« It’s not a game anymore and we’re not kids. You can cry mercy all you want, but nobody is listening. It’s just you screaming into a void. »
“Yes, horrible things do happen. Happiness, in the face of all of that, that’s not the goal. Feeling the horrible, and knowing that you’re not gonna die from those feelings, that’s the point.”
Tu sais ce que c’est. La beauté du hasard, une rencontre anodine. Juste une personne qui s’assoit à côté de toi, qui te dit bonsoir avec un sourire poli. Qui te lance un regard qui ne veut rien dire. Et toi tu te dis que tu ne la reverras jamais. Toi, t’es loin de t’imaginer que ce regard signifiera un jour tout pour toi. Que toute ta vie pourra être résumée dans cet instant hasardeux. Il ne se passera plus un seul instant sans que tu n’essaies de revivre cette seconde que tout le monde a déjà oubliée. Le battement d’ailes du papillon qui déclenche le cyclone. C’est là, c’est en train de se produire. Tu ne t’en rends pas compte. Tu ris, t’es heureux. Tu passes une bonne soirée. Tu bois ton verre de vin comme si demain n’avait pas d’importance, comme si t’avais oublié les déceptions d’hier. Tu ris, tu regardes cette personne qui ne compte pas encore. Si tu savais, tu te barrerais en courant. Si tu savais, tu ne rirais pas, si tu savais, tu lui balancerais ton verre de vin à la gueule et ton cœur crierait victoire.
Mais cette personne continue de te regarder et de te sourire. Et dans ton espèce de bonheur factice, tu entames la discussion. Tu ne te souviens probablement pas des premiers mots que vous avez échangés, mais les derniers te hanteront jusqu’à la fin de tes jours.
Tu sais ce que c’est, toi, ces rencontres que tu n’attendais pas et qui font basculer ta vie alors que t’avais rien demandé. Ces rencontres qui sont à la fois les meilleurs et les pires souvenirs de ta vie. Ces rencontres dont tu ne cesses de rêver au fond de toi, ces rencontres que tu aurais préféré ne jamais faire.
Tu sais ce que c’est que de te réveiller en larmes parce que tu sais que c’est terminé, ce déchirement au fond de tes entrailles que tu ne peux pas recoudre, ton cœur broyé que tu tiens au creux de tes mains, tu sais ce que c’est que de vouloir hurler à la mort parce qu’on t’a volé un morceau de toi, parce qu’on ne te le rendra jamais, parce que tu ne seras plus jamais entier. Tu les connais par cœur ces promesses que tu te fais à toi-même pour tenter d’y survivre.
« Plus jamais ça. »
Et à chaque fois, ça recommence de plus belle.
A chaque fois, tu crois à l’innocence de ce putain de premier regard. A chaque fois, tu t’y accroches comme à une bouée de sauvetage. « C’est peut-être elle. C’est peut-être elle qui va réussir à me maintenir à la surface. Peut-être même qu’elle va me ramener près du rivage. Peut-être que je vais de nouveau toucher terre grâce à elle. Oui, ça se voit. Je peux lui faire confiance. Il y a tellement d’éclat dans ses yeux. Son sourire ne peut me mentir. »
A chaque fois, tu ne fais que te noyer davantage. Les vagues t’emportent et tu n’as plus qu’à rentrer à la nage.
Putain d’espoir. Putain de naïveté. Putain de cœur en carton. Putains de larmes. Putain de manque. Putain de souvenir. Putain de sourire.
Je m’appelle Lysander James Livingston, et cela fait quelques temps maintenant que j’ai arrêté de croire à ces conneries d’amour, à ces conneries tout court. J’ai eu trente ans le 2 avril, avec une belle résolution en tête : ne faire confiance qu’à moi-même. S’il y a une chose que j’ai comprise au cours de ma vie, et cela est d’autant plus vrai par les sombres temps qui courent, c’est que tout le monde est faux. Je suis le premier à mentir à mon entourage, à le balader comme je le souhaite grâce à mon sourire charmeur. J’ai mes secrets, et je suis bien placé pour savoir que je suis bien loin d’être le seul. Chaque personne ici ne montre que ce qu’elle désire laisser paraitre. Certains sont plus doués que d’autres. Sans me vanter, je suis particulièrement doué à ce jeu-là.
J’ai grandi dans un manoir au bord de l’océan. Mon père, James Livingston, descendait d’une riche famille de moldus. Il a rencontré ma mère à Poudlard, comme la majorité des couples sorciers de Grande-Bretagne, ma mère, dernière fille d’une famille sorcière modeste. Je n’ai ainsi jamais été exposé à ces histoires de sang-pur qu’il faut honorer, je n’ai jamais appris à mépriser les enfants né-moldus ou de sang-mêlé, en étant un moi-même. J’ai également un petit frère, qui semble plus perturbé que moi face aux évènements de ces derniers mois. Notre relation est… fraternelle, dirons-nous. Les frères, ça se bat, ça se tape dessus, ça se crie des injures sans cesse, mais il parait que ça s’aime quand même. Et si j’ai tendance à me désintéresser de tout être humain, je buterais même des gosses pour sauver ma famille.
J’ai fait mes études à Poudlard au sein de la maison Serdaigle. Encore jeune et innocent, on peut dire que je me suis fait avoir au début. Trop gentil, trop généreux… « trop bon, trop con », comme on dit. Et puis j’ai décidé que je ne voulais pas être celui qui se laisse marcher sur les pieds. J’ai décidé que je voulais être un garçon fort et respecté, je ne voulais pas être ce petit merdeux que l’on pousse contre le mur sans même un regard. Je voulais que les gens connaissent mon nom, sans forcément me craindre, mais qu’ils sachent que je n’étais pas trop con, justement, et que je savais parfaitement me défendre si besoin. J’étais doué à l’école, je réussissais les sortilèges avec facilité. J’avais un peu plus de mal en potions (je n’ai pas l’âme cuisinière), mais j’étais très doué dans le reste, avec une fascination particulière pour les créatures magiques. Ce n’est pas pour rien que j’en ai fait mon métier… On a beau dire, je trouve souvent beaucoup plus d’amour et de bienveillance chez les animaux que chez les autres membres de ma propre espèce. Oh oui, je confierais davantage ma vie à un bon chien qu’à un collègue.
J’ai réellement commencé à m’endurcir suite à l’attaque de mes parents. Mon frère et moi avions reçu un hibou peu avant Noël nous expliquant que nos parents avaient été attaqués au cours de la nuit, et que nous ne pourrions rentrer à la maison pour les vacances. Le personnel étant débordé, personne ne s’était déplacé jusque l’école pour nous annoncer la terrible nouvelle. Nous avions dû patienter jusqu’aux vacances avant d’avoir l’autorisation de nous rendre à Sainte Mangouste. Des mages visiblement très mal intentionnés avaient surgi chez nous et avaient torturé mes parents pendant une bonne partie de la nuit. Mon père est mort de ses blessures presque immédiatement. Ma mère, elle, grièvement blessée, est restée témoin de la scène jusqu’au bout. Aujourd’hui, elle ne parle quasiment plus, encore traumatisée par le drame. Elle vit toujours dans notre manoir mais du personnel de Sainte Mangouste est obligé de se rendre là-bas quotidiennement pour lui procurer des soins et s’assurer qu’elle se nourrit convenablement. Je continue d’aller la voir souvent, surtout depuis les récents évènements. A l’époque de l’attaque, Voldemort et ses sbires n’étaient pas encore connus et n’avaient pas autant de pouvoir qu’aujourd’hui, mais le mal a toujours existé, n’est-ce pas ? Je ne saurais jamais si les personnes qui ont attaqué et tué mon père étaient sous l’influence de Voldemort, et cela m’étonnerait fort, mais ils relèvent de la même idéologie cinglante, et pour moi, c’est suffisant pour haïr quelqu’un. Enfin, haïr est un bien grand mot. Oui, quand j’avais 15 ans, j’ai haï ces hommes qui s’étaient infiltrés dans notre propre maison pour nous détruire, pour réduire notre famille au néant. Et puis j’ai grandi. J’ai appris à connaitre le monde. Rien ni personne n’est simplement blanc ou noir. On ne nait ni bon ni mauvais. On nait humain. Nombreuses sont les théories sur le fondement de l’Homme, et moi, je suis convaincu que l’on choisit ce que l’on devient. Le mal a quelque chose d’attrayant. Il est très facile de faire mal aux autres pour se préserver soi-même. Il en est de même pour le bien, c’est flatteur d’apparaitre comme un héros aux yeux de la société. C’est facile de jouer au prince charmant, au bon chevalier servant. Ce qui est difficile en revanche, c’est d’affronter les épreuves de la vie. Que l’on décide d’être Voldemort ou Dumbledore, on ne cessera jamais de s’en prendre plein la figure. Quoi que l’on fasse, la vie nous rappelle que nous ne sommes rien, absolument rien dans ce pauvre monde. Je l’ai appris à mes dépends.
Mon unique but dans la vie est de survivre. De me complaire au maximum dans mon quotidien. Je suis professeur de soins aux créatures magiques à Poudlard, ce qui est un beau métier. J’ai trente ans, j’ai vécu des histoires d’amour, et j’ai décidé d’arrêter. Je n’ai pas d’enfant, et de toute façon, que deviendrait ce pauvre gosse dans ce monde de tordus ? Je ne passerai pas ma vie à combattre les forces du mal, tout comme je ne sacrifierai pas ma vie pour protéger ceux qui ne font pas partie de ma famille. Je suivrai seulement mon instinct, ma volonté. Et personne ne pourra me nuire.
« There’s an end to every storm. Once all the trees have been uprooted. Once all the houses have been ripped apart. The wind will hush, the clouds will part, the rain will stop, the sky will clear in an instant. But only then, in those quiet moments after the storm, do we learn who was strong enough to survive it. »