He's a real Nowhere Man, sitting in his Nowhere Land, making all his nowhere plans for nobody
Third-Hand Goblin, L'Allée des Embrumes, 1954.
« 10 ! Et pas un gallion d’moins ! » « 10 gallions ?! Mais ce machin n’en vaut même pas la moitié ! » « C’est vous l’antiquaire ou c’est moi ? » « C’est vous. Et votre babiole vous pouvez vous la garder pour ce prix-là. » Finnigan Peak reposa d’un mouvement brusque le masque enchanté, surement couvert de sa sueur palmaire, qu’il avait tenté de marchander, en vain, pendant une demi-heure. L’air fulminait de ses narines avec un son sourd similaire au sifflement d’une théière et ses rafales nasales faisaient s’agiter farouchement les poils de sa moustache de morse.
« Un truc pareil, j’en trouverais un autre chez Barjow et Beurk ! Et à un meilleur prix ! » « Faites donc. T’façon c’est vous qu’avais l’air emmerdé de pas pouvoir acheter ce masque en particulier, pas moi qui ai l’air emmerdé d’pas pouvoir le vendre. » Une lueur de colère illumina les yeux porcins de Peak. Ses mâchoires massives se contractèrent alors que son bras dodu s’élevait dans les airs, guidé par son index pointé vers le plafond.
« C’est une honte ! Vous êtes honteux ! Un revendeur de pacotille ! Un marchand de misère ! Je m’en vais ! » Sur cette réplique des plus sentencieuse, Finnigan Peak tourna le dos à son interlocuteur derrière le comptoir qui se fendait d’un sourire sardonique. Alors que Peak se ruait vers la sortie, son poids colossale arracha au planché usé des grincements d’agonie. Sans daigner prendre en considération la sensibilité de la porte ou chercher à savoir s’il n’allait pas arracher la poignée en métal ternie qui menaçait de s’échapper du panneau de bois à tout moment, Peak ouvrit la porte d’un geste ample, faisant se déverser dans la pièce le tumulte de la rue animé et cinglant la clochette installée derrière le battant de la porte. Il disparut dans la foule, comme absorbé par les murs de briques insalubres et les robes salies des sorciers. Mais, sans crier garde, le gris taupe du costume de Finnigan Peak réapparu et revint à la charge alors que ce dernier, le faciès cramoisi, s’engouffrait dans la boutique pour récupérer son chapeau qu’il avait négligemment laissé sur le comptoir. Il fusilla d’un regard noir le tenancier de l’échoppe sans pour autant avoir l’audace – ni le ridicule – de répéter sa sentence et disparut à nouveau dans la rue, pour de bon cette fois.
La porte se referma finalement et la clochette retentit derechef. Le calme s’abattit alors sur la pièce et fut simplement dérangé par un soupir d’Ignace Conroy.
« Bloody hell … » L’antiquaire chercha des yeux une place pour le masque parmi les étagères surchargées de la boutique. Brosse à dents, yo-yo et autres artefacts moldus s’empilaient de tout côté et étaient mélangés sans le moindre souci d’organisation avec des objets enchantés et parfaitement dangereux si l’on ne les manipulait pas avec soins. Se tenait dans cette antiquaire de l’Allée des Embrumes la quintessence du cauchemar d’un membre du service des détournements de l’artisanat moldu. Qu’à cela ne tienne l’important pour Ignace Conroy à ce moment précis n’était pas les névroses d’un quelconque employé ministériel trop longtemps habitué au calfeutrement sous-terrain qu’impose le gouvernement magique à ces employé, non, ce qui importait c’était de trouver une place où fourrer ce foutu masque de « changeur de peau ». Bien déterminé à mener à bien cette tâche, Ignace décampa de son poste derrière le comptoir afin d’inspecter les étagères plus reculées et la devanture du magasin, laissant le masque sur le comptoir, sans surveillance aucune.
Toutefois, une présence qu’avais ignoré Ignace, outre celles des bibelots inertes et des mouches qui bourdonnaient gaiment dans les airs, c’était celle de Barnabas Conroy, digne rejeton d’Ignace et Arabella Conroy. Il avait été dument nommé d’après le père de cette dernière. Non pas par élan traditionnaliste ou par hommage à un homme honorable. Non non, Barnabas MacDowell n’avait rien d’honorable. Ce n’était qu’un vulgaire berger irlandais légèrement timbré, trop occupé à décuvé entouré de ces moutons pour prendre conscience de quoique ce soit à plus de vingt kilomètre à la ronde et trop absorbé par les vertes plaines du Connemara pour se rendre compte que sa fille était une sorcière et avait fui le logis familial des décennies de cela. Barnabas avait donc hérité du patronyme de son grand-père non pas pour honorer celui-ci donc, mais par une simple absence de créativité de la part de ses parents. Mais la raison pour laquelle il s’appelle Barnabas n’avait, réellement, aucune importance au moment du récit puisque cela ne changeait absolument rien au fait qu’il avait été présent lors de l’altercation très courtoise entre monsieur Peak et son paternel et qu’il lorgnait désormais vers le masque tant convoité avec des yeux brillants. Du haut de ses quatre ans, Barnabas ne pouvait vraiment apercevoir l’objet en question, mais toute l’agitation provoqué autour de celui-ci avait attisé sa curiosité – quoi de plus simple, conviendrons-nous, à cet âge d’ignorance et de bêtise où tout fascine. Affirmant sa prise sur un canard en plastique qu’il avait attrapé sur une étagère lors de ses précédents escapades dans le magasin de son père, Barnabas le sera contre sa poitrine pour se donner du courage et attendit que la silhouette de son père disparaisse derrière les étagères de l’avant du magasin avant d’avancer vers le comptoir à petites enjambées. Une fois arrivé à destination, il tendit son bras libre aussi haut que ses membres encore sous-développé le lui permettait. Qu’il arrive, ou non, à atteindre le sommet du comptoir ne faisait aucune importance car son mouvement fut abruptement stoppé par l’aboiement rauque de son père.
« BARNABAS ! Combien d’fois que j’t’ai dit d’pas toucher ! » Glacé par la brutalité du ton de son père, Barnabas rétracta rapidement son bras, fis volte-face et finis par se figer, apeuré. Ignace avança vers son fils, un air mauvais s’affichant sur son visage creusé par la fatigue et clairement marqué par une malchance génétique durant sa conception. D’un geste brusque, il arracha le jouet en plastique de l’emprise de Barnabas.
« Allez, va-t’en ! Va r’trouvez ta mère et bas les pattes. Au Pumpkin King qu’elle doit être celle-là, comme toujours. Allez, ouste ! Du balai ! » Sans demander son reste, Barnabas déguerpis en courant, au bord des larmes. Dans son élan, il tira la poigné et celle-ci céda, se dénichant du panneau de bois dans lequel elle était encastrée. Emporté par la force du mouvement, Barnabas tomba lourdement sur le sol et l’arrière de son crâne buta contre le planché dans un son mât qui n’augurais rien de bon. La vision du petit se brouilla petit à petit et des ténèbres insondables se substituèrent aux formes et aux couleurs de la boutique. Au loin, il entendait résonnait les appels de son père dont les sonorités semblait se figer dans le néant dans lequel il se trouvait désormais.
« Barnabas ! Barnabas ! »_____________________________________
Poudlard, Dortoir des Poufsouffle, 1970
« Barnabas Conroy ! » L’intéressé se redressa sur son séant et jeta un regard perplexe autour de lui. Dans un coin du dortoir, un tourne disque ensorcelé braillait les accords étranges d’une musique psychédélique des
Lemi Mandrix and the Flying Carpets. Les effets de la drogue étaient toujours présents et donnaient aux objets éparpillés dans la pièce un halo de lumière variant du bleu pâle au rose. Du chauffage centrale émanait des spiracles ocres et des cercles concentriques de moins en moins espacés se formaient autour de l’appareil audio. Dans l’encadrement de la porte du dortoir, immaculé des altérations optiques dues à l’hallucinogène, se dessinait la silhouette de Sweeney Dibbs, le préfet des Poufsouffles.
« J’exige de savoir ce qu’il se passe ici ! » Des formes ovales rosées s’échapèrent de la bouche de Sweeney et Barnabas les suivit du regard, inattentif à ce qu’on lui disait.
« Barnabas ?! » « Sweeney ?! » « Est-ce que ce sont des Lutins Malins ? » Sweeney pointa du doigt la table de chevet de Barnabas. Ce dernier tourna la tête dans la direction qu’on lui indiquait pour se retrouver face à un empilement de petits tubes d’un bleu électrique qui luisaient par intermittences. La vision des psychotropes n’eut pour simple effet que de démarrer chez Barnabas un rire mi- nerveux mi- hystérique. Auquel répondit la couette. Oui oui, la couette. Une salve de rire provenant de la couette adjacente à Barnabas lui fit écho. Ceci parut surprendre Sweeney, tout naturellement, mais également Barnabas qui jamais, depuis qu’il avait commencé à utiliser des stupéfiants, n’avait rencontré de couettes parlantes. Encore moins une qui bouge. Car oui, la couette bougea. Elle commença à frémir puis à remuer et les draps se mirent en branle, attirant la curiosité de Barnabas et l’effroi de Sweeney.
« Wow. » Les yeux écarquillés, par la surprise plus que par la peur, Barnabas échangea un regard avec le préfet pour jauger sa réaction.
« T’as vu ça ? » A en croire le teint livide de son visage, Sweeney avait bien vu ce qu’il s’était passé mais n’avait pas l’air de trouver cela aussi trippant que Barnabas. La couette continua de gigoter et de rire jusqu’à ce qu’une touffe de poil n’émerge du tissu. L’étrange créature continua son dandinement et ne tarda pas à accoucher d’une tête humaine. Mais pas n’importe laquelle. Celle de Parnassus Peabody, le voisin de chambré de Barnabas.
« Mate ! Qu’est-ce que tu fais dans une couette ! Sweeney, aide-moi à le sortir de là ! » Barnabas agrippa les oreilles de Parnassus et tira afin de l’extirper du ventre du monstre. L’infâme litière sembla lâcher prise rapidement puisqu’elle s’ouvrit en deux et recracha le corps entier de l’étudiant. Pris au piège par la force de sa propre traction, Barnabas fut emporté par son mouvement et tomba du lit, entraînant un Parnassus toujours hilare et torse nu avec lui. La chute amena les deux comparses à se retrouver le buste sur le sol et les jambes toujours sur le lit, résultant donc en une position fort peu confortable. Bouché bée et complétement atterré, Sweeney Dibbs ne savait plus que dire et seul quelques borborygmes involontaires franchir sa bouche. Il avait passé ses cinq années précédentes à Poudlard au sein des Poufsouffle et avait dû subir les farces et les pitreries de Barnabas Conroy. Jamais lui et ses acolytes n’avaient autant ri que lorsque cet arlequin de fortune n’avait été réprimandé ou attrapé dans l’acte tant la stupidité et la niaiserie de ces actions était affligeante mais jamais, ô grand jamais, il ne pensait que sa bêtise irait aussi loin.
Face au choc provoqué par la chute, la pile de Lutins Malins dégringola et quelques tubes de verre vinrent se briser sur le sol, reprenant leurs entrailles bleutés et hallucinogènes. Parnassus ne semblait pas capable de sortir de sa crise d’hilarité et entraina Barnabas avec lui qui, dans son état, ne pouvait que rire du ridicule de la situation. Il tourna la tête pour observer la réaction de Sweeney. Son visage était désormais empreint d’une fureur noire. Il s’avança vers l’amas que formait les deux corps et récupéra les flacons de drogues encore intact.
« Eh, si tu en voulais, tu n’avais qu’à demander ! » « Ca suffit, Conroy, ce n’est pas drôle ! Sais-tu combien de règle tu brises, et ce que tu encoures ? » « Fais pas ton rabat-joie et prends en un » Dans l’encadrement de la porte s’attroupait une foule de Poufsouffle qui avait été extirpé de la chaude ambiance de la salle commune par les cris et les rires émanant des dortoirs. Les premières années, curieux, formait la première rangée de ces spectateurs inattendus. Le préfet retourna vers l’entrée du dortoir afin de bloquer la vue du mieux possible
« Vous ! Dans vos dortoirs, tout de suite ! Vous deux relevez-vous, habillez-vous et suivez-moi, on verra ce qu’en pense le directeur. » « Oh, c’est bon, Sweeney, laisse nous au moins le temps de redescendre. » « Non. Vous allez venir le plus vite possible. « « Pourquoi ? Tu as peur qu’on disparaisse ? » « Non, mais j’espère bien que vous serez renvoyés. » L’ambiance devint glacial et le visage de Sweeney se durcit. Mais alors qu’il dardait les deux élèves dénudés d’un regard méprisant et que la menace d’être expulsé se présentait comme une certitude inquiétante, Barnabas ne put s’empêcher d’exploser d’un rire toute à fait naturelle, nullement influencé par le psychotrope. Dans le tréfonds des yeux sombres de Sweeney, une lueur blanche dansaient et se trémoussait d’une manière ridicule, faisant tomber à l’eau toute l’expression courroucé et le sentiment de menace qu’il essayait de susciter.
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Une ruelle très sombre et très glauque. Et... Voilà. 1979
Les reflets blanchâtres qui dansaient sur les verres fumés de ses lunettes empêchaient Barnabas de scruter le regard de son interlocuteur. Mais ce qui lui permettait de comprendre l’état d’esprit de l’autre était la magnifique clé de bras que l’acolyte du binoclard exerçait sur son membre – ce qui avait pour effet de créer une véritable diagonale de douleur le long du dos de la victime sans défense, mais ne poétisons pas trop cette accès de violence homo-érotique.
« All right, all right mate ! J’aurais l’argent dans une semaine. Il me faut juste une avance …” “ Une avance, eh ? Si je me souviens bien se sera la troisième, non ? » « J’ai une livraison à faire à Brixton la semaine pro- AAAAH ! COULD YOU NOT BROKE MY BLOODY WRIST ?! … J’aurais l’argent la semaine prochaine … » L’autre afficha un air d’embarras fortement éxagéré et pinca ses fines lèvres.
« See, on me dit toujours ça et jamais je ne vois la couleur des gallions … Ah, la clientèle de nos jours. Peut-être qu’un bras cassé pourra servir d’avertissement, hum ? » L’autre releva la tête et, en dépit de ses lunettes, il était clair qu’il faisait un signe à son acolyte. Celui-ci commença à accentuer sa pression sur le bras de Barnabas.
« Attendez ! Attendez … Est-ce qu’il ya quelque chose que je peux faire ? » La question décrocha un « Ah » d’approbation – ou de soulagement ? – de la part de l’autre. Face à l’apparente satisfaction de son maître, l’acolyte cessa sa tentative de déboîtement d’épaule. L’autre retira ses lunettes de soleil aux verres rond et dévoila une paire d’yeux verts scintillants de sournoiserie Un sourire carnassier ourla le visage étroit et taillé à la serpe du dealer. Ses pommettes étaient presque aussi saillantes que l’accent scandinave qui ponctuait ses phrases ( M’enfin, rien d’étonnant d’avoir un accent scandinave lorsque l'on s’appelle Osrik le Slave )
« A part me payer ce que tu me dois déjà ? Hum… Content que tu ais demandé petit, parce que j’ai peut-être un boulot pour toi. » Osrik jeta un nouveau regard vers son acolyte comme s’il lui intimait tacitement un ordre. Il lâcha prise et Branabas pu récupérer l’usage de son bras qui commençait à s’engourdir.
Une masse colossale se mû à côté de lui et une sorte de géant entra dans son champs de vision. Qualifier Tractarus Lachlan de géant été, bien-sûr, une emphase narrative éhonté. Si sang de géant il avait, ce n’était que de simple litre de fiction
envinassé que l’on avait inventé durant des discussions de bistrot concernant l’intéressé. Mais toujours était-il que Tractarus était d’une stature bien haute et d’une masse musculaire aberrante. Le contraste physique entre la montagne de muscle et le rachitique et courtaud Osrik avait d’ailleurs valut au duo un surnom des plus saugrenue, celui du Troll et du Gobelin. Il va de soi que pareil sobriquet n’était jamais évoqué en leur présence ( ni en celle d’un troll ou d’un gobelin, pour ne pas les offusquer, ces pauvres bêtes ), l’on tenait beaucoup trop à ses bras pour ce risquer à un trait d’humour pareil. Barnabas observa Tractarus avec des yeux ronds. D’une part parce qu’il ne l’avait encore jamais vu, le bougre l’avait agrippé par l’arrière quelques minutes plus tôt, alors que Barnabas, inconscient du sort qui allait lui tomber dessus, avait tenté de négocier le payement de sa dette et se procurer son fix auprès d’Osrik. Nul doute que le colosse devait être constamment posté en garde, posté dans un recoin de l’allé sombre qui servait de lieu de deal, au cas où son boss aurait besoin d’un coup de main. D’autre part, la surprise de Barnabas venait aussi de l’étrange ressemblance physique de Tractarus avec
« Charles Bronson ?! » « Wot ?! » L’homme-de-main méprenant le nom pour une quelconque insulte commença à serrer les poings en vue d’une beigne bien placé entre les dents de ce petit con.
« Now now, Tractarus. Je suis sûr que Barnabas ne voulais rien dire de mal. Pas vrai, Barney ? » « Je… Non. C’est juste un moldu un peu … toqué. C’est la ressemblance physique qui m’a interpellé. » « Grumpf. » La moustache de Tractarus vibrait de mécontentement mais ni Osrik ni Barnabas n’y prêtèrent attention.
“Right. Où en étais-je ? Ah oui, le boulot. Vois-tu, Barney, Tractarus et moi avions prévu un coup pour trois personnes. Mais le troisième gars de notre bande nous a fait faux-bond et on est un peu dans la merde. *Foutu Mondigus… Tu ne perds rien pour attendre* » « Quel genre de coup ? » « Tu connais le Wizzle Brizzle ? » « Le magasin de farces et attrapes ? » « Oui. » « Oui. » « Bon. On voudrait faire… » Un court instant de silence précéda l’étonnante révélation.
« …Un casse. »« Un casse ? D’une boutique de farces et attrapes ? » « Oui. » Nouvel instant de silence, remplit de gêne cette fois. Face au scepticisme que rencontrait son plan, Osrik sentit le besoin de s’expliquer.
« Bon. Les temps sont dures en ce moment, les gens ont un peu les j’tons alors ils veulent rire. Et où dépensent-ils leur sous ? Dans le magasin de farces et attrapes. En période de dépression, faut taper là où ça rigole. » Osrik se tourna vers Tractarus puis vers Barnabas en quête d’un soutient.
« Non ? » « Si si… si. » « Oui oui. » Nouveau silence.
« Bon, t’es partant où on te pête le bras ? » « Euh… J’en suis. » « Bon. Soit devant la boutique mardi prochain, à 11h. Et Barney, tu as tout intérêt à ce que tout se passe bien, pigé ? » Barnabas approuva d’un signe de tête quelque peu gêné.
»Oh, j’allais oublier. Tiens, voilà ton fix. » Osrik farfouilla dans les entrailles de sa veste et en sorti deux flacons translucides dans lesquelles luisait un liquide bleu.
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Le Wizzle Brizzle, Rue du Chaudron-Sans-Fond, 1979
Les engrenages de la montre amenèrent la petite aiguille face au ‘XI’. Osrik releva les yeux pour scruter la rue.
« En retard … » Au coin de la rue se dessinait le profil de Gringotts, au loin se perdait la silhouette du Chaudron Baveur, engloutit derrière la marée humaine qui noyait le Chemin de Traverse. Soucieux de savoir si Barnabas ne s’était pas trompé de chemin, Osrik considéra l’éventualité qu’il ne viendrait peut-être pas. Un peu à l’écart de l’animation qui faisait continuellement vivre le Chemin de Traverse, la rue du Chaudron-Sans-Fond était tranquille et pratiquement déserte. Le
Wizzle Brizzle était pratiquement déserté, la seule présence d’êtres vivants dénombrés étant le caissier et une sorcière d’un âge avancé qui s’intéressait aux bacs des bonbons truqués. Osrik pinça des lèvres alors que des réminiscences d’un lointain passé lui revenaient en mémoire. Il fusilla le dos de la vieille avec ses yeux perçant. Encore une de ces vieilles pies qui donnait des bonbons enchantés aux gosses pour le plaisir gras de la farces et pour faire claquer leurs dentiers dans l'hilarité d’octogénaires ménopausées. Foutues gargouilles aigries.
« Mate, désolé du retard » Pantelant et à bout de souffle, Barnabas parcourut le peu de chemin qui le séparait de Tarctarus et d’Osrik
« Ce n’est pas grav… Qu’est-ce que c’est que ça ? » Osrik pointa du doigt le masque que tenait Barnabas. C’était un genre d’amalgame étrange entre du bois, du cuir et du métal sur lesquels étaient gravés des inscriptions runiques.
« Oh, ça ? Ca vient du magasin de mon père, depuis que je suis petit il n’arrête pas de me répéter que c’est un artefact très puissant, et très rare, et très couteux, et très interdis par le Ministère. Je pensais le prendre pour cacher mon identité. » Osrik échangea un regard éberlué avec Tractarus. Enfin non, seul Osrik était éberlué, Tractarus lui n’en avais rien à faire mais regardais Osrik avait des yeux de merlans frits tout de même.
« Un masque ? Tu te crois chez les moldus ? On a préparé du polynectar, c’est plus sûr. » Osrik sorti trois fioles contenant un liquide brunâtre et mal odorant de sa poche. Barnabas eut un rire nerveux.
« Héhé. Non, pas pour moi. » « Comment ça ‘par pour toi’ ? » « Je suis sous lutins malins. » « Et ? » « Et Eddie Les-Trois-Jambes m’a dit qu’il ne fallait jamais, JAMAIS, mixer lutins et potion. » « Et tu crois tout ce que te dis un type qui s’appelle Les-Trois-Jambes ? » « Oi ! Tu sais pourquoi il s’appelle Les-Trois-Jambes ? »
« Parce qu’il a un gr— » « Non. Il a vraiment trois jambes. On prend des lutins malins et un peu d’amortencia et, pouf !, une troisième jambe nous pousse dans le dos ! » « Oh. » Pendant quelques instants, Osrik regarda dans le vide, révisant sa vision sur la sacralité de la vie et sur l’humanité. Puis tout revint à la normal.
« Bon, comme tu voudras. » Osrik donna une fiole de polynectar à son acolyte et ils l'ingurgitèrent avec dégout. Barnabas, quant à lui, apposa le masque sur son visage et sangla la lanière de cuir qui permettait de garder le déguisement en place. Il ressentit une sensation de succion sur l’ensemble de son facies et une forte odeur de menthe poivrée encombra ses narines. Un sinistre craquement empâté retentit.
« Ca va bien là d’dans ? » « Euh… Oui oui, j’ai dû trop serrer la lanière, c’est tout. » « Humm. » Les derniers grumeaux sur la peau de Tractarus et Osrik disparurent et ils arborèrent désormais leurs visages d’emprunts.
“Bon, allons-y.” Les trois mousquetaires dégainèrent leurs baguettes et entrèrent à la file indienne dans la boutique. «
EVERYBODY BE COOL, THIS IS A ROBBERY ! » Le reflexe premier d’Osrik fut de mettre en joue la sorcière.
« Tu prends encore un de ces foutu bonbon et ça va mal finir pour toi. » Plus outrée qu’apeurée, la vieille ne cacha pas son indignation face à si peu de manière envers le troisième âge et ses lèvres formèrent un cul-de-poule. Tractarus, silencieux comme un rocher et tout aussi agile qu’un bloc de béton, se dirigea vers le caissier et, le menaçant du bout de sa baguette, lui jeta un grand sac de toile destiné à recevoir l’offrande que recélait la caisse. Tel un admirable rond de flan inutile, Barnabas ne savait quel rôle jouer dans cette parodie de braquage. Il se posta donc devant les vitrines de la boutique afin de servir de guet. On étouffait sous ce masque. Et puis on n’y voyait presque rien. Sauf peut-être les deux hommes qui venaient de transplaner, baguettes en main, en plein milieu de la rue. A en croire par la plaque argenté que l’un deux arboré sur sa poitrine, la cavalerie arrivait à la rescousse.
« Des aurors ! » « Quoi ?! Aussi tôt ? Comment est-ce qu’ils ont fait pour sav… » Sans finir sa phrase, Osrik fit volte-face et fusilla Barnabas d’un regard lourd de suspicions.
« Barney, pourquoi tu étais en retard ? » « Pourquoi j’étais en retard ? Attends … Tu ne soupçonnes quand même pas que … » « STYX ! » La vitre à côté de Barnabas explosa en mille morceaux et déstabilisa le braqueur amateur. L’un des deux aurors, pris d’un accès de zèle ou de manque de professionnalisme, venait de tenter d’attaquer l’un des criminels par surprise, ne se souciant guère des procédures habituelles. Son collègue rectifia alors le tir pour éviter d’être mis à pieds pour faute professionnel lorsque l’affaire serait bouclée.
« Au nom du Ministère, vous êtes en état d'arrestation ! Sortez dans le calme et désarmés ! » Toutefois le verre n’avait pas suffi à arrêter le sort qui, après avoir détruit la vitrine, vint s’écraser contre le masque de Barnabas.
Une atroce odeur de brûlé emplit l’air tandis que Barnabas détachait avec urgence la sangle de cuir. Il fit tomber le masque au sol et celui-ci se consuma en quelques secondes. Pris dans l’insouciance de la joie d’avoir survécu à une mort certaine, Barnabas tourna le visage vers ses comparses afin d’échanger ce petit sourire qu’on les gens qui viennent juste de frôler la mort et tente de distraire l’attention de leur pantalon souillé sur leurs dents étincelantes. Mais ses compagnons ne partageaient pas son enthousiaste, ils le dévisageaient comme s’il était inconnu au bataillon.
« Wot ? » Osrik pointa sa baguette en direction de Barnabas.
« T’es qui ? Où est Barnabas ? C’est toi qui nous as vendu ? C’est lui ?! » « Que… » « Où est Barnabas ?! » « Mais … C’est moi Barnabas… » « Me prend pas pour un con. » « Veuillez baisser vos baguettes tout de suite où nous n’aurons d’autre choix que d’entrer ! » « Petit fumier. » Osrik s’avança vers Barnabas. Les aurors continuaient de gueuler dehors. Tractarus gardait en joue le caissier tout en observant la scène. Le caissier tentaient de calculer la vitesse qu’il devrait atteindre pour sortir par la porte de derrière sans se manger un sort dans le dos. Un dauphin sortait de l’eau dans l’océan pacifique et se demandait si l’existence de Dieu était réfutable ou non. Un moldu se beurrait la biscotte en regardant un match de foot. La terre poursuivait sa rotation quotidienne. Et la sorcière pris une poignée de bonbons qu’elle jeta en direction d’Osrik. Pris de court face à cette attaque des plus déloyale, il baissa sa garde et perdit de vue Barnabas. Ce dernier voulut profiter de l’occasion et fis volte-face sur lui-même. Toutefois le sort lui joua un énième tour et il glissa sur l’un des bonbons qui avait roulé près de lui. Perdant tout balance, il chuta – décidément, cela devait être l’histoire de sa vie. – et se retrouva dans un immense bac remplit d’objet moldu divers et variés qui n’avait, de prime abord, absolument rien à faire dans un magasin de farces et attrapes sorciers. Barnabas eut simplement le temps de relever la tête pour lire la pancarte au-dessus du bac ‘Portoloin Portopret’
« Oh, bollocks. » Une sensation de chatouillement lui titilla l’estomac et tout disparut autour de lui.
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Le Chaudron Baveur, 1979
Barnabas s’inspecta une dernière fois dans la glace. Il resserra son nœud papillon, replaça l’une de ses mèches argentées et examina son nouveau visage avec minutie. Deux mois que l’incident du casse était survenu et il commençait à peine à s’y faire. Après tout, à quoi s’attendait-il de la part d’un masque de « changeur de peau » ? Tout était dans le nom, non ? Il passa son doigt sur les pommettes saillantes qui étaient désormais siennes. Lentement, il caressa ses joues creuses et longeant la ligne de ses larges mâchoires. Evidemment, il comprenait maintenant la réaction d’Osrik et Tractarus. A lui aussi ça avait fait bizarre de se voir ainsi. Pourtant, pas moyen de revenir au visage originel, le charme du masque avait dû être complétement parasité lors de sa destruction. Ou les effets étaient irréversibles. Barnabas haussa les épaules, il n’y avait plus grand-chose qu’il pouvait faire désormais. Forcément, avoir le visage d’un sexagénaire et le corps d’un homme dans la fleur de l’âge avait de quoi étonner. Bah.
Jamais Barnabas ne serait aussi redevable aux objets moldus auquel il vouait déjà une admiration depuis sa plus tendre enfance. Sans ce satané portoloin truqué, il n’aurait jamais pu réapparaitre à deux pâtés de maison de la boutique, dans les toilettes d’Imelda Martell, et échapper à une condamnation à Azkaban. Mais sans ce foutu portoloin truqué, il n’aurait pas exacerbé les soupçons d’Osrik. Vu les paroles d’Osrik et la façon dont Barnabas s’était carapaté - par mégarde – cela ne faisait aucun doute, on aller le blâmer pour l’arrivé des aurors. Et dans le métier, être afficher comme mouchard, ça ne pardonne pas. Deux mois donc. Deux mois que Tractarus et Osrik avaient été condamné à une peine minime à Azkaban. Il ne faudrait pas bien longtemps avant qu’ils soient réintroduit dans la société. Et qu’ils ne cherchent Barnabas. Il avait peut-être l’avantage d’avoir changé de visage, mais il ne pouvait prendre de risques. Les rumeurs avaient déjà commencé à courir sur lui et un bon rat est un rat qui sait fuir le navire à temps. Il était temps de prendre une retraite anticipé. Exit les larcins et petits recèle. Fini la vente sous le manteau et les gigs de fin de soirée avec des gars qui ne savent plus jouer tant ils sont imbibé de whisky-pur-feu. Il fallait partir, se creuser un trou, et attendre que tout se tasse.
Il pivota sur lui-même et se retrouva face au capharnaüm qu’était sa chambre. Du regard, il repéra l’endroit où il avait réussi à rassembler les deux bagages qu’il allait prendre pour le voyage. Sur une petite table se trouvait un sachet transparent contenant plusieurs flaçons de lutins malins et un kilo de poudre de ronflak. Barnabas se perça un chemin jusqu’au meuble et chargea sa précieuse marchandise dans l’une des valises. Il farfouilla ensuite dans une pile de feuilles.
« Où est-elle ? … Ah, la voilà ! » Il extirpa du tas de paperasse un parchemin jaunie et une lettre arborant le sceau de Poudlard. Barbanas relut en diagonale le contenu de la missive et eu un sourire en coin. Cela faisait une dizaine d’années qu’il avait été chassé de Poudlard et jamais il n’aurait pensé y remettre les pieds. Et il n’était pas le seul d’ailleurs. Il se souvenait encore de l’entrevue qu’il avait passé un mois plus tôt au château. L’un des membres du corps éducatif qu’il avait connu lors de sa scolarité avait haussé des sourcils en reconnaissant le nom de Barnabas Conroy, comme si celui-ci rappelait l’énergumène toxicomane revenu du passé. Heureusement, Barnabas avait réussi à retomber sur ses pieds en prétextant avoir un lien de parenté assez distant avec l’élève ( Ce qui était en partie vrai ). Et s’il ne pouvait se vanter d’avoir eu une carrière professionnel admirable – n’ayant pas obtenu ses A.S.P.I.C.s – ses années d’activités chaotiques à jongler entre chanteur d’un groupe de rock versatile, revendeur de camelote, trafiquant de vaisselle moldu, voleur à la sauvette et junkie notoire ( Oui, s’en était devenu un métier pour lui. ) lui avait permis d’acquérir une certaine compétence dans l’esbroufe verbale. Ainsi avait-il réussit à convaincre qui voulait l’entendre de ses incroyables compétences en matière de culture moldu, ce qui, une fois encore, n’était qu’une moitié de mensonge. ( A noter que les meilleurs menteurs sont ceux qui ne disent que de partielles vérités )
Ainsi, sur la lettre envoyé par la prestigieuse académie sorcière de Grande-Bretagne était inscrit en lettres d’émeraudes :
« Cher Bananas Conroy [blablablablablablablabla] sommes heureux de vous accueillir dans le corps éducatif de Poudlard en tant que Professeur d’Etude des moldus. » Barnabas fronça les sourcils. Voilà un détail qu’il avait survolé en lisant la lettre la première fois. Bananas Conroy, vraiment ? Hum. Pliant le parchemin, il le remit dans la lettre et mit celle-ci dans la poche de son manteau. Après avoir jeté un dernier coup d’œil aux ruines de son ancienne vie, il se dirigeât vers la porte, baguages en main.
« Rock. » Il ouvrit la porte, posa les valises dans le couloir, passa le seuil puis referma la chambre d’emprunt à clé.
« And Roll. »