La vieille harpie s'était emparée de sa main avec une force surprenante pour une femme dont l'âge devait dépasser le centenaire. Marlowe avait beau se débattre, tirer sur son bras, elle le tenait fermement. Sa peau pâle serait marquée d'ecchymoses et quand Finn allait l'interroger sur le sujet, il allait prétendre une amante plutôt vigoureuse. Ils riraient. Là, seulement, il ne riait pas. Il avait peur, plutôt.
«
Assis-toi. Madame, si vous ni voyez pas d'inconvénient, je partirais, plutôt, mon ami m'attend et - Assis. » Et forcé, il s'assit au sol. Quelle idée de venir voir cette voyante. Une idée stupide, glissée par sa mère, qui s'extasiait toujours des prédictions de sa médium préférée. À son sens, la divination était de la pure arnaque, mais son esprit curieux n'avait pu que se risquer à aller chez cette voyante. Il avait trouvé son adresse dans la Gazette, petit encart peu rassurant, et regrettait désormais sa venue. Dès qu'il était entré dans le cagibi à peine plus grand qu'un placard à balai, elle avait fondu dessus (réellement comme une harpie) et ne le lâchait plus.
Les doigts crochus parcoururent sa paume sans rien dire, effleurant à peine les lignes qui s'y croisaient. Le MacNair ne pouvait s'empêcher d'observer ce qu'elle faisait, ne pensant même pas à analyser la pièce dans laquelle ils se tenaient. Son côté observateur était annulé - il était uniquement fasciné par la vieille figure qui lisait dans les lignes de sa main comme lui lisait dans un livre. Finalement, un index accusateur se posa sur un délicat X au centre de sa paume. «
Là. » Là ? «
C'est là que tu mourras. » Elle était folle. Complètement. Quelle idée débile. Il avait le droit d'être débile, il avait vingt ans et surtout, il était seul aujourd'hui, mais sa débilité aurait pu affecter une autre sphère de sa vie. Marlowe réessaya de dégager sa paume, mais la prise de la voyante se raffermit, jusqu'à broyer les os de son poignet. Il glapit de douleur et prit sa baguette dans sa main, mais la pointe de celle de la voyante le découragea de jeter un sort.
«
L'ombre coule dans tes veines et elle te dévorera. Tu ne pourras jamais fuir ce destin, il va te rattraper. Celui que tu cherches ne sera jamais tien, car elle sera ta mort. Les ténèbres t'attireront, mais garde-toi bien d'y plonger tête première. Elles sont ton passé, ton présent et ta mort. »
***
(fragments épars)
***
macnairsSa mère est inutile, autant que peut l'être une femme, et son père terrifiant. Demetra n'a jamais travaillé, d'aussi loin qu'il peut se le rappeler, et seul son caquètement joyeux parvient à ses oreilles quand il fouille dans ses souvenirs. Elle n'a pas choisi son père, personne n'aurait choisi le MacNair. Quant à son père, il se souvient du noir, des cris, des sorts et de la peur. Des tortures, aussi. Le Ministère a toujours eu besoin de quelqu'un pour faire avouer les pires choses, pour effectuer ses bases besognes, et son père a toujours été un homme de l'ombre. Rien de plus parfait. Marlowe a fuit dès qu'il a pu et ne s'est jamais retourné, n'a jamais regretté d'avoir coupé le lien. Son père non plus n'a jamais regretté. Il n'a jamais aimé ce fils dont la seule utilité avouée est de transmettre son sang et son nom. Il n'a donc plus de contacts avec son père depuis la fin de Poudlard, uniquement avec sa génitrice, qui lui rappelle parfois les devoirs d'un héritier de sang pur.
finnIls se connaissent depuis avant Poudlard, depuis avant la relative liberté de l'école, et ils ont toujours été amis. Leur seul bien que l'amitié relative entre leurs pères a pu créer. Finn est le frère qu'il aurait voulu, celui qu'il a choisi finalement. Les étés chez les Avery étaient heureux. Mr Avery est un homme sévère, mais moins ombrageux et inquiétant que son père, et l'intelligence sournoise de Marlowe a semblé le rassurer sur les fréquentations de son fils. Sa confiance en le Avery est totale et il n'a jamais douté de leur amitié.
hogwartsSerpentard. La maison qui l'a choisi, qu'il a aimé, dont il a porté les couleurs avec fierté. Il a l'intelligence et la curiosité d'un Serdaigle, mais ce qui bouillait en lui alors même qu'il était encore un enfant presque innocent, se cachait au fond de son ventre et se distillait dans ses veines, n'aurait pu l'envoyer ailleurs qu'à Serpentard. Le Choixpeau n'a pas hésité et à peine a-t-il effleuré sa tête qu'il l'a réparti chez les serpents. Sa mère était fière. Son père s'en foutait.
finnC'était lui qui avait fait le premier pas, le premier qui avait posé ses lèvres sur celles de l'autre garçon. De son frère, de son meilleur ami. Dans la salle commune, une nuit d'insomnie. Ils avaient quel âge, déjà, seize ans ? Peut-être. C'était avant
elle. Cet été-là, ils s'étaient baignés nus à la rivière. Il ne se rappelle pas déjà avoir eu aussi chaud, malgré l'eau glaciale.
herIl la haïssait. Il la haïssait de sentir son odeur sur le corps de son ami, de la voir dans ses yeux, de percevoir sa présence entre eux. Un fantôme qu'il ne pouvait tuer et qui l'avait éloigné de lui. Même ses questions mourraient entre ses lèvres, de même que les protestations. Il n'a jamais rien dit, n'a jamais pipé mot, n'a jamais parlé de l'horreur de la relation entre Finn et la sang-mêlée. L'adolescence ingrate avait détourné l'esprit du Avery, tandis que le sien restait tordu. La joie était revenue avec la fin de l'école, avec la garantie tacite qu'
il ne la reverrait pas.
hogwartsIls étaient les rois de Poudlard. On l'admirait, on l'appréciait, on le méprisait encore plus, et son rire sonore se faisait entendre partout. Ni cancre, ni génie, seulement profondément ennuyé et désintéressé de tout. Affligé par l'imbécilité des professeurs, incapables de leur enseigner quoi que ce soit de pertinent. Tout aussi méprisant face aux étudiants et au fait d'être obligé de côtoyer des moins que rien, des impurs. Ses notes, entre deux eaux, lui garantissaient un avenir correct, sans plus. Il a été heureux à Poudlard. Il était libre, à Poudlard.
macnairsIl n'a même pas le droit de mentionner le nom de sa cousine, de sembler s'y intéresser. Tous s'attendaient à un cousin, d'ailleurs, pas à
ça. Non seulement elle est de sexe féminin, terrible erreur dont la responsable est morte en couches, mais elle est à moitié une créature. La nouvelle s'était répandue chez les MacNair et il a été convenu que le secret resterait entre eux. Toujours. Pourtant, aucun dégoût de la part de Marlowe. De la fascination, cela dit, de l'intérêt. L'intérêt de savoir, aussi, comment guérir l'inexplicable, comment changer la bête en belle. Sans doute est-ce ce qui l'a orienté vers le métier d'expérimentateur. Pourtant, il sait. Il sait que Calysta était déjà une louve, avant même sa morsure, et que l'animal est trop puissant. Si le tue lui, il la tuera elle.
marloweIl se sait ni beau, ni séduisant. Son corps est trop grand et trop osseux, son visage trop pâle, ses cernes trop prononcés. Il a l'élégance d'un sang pur, le visage racé des gens bien élevés, mais son regard est noir. Sa voix est rauque, basse, douloureuse.
jobSon bureau officiel est au Ministère, dans un recoin propre et maniaquement ordonné, loin des affaires importantes. Ni cancre, ni génie, mais créatif et passionné, sans peur non plus. On reconnaît l'héritier MacNair et on sourit avec mépris quand on prend connaissance des derniers sorts testés, découverts. Des trucs inutiles, à peine bons pour des farces et attrapes. De toute façon, à quoi s'attend-on du fils d'une famille aussi peu noble ? Le sang y est peut-être pur, mais le vice y coule. Il ne dit rien, il joue l'employé modèle, il expérimente et vit chichement. Ça lui donne un genre, prétend-on. Ça l'éloigne de la vie de ses parents, surtout.
marloweLes femmes l'indiffèrent, mais il doit jouer le jeu. Un jour, même, il devra transmettre son sang et son nom, à l'image de son père, et nouer le ruban d'or autour de son poignet et de celui d'une donzelle qui ne l'intéressera pas. Alors quand il embrasse les femmes, il imagine de la barbe. Et quand il les baise, il se souvient de quand il a serré ses doigts autour du cou de l'une d'entre elles, quand elle a pleuré, supplié, quand il a fait
ce qu'il devait faire. Son visage flotte encore dans ses rêves, la nuit, dans ses fantasmes et ses jouissances. C'est son secret. Le seul qu'il n'ait jamais révélé à Finn.
jobSon sous-sol est la cave des mystères, des horreurs, un musée auquel il joint chaque nuit de nouvelles créations dont l'existence ferait hurler jusqu'au plus solide des hommes. Marlowe s'y retrouve maître du monde et des inventions et la magie qu'il a appris à maîtriser, à créer, le protège du Ministère et de son nez trop long. Tout est noir, dans son âme, et même ses pouvoirs vacillent. Il ne le sait pas, mais il ressemble de plus en plus à son père. Il ne dit rien, mais chaque nuit il crée, chaque nuit il invente, et jamais il ne dort. Les hybrides dorment, crachent, hurlent, et les fauves jurent sa mort entre chaque essai. La magie noire ne pardonne pas.
marloweIl déteste le goût du tabac sur sa langue, le tabac épicé qu'il achète chez un fournisseur sorcier, mais celui-ci le détend. Il a ses vices, et bien peu de vertus.
deatheatersOn l'a approché, Marlowe Macnair, on l'a approché en lui parlant de la suprématie des sang purs, d'un homme capable de rendre ce rêve possible, cet idéal. Il est tenté, et pourtant pour le moment, il reste loin de cela. Plus ou moins. Il attend. Il se laisse désirer, il flirte avec l'ombre, mais il sait qu'il faiblira. Qu'attend-il ? Il ne sait pas.
marlowe macnairDouble face, double jeu, et pourtant tous savent qu'il est faux. Il y a trop de noirceur dans son regard, même si ses rires sont francs, son humour sincère et le charisme qui l'entoure bien réel. Il se sait ni beau, ni séduisant, mais il y a
quelque chose. Marlowe est un joueur et tout ce qu'il fait participe à cet immense jeu où il se doit d'être le vainqueur. Il n'y a pas d'autre issue, après tout. Alors il charme, il séduit, il amuse, il est insolent, indolent, il est léger et parfois ridicule, il est l'héritier volage et insouciant, il est Marlowe MacNair alors qu'il sent
qu'il n'est pas seul.