Le regard vert et or de la chatte cligna lentement et suivit le mouvement de l'homme à quelques mètres d'elle. Tel un pacha, elle était installée sur un coussin, l'air hautain comme à son habitude. Mais aujourd'hui était un peu plus spécial - de sous l'illusion jaillirait quelque chose qui ressemble à une vérité nue et aiguisée. Althéa espérait ne pas s'y blesser - ni ne blesser Dorian. Cela lui avait fait extrêmement bizarre de devoir venir l'espionner pour le compte des Mangemorts, afin de vérifier si il était aussi parfait d'aspect que de l'intérieur. Il avait semblé une recrue au potentiel incroyable, et la chinoise avait refusé que quiconque n'entre chez son ancien professeur, hormis elle. Une espèce de possessivité stupide, mais c'était autant du respect qu'autre chose. Ils se connaissaient, et elle ne voulait pas qu'un autre mangemort puisse accéder à la vie privée de Dorian Selwyn. L'intention avait beau être bonne, il ne faisait aucun doute qu'elle-même avait prit beaucoup de plaisir à se faire passer pour un chat, et une fois reccueillie, à traîner chez l'homme afin de découvrir ses plus petites habitudes, les gestes du quotidien, les illusions sous son masque. Sans donner ne serait-ce qu'une seconde le doute que ce chat puisse être également un apparat de déguisement.
Pour le moment, elle se contenta de se lever, de s'étirer, et d'aller se frotter contre les jambes du professeur. Elle avait gardé une habitude terrible, celle de croire ses anciens professeurs meilleurs qu'elle. Pourtant, cela faisait sept années qu'elle avait quitté Poudlard, et elle n'était plus son élève. Elle était une jeune femme, et ses pensées revenaient souvent à sa mère, qui lui demandait de choisir entre ses divers prétendants. Selwyn était un nom qui revenait souvent - sa mère, Chu Fei, le trouvait charmant et sa position en tant que professeur en faisait un bon parti, au-delà de son sang-pur et de sa vive intelligence. Althéa ne pouvait pas prétendre être totalement insensible à Dorian Selwyn, même si autrefois, en septième année, bien qu'elle l'eut trouvé séduisant, il était marié. Elle n'avait pas cherché plus loin. Mais à présent, il était veuf, et elle se doutait qu'il risquait de trouver un second mariage plutôt embarrassant. Par bien des côtés, elle avait déjà arrêté son choix. Elle laissa Dorian sortir de la pièce, et inspirant, elle reprit forme humaine. Les poils noirs et blancs se changèrent en une chevelure qui cascadait sur ses épaules comme de l'ébène poli. Sa peau ne fut plus nue mais couverte d'une chemise simple et d'un jean - seul petit manquement au tableau, elle ne portait pas de chaussures, habitude chez elle quand elle devait changer de forme. Dans un frémissement de l'âme, elle s'assit de nouveau sur le canapé, le plus calmement du monde. Sa baguette était accrochée à sa cuisse, mais sa main s'en trouvait loin - nul menace n'exsudait d'elle. C'était comme si elle avait toujours été là, et que là se trouvait sa place. Et quand la silhouette familière se présenta, elle déclara d'une voix douce, en espérant ne pas trop le surprendre :
— Bonjour, Dorian. Elle se permettait de l'appeler par son prénom. Pour casser l'ancienne hiérarchie. Pour en démarrer une nouvelle, où ils seraient égaux. Elle se souvenait, vivement, de leurs discussions sur les étoiles. De la façon dont il l'écoutait, et sa manière à elle d'entendre ses conseils. Elle repoussa ses pensées d'un passage de sa langue sur ses lèvres et continua, un peu moins assurée que ce qu'elle aurait désiré. Je suis navrée de devoir vous annoncer que la chatte que vous avez accueilli avec la meilleure des volontés n'est que moi. Les mangemorts avaient un oeil sur vous - non pas de façon menaçante, mais plutôt parce qu'ils trouvaient en vous des qualités que nous recherchons. Je fais parti des Lords Noirs, et plutôt que de laisser la mission d'espionnage à une personne quelconque qui n'aurait pas su où s'arrêter, ou qui se serait fichu de vous, j'ai préféré prendre sa place. J'espère que vous ne m'en voudrez pas. Pour l'une des premières fois de sa vie, Althéa se sentait quelque peu maladroite et idiote. Peut-être parce que son avis à lui comptait. Mon rapport sera des plus nets : vos qualités font de vous un homme de choix. Les paroles pouvaient porter à confusion - cela pouvait passer pour un avis pour son propre compte plutôt que pour les mangemorts. Il valait dans les deux cas, en réalité. Mais il me semble avoir compris qu'un poste chez les mangemorts mettrait en danger votre rôle de professeur. Néanmoins, si vous tenez à nous rejoindre, un jour, n'hésitez pas.
Devait-elle partir ? Elle souhaitait aborder un thème plus personnel, à présent, mais ce n'était peut-être pas le bon moment. Elle continua d'observer Dorian Selwyn, attendant sa réaction, contemplant ses traits avec une inquiétude cachée.
Dorian attrapa le livre qu'il avait laissé sur la table basse un peu plus tôt dans la matinée. Il sortit ses petites lunettes de sa poche de gilet avant de les mettre sur son nez. Il avait commencé ce bouquin sur l'histoire de sortilèges d'un certain professeur. Ce n'était qu'une simple distraction en attendant de pouvoir repartir à Poudlard. Les récents événements l'avaient poussé à rejoindre son manoir pour travailler tranquillement et être loin de l'agitation général qui ne le concernait que peu. Fort heureusement pour lui, Dumbledore l'avait laissé partir sans trop se poser de questions, il lui demandait de revenir dès qu'il était appelé. Chose que Dorian voulait faire rapidement, les cours lui manquaient un peu. Il fallait se l'avouer.
Alors qu'il était dans ses pensées devant la cheminée du petit salon, il fut sorti de son monde par la présence de son nouveau compagnon. Enfin, compagne plutôt. Le professeur d'astronomie avait trouvé la jolie demoiselle à fourrure non loin de sa porte d'entrée. L'idée de faire peur au chat ne lui avait pas traversé l'esprit. Elle lui rappelait même sa tendre mère qui avait une affection particulière pour les félins. Tranquillement la petite boule de poil avait accepté de se mettre à l'abri chez lui. Depuis, Dorian s'amusait de la voir dans chaque pièce de la maison et de le suivre à chaque pas, comme s'il allait s'échapper. Il se baissa lentement pour pouvoir prodiguer quelques caresses à sa nouvelle amie. Il demanda ensuite à son elfe de maison d'arriver pour lui dicter des ordres, un verre de vin était obligatoire pour continuer sa lecture. Il sortit de la pièce quelques instants pour suivre son elfe de maison jusqu'à la cuisine vu que celui-ci n'écoutait pas grand-chose ou ne voulait pas comprendre. Dorian n'en savait trop rien mais il n'avait aucunement envie de se prendre la tête avec ça. Il revint dans son petit salon quelques minutes plus tard, son bouquin dans la main droite déjà en pleine lecture et son verre dans l'autre.
— Bonjour, Dorian.
Il ne sursauta pas, s'arrêta simplement et releva la tête vers la provenance de la voix. Il fut surpris de trouver en face de lui, une ancienne élève et plus intimement, une amie. Althéa Huang. Il posa son livre et son verre sur la cheminée avant de sourire à la jeune femme. Il était surpris mais savait parfaitement qu'elle n'était pas un danger. Il l'aurait senti de suite tout comme la multitude de sorts entourant la maison. Elle n'aurait jamais pu passer la porte même sous sa forme féline.
« Althéa, c'est un plaisir. » répondit-il en s'installant dans le fauteuil bleu roi juste en face de la jeune femme.
Sa beauté est encore plus épanouie qu'autrefois. D'un côté, il ne l'avait pas vu depuis longtemps. Peut-être un peu après son diplôme. Le verre de vin arriva à lui d'un simple geste de la main, il en but une gorgée en écoutant son ancienne élève. Curieux, il était au plus profond de lui. Il se cala plus confortablement pour finir par un sourire énigmatique. Il avait remarqué la nervosité de son amie pour une raison qu'il ignorait. Alors elle venait de la part des Mangemorts, intéressant ]. Il était un peu déçu aussi.
« Je vais devoir me trouver un nouveau chat. » s’amusa-t-il. « Néanmoins, ça m’a permis de te revoir. Surtout d’admirer ta transformation d’animagus. Bravo de la maitriser si bien. Je suis flatté que les mangemorts s’intéressent à ma personne également, mais tu l’as parfaitement compris, mon poste de professeur me tient à cœur et je n’ai pas envie de le quitter pour le moment. Mon père devrait suffire pour les finances de votre Lord, il me semble. » Dorian fit une grimace à l’évocation de son père. Ils habitaient pourtant ensemble, mais il ne le voyait que très peu. Chacun à ses occupations, puis son géniteur était souvent sur des pistes pour le ministère de la magie. Dorian était heureux d’être à Poudlard une grande partie de l’année, il n’avait pas à se soucier de sa famille dans ces moment-là.
Il reporta son regard vert-noisette vers la demoiselle.
« Alors, qu’est-ce que ça fait de voir l’envers du décor ? » Bien évidemment, connaitre Dorian Selwyn n’était pas une mince affaire. Peut-être était-elle la seule à l’avoir vu tel qu’il était. Sans faux semblants. Ca le dérangeait un peu, mais il ne dit rien. Même sa femme Heaven ne l’avait jamais réellement connu dans son ensemble. Il prenait soin de lui montrer seulement les bons côtés, il avait caché ses penchants les plus sombres. Mais Althéa avait pu le suivre jusque dans sa pièce secrète, où la magie noire était de mise. Il était curieux de l’opinion qu’elle avait de lui maintenant.
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Sam 15 Aoû - 15:33
