S'il y avait bien quelque chose qui le dérangeait lorsqu'il revenait à Poudlard après les fêtes de fin d'année, c'était le froid mordant de l'Ecosse. Emmitouflé dans sa grosse couette bien chaude, il n'était clairement pas fait pour ce climat-là. Au moins, à Londres, la proximité des immeubles, le vent quasi-inexistant, et les différentes sources de chaleur de la ville lui permettait toujours de bien affronter ce froid brûlant. Les couloirs du collège semblaient être du gruyère pour le pauvre marocain, qui s'évertuait tant bien que mal à se dépêcher dans les couloirs pour se maintenir chaud, là, où, d'autres élèves habitués, prenaient tous leurs temps pour se rendre de classe en classe ou à la grande salle. Sortir dehors, dans le parc, pour la récréation, c'était impossible pour lui. C'était d'ailleurs l'une des principales raisons pour lesquels il n'avait pas choisi le cours de Soins aux Créatures Magiques. Être au dehors, comme ça...
L'esprit tranquille malgré ce froid hivernal, Abu s'était levé du lit, baillant comme un crocodile. Le soleil avait commencé son ascension vers le zénith depuis quelques heures déjà lorsqu'il sortit de la douche collective enroulé d'une serviette et d'un sortilège de chaleur ambiant. Il s'habilla rapidement, mettant ces grosses chaussettes de laines au couleur de sa maison, avant de passer devant le miroir pour mettre ses cheveux en place, et rajuster sa cravate. Enfin, il quitta la pièce, reposé et propre, pour aller prendre son déjeuner dans la grande salle.
La grande salle était très certainement son endroit préféré dans le château, tant la magie transpirait des murs. Il y avait d'abords ce ciel magique qui retenait à chaque fois son attention, puis ses bougies qui virevoltaient dans toute la pièce, sans que l'on puisse savoir réellement le nombre exacte. Ces grands draps aux couleurs des quatre maisons étaient tirés au dessus de chacune des tables des quatre maisons, avant de s'arrêter devant cette estrade où la table des professeurs était afin de mieux superviser ce qui se passait devant leur yeux. Enfin, il y avait ces magnifiques sabliers où l'on voyait la maison Serdaigle prendre les devant avec un léger avantage.
L'odeur des œufs, des pancakes, des saucisses et d'autres plats fruités se fit automatiquement sentir lorsqu'il s'assit à la table des Serdaigle. Un regard vers le bacon comme il le faisait toujours en se demandant quel goût cela pouvait avoir, il se servit un bon chocolat chaud avant de tirer vers lui le plat de pancakes qu'il badigeonna de confitures de mûre. Ce n'est que lorsqu'il se mit à mâcher sa première bouchée qu'il croisa le regard de la jeune Emerald.
Aussitôt, il se figea. Il se força d'un sourire, avant de se rappeler pourquoi cette dernière semblait avoir perdu tout son éclat malgré la beauté de ses traits, et l'élégance de sa stature. Lullaby avait perdu sa sœur, sa moitié, sa jumelle dans un terrible accident. Althéa était à Gryffondor, et des deux, c'était elle la plus sociable. Lullaby avait toujours été dans son ombre, dans son sillage. Mais malgré ça, elle avait toujours été lumineuse, resplendissante, la plus heureuse de toutes les jeunes filles, que d'être près de sa sœur. Alors, Abu ne pouvait que comprendre la raison de son mal être, et de cette perte de vie qu'elle n'émanait plus depuis, bien qu'il ne puisse réellement comprendre l'état dans lequel elle devait être.
Il baissa rapidement le regard, tout en se demandant comment lui réagirait s'il venait à perdre sa soeur. Mal. Ce fut la seule chose d'à peu près sûr qu'il parvint à se formuler pour lui-même, mais il ne pouvait être plus précis. On ne pouvait connaître cette douleur sans être passé par là sois-même. Hamdoulila, la mienne va bien. pensa Abu, avant de poser son regard sur sa sœur à l'autre bout de la salle qui lui faisait un sourire éclatant. Il esquissa un sourire, avant de se remettre à mâcher. De temps à autres, il relevait son regard vers Brumes, se demandant alors si un jour, elle parviendrait à surmonter ce profond chagrin.
Abu détourna le regard vers Mikhaïl et les autres comme pour passer à autre chose. Mais cela ne se passa pas comme ça, car à chaque fois qu'il voulait se resservir de quelque chose, il devait se retourner vers Lullaby, qui ne disait toujours rien. Culpabilisant au plus profond de son âme, il finit par poser son verre de jus de citrouilles, pour croiser ses mains. Il lui fallait trouver quelque chose pour qu'elle ne se relève, pour que le Soleil l'éclaire de nouveau comme il le faisait jusqu'à la mort de sa moitié. Abu finit par se lever, rejetant la proposition de Mikhäil quant à aller à Pré-au-Lard avec eux. Il enfila sa cape, fit le tour de la table, pour s'arrêter près de Lullaby. Il lui mit la main sur l'épaule comme pour l'interpeller, et il lui dit avec un sourire plein de chaleur : « Va te prendre des vêtements plus chauds, on va à Pré-au-lard pour te changer les idées, Lullaby. »
Son petit accent dans ses mots ampli d'une chaleur digne des printemps au Maroc, puis son sourire enthousiaste sur son visage doré, Abu espérait qu'elle ne refuserait pas, et qu'elle accepterait cette main qui lui tendait. D'une part, parce que cela faisait trop longtemps que Lullaby ne brillait plus, d'autre part, parce qu'il culpabiliserait une bonne partie de la journée s'il ne faisait rien pour elle, maintenant qu'il remarquait qu'elle était en deuil depuis déjà un bon moment, et qu'il fallait l'aider à passer à autre chose, plutôt que de la laisser dans son coin, avec pour seul compagnie, son propre silence.
Et c’est un autre jour qui se lève. Sans le moindre sens. Sans la moindre lumière. Et comme tous les matins Lullaby se contente passivement d’entrouvrir les paupières. Juste assez pour que l’on voit un rayon de bleu luire dans la chambre à peine éclairée. Comme les yeux d’un chat. Et elle ne bouge pas. Même pas un cil. Elle n’en a pas la force. Pas l’envie. Alors comme tous les matins elle se contente de rester immobile comme une statue. Pâle. Froide. Figée. Et le seul moyen de savoir qu’elle est encore vivante est de regarder sa poitrine qui se lève et s’abaisse lentement. Elle à l’air de cette femme dans ce conte moldu …. Celle qui s’était endormie pendant longtemps … mais elle n’arrive plus à se souvenir de son nom Lullaby . De toute façon ce n’est pas important. Rien n’a d’importance. Lullaby tourne la tête vers la gauche pour éviter le rayon de soleil qui s’enfonce dans son œil.
Elle ne veut rien faire. Rien dire. Parce que plus rien n’importe. Parce qu’Althéa n’est pas là. Mais soudain comme tous les matins il y a cette main qui la secoue. A la fois ennuyée et inquiète. Et cette voix qui résonne à ses oreilles. A la fois tendre et ferme. « Lullaby. Lève-toi. ». Pas d’autres mots. Pas d’autre geste. Il n’y en a jamais d’autres. Juste cette main et cette voix. Qui la réveille alors que Lullaby ne la regarde même pas. Alors qu’elle ne veut pas la voir. Lullaby ne croise lève jamais ses yeux. Ne sait même pas qui est la serdaigle qui chaque matin la pousse à se lever. Parce qu’elle s’en moque. Du moins c’est ce qu’elle dit … car après tout, tous les jours elle finit tout de même par sortir de son lit. Exactement comme ce matin. Lentement Lullaby se relève. Rejette ses longues mèches brunes sur son épaule gauche. Et elle va chercher de quoi s’habiller. Sans joie ni enthousiasme. Parce qu’elle doit le faire.
Alors avec des gestes secs et précis Lullaby s’habille. Lullaby se coiffe jusqu'à ce que tous les nœuds aient disparus de ses longs cheveux châtains. Elle est toujours belle Lullaby. Elle ne saurait cesser d’ l’être. Mais il manque quelque chose dans ses yeux et elle le sait pertinemment. Il n’y a plus de lumière. L’enthousiasme qu’elle ressentait est parti. Présent seulement quand Althéa était là. Parce qu’elle était la moitié d’elle. Et qu’on ne peut pas vraiment vivre sans une partie de soi-même. Seulement exister. C’est triste ? Sans doute. Lullaby ne sait plus vraiment. Elle vit dans un brouillard ouaté ou toutes ses émotions sont moins intenses. Moins présentes. Elle est comme engourdie par sa douleur. Et c’est laid elle le sait. Mais plus simple. Tellement plus simple. Parce qu’elle est en train de s’effacer Lullaby. De devenir la jolie ombre qu’elle croit avoir toujours été. Et elle ne veut même pas lutter.
Elle descend les marches Lullaby. S’installe sur une chaise devant la table des serdaigle. Offre des petits sourires à ceux qui l’entourent accompagnés d’un signe de tête. Des regards hypocrites. Des sourires indifférents. Peut-être qu’ils se feront plus francs dans la journée. Peut-être pas. Lullaby ne se préoccupe plus vraiment de ce que pensent les autres maintenant. Ceci dit même avant cela n’avait guère d’importance. Sa main se tend pour attraper un verre de jus d’orange et des œufs brouillés. Pas grand-chose. Mais elle n’a pas envie de plus. Et par automatisme Lullaby se met à manger. Quand elle est seule elle n’apprécie plus rien. Parfois Lumen essaye de la convaincre de manger des sucreries. Mais Lumen fait partie des rares personnes qui arrivent encore à lui faire apprécier la vie. Puis soudain alors qu’elle mange une ombre se profile devant elle. Alors seulement Lullaby relève ses grands yeux bleus cernés par la fatigue et rongés par le doute. Abu. Elle ne prononce jamais son nom entier. Personne ne le fait. Personne n’y arrive. Elle s’est toujours bien entendue avec lui. Un bon camarade sans vraiment être un ami. Mais au moins quelqu’un qui avait toujours un sourire pour elle. Un bonjour sincère sur le coin des lèvres. Et sa voix résonne dans l’air. Tentante. Mais voila dommage pour lui Lullaby n’est pas un de ses bons jours. Depuis la mort de sa sœur son caractère est plus changeant. Parfois elle ressemble à elle. Parfois elle ressemble à Althéa. Et c’est difficile de savoir quand elle sera qui. Mais aujourd’hui elle n’est pas la douce et tendre Lullaby. C’est certain. Alors elle regarde Abu et soupire. « Donc tu viens parce que tu a pitié pas vrai ? ». Elle marque une pause. Une moue dédaigneuse se dessine sur son visage. Tellement Althéa. Si différente d’elle-même. « Tu n’a pas à le faire. Je peux prendre soin de moi. Au cas où tu ne le saurais pas. » Mais au moment même ou elle prononce ses mots elle se sent coupable Lullaby. Elle ne peut vraiment être Althéa. Trop faible Lullaby. Trop douce. Alors elle redevient elle. Retire son masque avec fluidité. Comme un rideau qui se tire.
Et en quelques secondes son visage devient plus doux. Plus éclairé. Plus Lullaby tout simplement. Et quelque part c’est terrifiant. Pour elle se contente de les poser sur Abu avec décontraction. Presque sereinement. « Tu sait quoi ? Peut importe pourquoi tu me demande ça. Allons-y … de toute façon ce n’est pas comme si j’avais mieux à faire. » A part lire cachée dans un coin sombre et poussiéreux évidemment. Elle secoue la tête. « En revanche j’ai hâte de voir comment tu compte me changer les idées ». Et c’est dit avec un sourire triste. Parce qu’elle ne pense pas sa possible Lullaby.
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