5 septembre 1978

"L’ancienneté, chez les punks, était signe de crédibilité et conférait prestige et avantages divers. Un des rares points communs entre punk rock et fonction publique."
~ Byebye Blondie.

La paupière lourde et l'esprit dissipé, le garçon toise mollement sa cuillère broyer son bol de porridge tandis qu'autour de lui un brouhaha nébuleux l'embaume. Les voix éraillées de ses comparses frappant les murs de la Grande Salle trahissent leur état de léthargie et de somnolence ; nul besoin de blâmer ces jeunes gens cependant, car c'est la rentrée toute fraîche qui les rend si matinaux et ensuqués. Terminée, l'habituelle inertie au creux de leurs draps jusqu'aux environs de midi, adieu les grasses matinées et les déambulations hasardeuses sous un soleil de plomb estival. La discipline scolaire a repris son cours, et les bonnes habitudes avec. « Lys', ta cravate. » C'est d'un timbre vaseux qu'un de ses camarades assis à ses côtés l'interpelle. Il désigne du chef la dégaine débraillée du mauvais garçon : cheveux épars, chemise froissée et cravate mal nouée, Lysander ne peut nier être bien mal réveillé. Car il se contente en guise de réponse d'un bref grognement non sans tenir sa lourde tête d'une main. « T'as bronzé nan ? Ca change. » Le quidam babille encore, au grand dam du brun ténébreux qui aurait préféré demeurer muet, cependant sa remarque s'avère légitime. Une teinte halée couvre l'épiderme du jeune homme, habituellement pâle et sec, trahissant des vacances ensoleillées au bord d'une plage. Lysander arbore enfin un sourire comme il se remémore ses souvenirs encore frais ; pour la première fois de sa vie, il put partir en voyage et profiter d'un environnement sain offert par son oncle. Abandonnant derrière lui les mauvaises fréquentations, les ruelles crasseuses et une bicoque usée, et rejoignant ainsi l'autre facette de la vie. Plus fastueuse, plus confortable, plus équilibrée. « Ouais. Huile de Monoï, connerie du genre. » qu'il dégoise alors, pas peu fier de sa taquinerie railleuse à l'encontre de son camarade. C'est qu'il préfère éviter de se livrer sur son nouvel environnement et renchérir de fausses excuses.

Ses pupilles moins ensuquées daignent enfin se détacher de son bol, et c'est avec indolence qu'il toise la salle sans réellement voir ses occupants. Sauf un. Assis là à la table des Serdaigles, Abu partage également le sacro-saint rituel du petit déjeuner. C'est alors dans un bond que Lysander se lève, ne daigne pas même s'excuser auprès de son comparse Gryffondor exhibant des yeux cernés par la stupeur, et qu'il se dirige à grand pas vers le concerné. Sa démarche patibulaire contraste avec les pensées noueuses qui se tissent en son cerveau ; le jeune homme ignore encore les aveux qui perleront à sa lippe face à Abu, mais il ne peut se contenter de demeurer silencieux quant à son départ soudain du groupe. Leur groupe. Celui qui écumait les rues malfamées de Londres, s'érigeant en rois de pacotille, détenteurs de rien mais persuadés de tout. Ces individus considérés louches et véreux par la société avaient pourtant été comme sa véritable famille ; des fréquentations parfois peu recommandables, avec une propension de se foutre des lois et des bonnes convenances, mais bien présents et solidaires.

C'est ainsi sans un mot que Lysander prend place face à Abu, jouant des coudes afin de s'imposer tout contre une autre Serdaigle collée à ses flancs. « Heyyyyy. » siffle la jeune fille à l'encontre du Gryffondor ignorant son regard noir, lequel plaque ses pupilles ambrées sur le garçon face à lui. « T'as deux minutes ? Faut que je te parle. » « C'est à dire qu'il a pas trop le choix maintenant. » La première année se dandine sur le banc afin de déloger Lysander, poussant le garçon avec une force inexistante. Il cille à peine et ne bronche pas, mais il feule une pugnacité patentée. « On t'a demandé d'ouvrir ta grande gueule toi ? » Et face à cette agressivité latente, la demoiselle entrouvre muette les lèvres avant de les refermer, à l'instar de son livre qu'elle glisse alors sous le bras afin de se lever et de tourner les talons, fort courroucée. Lysander cependant ne pipe mot face à la scène, se satisfait au contraire du départ de la petite blonde afin de prendre ses aises sur le banc, et sans jamais ciller fige son regard dans celui du Serdaigle.