
Pour le coup, elle en interrompit son mouvement de recul, proprement séchée de constater que Chris savait quelque chose qu'elle ne savait pas et qui ne concernait ni le Quidditch ni les molduseries. Il laissa la belette manger un peu de ses œufs brouillés, adressant un sourire nerveux à Sebastian.
« ça va et vous ? … En fait, mes amis sont à côté de vous, là. »
Il fit un signe de main qui aurait fait tiquer sa mère et déclaré que ce garçon était pire à éduquer qu'un poney shetland.
« C'est l'équipe de Quidditch, plus quelques types de mon dortoir. Les gens, j'vous présente le prof d'études des moldus... »
Et il le laissa dire son nom lui-même, puisque lui ne connaissait que le prénom. Il put ainsi disputer SES œufs brouillés à la mangouste, et lui fit la remarque qu'elle en avait sur les moustaches. Pendant ce temps-là, un murmure de bonjour un peu déconcertés s'éleva de la poufsoufflesque troupe qui entourait Seb et Chris.
Et Sebastian distribua poignées de main, clins d’oeil et autres saluts tous aussi familiers à la table.
Vous vous rendez compte que durant mes sept années ici, j’avais du m’assoir trois fois chez les Pouf ? Une fois à Griffondor. Et encore. J’les aimais pas trop. Trop péteux. Et pis jamais chez les puceaux. Trop hargneux à cause de ça. Vous croyez pas ? Regardez les froncer du nez les Serpi. Si ça pue pas la frustration hormonale hein ?
Pendant ce temps, Sebastian, tout en parlant, se servait généreusement. Son subtil (oui, lol !) mélange anglo-germain faisait de lui un sérieux mangeur. outre deux saucisses fumées, du bacon et des œufs brouillés, il lorgna sur le gruau.
J’adooooore ces elfes de maison. Même ma mère ne rivalise pas. Enfin SURTOUT ma mère. Ch’crobonch. Brigitte, léger sur les œufs. Trouve toi plutôt une souris à manger. Et je te rappelle : ici, les rats ils ne se mangent pas. Ce sont des compagnons pour nos petits élèves.
Il en vit d’ailleurs un, sûrement de première année, voire même de -2 ou -3è année tellement il était petit (ou alors on acceptait désormais les gobelins ????), qui blêmit à cette idée.
Non mais vous inquiétez pas. Elle m’obéit.
Enfin la plupart du temps. Si on lui agitait des rats à longueur de journée sous le nez, par contre, y a un moment donné, elle risquait bien de se laisser tenter. Faudrait qu’il voit s’il y avait un truc magique à faire pour éviter les drames.
Moi ça va bien. Aussi stressé que si on allait me répartir je crois bien. J'ai passé mon week end à rêvasser de jardin sauvage et en friche, où je pourrais m'étendre pour profiter des rayons du soleil, pour me destresser. Mais tant que j’ai de l’appétit c’est que ça va.
Seb évita de regarder Christopher en disant ça. Il l'imaginait déjà en train de rougir. Il gloupsa la nourriture qu’il avait dans la bouche, daignant enfin, après tant de suspens insouuuuutenable, se présenter.
Sebastian Keller. Seb pour les intimes. Mais vous êtes mes élèves alors ça sera Monsieur Keller pour l'instant.
Il lança un clin d’œil à un Serdaigle qui passait par là et qui en lâcha son assiette sous le coup de l’émotion. Visiblement, les profs qui mangeaient avec leurs élèves, ça ne se faisait toujours pas.
Rholalalaaaaa. De mon temps, Dumby essayait de rendre les choses plus cools. Mais visiblement ça reste coincé façon British. Manque plus que le chapeau haut de forme et les queues de pie les mecs. Allez ! On s’détend. Qui fait « étude des Moldus » ici ?! Si vous venez pas, bah vous avez rien à craindre. Et si vous venez, vous verrez que je suis assez sympa. Pour peu qu’on ne me prenne pas pour un con évidemment.
Et hop, petit coucou du bout des doigts à un Serpentard qui passait par là. Sebastian Keller, 31 ans, éternel gamin resté à Serdaigle pour la vie visiblement. Ça puait quand même légèrement le favoritisme.
Et du coup, le quidditch ? C’est quand le prochain match ? Et l’entrainement ça donne quoi ? Vous avez tapé du cognard monsieur Carmichael ? Racontez moi donc votre entrainement.
Il se tourna vers lui, sincèrement curieux de savoir et les yeux trop brillants de plaisir d’avoir une raison de le regarder pour que ça soit bien honnête. Franchement, de tout le week end, de toute façon, il n’avait vraiment eu aucune envie d’avoir intention honorable avec lui. C’était absolument tout sauf déontologique mais Sebastian commençait à se dire que ce n’était pas bien grave au fond.
Prof ou pas, il allait finir par se faire taper avec ses allusions à la con ! Christopher voulait bien imaginer que c'était très drôle de le mettre mal à l'aise surtout vu sa propension à gérer ça comme une pucelle effarouchée – pas un rôle qu'il se voyait jouer d'ailleurs mais apparemment il y arrivait bien... Mais là sérieusement, il cherchait. Le batteur, assez peu désireux d'attirer l'attention sur lui, se ferma plus ou moins à la conversation, préférant mener sa propre discussion avec Brigitte, qui elle au moins ne s'amusait pas à faire exprès de l'emmerder juste à côté de plein d'autres Poufsouffles. Heureusement, les autres Poufsouffles en question étaient de une accueillants quand bien même l'intrus était un prof, et de deux prêts à mettre les réactions de Chris sur sa mauvaise humeur du lundi. Une fille aux grands yeux verts se retourna pour voir qui faisait tout ce boucan avec son assiette et observa le Serdaigle rattraper sa dignité et ses morceaux d'assiette au sol, tellement dans le jus qu'il n'avait pas pensé à utiliser sa baguette.
« Prof d'études des moldus ? Oh, il me semble qu'il y en a quelques uns qui vont suivre votre cours ici, mais pas moi en tout cas. Je suis sang-mêlé, alors bon, comprenez... »
Chris, n'ayant absolument pas écouté, ne réagit pas à cette affirmation. D'ailleurs personne ne s'en formalisa, vu qu'il s'intéressait ouvertement à la mangouste plus qu'aux paroles qui se prononçaient juste à sa gauche. Le Carmichael le lundi matin était un être volontiers mufle pour peu qu'on l'emmerde un peu – et même si on l'emmerdait pas, en fait. Heureusement, le mot magique de Quidditch le fit sortir de son aparté avec la bestiole du prof, comme c'était à prévoir le connaissant.
« Dans un mois environ, et on a une stratégie d'enfer, on va les démonter. »
Il prit un regard lourd d'avertissement de la part du gardien, qui semblait le décourager TRES sérieusement de commencer sur ce sujet-là, alors qu'un concert de soupirs s'élevait de la table. Chris se récria donc avec la vigueur d'un smiley outré :
« Non mais c'est bon j'allais juste dire ça ! En plus elle est top secrète notre stratégie j'vais pas en parler alors qu'il y a autant de monde ! Et oui j'me suis un peu entraîné ce week-end. » « Dis plutôt que t'as fait que ça, Chris », proposa gentiment une de ses équipières avec un petit rire.
Le restant de l'équipe de Quidditch avait préféré réviser les examens, comme des étudiants bien studieux et normaux, mais évidemment, on ne pouvait pas demander à un Christopher stressé et en plein dans les affres d'un questionnement qui ne lui était jamais venu à l'esprit auparavant de se concentrer sur des bouquins. Il compenserait plus tard en culpabilisant au possible et en saoulant Benedict pour qu'il réussisse un miracle en l'aidant à décrocher assez d'ASPIC pour dire qu'il n'était pas juste venu pour découvrir le Quidditch. C'est là qu'on souhaite tous bonne chance à Benedict.
« J'ai peut-être un peu forcé. » admit de mauvaise grâce le batteur, avant de tourner le regard vers le prof.
Putain ça foutait toujours un coup quelque part entre les reins, la poitrine et l'estomac, quand même. C'était totalement déloyal. Mais au moins à cause de la pression genre « haaa tout le monde me regarde », Chris parvint à avoir l'air à peine troublé. Genre, troublé parce qu'un prof était avec eux à table, pas bien plus. Nickel.
« Mais je serais prêt pour le match, ça, c'est certain. Vous aimez regarder les matches de Quidditch ? »
Il ignora le commentaire du gardien : « pour le match, c'est sûr, pour les exams, ça l'est moins... »
Sebastian sentit le changement d’atmosphère et le plein d’ondes négatives autour de Chris et se demanda si venir spontanément s’installer à la table des élèves était une bonne idée. Son envie de parler à ce satané écossais, d’apprendre à le connaitre lui faisait à moitié perdre la tête. Mais visiblement, parler de Quidditch suffisait pour le lancer. Ah. Tant mieux. Et Chris parlait. Et Sebastian écoutait avec un sourire à la fois amusé et un rien complice qu’il effaça très vite dans la crainte de se faire griller. Il prit un air absolument sérieux, raisonnable, avec l’amabilité d’une nageuse est-allemande gardienne de prison à ses heures perdues. Air qui ne tint pas 12 secondes quand Chris s’adressa à lui – AAAAAAAAAH lui fit son esprit – et du se retenir de ne pas lui balancer que pour peu qu’il y soit, il materait même un reportage sur les narcoleptiques.
Oh mais j’adore le sport. Donc évidemment je vais regarder tous les matchs. En plus ça fait longtemps que je n’en ai pas vu un. En Haïti ils préfèrent d’autres sports hélas.
Pour rassurer Chris, il commenta quand même :
Bah, faut juste ses BUSE pour passer pro. ASPIC c’est surtout pour l’après carrière quoi. Mais effectivement, c’est mieux de les avoir. Y a encore un peu de temps pour ça. Je suis certain que Chris saura s’en sortir.
Bon, là, il s’avançait un peu. Sans parler du fait qu’il l’avait appelé par son prénom. Mais avant qu’il ne rattrape sa bévue, sa Mangouste vint le sauver.
Brigitte commençait visiblement à s’intéresser de près aux élèves. Et à leurs sacs. Elle fouillait dans un d’eux avant d’aller se percher sur la tête d’un élève et ainsi de suite. Sebastian avait beau la gronder, la Mangouste était trop excitée par tant de nouveautés.
Du coup, il finit par faire claquer un :
NEIN !
Qui calma à peu près les ¾ des personnes présentes.
Non mais faut pas vous emballer. C’est juste que l’allemand est plus rugueux que l’anglais. Du coup elle écoute davantage.
Ah ça, pour écouter, elle écouta. Froissée comme pas deux, d’un air digne et noble, elle vint se poser sur l’épaule de Chris avant de se rouler autour de son cou. Sebastian roula des yeux, refusant d’aller l’y chercher parce que là, n’importe qui pourrait interpréter ça de façon… bah réaliste en fait.
Super. Traitresse. En même temps, que sa Mangouste adopte Chris était tout aussi louche. Du coup, il lui parla plus doucement, en français, en priant pour que les élèves ne comprennent pas tout. Il lui murmura que c’était déloyal, qu’il allait avoir des problèmes et que c’était gênant comme tout pour eux deux. Oui, elle reverrait Chris mais non, elle ne pouvait pas le coller. Non ce n’était pas son Co-Humain. Non. Et non, fallait pas faire cette tête d’enterrement là parce qu’il n’était pas son Co-Humain. Rho !
Brigitte cessa de bouder pour aller s’enfuir dans son sac. Sebastian eut la bonté de ne pas trop rire de ses manigances.
Bon et du coup vous avez quoi comme cours aujourd'hui, dites moi ?
En fait, il était curieux. Il aurait bien aimé connaitre les programmes. Peut être même assister à des cours. Histoire de voir s’il était toujours à jour. Arf. Fallait choisir. Etre élève ou prof. Et visiblement, pour l’instant, il se comportait comme un élève malheureusement.
Le commentaire sur les résultats aux examens arracha un léger sourire, qui trouvait ça à la fois mignon... ENFIN NON pas mignon, mais euh... Sympa, voilà, de la part de Sebastian de tenter de le rassurer. Aurait-il réfléchi plus avant qu'il se serait dit que c'était aussi particulièrement irresponsable de la part d'un prof, mais la mangouste et son show l'empêchèrent de se faire la réflexion. Alors qu'un nombre certain de Poufsouffles sursautaient au cri germanique, Chris quant à lui, habitué aux éclats de voix incontrôlés grâce à une enfance passée dans un clan écossais, se contentait de tourner un regard curieux vers Seb. Il se retrouva bientôt avec la mangouste vexée enroulée autour du cou, et c'était super con mais il aimait bien l'idée que cette bestiole ait de l'affection pour lui. Il la laissa néanmoins partir dans le sac de son légitime propriétaire, tout en haussant des épaules au regard interrogatif d'un de ses équipiers, qui trouvait que cette complicité avec la bestiole du prof était des plus louches. S'il savait, le pauvre. D'ailleurs, tiens : non qu'il ne l'apprenne jamais. Chris avait déjà bien du mal à y penser dans sa propre tête sans se sentir éminemment gêné et parfaitement con, alors l'expliquer à d'autres, non merci. Il n'aimait pas spécialement les humiliations totales en public !
Il fit la grâce à Sebastian de lui répondre, parce que son cri teuton avait semblait-il effrayé toute la bande des Poufsouffles, qui s'étaient timidement penché sur leurs assiettes.
« Ce qui est sûr c'est qu'on a DFCM et potions ce matin mais j'sais plus dans quel ordre. »
La poursuiveuse qu'il interrogeait du regard lui fit signe que non avec un petit soupir signifiant que, quand même, en avril ça serait peut-être bien de connaître l'emploi du temps par cœur. Christopher ignora ce reproche non formulé à voix haute avec aplomb, et continua :
« Et cet après-midi on a un trou, puis ben... Etude des moldus pour ceux qui ont cette option. Et après j'sais plus mais y'a d'autres trucs. Et j'compte aller m'entraîner en fin de journée. »
Comme ses coéquipiers lui lançaient des regards lourds de sous-entendus, le Poufsouffle se mit sur la défensive :
« Mais quoi ?! » « Tu devrais réviser Chris », énonça la poursuiveuse aux grands yeux verts. « Oui, c'est prévu. Puis si j'ai besoin d'aide en étude des moldus, promis je demanderais à monsieur Keller. »
Han ! Provocation caractérisée ! En réalité, le batteur avait plus dit ça pour qu'elle le lâche qu'autre chose ; il avait horreur qu'on lui rappelle qu'il avait une masse de taff impressionnante à fournir, et donc avait parlé d'une des matières qu'il maîtrisait sur le bout des doigts afin que la jeune femme se dise que de une, il était vraiment trop con, et que de deux puisque c'était comme ça qu'il le prenait elle le laisserait se planter en beauté et ça serait bien fait. Le regard de Christopher survola les tables de Serdaigle, et s'il avait bien repéré Clarence, qui mangeait son petit déjeuner avec le sérieux et la classe qui le caractérisaient en toute circonstance, aucune trace de Benedict. A tous les coups ce nabot ne dépassait pas des autres têtes, encore – ceci est un exemple typique de la mauvaise foi écossaise.
« Quelqu'un a vu Benedict ? » « Oh tu nous saoules avec ton Benedict à force, Chris. »
Il se renfrogna, jetant un regard accusateur et dérangé à la personne qui venait de le tacler. Il lâcha alors la table des Serdaigles, se disant que Ben avait encore dû rater son réveil. Typique. Et sourit à Sebastian, naviguant entre mauvaise humeur, méfiance et intérêt sincère :
« Vous avez beaucoup de cours aujourd'hui ? »
C'était étrange, un Carmichael qui tentait de socialiser le lundi matin...
Oh ! On se voit cet après midi ?! Cool. Qui d’autre ?!
Un autre élève leva la main, ce qui fit rire Sebastian. Lever la main pour intervenir. C’était tellement… « has been ». Holalala. Il allait devoir mettre bon ordre dans sa classe sinon ils allaient être plus chiants qu’un cours d’histoire de la magie sérieux.
Une élève, un peu plus loin, murmura en rougissant :
Moi, ce matin, avant le déjeuner avec les 5è années. Ah cool ! Avec vous j’ai prévu qu’on voit… Attendez.
Il sortit de son sac un épais cahier. Epais du genre encyclopédie Universalis édition deluxe, avec préface dédicacée de César à Staline. Des feuilles volaient d’elles même autour de l’ouvrage. Sebastian tira sa baguette.
Allons, allons les enfants. En place s’il vous plait. Ouvrez vous au cours de 6è année. Merci.
Le bouquin s’ouvrit vers la fin, recrachant une plume. Seb la récupéra du bout des doigts.
Ah, il était passé là le canari de Mamie ?! Oups. Bref. Alors, mes bébés de 6è année ont… AAAAAAAH OUI. Fabuleux !
Il referma d’un geste sec le livre qui émit un couinement de douleur.
Cuisine moldue ! Avec dégustations à la clef, bien sûr. Ça sera sur plusieurs cours. Mais vous allez apprendre à faire cuire des pâtes sans magie par exemple. Et bien croyez-le ou non mais c’est bien plus compliqué qu’il n’y parait. Rien que le feu… ça va être très drôle. Juste… rassurez moi. Vous avez vu les sortilèges d’extinction d’incendie et les contre poisons ? C’est au programme il me semble ?! Oui, soudain, Sebastian s’inquiétait des capacités non magiques de ses élèves. Lui, la première fois qu’il avait fait à manger, il avait été malade pendant trois jours. La fois suivante, il avait tout mangé cru, incapable de faire un feu non magique. Quant à la troisième fois, sachez que non, pousser votre feu avec de l’alcool à bruler n’est pas une idée de génie, loin de là. Le barbecue s’était transformé en un des pires incendies que le Brésil ait jamais connus.
Le regard de Sebastian se porta sur Chris avec un sourire en coin. Oh ! Il voulait des cours particuliers ?! Sérieusement ou ? Avant que son imagination ne devienne débordante et franchement un rien trop audacieuse, même pour des jeunes de 20 ans, il toussota poliment, déglutit, rangea son livre pour cacher le trouble délicieux qui s’emparait de lui en imaginant Chris s’attarder gentiment à la fin de son cours. L’idée de l’embrasser de nouveau… Hummffff… Hummffff.
Son imagination, pourtant, tourna court, très court même, à l’évocation de… Benedict ? C’est qui ça Benedict ?! Un ami sans doute. Mais la réaction de la Poufsouffle à Chris lui indiqua que… plus ? Non. Vu son émoi de l’autre jour, non. Non ? ça ne sonnait pas très agréablement. Mais bon. Sebastian et Chris n’avaient rien signé. Rien décidé. Et c’était qui ce Benedict ? Quand même ? Il chassa ce nom de ses pensées. C’était puéril. Mais un peu vexant. Il aurait pu lui dire s’il voyait un mec quand même. Il ne voulait pas foutre la merde.
Hum ? Des cours ? Moi ? Oh… heu… Un double avant le déjeuner donc. Une heure avec les deuxième année. Et puis vous donc. Je ne vous dis pas ce que je vous réserve mais ça va être assez sympa. Enfin je pense. Et… ça va. On a de la chance. Ils annoncent du beau temps.
Un rien chafouin soudain, mais refusant de se l’avouer, et surtout refusant de savoir pourquoi, Sebastian siffla Brigitte qui était repartie en exploration.
Allez. En route jeune fille. J’dois aller dans la salle des profs récupérer des parchemins. Oui, oui, emporte donc du bacon mais ne viens pas pleurer que tu es devenue obèse.
La Mangouste reposa immédiatement le bout de viande, se glissa sur l’épaule de Chris en poussant un petit cri. Sebastian alla l’y déloger. Avec précaution. Il posa ses doigts sur le cou de Chris, ne cherchant pas à en profiter vu la situation. Mais son regard se fit un peu plus sombre soudain. Et un peu sévère peut être.
Désolé monsieur Carmichael. Elle a décidé de n’en faire uniquement qu’à sa tête. Allez. Viens-là et laisse le un peu tranquille. Il en a peut être marre de nous voir tu sais ?!
Sebastian se leva de table, saluant chaque élève avec un sourire.
Au plaisir de tous vous recroiser.
Et, instinctivement, son regard fini, avec une fraction de seconde en plus, par se porter sur Chris avant de quitter la grande salle.
Le Poufsouffle n'écouta que distraitement le programme réservé aux 6ème année – il s'en fichait, il avait validé cette année-là, déjà. Il eut néanmoins un léger sourire à l'enthousiasme du prof, qui faisait eh... ouais, plaisir à voir. Il se chargea de lui donner la réponse qu'il cherchait :
« Oui, on a vu ces sorts-là. D'vrait pas y avoir de problème. »
Quoique, niveau extinction ?... Chris s'empêcha fermement de continuer à penser sur ce terrain-là – qui était fort dangereux, surtout avec les rêves du week-end qui revenaient de temps en temps le hanter –, et accueillit la mangouste qui venait se réfugier contre lui alors que Seb venait d'annoncer qu'ils devaient y aller. Chris étant ce qu'il était, il ne fit absolument pas le lien avec l'évocation précédente de Benedict, se contentant de sourire gentiment au prof, qui avait arrêté de rouler des mécaniques et de le mettre mal à l'aise, donc qui était rentré dans ses grâces. C'était pas difficile de se foutre Christopher dans la poche, suffisait de ne pas appuyer sur son désagréable complexe d'infériorité et de ne pas le mettre mal à l'aise et pouf ! Magie, il aimait bien les gens. Bon cette remarque ne comptait que lorsqu'il ne s'agissait pas de Quidditch, qu'on soit clair.
Il bloqua légèrement lorsque Sebastian le toucha pour récupérer sa mangouste, lui adressant un sourire un rien nerveux avec un rougissement mal camouflé sur les joues. Il ne poussa pas le vice à répondre que non, il n'en avait pas marre de les voir, et il répondit simplement au regard un rien longuet par un sourire gentil.
Il s'intéressa ensuite à terminer ses œufs, tout en se défendant auprès de « trop bien s'entendre » avec la bestiole du prof.
« J'ai un fluide avec les animaux. » « On en parle de ton chat ? … » « … Ouais nan mais Auchentoshan c'est pas pareil. Il est programmé génétiquement pour n'aimer personne. » « Généquoi ? » « J't'expliquerai. Ou mieux on d'mandera à … monsieur Keller. »
Bien rattrapé, Chris allait l'appeler « Sebastian ». La boulette.
« Tu crois que ça sera intéressant ? »
Chris haussa des épaules avec un je m'en foutisme superbe :
« Eh bien, ça fera jamais de mal à vos têtes d'anglais mal dégrossis mh ? »
Un des Pouffys protesta avec vigueur qu'il était gallois, et l'écossais répondit avec aplomb, le sourcil levé en manière de dédain peu subtil :
« Pas mieux. Bon allez, direction la... on a quoi déjà ? » « DFCM, Chris... » soupira la poursuiveuse, désespérée par son équipier.