Second enfant d’une fratrie de trois, Calixte Webster s’est toujours senti en retrait, à part. Moins beau que son frère, moins charmeur que sa sœur, moins fou que le premier et moins travailleur que la seconde, pour Cal’, le seul moyen d’exister aux yeux de ses parents c’est d’être mieux… beaucoup mieux que les deux autres et cela semble compliqué et difficile à réaliser. Son frère, Alexius, est l’ainé, il est celui qui portera à jamais l’honneur de la famille Webster, celui qui sera supérieur en tout quoi qu’il arrive, celui sur qui tous les fondements de la famille repose et enfin celui qui rendra fier ses aïeuls. Céleste, sa sœur cadette, est la seule fille des Webster, elle est également la petite protégée et très clairement la petite préférée. De part son jeune âge, beaucoup de choses lui sont facilités et ses grands yeux de biche jouent toujours en sa faveur. Sa beauté se révèle à mesure qu’elle grandit et les Webster y voient là un avantage certain pour faire un beau mariage. Calixte, lui est au milieu de cet engrenage, insignifiant, mis de côté, peu sollicité et surtout il est le second garçon… En quoi pourrait-il être utile ? Comment rivaliser, se faire accepter et dépasser du lot au sein d’une famille si élitiste ?


J’ai toujours pensé que mes parents n’en avaient rien à faire de moi et ce depuis tout petit déjà. Je pense même qu’ils étaient déçus en apprenant mon sexe lors de ma naissance. Je ne rentrais pas dans le cadre de leurs exigences, j’ai donc naturellement été mis de côté. Dans leurs plans, la perfection à atteindre était d’avoir une vie parfaite de petit sang-pur bourgeois et remplis de mondanités, et donc d’avoir seulement deux enfants, qu’elle était la nécessité d’en avoir plus ? Un premier, un fils de préférence, afin de faire perturber le sang des Webster. Tout étant une question de pureté de sang bien évidement, mais nous y reviendront tout à l’heure. Leur joie avait donc été immense lors de la venue d’Alexius. Un second enfant, une fille, afin de faire des alliances inter famille sang-pur lors d’un mariage de convenance. Un troisième n’apporterait rien. Tout était calculé, tout avait été prévu longtemps à l’avance, le moindre détail de leur vie avait été planifié afin que tout soit absolument parfait, à commencer par leur mariage qui n’avait pas débuté dans l’amour comme de nombreux mariages encore actuellement, s’aimer était un luxe parmi les sang-pur, tout devait être comme ils le souhaitaient, tout était réfléchis, tout sauf mon arrivée à moi, ils ne pouvaient pas prévoir mon arrivé au milieu de ces deux enfants parfaits, dans cette famille parfaite, avec un sang parfait et des valeurs parfaites. Et pourtant, il est bien connu que la perfection n’existe pas. D’apparence extérieure tout était à sa place, chacun avait son rôle à jouer et aucun de nous trois n’auraient été capable d’aller contre l’avis de nos parents. Alexius avait trop à perdre, son statut de privilégié et d’enfant chéri, et Céleste n’irait jamais à l’encontre des idées parentales de peur de ne plus être la préférée. Il n’y avait pas de place pour l’amour dans ma famille et je sais maintenant que mon seul échappatoire aurait été de ne rien faire, me faire invisible et me défaire de leurs emprises petit à petit. Malheureusement pour moi, j’ai décidé dès tout petit qu’il me fallait étinceler pour briller à leurs yeux. J’avais besoin de reconnaissance, de me sentir protéger et surtout aimer. Et ces sentiments perdure encore aujourd’hui.


J’ai toujours vécu dans l’ombre de ma famille, dans l’ombre de mon frère « l’héritier » et de ma sœur « la réussite ». Quoi que je fasse, mon niveau n’était pas égal à celui des deux autres, de toute façon je ne rentrais dans aucune catégorie car il n’y avait pas de compétition possible puisque que j’étais juste « l’enfant de trop ». Je ne me battais qu’avec moi-même et surtout avec du vent car quoi que je fasse cela n’était jamais assez bien. Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite, j’ai donc essayé de nombreuses choses. Etre le parfait petit garçon de bonne famille, être attentif à tout ce que me disait mon percepteur, essayer de reproduire tout ce que l’ont attendait de moi, bien me conduire lors des réceptions auxquelles on était convier, me fondre dans la masse et ne jamais tenter d’attirer l’attention sur moi. J’ai expérimenté cette technique jusqu’à mes huit ans environ et comme cela ne fonctionnait pas et que j’avais l’impression d’être toujours aussi inexistant, je me suis mis à vouloir me dépasser. Je n’étais encore qu’un enfant et ma naïveté me permettait encore d’espérer un quelconque regard avenant provenant de mes paternels. Et comme la bienséance ne suffisait pas à les rendre fiers de moi j’ai cherché autre chose. J’ai donc étudié avec acharnement, lisant tous les livres qui se trouvaient à ma portée. Je passais des heures enfermés dans nos bibliothèque dévorant : romans, nouvelles, actualités, biographies, livres sur la magie en tout genre, beaucoup de magie noire même. Je me suis forgée une culture générale énorme afin de pouvoir alimenter une conversation à tout moment et sur tout sujet, rien ne pouvait me mettre en difficultés et de nombreux adultes soulignaient mes capacités relationnelles pour mon jeune âge. Je n’avais que douze ans mais déjà je faisais parler de moi dans la haute société. Mais mes parents ne faisaient toujours pas attention à moi et puis je n’égalais jamais l’intelligence de Céleste qui semblait surdouée comparé à moi, ni Alexius et son charisme détonnant. Ensuite je me suis mis au sport, d’abord timidement avant mes 14 ans, puisque de toute façon je recevais toujours des remontrances lorsque je jouais dans notre domaine, mais dès mon arrivé à Poudlard, je suis rentré dans l’équipe de quidditch de ma maison, ce qui m’a permis de m’étoffer, d’assoir mon agilité, et de montrer ma supériorité puisque ni mon frère, ni ma sœur n’étaient intéressé par cette activité. Je suis devenu rapidement bon, mais sans doute pas encore assez pour l’exigence perpétuelle d’excellence de mes parents. De nombreuses personnes s’aimaient à dire que ma carrure plus athlétique combinée à ma prestance acquise au cours des ans, me donnait un charme particulier mais moi je m’en fichais. J’aurais aimé être le batteur fou qui frappe la tête des connards plutôt que les cognards ! J’avais cette rage en moi qui me poussait à être incisif, mes parents avaient fait de moi un tenace de tout ce que j’entreprenais. Mais les postes étaient déjà pris, je suis donc devenu poursuiveur : acharné, combatif, aimant aller au contact et surtout ne lâchant que rarement le souafle. Mes adversaires me craignent car j’ai souvent envoyé des joueurs à l’infirmerie suite à un mauvais coup, souvent prémédité de ma part, et beaucoup d’autres me détestent d’être aussi violent avec eux. Et mes partenaires sont fiers de m’avoir à leur côté mais ça n’a pas été facile de faire ma place. Le quidditch est devenu au fil des ans bien plus qu’une simple activité pour épater mes paternels : une passion, une échappatoire, un refuge.



Je me rappelle très bien du jour de ma répartition, mes pensées s’entremêlaient mais celles du choixpeau magique resteront gravées au fer blanc dans mon esprit.

« Webster, Calixte » Prononça le professeur qui nous avait expliqué un peu plus tôt le déroulement de la répartition. A l’entente de mon prénom, je m’avançai vers le petit tabouret sur lequel était posé un chapeau pour le moins étrange et que je redoutais. Le professeur le soulèva, je m’installai et le choixpeau se retrouva sur ma tête. Je ne bougeai plus, pétrifié par l’appréhension, qu’allait-il advenir de moi ? « Hum… » Débuta une voix dans ma tête. « Je vois de nombreuses qualités en toi, même si tu ne sembles pas en être conscient. Ta recherche de l’excellence ne sera qu’un frein pour toi. » De quoi voulait-il parler ? Je ne pouvais bouger le moindre petit doigt, de peur de conditionner un choix à jamais. « Tu es travailleur, je le vois en toi, mais tu ne le fais pas pour de nobles raisons, serdaigle n’est pas pour toi. Tu n’es certainement pas fainéant mais tu as un caractère trop marqué pour rejoindre la maison du moine gras. Je vois beaucoup de choses dans ta tête, tu es malin, intrépide, dynamique, passionné, calculateur, bon orateur. Je vois de la noirceur recouvrir ton âme torturée. Tu seras certainement amené à faire de grandes choses, seul toi décideras du chemin à parcourir et de la voix à suivre. » Poufsouffle et Serdaigle écartés je ne savais si je devais m’en réjouir ou pleurer. Il était évident que d’aller chez les jaunes et noires seraient pires que tout pour mes parents, mais serdaigle devait se rapproche le plus d’une maison acceptable pour moi. Gryffondor véhiculait trop de valeurs à l’encontre des idées sang-pur préconçues qu’on m’avait inculqué toute ma vie. Et Serpentard me faisait peur. Je ne savais plus si je devais écouter mon cœur ou ma raison, l’envie de briller n’était plus si forte. « Je vois, tu sembles indécis, je vais donc devoir trancher pour toi. Si je me fiais à certaines choses que je peux voir dans ta tête le choix aurait été évident mais je sens au fond de toi un cœur pur et bon. Ce sera donc : GRYFFONDOR ! ». J’en restai un instant stupéfiait. Mon cœur repris un rythme normal rapidement, soulagé de l’annonce, mais déjà ma tête s’emballait, de nombreuses questions se bousculant.

Si j’avais suivi la voie des Webster, j’aurais certainement finit à serpentard, la maison des sournois et des perfides sang-pur comme eux, comme tous autour de moi, excepté ma petite sœur qui avait été envoyé chez les intellectuels, mais pour elle ce n’était pas grave, bien évidemment. Mais je devais être différent. Je me suis toujours posé la question de savoir si j’étais déjà un marginal dès ma naissance ou si la distance, la froideur et l’ignorance qui m’avaient bercé toute ma vie n’avaient pas influencé mon parcours émotionnel et mon envie de me surpasser.
Au final me faire rentrer dans les rangs, dans leurs attentes de braves sans-purs conditionnés, ne m’aurait fait paraître que plus insignifiant. A quatorze ans, j’avais enfin réussi à soulever un regard et une attention de mes parents.


A 14 ans, la veille de ma première rentrée à Poudlard, je me suis juré une chose : briller aux yeux de mes parents ! Je n’avais qu’un seul but, avoir leur reconnaissance, et pour cela j’étais prêt à tout. J’étais loin de m’imaginer que dès le premier jour je déclencherais les hostilités. Mais leurs réactions avaient été si violentes et si rapides suite à ma répartition dans la maison des courageux que je tenais là le moyen de les intéresser. J’ai ainsi décidé de me forger une personnalité, un caractère bien loin de ce qui constituait mon cœur et mon âme mais je savais que par ce stratagème je ferais réagir mes parents et existeraient pour au moins une fois dans ma vie. J’ai donc décidé de me faire passer pour un provocateur, une personne impulsive et qui ne contrôlerait pas son débit de paroles. Alors que dans ma tête tout était calculé au mot près. J’ai longtemps fait enragé mes professeurs, leur répondant dès que je le pouvais afin d’écoper de nombreuses retenues. Plus elles étaient nombreuses et provoqués par un manquement à mon éducation et plus je recevais de lettre m’informant des sentences qui m’attendaient en rentrant. Je ne savais qu’une chose, j’entrais enfin en relation avec ceux que j’avais toujours admiré et qui m’avaient toujours blessé par leur ignorance. J’ai donc passé six ans de ma scolarité à Poudlard à jouer un jeu, à me constituer un rôle de fauteur de troubles et me faire passer pour un être que je ne suis pas simplement pour me rapprocher de l’idéal de mes parents. Mais un jour, la provocation ne fut plus nécessaire pour se tourner vers ma petite personne. Ce jour-là, ma vie bascula du tout au tout.


Je n’ai pas reçu cette lettre il y a tellement longtemps, deux mois tout au plus, un peu après mon arrivée à l’école, mais je sais une chose, je pourrais réciter chaque mot utilisé, chaque expression citée, et ce jusqu’à la fin de mes jours car elle marquera à jamais un tournant décisif dans ma vie.

« Maverick,
Tu as du apprendre que ton frère était mort, si cela n’est pas le cas, considère que l’information est passée. La peine n’a pas sa place, nous devons être fiers de son sacrifice, pour notre cause à tous, et malgré son départ précipité nous continuerons à glorifier ses louanges. Il est décédé en héros et nous garderons toujours en tête cet acte de bravoure qu’il aura accompli et le bonheur qu’il nous aura apporté pendant toutes ces années et jusqu’à son dernier souffle.
Ta sœur, étant une fille, ne peut pas assouvir nos envies et nos nouvelles directives, bien que nous soyons bien plus attachés à sa bonne conduite et à ses valeurs qu’aux tiennes et qu’elle nous comble infiniment plus que toi. Nous allons donc devoir faire des concessions et sache que ce n’est pas avec plaisir que nous prenons cette décision. Cela peut être lourd de conséquences pour notre famille, il va donc falloir que tu te tiennes à ce que nous déciderons pour toi.
Tout repose sur tes épaules maintenant, de la tare de la famille, tu vas devoir endosser le rôle d’héritier et sache que nous ne te lâcherons sous aucun prétexte. Il va falloir que tu sois à la hauteur de notre prestige et il est hors de question que tu fasses chavirer notre famille.
Nous aurons des exigences et tu n’auras pas ton mot à dire. Tu endosses maintenant le rôle de ta vie, toi qui voulais briller, ne tient qu’à toi de le faire à partir de maintenant.
Tiens-toi bien, tu connais les conséquences et si un jour tu oublis à qui tu appartiens, pose ton regard deux secondes sur les cicatrices qui peuplent ton torse.

A & S Webster. »

Une nausée me reprend rapidement, je sais que je me fais du mal à repasser en boucle ces phrases dans ma tête, mais elles sont maintenant comme ancrées en moi, plus jamais je ne pourrais vivre comme avant.
Si j’avais su que devenir Lui serait si compliqué et demanderait autant de contraintes et de concessions, je ne pense pas que j’aurais prié toute ma vie pour être né avant lui, pour vivre sa vie, être à sa place et recevoir toute l’attention. Je l’idolâtrais, pour de mauvaises raisons et je me demande s’il en a aimé sa vie. Au final, je ne suis plus sur des sentiments que mes parents avaient à son égard et je me demande s’il était vraiment heureux de cette vie imposée par nos géniteurs. Tout n’est qu’une question d’intérêt et d’évolution dans la hiérarchie sociales des sang-pur. Si je les écoutais, dès demain je rentrerais dans les rangs et partirait en chasse aux moldus aux côtés de Voldemort et de ses sbires. Tout ce que j’ai fait pour attirer leur attention n’a jamais atteint les limites de la magie noire, seule ma haine envers eux m’a poussé à me surpasser et surement à faire des choses inacceptables.


J’ai toujours eu un secret, un secret bien gardé au plus profond de mon être et surtout que personne ne pourrait jamais imaginer. Tout avait commencé l’année de mes six ans, quand je suis tombée sur un petit lapin blessé. Sur le coup je ne me suis pas porté plus sur la chose, j’ai simplement agis en essayant de le soigner comme je le pouvais. Il n’était pas envisageable de revenir avec lui au manoir, déjà à l’époque mes relations avec mes parents étaient difficiles, froides voir inexistantes mais ils gardaient tout de même un œil sur mes faits et gestes. Je me suis donc occupé de ce pauvre petit animal, tous les jours pendant huit jours, dans le fin fond du domaine familial. Le neuvième jour, la place que j’avais aménagée pour lui était vide, enfin pas tout à fait, un mot glacial et cinglant m’interdisait d’un jour parler de cette expérience. Mes parents avaient découvert ce que je faisais de mes journées et m’avait punis de la pire des manières, jamais plus je ne revis ce pauvre animal et le soir même au souper, un ragout de lapin était au menu, surement pour me blesser un peu plus. Mais malgré eux et juste pour entrer en contradiction avec la méchanceté de ces parents qui n’éprouvaient aucun amour pour moi, ma passion pour ces petits êtres doux et aimants s’est affirmée et a grandit au fond de moi. A tel point qu’à ce jour, cela m’est difficile de ne pas le montrer. Je suis toujours à la limite de l’explosion quand notre professeur de soins aux créatures magiques nous parle de ces si mignonnes bêtes. Et parfois, le soir, tard, quand rien n’arrive à m’apaiser, que je me sens seul avec moi-même, avec ma peine, mon rejet, ma solitude, mon dégout de moi-même, je me faufile hors de mon dortoir et je reste plusieurs heures en compagnie des animaux que garde Mlle Rosebury, au moins je sais qu’avec eux je ne risque rien, je suis aimé pour ce que je suis et pas pour ce que je pourrais représenter potentiellement. Je suis simplement moi-même et ça me fait du bien de ne pas jouer un rôle. C’est reposant de ne pas tout calculer en permanence.