"L'amour c'est cela : faire croire à la personne qu'on désire le plus au monde qu'elle nous laisse de marbre. L'amour consiste à jouer la comédie de l'indifférence, à cacher ses battements de coeur, à dire l'inverse de ce qu'on ressent. Fondamentalement, l'amour est une escroquerie."
~ L'égoïste romantique.
La belle Aliénor parlait d'une langue incisive qui ne semblait guère laisser Lysander de glace. Amusé par l'insolence de la jeune blonde, le Gryffondor ourla sa lippe d'un sourire de connivence et vint s'étonner de ses propos teintés au vitriol : selon ses dires, s'afficher avec elle était à proscrire car mal vu. Ainsi allait-il rétorquer qu'il lui était difficile d'imaginer qu'accompagner une jolie fille puisse être préjudiciable, avant de ravaler ses palabres lui semblant un peu trop directs à son goût. Lui qui ne sut jamais draguer ni même n'en eut trouvé l'utilité, se sentait comme pousser des ailes sous le joug de l'humiliation qu'il eut éprouvé ce soir. Un instant de faiblesse – ou de zèle, pourquoi pas – que Lysander jugula néanmoins bien vite. Car dès lors que Lullaby apparut dans leur champ de vision, le jeune garçon ne sut véritablement en détourner le regard ni même les pensées. Ah certes, le Gryffondor lui en voulait encore ; l'on pouvait percevoir dans l'alcôve de son regard brun cet éclat glacé que la belle importune ignora en reportant son attention sur la Poufsouffle. Encore une fois, Lysander ne semblait guère au centre de l'intérêt de son élue, ce qui le poussa à mordiller nerveusement sa lèvre à grands coups d'incisives furieuses. Il s'apprêta par ailleurs à partir, poings serrés et mâchoire crispée, lorsque sa belle l'interpella soudain :
« Je te cherchais » Le ténébreux se tourna alors vers elle, leva son regard à présent dépourvu de rancune mais bien agréablement étonné, et s'entendit répondre de la façon la plus crétine qui soit :
« Ah. » Un mot seulement. Teinté de déconfiture comme de stupéfaction. Lorsque Aliénor soudain interrompit la mascarade en tirant sa révérence, sous les yeux quelque peu sceptiques de l'amant éconduit. Car ce dernier ne sut vraiment comment se comporter avec sa belle ; s'il dut lui en vouloir encore ou pardonner trop facilement. Ne parvenant pas, quoiqu'il en soit, à se défaire de cette froideur lui collant un peu trop à la peau.
Alors il la laissa parler. Attendit qu'elle ne s'extirpe de son mutisme, vrilla sur elle son regard brun dénué de griefs et de fureur, sentit ses poumons se tasser sous l'angoisse. Car si la rancune s'était dores et déjà estompée, à défaut de se montrer plus chaleureux, Lysander ne pouvait concevoir de la voir s'éloigner alors même que son cœur noué battait pour elle. Hélas cependant, la jolie mésange ne put qu'exprimer ses angoisses et son effroi d'une voix timorée et hésitante, quand se sentant coupable elle s'en rendait nerveuse.
« Je suis désolée … vraiment. » Lysander opina doucement du chef. L'envie de la réconforter, même un peu, même s'il n'avait pas compris, même s'il n'acceptait pas encore. Tout lui pardonner et digérer sa déception sans jamais l'en blâmer.
« Je ne voulais pas vraiment te laisser tu sais ? C’est juste que … » Et de sentir ce myocarde aussi mort que vivant. Suspendu à ses moindres palabres, lesquelles avaient le pouvoir de distiller en lui la joie comme l'abattement. Le Gryffondor déglutit difficilement, retint son souffle mais resta de marbre. Rester digne, malgré l'humiliation et les appréhensions à venir.
« J’ai juste eu peur. » Le silence à nouveau s'empara de leur instant esseulé, alors que Lysander s'efforça de la comprendre. De saisir l'essence de son malêtre, de respecter ses angoisses sans tenter de la juger, de la rassurer, surtout. Et enfin il parla. Leva sa voix suave en un timbre qui se voulait réconfortant, tandis que sa main glissa nerveusement dans sa chevelure d'ébène.
« Ecoute Lulla. Je t'aime genre, vraiment beaucoup... » Le jeune homme se sentit blêmir sous la confidence, quand bien même elle demeura en demi-teinte. Mais continua sa diatribe qui se voulait apaisante.
« Mais je crois pas que je veux être ce genre de mec qui te fiche la trouille. J'veux pas... me dire que tu puisses être mal à l'aise avec moi. Je veux pas te faire de mal, ni te savoir triste, ou malheureuse. » Lysander humecta ses lèvres carmins, se sentant mutilé de l'intérieur. Le cœur abattu par tant de résignation ; celle de laisser partir l'élue de ses pensées pour mieux la savoir confiante et qui l'assassinait sans sommation alors même qu'extérieurement il se montrait tendre et serein.
« Je veux pas me dire qu'à chaque fois que je poserai mes yeux sur toi, ça te fera fondre d'inquiétude. Je veux juste te savoir heureuse, et bien dans ta peau. » Il déglutit difficilement, d'une salive pâteuse et rare. Aurait maté son myocarde à force de l'entendre souffrir mais continua sa montée vers l'échafaud.
« Alors j'te propose que... » Brève pause, marquant son hésitation et sa douleur. Un sourire tendre, pourtant, en bord de lippe, alors qu'il la toisait de cet air amoureux.
« Qu'on reprenne tout à zéro, si ça peut t'aider à te sentir mieux. Se dire qu'il ne s'est rien passé, et que je t'ai invitée au bal en tant qu'ami. Seulement en tant qu'ami. Et on en restera là si c'est ton souhait, c'est promis. » Ah et cette douleur frappant les portes de son palpitant. Infâme, mais témoin d'un sacrifice qui ne put être offert que sous le joug de son amour pour elle. S'il ne pouvait la rassurer en tant que prétendant, qu'il puisse le faire au moins en tant qu'ami. Quitte à la toiser de loin et de la savoir heureuse avec un autre. Que l'amour est cruel mais que son dévouement est beau.
« Maintenant, j'te promets qu'on va passer une bonne soirée. » fit-il non sans forcer un sourire, tendant dès lors la main vers sa belle.
« Tu m'accordes la prochaine danse ? »