All you have is your fire Edelweiss Blackmoth & Teruki B. Tsuki
A peine eut elle ouvert les yeux, qu’Edelweiss sentit les pulsations lancinante d’un mal de tête, allant et venant contre son front. S’ensuivit un grognement, à la seconde où la lumière grise - pourtant faible - du petit matin l’éblouit de plein fouet. Pendant quelques minutes, elle garda les paupières closes quoique légèrement crispées par ce mal de tête, battant comme un cœur malade. Puis, dos à la fenêtre sans rideau, elle ouvrit les yeux sur un tabouret cassé aux côtés d’une porte au bois pourri. La Tête de Sanglier. Elle y prenait une chambre de temps à autre, jamais la même, mais il était facile de les confondre. Comme si cet air délabré les avait toutes contaminées, les unes après les autres. Bien qu’elle loue un appartement, Edelweiss n’y vivait pas de façon permanente. Elle changeait, tout le temps. Elle resta un moment allongée, les sourcils froncés. Il la poursuivait. Même au bord de l’inconscience, elle voyait son visage. Elle se mordilla l’ongle du pouce, et un goût de rouille envahit sa bouche pâteuse. Elle ne fut pas surprise de voir qu’un peu de sang séché lui entachait le dessous des ongles. Un bref sifflement dédaigneux lui échappa, face à ce rappel de la bagarre de la veille.
Elle se redressa et constata qu’elle portait encore ses vêtements, et n’avait pas pris la peine de retirer ses bottes. Une grimace douloureuse distordit son visage alors qu’elle s’étirait mais ce n’est que lorsqu’elle bailla qu’une douleur aiguë lui déchira le coin de la lèvre inférieure. Un petit cri, plus de surprise que de douleur, fut étouffé par la main qu’elle porta à sa bouche. Du sang suintant d’une blessure rouverte maculait ses doigts. Elle le regarda un instant, comme fascinée, puis l’essuya simplement sur son pantalon noir. Invisible. Enfin, elle se leva. Le cœur malade battait toujours, et elle baissa les yeux en passant devant la fenêtre pour se rendre à la salle de bain. Là, elle se déshabilla et laissa rouler mille traînées d’eau chaude sur sa peau hérissée par le froid. Elles roulèrent sur son dos meurtri de quelques bleus, sur son genou et sur son ventre. Des blessures passées et récentes. Un petit nuage de vapeur s’échappa de ses lèvres, comme si elle luttait physiquement pour échapper à Paul. À son souvenir, à sa peau froide et à ses yeux vides. À la dernière fois qu’elle l’avait vu.
Elle ferma le robinet et s’enveloppa de l’une de ces serviettes râpeuses mise à disposition. De la buée couvrait le miroir, et tant mieux. Elle n’aimait pas se voir tout entière. Toujours, seulement ses yeux et rien que pour les cercler de noir. En revenant dans la chambre, sa lèvre la brûlait. L’odeur doucereuse d’une plante noircie par la décomposition lui souleva le cœur, montant du rebord de la fenêtre. Sa tête battait comme quelqu’un frappant inlassablement à une porte. Et ce tabouret à la con, cette chambre à la con. La colère afflua en elle sans qu’elle ne puisse la contenir. D’ailleurs elle n’en avait pas envie, jamais. Si elle avait eu sa baguette sous la main, elle aurait fait exploser cette plante morte et tout ce qui se trouvait dans cette chambre. Mais au lieu de ça, elle envoya la plante la plante au sol, comme si elle giflait une joue, violemment. Puis elle donna un coup de pied dans un gros débris du pot d’argile, qui s’était brisé dans la chute, et s’assit au sol. La moue rageuse, elle songea à la bagarre de la veille. Elle était en colère aussi à ce moment-là, et elle aimait se battre alors. Elle aimait donner des coups et en recevoir. C’était une manière comme une autre de se sentir bien, apaisée. Et c’était facile.
Elle avait essayé de se rendre sur la tombe de Paul, pour la première fois depuis un mois. Elle avait essayé mais elle s’en était retournée. Elle avait essayé mais n’avait même pas franchi la grille. Elle ne l’avait pas fait. Pourquoi n’arrivait-elle jamais à s’en tenir à quelque chose ? Pourquoi fallait-il toujours qu’elle change ? C’était une habitude qu’elle avait prise au fil des années, et au début cela lui plaisait de changer au gré de ses humeurs. Changer de nom, de mec, de lit, de ville. Mais à présent, c’était comme une robe qu’elle ne pouvait plus enlever. Pas même une fois, un seul instant, sans risquer de s’arracher la peau en tentant de l’enlever. Les coutures s’étaient résorbées dans sa peau, de cette versatilité.
Et maintenant Paul venait la harceler, même quand elle n’était pas consciente, aux frontières de la veille et du sommeil. Elle qui détestait ce souvenir. Il semblait s’imposer à elle. Elle détestait ça. Serrant une poignée de cheveux noirs dans son poing, elle commença à frissonner dans l’air glacé de la chambre. Elle n’allait pas se laisser faire, il ne gagnerait pas. Elle était bien capable de s’en tenir à une décision, non ? Elle songea à son désir d’entrer chez les mangemorts. Non, elle n’allait pas le laisser s’éteindre, ce désir. Elle y entrerait dans ce fichu cercle. Elle ne voulait plus se retourner. Relâchant son étreinte de ses cheveux, elle se leva. Stoïque face au froid, elle s’habilla rapidement, et découvrit la buée du miroir presque effacée, au niveau de ses yeux seulement. Elle en dessina les contours de noir, puis retourna dans la chambre, enfila ses bagues à ses doigts par-dessus ses mitaines de cuir, mit ses bottes et s’en alla sans jeter un regard à la chambre en désordre.
En descendant les escaliers, elle fouilla sa poche et entendit le cliquetis de quelques pièces. Elle en déposa quelques-unes, en passant, sur le comptoir. Au moins pour la forme. Le barman la connaissait, et il savait qu’elle reviendrait, tôt ou tard, et que ses nombreuses consommations étaient loin de mettre en péril les affaires du bar. Alors pour quelques pièces… En sortant, Edelweiss fut de nouveau surprise par la lumière et leva une main défensive, par réflexe, devant son visage. Le cœur malade agonisait. Puis, elle rabattit sa capuche noir sur sa tête, mit les mains dans ses poches et avança dans la rue. Elle avait encore besoin de violence. Et elle avait envie de voir ses dragons. Ces deux envie pouvaient aisément se concilier. Elle ignorait quelle heure il était, mais elle entendait le roulis de l’alcool dans la flasque qu’elle gardait toujours dans sa poche. Edelweiss n’avait que peu de principes, mais l’un d’eux était de ne pas boire avant midi. Et puis merde, elle en avait besoin là maintenant. Ses doigts sentirent le contact lisse de la flasque, et se refermèrent dessus afin de l’extirper. Elle la déboucha et la porta à sa bouche mais manqua de s’étouffer. Crachant la moitié de l’alcool, elle porta la main à sa lèvre à vif. Une sensation de brûlure intense lui avait vrillé la bouche. Voilà ce que c’était que de briser ses principes. Oh la ferme, elle reboucha la flasque et la replaça d’une main rageuse dans sa poche, et se remit à avancer.
Il y avait de nombreux avantages à être dans les affaires, et de surcroît ne pas donner dans l’honnêteté. Elle avait réussi à se procurer quelques œufs de dragons, au fil des années. Parfois même, elle en vendait de son côté non sans un bref pincement au cœur, à la pensée que la petite créature recroquevillée dans l’œuf finirait peut-être à Gringotts. Et tout ça pour quoi ? Protéger un tas de pièces froides appartenant à de vieux grippe-sous, venant, des lanternes à la main persiffler, satisfaits, devant leur monceau d’or intact. Non, elle, elle en avait gardé quelques-uns, dans un lieu qu’elle tenait caché et isolé. Près de Hoylake, mais suffisamment loin de toute présence importune. Elle savait qu’il aurait fallu les confier à une réserve. Surtout Drovarg. Sa toute première dragonne, une Noir des Hébrides. Magnifique, mais quelque peu grincheuse ces derniers temps. Mais elle se refusait à les confier à qui que soit.
Elle savait s’en occuper. Et tandis que les pavés défilaient sous ses pieds alors qu’elle marchait, elle songea, sans savoir pourquoi, à sa chauve-souris. Cette stupide créature n’avait pas de nom, elle n’avait pas eu l’envie de l’en affubler d’un. Mais dire qu’elle ne s’en souciait guère aurait été mentir. Edelweiss était à présent près du chemin de traverse, et elle pensa à ce vendeur au début de l’allée des embrumes. Il avait toutes sortes de nourriture pour les animaux, y compris les plus étranges… Elle tâtonna sa poche, et y sentit la rondeur fine de quelques pièces. Parfait. Elle avait besoin de quelques pétales de cette fleur spéciale, dont raffolait sa roussette.
« Marilyn ! », tandis qu’elle se dirigeait vers la boutique, elle ne fit pas tout de suite attention à cet appel. « Marilyn ! », puis après quelques secondes, ce fut comme si une main lui retenait la cheville et elle se figea, les sourcils froncés.
Bordel. Elle reconnaissait cette voix, même après deux ans. Elle tourna son visage vers la gauche, et vit l’une des rares personnes à qui elle devait son savoir d’aujourd’hui sur les dragons. Un vague sourire lui distordit maladroitement les lèvres lorsqu’elle vit Teruki. Elle n’avait jamais été très expansive, même en étant Marilyn.
Je m’étirai de nouveau après ma séance de sport habituelle. Il faisait assez beau dehors et il me fallait trouver un sujet pour mes cours, car c’était bien beau de vouloir faire cours, mais sans créatures passionnantes, cela risquait d’être un sacré problème. Il fallait que je trouve un sujet intéressant. Où je pouvais trouver des idées ? En y réfléchissant, je ne voyais qu’un endroit où trouver ce que je cherchais. Direction Pré-au-Lard pour pouvoir transplaner au Chemin de Traverse. Je pris ma bourse et mes kodachis, sans oublier ma baguette et je sortis en direction de Pré-au-Lard. Les élèves semblaient apprécier les quelques rayons de soleil de la matinée. Enfin surtout ceux qui étaient dehors. Cela me rappelait quand j’étais jeune et que j’allais dans la forêt pour me détendre ou exercer mes aptitudes physiques. J’étais toujours parti dans la forêt, ce qui avait eu comme résultat de me faire aller en retenue plus d’une fois, mais cela ne me dérangeait pas, car le lendemain ou le jour même, je retentais d’y pénétrer.
Une fois en dehors de Poudlard, j’avais hésité à transplaner directement. Mais j’avais envie de marcher un peu. Je regardais à droite, à gauche, mais je ne voyais pas beaucoup de gens présent dans les rues. C’était silencieux et calme. Je me reposais tranquillement de ce silence, qui me manquait parfois. Il faudrait que je retourne dans la forêt interdite pour me détendre et profiter du silence qu’il y avait. Je continuais à marcher jusqu’à arriver non loin de la Cabane Hurlante. Je n’avais jamais été sur place et n’avais jamais eu l’envie d’y aller. Non pas parce que c’était maudit et que j’avais peur, mais simplement le fait de n’avoir aucune envie particulière à chercher ce qu’il y avait là-bas. J’avais vu assez de choses pour remplir au moins deux vies. Je ne pensais pas qu’un homme ou une femme avait autant voyagé que moi, à part des aventuriers ou des gens importants. Mais très très peu de gens simplement pour le plaisir. Soupirant, je décidais de me concentrer et je transplanais au Chemin-de-Traverse, ou plus exactement devant une boutique de Quidditch. Je regardais les équipements et sentis un frisson me parcourir. Voler ne me gênait pas tant que ça… enfin un peu quand même mais j’avais horreur des figures acrobatiques en vol et ce sport je savais que ce n’était pas fait pour moi. J’avançais tranquillement cherchant des quelconques marchands qui risquaient de me donner une idée, sauf que je n’en trouvais pas vraiment. Ce fut au bout d’un moment que je vis une silhouette qui ne m’était pas inconnue Où l’avais-je déjà vu ? Je n’arrivais pas à mettre la main sur le lieu quand soudain, je me souvins de son prénom. Et là, je me rappelais de l’Amérique, des leçons que j’avais pu lui donner. Alors je commençais à l’appeler. Sauf qu’elle ne me répondit pas, elle ne devait pas avoir entendu. Je m’approchais un peu plus puis je l’appelais une deuxième fois. Je la vis se retourner et me faire un léger sourire. Moi, j’avais comme à mon habitude un grand sourire. Une fois devant elle, je commençais à lui parler :
- Alors comment vas-tu ? Ça fait combien de temps ? Deux ans ? Tu t’es lassée de l’Amérique ? Enfin ce n’est pas le plus important. Ça fait plaisir de te revoir. Je t’offre un verre pour nos retrouvailles et pas questions que tu échappes à ça.
Je l’attrapais par les épaules et commençais à la pousser vers le Chaudron Baveur. Une fois que j’étais sûr qu’elle n’allait pas prendre la poudre d’escampette, je relâchais ses épaules. Puis tout en marchant, je lui demandais :
- Alors que viens-tu faire ici au Chemin de Traverse ? Tu as des créatures à t’occuper ?
All you have is your fire Edelweiss Blackmoth & Teruki B. Tsuki
Un goût âcre, bien que salé, glissa sur sa langue alors que, se détournant, elle léchait rapidement la crevasse au coin de sa lèvre. Un peu de sang, s’échappant de la coupure à vif, devait certainement entacher ses dents et elle s’empressa d’y remédier en en suivant le renflement régulier, de sa langue. Puis elle déglutit, cachant jusqu’à la dernière trace rouge au fond de sa gorge. Elle n’avait pas la moindre envie de se justifier. Non, pas le moindre désir de raconter l’origine –qui d’ailleurs ne trouvait que peu d’importance- de cette lèvre flétrie au milieu de ce visage cerné, manquant de sommeil, et torturé par le souvenir harceleur.
Ses pupilles, cerclées de bleu glacier, dissimulaient un violent brasier qu’elle n’avait nulle envie de réprimer. C’était ses mains qui la pressaient d’enserrer quelque chose, n’importe quoi, et non sa bouche qui la poussait à s’exprimer.
D’ailleurs, elle n’eut guère l’occasion de placer ne serait-ce qu’une parole, alors qu’elle croulait déjà sous les questions posées par Teruki. Passés quelques instants à vide, et le mal palpitant toujours sous son front, son nom lui était revenu sans grand effort de sa part. Après toutes ces heures passées à tourner, sans brusquerie, autour de ces immenses créatures. Les yeux levés vers leur majesté, à contrôler le moindre de sursaut de cœur à chaque mouvement esquissé par les dragons. Le moindre grondement augurant la préparation, en son ventre, d’un feu destiné à calciner quiconque les approcherait de trop près. Le tout était de ne pas lâcher leur regard. Ne pas quitter leurs grands yeux, qui une fois pris à part du reste de leur corps impressionnant, ne paraissaient pas si effrayants. C’était ce que Teruki lui avait enseigné, aussi surprenant que cela puisse paraître, il ne fallait pas baisser les yeux. Les yeux, la voilà leur faiblesse à ces rois. Et lorsqu’ils étaient blessés, commençait un long et dangereux périple pour les atteindre, et peut-être –si vous y parveniez- vous laisseraient-ils les examinés.
Ils ne se laissaient pas facilement approchés. Cette violence… Savoir que ces griffes, raclant le sol à quelques mètres d’elle, pouvaient décider à tout moment de lui déchirer la gorge. Qu’au moindre faux pas, les prochaines flammes qui monteraient en colonne dans sa gorge, seraient pour vous. C’était cette adrénaline qui lui plaisait. Un frisson, qui la laissait pantelante. Il fallait savoir les charmer. Gagner leur confiance, avec douceur.
Teruki connaissait diverses techniques, auxquelles Edelweiss était encore peu accoutumée à l’époque. L’une d’elle consistait à prononcer quelques paroles rassurantes, en la langue du pays d’où le dragon venait. D’une voix traînante, se répercutant sur les parois lointaines, lui donner l’illusion de la familiarité. Les faire s’abaisser à votre niveau, en douceur, et là leur caresser les oreilles du bout des doigts. Sans les brusquer. Elle avait appris à guérir bien des blessures, des techniques de soin bien particulières. Mais la confiance était ce qui ne s’apprenait pas. Elle se gagnait, victorieusement à chaque nouveau dragon.
Edelweiss était empreinte d’un profond respect pour cet homme. Un respect qu’elle ne témoignait qu’à peu de personnes, et encore moins à elle-même. A la seconde où elle l’avait observé, alors qu’il laissait délicatement glisser sa main, le long du ventre au cuir élimé d’une dragonne rudement blessée et agressive, elle n’eut jamais été aussi impressionnée par quiconque ; exception faite par son oncle adoptif. Il était doux, et n’usait d’aucune violence que ce soit envers les créatures qu’elle aimait le plus au monde.
Cependant, le fait qu’elle l’appréciait, ne signifiait pas pour autant qu’elle voulait se livrer à lui sans retenue. D’ailleurs, il ne connaissait même pas son vrai nom. Elle pourrait lui raconter n’importe quoi. C’est pourquoi, tandis qu’il la prit par les épaules pour lui faire rebrousser chemin vers ce qui semblait être le Chaudron Baveur, elle fit du mieux qu’elle put pour dissimuler sa lèvre endolorie, en restant bien de profil. Ne pas tourner la tête. Limiter la parole et les questions. Et même si l’invitation à boire lui était, pour ainsi dire, imposée et la fit légèrement grincer des dents ; la perspective d’un verre lui désassombrit l’humeur. Mais un verre était aussi synonyme de conversation. De parlotte échangée autour de lui. Eh oui, il allait falloir parler. Elle qui n’en avait pas du tout envie. Il avait fallu que ce soit aujourd’hui que les retrouvailles se produisent. Merde. Son besoin d’adrénaline occultait la joie qu’elle éprouvait de revoir son ancien maître. Pire, ce dernier repoussait encore plus, sans le savoir, le moment où elle pourrait de nouveau faire hurler sa rage. La colère souleva un pan de rideau dans sa tête, redoublant les battements du cœur malade, et lui fit froncer les sourcils sous ce nouvel assaut de douleur. Celle de sa lèvre fendue entra dans la danse, dans les bras de son désir de violence inassouvi. L’étouffement la prenait de nouveau, la submergeait, excitant sa colère.
Calme-toi. Elle ne ferma les yeux qu’un quart de seconde, comme pour priver de lumière tous ces parasites, et les endormir pour un temps. « Alors que viens-tu faire ici au Chemin de Traverse ? Tu as des créatures à t’occuper ? » La voix de Teruki l’atteignit comme un écho, et elle rouvrit les yeux pour voir les siens rivés sur elle. Ne sourit pas trop, ton sang va couler. Elle ne lui offrit de nouveau qu’un maigre sourire, passant les doigts dans sa chevelure sombre, en profitant pour rabattre un peu plus sa capuche sur sa tête. « J’avais l’intention d’acheter des pétales de chrysanthèmes séchés. », une pause rapide, le temps de récolter le sang perlant sur sa lèvre. « Pour ma chauve-souris. », sa main essuya brièvement la plaie, ne laissant qu’une traînée rosâtre sur sa peau. « Et toi ? Si je m’attendais à te recroiser un jour. », Ici et maintenant, alors que j’agonise littéralement de désir violent.
Mais soudain, en relevant les yeux du pavé, entendant une voix ne lui était pas inconnue, elle s’immobilisa. L’homme avec qui elle s’était battue la veille, avançait dans leur direction. Lui, buvait sans vergogne, ne se souciant guère de sa bouche aux contours violacés, ayant à son compte une arcade sourcilière boursouflée et l’aile du nez encore incrustée de sang séché. Ces blessures, ils en devaient une partie à celle qui se détourna de lui, avant qu’il ne voie son visage. Non pas qu’elle ait peur de lui. Sûrement pas. Mais elle connaissait l’animal. Il n’hésiterait pas à reprendre le combat là où il l’avait laissé. Et elle, elle rentrerait dans son jeu, dans l’état où elle se trouvait. C’était sûr. Elle ne cracherait sur rien qui pourrait la défouler.
Toutefois, pour une raison qui lui échappait, elle n’avait pas la moindre envie de perdre le contrôle sous les yeux de Teruki. Non. Par instinct, sa main vint serrer l’avant-bras de son ami, alors qu’elle faisait de nouveau face à l’allée des embrumes. Il fallait s’éloigner de la tentation. « Viens par ici. », elle le tira vers elle, sans se soucier pour l’heure, de lui dévoiler sa lèvre fendue qui risquait d’engendrer mille questions. Et ils se dirigèrent vers sa destination première, retournant du côté de la ruelle sombre alors que le soleil ne se cachait plus. Ce n’était l’affaire que d’une minute. Un seul instant. Le temps de calmer ses ardeurs.
Et elle qui ne voulait pas parler aujourd’hui…Nom d’un dragon.
Lorsque je l’emmener en direction du Chaudron Baveur, elle ne me répondit pas. Me gratifiant seulement d’un pâle sourire, elle répondit par la suite à ma deuxième question. Elle était partie chercher de la nourriture pour sa chauve-souris. J’hochais la tête en entendant cela. Je ne savais pas que Marilyn avait une chauve-souris. Je la vis s’essuyer la bouche, cela me tiqua légèrement mais je ne relevais pas. Cela faisait longtemps que je ne l’avais pas vu. Je me rappelais que lorsqu’on c’était rencontré c’était lorsque j’avais du soigner une dragonne assez agressive. Marilyn avait été impressionné par mon savoir faire. Et je ne savais pas vraiment pourquoi mais je l’avais prise sous mon aile. Elle en savait beaucoup sur moi. Surtout sur ma condition physique, car je m’entraînais tout le temps, au matin et au soir, sur mes différents types d’art de combat, et elle m’avait déjà vu faire plusieurs fois. Mais trêve de souvenirs fuguasses. Sortant de mes pensées nous étions toujours en route vers le chaudron baveur, et Marilyn me demanda qu’est-ce que je faisais ici. Je lui souriais avant de lui répondre :
- Et bien j’étais entrain de chercher une nouvelle créature pour mon cours. C’est vrai que tu n’es pas au courant, vu que ça fait un moment qu’on ne c’est pas vu, mais je suis devenu professeur de Soin aux créatures magique à Poudlard.
Je n’avais plus eu de nouvelle de cette dernière depuis notre dernière journée ensemble en Amérique. Nous étions tout deux parties de notre côté en se disant au revoir. Je devais remonter vers le Canada avant de rentrer chez moi. Enfin restons dans le présent, plutôt que de repartir dans le passé. Nous avançâmes tranquillement quand soudain je vis mon ancienne disciple se figer net. Je m’arrêtais et la regardais étrangement. Elle semblait fixer quelqu’un qui arrivait. Je tournais la tête vers un homme assez imposant, mais je n’eu pas le temps de demander quelque chose à Marilyn qu’elle me prit par le bras et m’emmena vers l’allée des embrumes. Je pu ainsi donc remarquer dans notre course improviser qu’elle avait la lèvre fortement amochée. Etais-ce cet homme qui lui avait fait cela ? J’allais avoir mes réponses qu’elle le veuille ou non. Une fois stoppé dans une ruelle sombre je relâchais l’étreinte de sa main sur mon bras et attrapa son visage et examina en détail la lèvre. Elle était fortement fendue. Regardant toujours la lèvre, mais ayant relâché sa tête je lui demandais :
- C’est l’autre costaud qui t’a fait ça ?
Je la fixais droit dans les yeux pour voir si elle allait me mentir ou non. Je n’étais pas prêt à lâcher le morceau avant qu’elle ne me dise la vérité. Puis je me reculais et avançais vers le dehors de la ruelle pour voir si l’homme que connaissait Marilyn allait arriver dans notre direction. En regardant je le vis qu’il avançait sans vergogne de droite à gauche en s’éloignant de notre position. Je me retournais, bras croisés vers Marilyn et lui disais d’une voix sérieuse, comme quand je lui disais qu’elle faisait les choses mal avec les dragons :
- Comment ça c’est passé ? Comment tu as reçu cette blessure ? Et d’autre j’imagine.
All you have is your fire Edelweiss Blackmoth & Teruki B. Tsuki
Les dents serrées, Edelweiss fixait sans ciller sa répugnante tentation qui foulait les dalles humides d’une démarche à la virilité surjouée. Son pas était quelque peu de travers, comme s’il tentait d’ignorer une foulure ou toute autre blessure à la jambe. Acculée au mur, le visage tourné vers la rue, sa joue paraissait engourdie contre la pierre froide ; et à ses yeux, l’air tremblait en de petites ondulations comme si elle regardait la scène au-dessus de flammes dansantes.
Il l’avait cherchée. Hier soir. Elle s’en souvenait malgré les anneaux de brumes spiritueuses lui enrubannant la mémoire ici et là. Les verres avaient volé à la Tête de Sanglier, et leurs débris acérés brillaient à la lumière orangée, réfléchissant le démêlé qui s’en était suivi. Comme dans un kaléidoscope défaillant. Les quelques bougies à moitié consumées, disséminées dans le pub, pleuraient alors des larmes de cire qui allaient s’écraser sur le plancher dans un bruit sourd et morbide. Rappelant le son de gouttes à la robe plus sombre, et qui ne séchaient pas aussi vite que la cire. Non, bien au contraire. Le sang façonnait son chemin, aussi loin que possible, et il n’était pas aisé d’en chasser l’odeur métallique.
Les yeux dans le vide, blême et comme prise d’une fièvre froide, la jeune Autrichienne entendait encore, provoqué par une bise, le grincement du grillage noir et rouillé. Le crissement des graviers jalonnant les allées menant aux tombes poussiéreuses et parfois oubliées. Et inconsciemment, elle écoutait. Elle écoutait la mélopée des larmes de cire. Des larmes de sang. Courbée au bar, le visage grimaçant sous le whiskey pur feu avalé d’un trait et lui brûlant les entrailles, elle encaissait comme elle pouvait. Si seulement la tombe de Paul pouvait être oubliée. Si seulement elle pouvait tout effacer de sa mémoire. Cependant, rien ne semblait lui faciliter la tâche. Non seulement elle supportait anormalement bien le feu de l’alcool et n’était donc pas aisément complètement saoul ; mais son esprit étant vraisemblablement allié à son corps, sa pensée ne se laissait nullement dompter et l’attirait, perfide, vers le cercle dont la terre charbonneuse était griffée de son nom. Elle enrageait de son impuissance face au deuil agonisant encore après toutes ces semaines. Elle voulait le faire disparaître, l’écraser au creux de ses phalanges et en jeter à jamais la charpie. A jamais.
Ce fut, perdue en elle sur cette terre vibrante de vers blancs, et gorgée ad nauseam de sang bouillonnant, qu’elle avait été dérangée par cet homme. Ses traits grossiers avaient craché le même registre de paroles. Il l’avait répugnée dès qu’il avait ouvert la bouche, et elle lui avait ordonné sans politesse de dégager. Seulement, la pogne de l’importun s’était resserrer avec colère sur le bras de la sorcière, qui pressentant les ennuis, avait asséné sans réfléchir un coup pied dans l’entrejambe de son assaillant, qui la relâcha. A peine remis, elle avait été surprise par une gifle violente en plein visage qui l’avait faite heurter le sol avec dureté. Les oreilles sifflantes et les gestes alourdis par l’étourdissement, elle ne pouvait dire si sa lèvre fendue était fruit de la gifle ou de la chute. Peu importe. La suite ne fut qu’une sérénade de verre crissant sous les pas, et de cris barbares. D’autres s’étaient joints aux réjouissances et cédaient au plaisir pur de semer le chaos. Et elle avait frappé et reçu. Elle avait cogné jusqu’à en avoir les poings violacés. Jusqu’à n’en plus pouvoir. Jusqu’à ne plus se souvenir.
Ainsi, voir cette ordure vagabonder dans cette rue, réveillait un démon en elle. Son souvenir était rattaché à ce délicieux sentiment de perdre l’équilibre, et laisser quelque chose d’autre prendre la relève en elle. C’était bien au-dessus de l’enivrement que provoquait l’alcool. Et bien qu’elle n’ait que peu de considération pour elle-même, son orgueil n’avait pu s’empêcher d’être éraflé par le cuisant manque de respect qu’il avait eu à son égard. Une pauvre revanche prenait sans doute une place infime dans le désir de lui sauter à la gorge. Et à cet instant, l’envie qu’il la découvre là, se présenta à elle comme sortie de derrière l’angle du mur. Juste devant elle, un horrible sourire narquois dévoilant d’infinies rangées de dents aussi effilées qu’inhumaines. En pleine figure, cette même envie lui insuffla un souffle sulfureux mais chaud qui lui souleva le cœur. L’ombre de la ruelle tombait sur ses traits comme un masque horrifiant, et elle ne ressentait plus aucune douleur. Comme si elle avait tout oublier. Même la présence de Teruki.
Et alors que le fumet de la chair déjà travaillée envahissait ses sens à mesure que la tentation approchait, deux mains vinrent se poser sur ses joues, l’arrachant à ses mauvaises contemplations. Son instinct premier fut d’agripper les avant-bras de son ami, afin de le repousser sans ménagement. Toutefois, il reculait déjà, le regard rivé sur sa bouche blessée. « C’est l’autre costaud qui t’a fait ça ? » Elle ne répondit pas tout de suite, de nouveau tournée, avide, vers la rue humide et inondée de lumière. Il avait disparu. Éblouie, elle se détourna. Bien que le danger de perdre le masque soit écarté, un sentiment de guerre perdue fit déserter toute sensation en elle, la laissant comme engourdie. C’était un soulagement égal à une déception vertigineuse. Une chape de plomb parut instantanément lui tomber dessus, alors que le mal se souvint qu’il devait reprendre sa place sous son front, et se glissa également à nouveau dans la crevasse de sa lèvre meurtrie.
Libérée et battue, elle se courba, les mains sur les genoux. Ses doigts agrippés au tissu de son pantalon trahissaient un reste de frustration mêlée, peut-être, à de la rage. Le souffle pauvre, elle attendit de se sentir un peu mieux avant de s’affaisser de nouveau contre le mur, et ainsi faire face à son ancien maître. Son regard était sévère, et attendait ses explications, solidement campé sur ses pieds. Sa joue fourmillait, et elle y porta des doigts dont elle s’efforça de dissimuler un léger tremblement. «C’était… », elle s’éclaircit la gorge. Sa voix était éraillée comme si elle n’avait pas parlé depuis des jours. « C’était hier soir, il y a eu une bagarre dans un bar et disons que je me suis retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Rien de plus. » Elle tenta un maigre sourire qui se voulait rassurant, mais ne fut pas certaine du résultat face à la mine sceptique de Teruki. Excédée, elle laissa retomber sa main à son côté et désigna sa lèvre d’un geste résolu à mettre un terme à la conversation. « C’était juste un accident, d’accord ? » Son ton avait été rêche et elle le regretta instantanément. « Écoute, commença-t-elle plus calme, je ne voulais pas le recroiser parce que je n’avais pas envie de remuer le couteau dans la plaie, c’est tout. »
J’en crevais d’envie.
Elle lui mentait avec une commode facilité. Pourtant, ce n’était pas le mensonge qui aiguillonnait sa culpabilité, mais cet emportement de rage qu’elle avait eu à son encontre lorsqu’il avait pris son visage entre ses mains pour l’examiner. Ses ongles avaient été prêts à lui lacérer la chair, et ses muscles bandés, prêts à le rejeter contre le mur opposé. Elle l’avait ressentie. Cette violente insanité qui lui avait brûlée les yeux pendant un instant, avant de se résorber sous sa peau, la laissant pantoise. À présent, sous ce regard quelque peu paternaliste, elle ne put que ressentir un élan d’affection pour cet ami retrouvé. Un franc sourire étira prudemment ses lèvres. « Mais je n’ai pas très envie d’en parler. C’est passé maintenant, aucune raison d’en parler. », déclara-t-elle. Puis tournant le dos à la rue illuminée, elle se dirigea vers l’allée des embrumes d’un pas qu’elle efforçait d’être moins chancelant. « Viens, dit-elle par-dessus son épaule, si tu veux de la matière pour ton cours, la boutique où je vais est parfaite. »
Malgré le fait que son attention avait totalement été absorbée durant ses explications, le mot « cours » lui était resté, et fournit une excuse valable afin de ne pas se séparer trop tôt. Elle l’appréciait, et ne pouvait se résoudre à le laisser sans s’être acquittée de ce mauvais sentiment qui l’avait saisie ; et qui aurait pu détruire l’une des seules relations saines que la jeune femme pouvait prétendre posséder.