Voilà deux semaines que l'attaque à Pré-au-Lard avait eu lieu et autant dire que j'étais toujours autant ébranlée. Les cours qui étaient jusque-là suspendus reprenaient lundi et psychologiquement, je n'étais pas du tout prête. Mon incapacité à agir au marché nocturne me dégoûtait de moi-même de plus en plus. J'étais restée la majorité du temps enfermée dans mes appartements, ne sortant que très rarement. Physiquement, je n'avais eu qu'un bras endommagé mais vite remis grâce aux Potions d'Ebony. A présent, j'arrivais à le bouger bien que mes mouvements étaient lents. Heureusement pour moi, ce n'était que le bras gauche et vu que j'étais droitière, cela ne me gênait pas plus que ça. Non, ce qui me gênait, c'était mon comportement. Je faisais partie de l'Ordre et j'avais été incapable d'assurer mon rôle. J'avais même rendu les choses pires je suis sûre. Et la question qui me hantait sans cesse : est-ce que j'étais à l'origine de ces victimes tombées ce soir-là ? Et en faites, le doute me perturbait et je ne savais si je préférais connaître la vérité. Néanmoins, ce soir-là, me sentant pas de rester une nouvelle fois seule, mes pensées tournant dans ma tête, je décidais de m'habiller convenablement pour une fois depuis longtemps. Je m'habillais toutefois version moldu, c'est-à-dire jean, débardeur, petit gilet et foulard au cas où la soirée de ce mois d'avril serait fraîche. Puis, je me glissais doucement à l'extérieur de mes appartements. Jetant un coup d'oeil autour de moi, je ne vis personne. Les couloirs étaient sombres et il devait être aux alentours de 23h. Je refermais ma porte par un Alohomora et, sur la pointe des pieds, allais frapper chez Lysander. Même si je craignais le regard des autres, celui de Lysander ne m'effrayait pas car ... Disons qu'on avait l'habitude de sortir boire un peu (beaucoup), d'oublier tout le temps d'une soirée, et de ne pas juger nécessairement l'autre. Lorsque la porte s'ouvrit, je restais tout de même bouche bée, ne sachant pas trop... comment parler ? Je pris une nouvelle inspiration et demandais à voix basse :
- A la Taverne, toi et moi, tout de suite ?
Oui, mon langage était un peu bizarre mais c'était une manière de ne pas montrer mes émotions dans mes paroles. Pourtant mon visage, même si j'y avais ajouté un peu de maquillage, restait marquée par toutes les émotions par lesquelles j'étais passée ces derniers jours.
❝Ce soir je veux tout oublier❞ Caroline & Lysander
Lysander avait tout pour être heureux, un travail de rêve, un logement à Poudlard, des élèves formidables, des amis tant qu’il en désirait, il était beau, il était intelligent, il était jeune. Et pourtant, il avait l’impression d’être en sursis. Il parvenait à se lever chaque matin et se forçait à afficher un grand sourire dès qu’il mettait les pieds dans la Grande Salle, il arrivait à faire croire au monde que tout allait pour le mieux, et souvent, il y croyait lui-même. Mais parfois, et comme c’était le cas ce soir-là, le mal-être remontait à la surface. Son sourire disparaissait et ses entrailles se tordaient, il ressentait l’envie de vomir et de hurler, hurler encore et encore, hurler dans le vide pour que ça s’arrête, cette douleur atroce qui s’estompait parfois mais qui ne disparaissait jamais, pas un seul instant, jamais de répit. Il y avait de ces blessures qui ne guériraient jamais, peu importe le temps, les mots de réconfort, la présence des gens. Il y avait de ces maux qui torturaient sans relâche, qu’aucun sortilège au monde ne pouvait apaiser efficacement. Il pensait à son père, disparu trop tôt, tué par la pire espèce humaine. Il pensait à sa mère, qui n’avait pas été aussi forte que lui et qui s’était laissée sombrer dans les ténèbres, refugiée dans le silence et les larmes. Et puis il pensait à elle. Et alors tout en lui prenait feu, la détresse le gagnait, la souffrance le perdait.
Ce soir-là, Lysander était donc seul dans ses appartements à ruminer. Il avait même sorti une bouteille de scotch et sirotait un verre assis dans son fauteuil, son chat sur les genoux. Son visage paraissait éteint, tout comme l’étaient son cœur et ses yeux. Il avait mal, il était fatigué de ressentir toutes ces choses en permanence, fatigué de devoir se battre pour faire semblant d’être heureux, pour sourire au monde, pour rester en vie. Fatigué.
Alors qu’il allait se servir un troisième verre, Lysander entendit des coups frappés à la porte. Etonné, car il n’attendait personne, encore moins à cette heure-ci, il se dirigea vers la porte et l’ouvrit. Lorsque le jeune homme reconnut sa collègue et amie Caroline Sangster, son visage se détendit. Il mit cependant quelques secondes avant de comprendre le sens de ses mots, encore trop pris dans ses pensées. Mais Caroline avait l’air aussi perturbé que lui, en cela il sentait le besoin urgent qu’elle devait éprouver à sortir et se vider l’esprit.
- Tu ne pouvais pas mieux tomber, répondit Lysander en esquissant un sourire. Je m’habille et je te suis, entre en attendant.
Lysander se décala pour laisser entrer la jolie blonde et se dirigea vers sa chambre. En effet, il était torse-nu et uniquement vêtu d’un bas de jogging, tenue peu adéquate pour aller se balader dans les pubs de Pré-au-Lard. Il enfila une chemise, un pull par-dessus et un pantalon noir, attrapa une paire de chaussures et passa en coup de vent devant le miroir de la salle de bain afin de tenter de compter ses cheveux en bataille, s’y résigna, et retourna auprès de Caroline qui l’attendait toujours dans le bureau.
- Je suis prêt ! Allons-y.
Le jeune professeur enfila sa cape et glissa sa baguette magique ainsi que de l’argent dans les poches intérieures puis tendit son bras à Caroline. Ils sortirent tout deux des appartements de Lysander et se dirigèrent vers le hall du château, avant de sortir dans l’air frais de la nuit et de traverser le parc en direction de la sortie.
- Alors, quelle est la source de tes tourments ? s’enquit-il tandis qu’ils marchaient bras dessus bras dessous.
Car il était évident que quelque chose tracassait Caroline, et même si Lysander était d’ordinaire du genre à ne pas s’occuper des affaires des autres, il appréciait la jeune femme et était embêté de la voir mal. Il s’attendait à ce qu’elle se confie car elle en avait vraisemblablement besoin, et il était prêt à lui prêter oreille si cela pouvait lui faire du bien.
Lysander m'avait ouvert la porte, torse nu et verre à la main. Visiblement, il n'avait pas l'air en meilleure forme que moi et s'était déjà plongé dans l'alcool. Je n'aimais pas boire seule et fut un temps où je n'aimais pas boire de l'alcool. Il n'y avait que depuis que j'étais revenue en Angleterre que j'avais "découvert" ce moyen pour oublier mes problèmes. Avant, je buvais un peu pour faire la fête mais jamais en-dehors, ni même pour les repas et les grandes occasions. Avec Lysander, je pouvais sortir me changer les idées et boire en compagnie de quelqu'un. Une seule fois, j'étais sortie seule à Pré-au-Lard pour boire un peu et je m'étais retrouvée avec une élève. Chose que j'avais un peu regretté d'ailleurs. - Je m’habille et je te suis, entre en attendant.
J'acquiesçai silencieusement alors que mon collègue partait s'arranger un peu. Je refermais la porte pour ne pas faire plus de bruit et inspectais son "chez-lui". C'était assez simple et rien n'attira mon regard jusqu'à ce qu'il se pose sur une bouteille à côté du fauteuil. Il devait sûrement être assis là avant que je n'arrive. Lysander ne tarda pas à revenir. Je souris un peu. Certains faisaient remarquer que les filles mettaient un temps interminable à se préparer et à s'habiller. Et ce n'était évidemment pas le cas des garçons comme je pouvais le remarquer. Me faisant remarquer qu'il était prêt, il me tendit son bras que je saisis et on sortit. Se retrouvant quelques instants plus tard dans le parc, entourée de la nuit noire et froide du mois d'avril, Lysander me questionna sur mes tourments. Sans être très explicite dans ce qu'il m'arrivait, je lui confiais souvent mes émotions, mes pensées et mes problèmes. Ce que je fis encore ce soir :
- Tu dois surement être au courant de ce que j'ai fait lors du marché nocturne... Tout le château en parle...
J'exagérais peut-être un peu. Je n'étais pas beaucoup sortie ces deux dernières semaines mais dès que j'allais prendre mes repas dans la Grande Salle je sentais de lourds regards sur moi et je craignais beaucoup les reproches qui menaçaient de me tomber dessus. Certains élèves devaient se dire que c'était peut-être moi qui les avait agressé, que c'était peut-être moi qui avait tué leur meilleur ami, que c'était peut-être moi l'espionne, que je n'étais pas celle que je prétendais être.
- Je me sens coupable et honteuse.. Et pour tout te dire j'ai peur de revenir en classe et enseigner à ces élèves à moitié détruit par ce qui s'est passé ce soir-là et peut-être détruit par... moi...
Ma voix se cassa légèrement alors qu'on arrivait dans la lumière des lampadaires de Pré-au-Lard. Je n'espérais pas vraiment de paroles de réconfort de la part de mon collègue aussi, je me raclais la gorge et enchaînais :
- Et toi ?
Cette question allait peut-être l'étonner car c'était bien moi qui était venue frapper à sa porte et non le contraire. Je me justifiais alors :
- J'ai vu la bouteille de scotch à côté du fauteuil... Bien entamée de ce que j'ai vu...