rule #22: when in doubt, know your way out.
Look up “ genocide”. You’ll find a little picture of me
there and the caption will read: “over my dead body”.
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BAGUETTE : bois de cèdre, un bois réputé pour sa force de caractère et loyauté (d’après Ollivander), mesurant 31 centimètres, relativement flexible et contenant un crin de licorne.
PATRONUS : un truc argenté sans forme car il est incapable d’en produire un (et ne s’est pas suffisamment entraîné pour, surtout).
EPOUVANTARD : une banshee hurlante, lui annonçant une mort prochaine.
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Todd n’est pas idiot. Mettez-vous bien ça en tête. Il n’a pas le QI d’une moule contrairement à certains de ses camarades pourtant élevés dans les berceaux protéiformes les plus luxueux mais s’il échoue aux évaluations en classe, c’est seulement parce que les épreuves écrites l’usent bien plus qu’elles ne le devraient. Son attention sautille de questions en questions, de sujets en sujets, d’objets en insectes et en fantôme qui passe par là avec autant de légèreté qu’un crapaud qui bondit de nénuphar en nénuphar. Il se disperse, rêvasse, se perd dans ses propres parchemins et dans les couloirs du château et perd en même temps toute notion du temps, n’arrive jamais à l’heure. Combien de fois l’entraînement de Quidditch a été retardé de trente minutes ou bien d’une heure parce que Mac « avait oublié » ? Les jours de matchs, ils ont mis au point une tactique désormais inébranlable consistant à le flanquer des deux batteurs de l’équipe pendant tout le temps qui s’écoule entre le réveil et le coup d’envoi. Ils feraient tout aussi bien de le virer de l’équipe mais Mac se perfectionne avec le temps, il adore voltiger dans les airs alors même qu’il manque de glisser de son balai et de s’écraser au sol cinq fois sur sept, et puis, fait non négligeable, personne d’autre ne semble vouloir de ce poste. Le choix est vite vu : quitte à avoir un gardien qui laisse passer tous les souaffles, autant que ce ne soit pas un gardien fantôme… Mackenzie laisse les sarcasmes que ne manquent pas d’engendrer une situation pareille passer au-dessus de sa tête, s’amuse souvent à les renvoyer du tac au tac, parfois même aidé de sa baguette, paye de ses stupidités puis retourne plonger son nez dans ses bouquins. Les mots dansent devant ses yeux et sur ses parchemins qui sont d’emblée à moitié illisibles ; des répétitions, substitutions, omissions, additions, transpositions et inversions de lettres, chiffres et mots se courent les unes après les autres pendant que dans sa tête, c’est le bordel. Les examens sont une galère et une source de stress qui font régulièrement déborder le chaudron : la montagne d’informations qu’il doit avaler et que ses camarades semblent gober la bouche grande ouverte sans rien faire pendant que lui doit fournir cinq fois plus d’efforts, de temps et d’heures pour atteindre des résultats qui s’en approchent, le laisse sur le carreau à chaque fois, misérable et joyeusement résigné. Jusqu’à ses BUSEs, il gardait encore l’espoir de faire une brillante carrière d’auror mais ses notes l’ont vite fait déchanter. En fait, s’il arrivait à rentrer au Ministère pour nettoyer la fontaine du hall, il s’estimerait heureux. Et s’il pouvait passer ses diplômes à l’oral, ah, ce serait une autre histoire… C’est pourquoi réviser en compagnie de Mac, c’est accepter un flot continu de paroles, de discours et d’interrogations sans queue ni tête, c’est accepter que les points jugés essentiels par les professeurs ne sont pas forcément les points jugés essentiels par Mac, et ce pour votre plus grand, hum, échec ? Pour compenser ses performances minables sur le papier, il participe à tous les autres clubs possibles où il fait souvent plus figuration qu’autre chose, à bavarder à droite à gauche et à faire le pitre en lançant des miettes de madeleine sur des Serdaigles trop sérieux. Trop lent pour les duels malgré toute sa bonne volonté, pas assez concentré pour garder son attention sur un pauvre jeu de bavboules jusqu’à la fin, profitant du club des érudits pour recevoir quelques heures de tutorat et prêtant son modeste sens du tempo au club de musique où il ne fait qu’accompagner à l’harmonica...
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Grier soupira, un sourire automatique flottant sur ses lèvres tandis que ses yeux, eux, commençaient à montrer des signes d’agacement. Le brownie (petit singe domestique, équivalent écossais de l’elfe de maison) appartenait aux Todd depuis plusieurs générations et s’il était irréprochable concernant les tâches ménagères, question enfants sa patience atteignait ses limites. Aujourd’hui il avait pour but de mélanger les deux, à savoir : faire le ménage dans les peluches animées qui prenaient plus de place dans le lit que le petit Mackenzie lui-même, alors âge de cinq ans.
« Et celui-là ? Tu veux vraiment le garder ? » Grier tenait un vieil hippogriffe par l’aile, la seule encore accrochée. Alors que Mac jetait un œil réticent sur la peluche, celle-ci émit un gémissement à vous fendre le cœur, comme un chiot sur le point de se faire abandonner, et Grier soupira de plus belle. Il agissait sur ordre de la mère, Innes Todd, qui ne voyait dans ce ménage de printemps qu’une occasion de se débarrasser des peluches magiques à demi mâchonnées, l’œil pendant dans le vide et les poils potentiellement grouillants de virus. Innes le faisait pour son bien mais, bien sûr, à cet âge-là Mac était encore très loin de le comprendre. Lui demander de mettre un hippogriffe, un dragon, une fée mordeuse ou un petit fantôme en mousse dans une poubelle c’était comme lui demander de s’arracher un bras afin qu’on puisse le remplacer par un nouveau plus beau, plus puissant, plus « grand ». Mackenzie secoua la tête, des sanglots étouffés dans la gorge, et courut à travers la pièce récupérer la peluche d’entre les griffes de Grier.
« Oui. Oui. Je veux. Tous. » Grier fronça les sourcils avant de prendre une voix mielleuse.
« Ce ne sont pas de vraies créatures magiques, Mackenzie, tu le sais n’est-ce pas ? Si tu les mets dans ce sac-là ils seront réparés et iront dans les mains d’enfants bien moins chanceux que t… » « NON ! » Mackenzie n’y croyait pas. Les peluches n’étaient pas réparées, elles disparaissaient, quelqu’un d’autre et d’atrocement méchant leur arrachait la tête et… et…
« Allons, allons, voyons, sois raisonnable… » « Non ! » Des larmes de crocodile dégoulinaient sur ses joues maintenant alors qu’il serrait l’hippogriffe contre lui et tentait de pousser Grier loin de lui, loin de ses amis-de-toujours, répétant le même mot en boucle.
Non ! Non ! Non ! Grier laissa échapper un long soupir avant de sortir de la chambre et de glisser le long des escaliers. Mackenzie s’était enterré sous les peluches qui recouvraient le lit et écoutait, le cœur battant et le nez coulant, les échos qui lui parvenaient du salon.
« Impossible, madame, il est vraiment attaché à ces bestioles. » « Bon… il n’y en a même pas une ou deux qu’il voudrait prêter à sa sœur ? » « Non, madame. » « Tu lui a dit que – ouch, Seonag, doucement ! – qu’il avait attrapé les oreillongoules à cause d’un de ses jouets ? » « Oui, madame. » « Si je dois l’emmener à Ste Mangouste une seconde fois je… par Morgane, qu’il est têtu celui-là déjà ! » Et ce n’était que le début. Mackenzie mit un temps fou avant d’accepter de prêter ses jouets à sa petite sœur, balançant des regards inquiets sur Seonag comme si elle était un dragon particulièrement hargneux – et en effet, elle en avait parfois des airs. De leur duo ce fut elle qui hérita du tempérament explosif de sa mère tandis que Mackenzie penchait peu à peu vers le côté bonne pâte de leur père, Alistair. Sans cesse en compétition, chamailleurs, se plantant mutuellement des bâtons dans les roues avant de les retirer dans un fou rire, ils étaient une paire improbable, une fratrie bancale, des opposés et des compléments. Leurs parents les observaient avec des sourires moqueurs, les sourcils parfois froncés pour faire semblant de leur inculquer un peu de discipline, mais avant même qu’ils n’aient pu laisser une marque de savoir-vivre durable dans leurs têtes de piafs, Seonag et Mackenzie avaient grandi d’un coup en écartant toute tentative d’éducation de leurs grandes mains gauches d’adolescents.
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La table croulait sous les livres épais aux reliures de cuir, les plumes de hiboux, les tasses vides et les parchemins auréolés de traces de thé. La cuisine baignait dans le soleil lourd d’août et Mackenzie crevait d’envie d’aller en profiter, dehors, mais il avait un retard considérable à rattraper avant la rentrée et n’arrivait pas à en voir le bout. Environ toutes les cinq secondes il levait le nez, se grattait l’oreille ou bien l’arête du nez en se mettant de l’encre sur le menton au passage, et regardait par la fenêtre son père qui tentait de jardiner en combinant les méthodes sorcières (pour la facilité) et moldues (pour ne pas trop alerter les voisins). Soupir. En juillet dernier ses résultats de BUSEs étaient arrivés en larguant une bombe à retardement à ses pieds et comme sa sœur, Soenag, l’avait si délicatement dit : s’il voulait continuer à approfondir les matières où il ne coulait pas totalement, il avait intérêt à mettre les bouchées triples. Heureusement qu’il était majeur et donc autorisé à utiliser la magie pour mieux s’entraîner… même si, concrètement, Mac rêvassait plus qu’il ne s’entraînait.
« Elle avance cette lettre d’amour à ta chérie ? » lança sa sœur en débarquant dans la cuisine comme un boulet de canon. Un tapotement sur la bouilloire et celle-ci se mit à siffler bruyamment, sauvant Mackenzie d’une discussion qu’il savait déjà agaçante. Donella était en vacances en Pologne et il avait eu le malheur d’avouer à sa sœur qu’il n’avait aucune intention de payer pour un hibou international, tout ça pour poser quelques platitudes sur un parchemin qui serait illisible. Soenag avait trouvé ça révoltant. Mac avait simplement haussé les épaules. Ils sortaient ensemble depuis quoi, quatre mois ? Dont deux de vacances où Donella s’était mis à lui envoyer un hibou par semaine… Il la supportait très bien à Poudlard – bien gaulée, pas trop stupide et le plus important : pas tout le temps dans ses pattes – mais le hibou par semaine, non, c’était trop, il ne pouvait pas. Comment lui dire gentiment qu’il n’avait
pas que ça à faire que de se pencher sur un énième parchemin ? Elle le savait pourtant que l’écrit était son point faible… alors Mackenzie avait mis la confrontation de côté, imité opossum, fait le mort, et comptait bien le rester jusqu’à la rentrée prochaine. Avec un peu de chance Donella reverrait ses exigences à la baisse ou bien le larguerait dès la première minute, difficile de déterminer quelle option il préférerait…
« T’es vraiment un troll quand tu t’y mets, Mac. » reprit Seonag une fois la bouilloire calmée.
« Un troll ne sait pas écrire. Un troll n’envoie pas de lettres… » répondit Mac d’une voix de robot. Sa sœur l’ignora royalement.
« Donella est une fille vraiment bien, elle mérite mieux qu’un pauvre type qui fait semblant d’ignorer ses hiboux… » « On est d’accord là-dessus. Mais si tu tiens à ce point à ce qu’elle reçoive une lettre d’un Todd, vas-y, ne te gêne surtout pas ! » Reniflement dédaigneux de la sœur qui, commère et critique comme pas deux, ne bougeait cependant jamais le petit doigt pour arranger les choses à sa portée. Elle préférait largement les faire empirer.
« Je lui dirai tout à la rentrée. Une belle sang-pure comme elle, quel gâchis… » Mackenzie laissa tomber sa plume sur la table, dévisagea sa sœur avec un mélange d’horreur et d’incrédulité.
« Mais regardez-la, à prendre la défense des Grandes Familles… ! Je te rappelle que deux de tes grands-parents sont moldus ou ça ira ? » Au tour de Seonag de se renfrogner cette fois-ci, croisant les bras et levant son petit nez en trompette avec un dédain à peine feint.
« Et alors ? Je ne pense pas que le mélange soit une réussite c’est tout, regarde, toi, Mac, par exemple… » « Pardon ?! Deux ans que tu baragouines des sortilèges et tu te permets de… ? » Mac prit une grande respiration, posa ses coudes sur la table pendant que sa mère entrait à son tour dans la cuisine d’air absent.
« Seo, j’espère que ta crise d’adolescence sera de très courte durée. Et change de fréquentations cette année, tu veux… » « Dans tes rêves. » « Je vais t’étouffer de câlins et de culture moldue en public et tu verras, en un rien de temps tu seras débarrassée de ces pouilleux qui doivent prendre grand plaisir à te retourner le cerveau. » Choc dans les yeux de la petite blonde. Leur mère les observait avec une tasse fumante entre les mains et la concentration curieuse de celle qui observe une partie d’échecs sorciers particulièrement serrée.
« Tu… tu ne ferais pas ça ! » Un léger sourire vint flotter sur les lèvres de Mac alors qu’il haussait les sourcils.
« Tu veux parier ? » Il trainerait sa sœur par les cheveux s’il le fallait pour l’emmener du bon côté…