Décembre 1978, maison familial.
Cela allait bientôt faire dix-sept ans depuis le moment où, asphyxiée par l'odeur pestilentiel de cette clinique privée moldue, j'avais poussé mon tout premier cri. Née trop tôt et beaucoup trop vite, ces dix-sept années vont être marquée par cette caractéristique, une hyperactivité, toujours en mouvement, je ne cessais de m'écorcher les genoux à crapahuter avec mon grand frère parmi les champs, à la recherche d'un Graal.
Ma famille a tout ce qu'il y a de plus normal, un père protecteur travaillant dur pour le confort de sa famille, une mère aimante véritable fée du logis, deux bambins polis, bien que remuants, grandissant avec joie dans une maison pavillonnaire avec jardin où trône la niche d'un berger allemand nommé Gibus. Rien ne laissait envisager que la gamine toujours collée aux basques de mon frère était un être pourvue de magie, des étincelles aux bouts des doigts mais également dans ses grands yeux bleus rieurs. Mes parents s'émerveillant devant mon habilité à se faufiler en dehors de mon berceau « par magie » ainsi que sa tendance à toujours finir coincée sur le toit du garage, l'échelle toujours étendue sur le gravillon de l'allée. Une sacrée casse-cou, bornée et vivant dans son propre monde, parlant à ses créatures imaginaires. Malgré un début plutôt difficile dans le monde écolier, j'ai prouvé très vite ses capacités à analyser les choses avec rapidité ainsi qu'une très grande mémoire. Une élève douée, une enfant rieuse bien qu'exceptionnellement émotive, passant du rire aux larmes en un quart de seconde. Davantage touchée par les petits malheurs de chacun, je montrais déjà ma singularité.
Tante Nadine avait toujours été étrange, dans le bon sens du terme. S'enroulant de châle, toujours parfumée à l'encens, se maquillant d'un grand trait de crayon marron sous les yeux qui donnait l'illusion de lourdes cernes, elle s'amusait avec les tarots. J'ai très tôt sentie qu'elle était comme moi, ailleurs, déconnecté du monde réel et ennuyeux de mes parents. Elle riait toujours de mes aventures « extraordinaires », savait-elle déjà que j'étais moi aussi une sorcière ? Sûrement. Une née-moldue, sœur aînée de ma mère qui détenait un don de voyance. « Tu n'auras qu'un seul grand amour … » Ces mots sont depuis mes douze ans gravés dans ma tête, comme une poisse m’empêchant de me dévouer corps et âme à la recherche d'un quelconque petit-copain. Je l’attends de peur de me tromper … Maman n'avait jamais imaginé jusqu'à l'arrivée de la fameuse Lettre que sa propre fille soit de la même graine que sa sœur. C'est elle qui m'accompagna lors de mes achats ainsi qu'à la gare. Véritable marraine, une bonne fée en quelque sorte. Elle aiguilla mon ciel de son aura, je pris de fascination pour elle et pour ce nouveau monde qui s'ouvrait à moi, régalant mon imagination.
Un bruit de vaisselles brisées me fit sortir de ma rêverie, je relevai la tête de ma tasse de thé et constata que Maman avait cassé son plus beau service en porcelaine, celui que Grand-mère lui avait légué. En pleurs, elle commença à se traiter de tous les noms. D'un coup de baguette, la vaisselle fût comme neuf, je la dirigeai vers la table et celle-ci se mit en place entre les bougies, les verres et les couverts. M'approchant de Maman, je la prie dans mes bras, tentant de la consoler.
« Ce n'est pas grave voyons, ne te met pas dans un état pareil » . Elle me repoussa et s'activa autour de l’évier où les légumes pataugeaient.
« Ce n'est pas grave tant que tu es là … que dois-tu penser de ta pauvre mère? Incapable de mettre la vaisselle sans la casser. Incapable de faire toutes tes prouesses … Comme tu dois avoir honte de moi ! » Je lui faisais face, le visage impassible, j’essayais de lui sourire, mais je crois que ce fut une grimace qui s’affichât sur mon visage. Je n'avais pas honte d'eux, mais leur ignorance m’insupportait. « Comment tu fais ça ? Et pourquoi ça ? C'est qui ? . Je n'aimais pas leur raconter, leur expliquer, j'avais toujours cette impression de perdre mon temps, une sorte d'énervement, un dédain à leur égard. Je perdais toute patience avec eux.
« Je … mais non. Qu'est-ce que tu vas imaginer ? » Maman haussa les épaules et repris sa tambouille. Me laissant à nouveau dans le vague de ma pensée. Je n'avais jamais invité aucun de mes amis sorciers à la maison, trouvant le prétexte de les inviter chez ma Tante. Elle devait comprendre ma gène, mon sentiment d'infériorité mais je sentais à son regard qu'elle ne jugeait pas bon de nier ainsi l'existence de mes propres parents.