L'étincelle dans son regard est intacte, mais elle a comme un faux contact dans le sourire.
ANTHEA AVERY ; 12 ANS.
«
Père, Mère ! » Elle crie le plus fort possible, mais du manoir, ils ne peuvent l'entendre. Alors elle se met à courir, en tendant ses mains devant elle. Elle espère fort que le miracle ne s'arrête pas avant qu'elle n'arrive devant ses parents. Elle court plus rapidement, aussi vite que possible. Elle n'a pas l'habitude alors dans sa poitrine, son cœur bat vite et fort. Si fort qu'elle se demande comment les oiseaux font pour ne pas l'entendre. Son souffle se fait irrégulier, un point de côté apparait. Ça lui fait un peu mal, elle fronce les sourcils, mais ne s'arrête pas pour autant. Elle a peur Anthea. Peur que ses parents ne la croient pas capables de faire quoi que ce soit de magique. Peur que ses parents pensent qu'elle est une cracmolle, c'est ce que son frère lui a dit. C'est vrai qu'elle était un peu en retard par rapport aux autres. A tel point qu'elle avait fini par croire aux sornettes de son frère. Mais la preuve est là, entre ses mains. Elle est belle et bien une sorcière ! Elle a ce sourire sur son visage, un sourire énorme si bien que si l'on regarde de plus près on peut y voir son cœur. Elle y arrive enfin, au manoir. Délicatement, elle enlève une de ses mains et appuie sur la poignée pour rentrer à la maison. Elle crie de plus en plus fort. Silence. Alors l'enfant se met à courir un peu partout, à visiter toutes les pièces. Salon, bureau, bibliothèque. A la place, elle tombe sur l'un des elfes de maisons. « Ils sont où, père et mère ? »
Partis, qu'il lui répond. Alors sur son visage, le sourire disparait. La tête se baisse, comme si son cou ne la retenait plus. De ses chaussures boueuses, elle traine dans les couloirs pour revenir au salon. L'elfe n'est pas content, mais Anthea s'en fiche. Dépitée, elle s'installe au fond du canapé, de manière à ce que ses pieds ne touchent plus le sol. Ça lui donne l'impression de voler. Dans ses mains, il y a toujours la petite fleur qui flotte mais contre celle-ci vient s'écraser des gouttes d'eau émanant des yeux de l'enfant. Anthea s'arrête vite, parce qu'elle a peur que sous le poids des larmes, la fleur ne stagne plus dans les airs. De là, elle les attend. Elle ne sait pas trop combien de temps, elle n'a pas compté. Mais c'est assez. Assez pour qu'elle puisse compter et recompter les pétales de la fleur. Assez pour qu'elle puisse s'imaginer sa scolarité à Poudlard (jusque là elle ne l'avait jamais fait), assez pour qu'elle puisse s'imager la réaction de ses parents. Et quelle réaction.
Blop. C'est eux, elle le sait. Rapidement, elle se lève du canapé un peu épuisée de garder autant de concentration pour que la fleur continue de voler. Fière, elle avance vers eux, le sourire aux lèvres, les yeux pétillants, attendant leur réaction. «
Bien. Content d'apprendre que ma fille n'est pas une honte pour notre famille. » dit le père. Les mots de la mère, Anthea ne les entend pas. Rapidement, elle finit par baisser les bras. La fleur tombe au sol, mais l'enfant ne s'en intéresse pas. Déçue, elle quitte la pièce, remonte dans sa chambre, le pas lent ne se rendant même pas compte qu'elle vient de piétiner ce qu'elle avait tenté de garder si longtemps entre ses mains.
ANTHEA AVERY ; 16 ANS.
Autour d'elle, tout grouille. Tout le monde vit en accéléré dans la demeure des Avery à l'approche du grand repas de la semaine, celui où arrive tout le beau monde. Anthea n'aime pas ces moments-là, parce qu'elle est souvent mise à l'écart. Son père lui dit souvent qu'elle ne doit pas rester avec les hommes puisqu'elle est une «
femme » et qu'elle doit «
parler des trucs de femmes et faire les trucs qui vont avec. » Elle n'est franchement pas d'accord, mais ne dit souvent rien. Après tout, elle ne voudrait pas décevoir son père en montrant un quelconque signe de rébellion. Alors elle se laisse faire. Mais aujourd'hui, c'est différent. Aujourd'hui bizarrement, elle peut rester avec les hommes même si elle est une femme. C'est ce qu'on lui a dit. Son frère jumeau aussi, même s'il est un homme, il peut rester avec les femmes. Au début, elle n'avait pas trop compris ce qu'il se passait. Mais c'est au moment même où sa mère lui propose de la maquiller qu'Anthea comprend. Aujourd'hui est un jour bizarre, puisque c'est le jour où elle va (sans doute) rencontrer son futur mari. Ça lui fout les jetons à Anthea, mais elle ne dit rien et ne fait rien. Elle se laisse faire. Sa mère lui brosse les cheveux, ne cessant de lui prodiguer quelques conseils pour bien s'entendre avec les garçons. Alors la demoiselle écoute, mais s'en fiche un peu. Sa mère, Anthea ne l'aime pas vraiment mais elle fait comme si. Ce n'est pas qu'elle est méchante, non, loin de là. Disons qu'elle est juste faible. Anthea ne comprend pas comment elle peut accepter sa condition. Un jour elle lui a demandé, comment elle faisait. Elle lui a juste dit de se taire. Depuis, Anthea ne supporte pas vraiment sa mère. Elle fait juste semblant, c'est un truc qu'elle sait bien faire. Aujourd'hui, la jeune fille doit faire semblant de s'intéresser aux garçons. Ce n'est pas que les garçons ne l'intéressent pas, mais ce sont simplement
ces garçons. Elle n'a pas vraiment envie de leur parler, comme eux non plus n'en ont certainement pas l'envie mais elle fera avec. Sa mère arrête de lui brosser sa longue chevelure et se place devant sa fille, en s'abaissant pour être à sa hauteur. «
Tu es resplendissante ma fille. Nul doute que les garçons voudront tous de toi. En plus, tu es une Avery. Tu as toutes les chances de ton côté. » Elle l'embrasse sur la joue, avant de lui ordonner de sortir de la pièce pour qu'elle puisse à son tour se préparer. Anthea exécute, bien heureuse de quitter cet endroit où une forte odeur de parfum régnait. Très vite, elle se met à chercher un point de repère ; son frère. Elle le retrouve dans sa chambre, lui aussi sur son 31. «
Tu es prêt à trouver la femme de ta vie ? » lui dit-elle, ironique. «
Et toi, ton grand amour ? » Les deux finissent par rire, se donnant mutuellement du courage prêts à entamer cette journée en se supportant l'un et l'autre.
ANTHEA AVERY ; 17 ANS.
Anthea a le regard mauvais, de ses pupilles pourraient jaillir des éclairs. Sa tête mollement appuyée contre sa main, elle le fusille du regard,
lui. Le voleur d'attention. Il est là tout fier, tantôt à jeter un coup d’œil sur le bout de parchemin, tantôt à boire un peu de jus de citrouille. Il a encore faim. Anthea en a la faim coupée, de cette injustice. E. Un simple E dans une matière lui valait d'être dénigrée par ses parents pour la simple et bonne raison que son frère avait eu O. Pourtant elle avait bien révisé Anthea. De nombreuses heures de sommeils avaient été sacrifiées. Mais voilà, elle avait toujours été plus mauvaise que lui au cours de métamorphose et le résultat le prouvait. Dégoutée, la jeune fille repousse son assiette, se déconnecte de tout. A cet instant là, ses amis, elle n'en a que faire. D'un coup, elle se relève, dénigrant d'un geste de la main les personnes qui lui parlent. Parcours la distance qui la sépare de son frère, l'espoir au ventre. Si ça se trouve, ses parents disent des choses d'elle. Arrivant derrière lui, elle finit par lui demander. «
Ils ont dit un truc sur moi ? » A lui de tourner la tête de gauche à droite. Elle serre les poings, bien énervée de ne pas avoir eu ne serait-ce qu'un simple mot adressé à elle. «
Eh ouais sœurette, il faut que tu sois bonne partout pour qu'ils s'intéressent. »
Crétin murmure-t-elle, avant de sortir dans la grande salle, la mâchoire crispée. Elle n'en peut plus. Le regard noir, elle traverse les couloirs les menant jusqu'à sa salle commune tout en poussant et insultant toutes les personnes se mettant sur son chemin. Et tant pis s'ils sont plus vieux, Anthea n'en a que faire. Arrivant dans les cachots, la demoiselle attrape un bout de parchemin, une plume et commence à écrire une lettre incendiaire dédiée à ses parents. Elle sait pertinemment l'affront qu'elle est en train de commettre, mais s'en fiche éperdument. L'envie de dire ce qu'elle a sur le cœur est bien trop forte et tant pis si tout ce qu'elle a construit s'écroule avec une seule lettre.